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: Le “ je ” de la machine et la double hypothèse de Turing

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 177-188)

I Le “ je ” de  la machine et l’hypothèse  de la victoire  d’une machine au jeu de l’imitation.

De   ce   qu’il   n’y   a   pas   de   référence   partagée   entre   la   machine   du   jeu   et   ses interlocuteurs, ne devrions­nous pas tirer la conséquence que A et B, d’une part, C d’autre part, ne “ parleront ” jamais de la même chose ? Auquel cas, A sera, sans doute, d’autant mieux à même de distinguer B de C que la différence existant entre lui­même et B, d’un côté, et C de l’autre, tendra à être accentuée par le comportement de B, qui, on le sait, a pour rôle dans le jeu d’aider A. La machine aura alors très peu de chances de l’emporter, et, en tout état de cause, moins de chances que ses adversaires. C’est pourquoi nous ne pouvons retenir une telle interprétation des conséquences de l’argument de Putnam sur le test de Turing : elle contredirait l’hypothèse même de la victoire possible de la machine au jeu de l’imitation, hypothèse admise par Putnam.

En vérité, dans le cadre de l’argument de celui­ci, la machine “ parlera ” de ce dont ses programmeurs lui auront fourni une référence dérivée. Pour que l’examinateur A puisse, alors, distinguer son partenaire humain B de la machine C, il lui faudrait pouvoir confronter celle­ci aux objets du monde auquel lui­même et B appartiennent, objets auxquels les termes que la

machine utilise ne font référence que de manière indirecte, “ dans l’image ”, pour reprendre l’expression de Putnam. En un mot, l’examinateur A devrait pouvoir faire appel à ce que Putnam nomme des “ transactions non verbales ” avec le monde extérieur. Or, les règles du jeu de l’imitation le lui interdisent. Par là­même, ne devons­nous pas considérer que le jeu de l’imitation est conçu par Turing de telle sorte que l’homme, en ce qui concerne la référence, s’y trouve placé, par convention, dans la même situation que la machine ? Autrement dit, s’il y a échange entre les protagonistes du jeu, si une “ conversation ” a lieu entre eux, n’est­ce pas que tout se passe comme s’ils appartenaient tous trois, non au monde des êtres humains, mais à celui de la machine, dans lequel, pour A et B, il n’y aura plus, comme pour C, de référence qu’indirecte ?   Au   cours   du   jeu,   A,   B   et   C   partageraient,   sans   doute,   artificiellement,   la référence, mais celle­ci ne serait pas la référence naturelle du discours de A et B.

Certes, dans ce contexte, l’hypothèse de la victoire de la machine au jeu de l’imitation, telle qu’elle est formulée par Turing, resterait valide, mais elle ne saurait être interprétée comme le signe que la machine “ pense ”, au sens humain du terme. La victoire de la machine au jeu ne prouverait pas qu’elle se comporte comme un homme aux yeux d’un autre homme, mais plutôt que l’homme, lorsqu’il se comporte lui­même comme une machine, ne peut plus distinguer entre un homme et une machine, parce qu’il se prive, alors, de cela même qui le distingue de la machine : la manière dont il fait référence, à partir des “ transactions non verbales ” qu’il entretient avec son environnement. Le test de Turing, en somme, mettrait en scène, plutôt qu’une simulation par la machine du comportement d’un individu humain, la simulation par des individus humains du comportement d’une machine…

Une telle interprétation, cependant, ne tient pas compte de l’une des particularités du test de Turing, précisément mise en évidence par le parallèle qu’il est permis de faire entre la situation de la machine C et celle des “ cerveaux dans une cuve ”. Comme on l’a vu, le but assigné à la machine dans le cadre du jeu de l’imitation consiste  à simuler une série de comportements particuliers lui permettant de l’emporter lors de “ tests partiels ” de Turing ; en d’autres termes, la machine qui l’emportera au jeu de l’imitation tiendra différents discours pouvant signifier : “ je suis un homme ”, de telle sorte qu’elle soit crue par A. La question sous­jacente, ici, est celle du statut du “ je ” énoncé par la machine, de même que la question posée par le discours des “ cerveaux dans une cuve ” est celle du statut du “ je ” énoncé par ces cerveaux.

Le Cogito comme performance

On ne peut manquer, en effet, de noter que la particularité de la question “ sommes­

nous des cerveaux dans une cuve ? ” rapproche l’argument de Putnam du  Cogito  cartésien.

Poser la question : “ suis­je un cerveau dans une cuve ? ” implique que je ne sois pas un cerveau dans une cuve, de la même façon que dire “ je doute que je sois ”, ou poser la question “ est­ce que je suis ? ” implique que je sois.

Comme nous avons eu l’occasion de le noter précédemment322, le problème posé par le Cogito consiste à déterminer si la formule “ je pense, donc je suis ” doit être tenue, ainsi que sa forme semble l’indiquer, pour une inférence. Rappelons que, du vivant même de Descartes, Gassendi avait opposé à celui­ci le fait que la formule du Cogito était un enthymème, c’est­à­

dire un syllogisme dont une prémisse est sous­entendue ; la formule complète aurait du être, selon Gassendi : “ tout ce qui pense existe, or, je pense, donc j’existe ”. Hormis le fait que, aux   yeux   de   Gassendi,   la   prémisse   manquante   constituait,   chez   Descartes,   un   préjugé, puisqu’elle échappait au doute, il résultait de là un double problème : si le  Cogito  est un syllogisme, la conclusion “ je suis ” ou “ j’existe ” est tirée de la majeure “ tout ce qui pense est ” et de la mineure “ je pense ”, en tant que celle­ci attribue une propriété, en l’occurrence la pensée, au sujet ; or, la nature de l’attribut n’est pas, en ce sens, déterminante : la formule

“ pour se promener il faut être ; je me promène, donc je suis ” ­ “ ambulo, ergo sum ” ­ aurait la même valeur que la formule “ je pense, donc je suis ” ­ “ cogito, ergo sum ”.

D’autre part, les scolastiques avaient établi que l’existence ne peut être prédiquée d’un sujet ; la prémisse “ tout ce qui pense est ” a valeur universelle, et suppose l’existence de son sujet, c’est­à­dire l’existence d’au moins une chose qui la vérifie. Pour pouvoir affirmer “ tout ce qui pense existe ”, je dois déjà savoir que quelque chose pense et par là existe ; la formule

“ je pense ” est donc déjà une affirmation d’existence et il y a pétition de principe.

On a fait remarquer323 qu’il existait une solution consistant à transformer la proposition universelle “ tout ce qui pense est ”, en conditionnelle universelle : “ si une chose pense, alors elle est ” ; il n’y a plus dans ce cas d’engagement existentiel dans la majeure du syllogisme, et la pétition de principe est levée. Cependant, il reste que l’existence ne peut être prédiquée

322 Voir plus haut, 3e partie, chapitre I.

323 Voir : Denis Vernant, Introduction à la philosophie de la logique, ch. 6, D, “ Le Cogito : vérité pragmatique ”, Bruxelles, Pierre Mardaga, éditeur, 1986.

d’un sujet, et que, par conséquent, tout ce qui peut être déduit du “ je pense ”, c’est non pas que moi, j’existe, mais que quelque chose existe. Même si l’on considérait le Cogito comme un enthymème dont la prémisse sous entendue serait la conditionnelle “ si une chose pense, alors elle existe ”, la formule cartésienne ne serait pas juste et devrait être remplacée par : “ il y a un quelque chose qui pense, et donc qui existe ”.

On a souvent relevé que les textes de Descartes ne contribuaient pas toujours à rendre la question plus claire ; il arrive en effet à Descartes de s’exprimer comme s’il tenait le Cogito pour un raisonnement324. Cependant, la difficulté ne lui avait pas échappé puisqu’il répondait à Gassendi que l’argument  du  Cogito  ne doit  pas  être considéré comme un syllogisme,  la proposition “ tout ce qui pense est ” étant “ une chose connue de soi ”325, c’est­à­dire une

“ vérité première ”.

La   racine   du   problème   réside,   en   vérité,   dans   l’usage   du   pronom   personnel   à   la première personne ; c’est du “ je ” en tant que tel que l’inférence logique ne rend pas compte, dans la mesure, on l’a vu, où l’existence ne peut être prédiquée d’un sujet. Le problème a été repris   sous   cet   angle   par   Jaakko   Hintikka   dans   un   article   célèbre :   “ Cogito   ergo   sum : inférence ou performance ? ”326. Hintikka fait remarquer que “ les formulations de l’argument du Cogito auxquelles Descartes apporta le plus de soin, notamment dans les Meditationes de prima philosophia, semblent présupposer une interprétation différente de l’argument [NB : différente d’une inférence] ”327. Ces formulations indiquent, en effet, précise Hintikka, que l’argument reposait aux yeux de Descartes sur cela qu’il ne pouvait nier sa propre existence ; Descartes   ne   pouvait   dire :   “ Descartes   n’existe   pas ”.   Une   telle   formule,   ou   une   autre équivalente, telle que la phrase : “ De Gaulle n’existe pas ”, prononcée par De Gaulle lui­

même, est auto­contradictoire, puisque Descartes ou De Gaulle, s’ils la prononcent, attestent, par cela même, leur existence. Or, fait remarquer Hintikka, l’inconsistance de la formule “ De

324 La formule même du Discours l’atteste : “ [Voyant] que... de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j’étais... ” (René Descartes, Discours de la méthode, Œuvres philosophiques, I, op.

cit., p. 604). Voir à ce sujet : Martial Guéroult, “ Le Cogito et la notion ‘Pour penser, il faut être’ ”, Travaux du IXe Congrès International de Philosophie (Congrès Descartes), Paris, 1937 ; réédité comme premier appendice à Descartes selon l’ordre des raisons, Paris, Aubier, 1953, vol. 2, p. 307-312.

325 René Descartes, “ Réponses aux secondes objections ”, Oeuvres philosophiques, II, op. cit., p. 565.

326 Jaakko Hintikka, “ Cogito ergo sum : inférence ou performance ? ”, Philosophical Review, LXXI, 1962. Trad. de P. Le Quellec-Wolff.

327 Ibid., p. 28.

Gaulle n’existe pas ”, lorsqu’elle est prononcée par De Gaulle, n’affecte pas la phrase elle­

même “ De Gaulle n’existe pas ” ; énoncée par nous aujourd’hui, cette phrase est parfaitement consistante, de même que la phrase : “ Descartes n’existe pas ”. Aucune de ces phrases 

« n’est fausse pour des raisons logiques simplement. Ce qui serait (existentiellement) inconsistant serait la tentative faite par un certain homme (De Gaulle, Descartes...) d’utiliser une de ces phrases pour produire un énoncé. Proférées par quelqu’un d’autre, les phrases en question ne renferment pas nécessairement quelque chose de faux ou même d’étrange en elles-mêmes. »328

L’inconsistance est  existentielle, et ne peut affecter que  l’énoncé  de la phrase. En d’autres termes, ce qui rend de telles phrases inconsistantes, c’est l’acte auquel elles renvoient lorsque le sujet de cet acte est le sujet de la phrase elle­même329.

L’énoncé, pour le linguiste, suppose un contexte. C’est là ce qui le différencie de la phrase330. Un énoncé met en scène, en un temps et un lieu déterminés, un locuteur s’adressant à un allocutaire. Hintikka fait remarquer, à ce propos, que

« normalement, un locuteur souhaite que son allocutaire croie ce qu’il dit. La totalité du ‘ jeu de langage ’ d’un discours qui vise à établir un fait est fondée sur l’assomption que c’est habituellement le cas. Mais personne ne peut, en le lui disant, faire croire à son allocutaire qu’il n’existe pas : une telle tentative est de nature à avoir le résultat contraire. »331

328

Ibid., p. 30.

329 J. Hintikka signale que Martial Guéroult avait déjà noté cela : “ M. Guéroult a une nouvelle fois localisé avec précision la source du problème en attirant notre attention sur les particularités de cette relation. Il s’est rendu compte que le dictum de Descartes n’exprime pas simplement une relation logique entre penser et exister, mais qu’il est associé à un ‘ fait ’ ou ‘ acte ’ additionnel (‘ le fait ou l’acte ’, ‘ le fait brut de l’existence donnée ’), qui est simplement ce dont j’ai besoin pour prouver la certitude de mon existence... Voyez le Descartes de Guéroult, vol. 2, p. 310. ” Ibid., p. 34 (“ ... existe-t-il une pensée et un être ? Avant le Cogito, je l’ignore. Ce qu’il y a de sûr, c’est que s’il existe une droite, il existe nécessairement une ligne, et que s’il existe une pensée, il y a nécessairement de l’être. Mais cette existence, il faut, en ce qui concerne l’étendue, qu’elle me soit garantie, et en ce qui concerne la pensée, qu’elle me soit donnée, et ici rien ne peut suppléer au fait ou à l’acte qui me la donne. ”. Martial Guéroult, Descartes selon l’ordre des raisons, op. cit., p. 310).

330 Georges Mounin, dans son Dictionnaire de la linguistique le définit comme “ tout segment de la chaîne parlée, compris entre deux interruptions nées soit du silence, soit du changement de locuteur, et qui n’a pas encore été identifié ou analysé en phrases.

Chez Chomsky, glosé par Ruwet, ‘ la phrase relève de la compétence [la langue chez Saussure] et l’énoncé de la performance [ou la parole] ’ ”. Georges Mounin, Dictionnaire de linguistique, Paris, PUF, 1993, p. 125.

331 Jaakko Hintikka, op. cit., p. 31.

Le  Cogito  ne devrait donc pas être considéré tant comme une inférence que comme une performance : tentant, par le doute, de se faire croire à lui­même qu’il n’existe pas, Descartes échoue. Le verbe “ exister ” ne peut être énoncé négativement à la première personne. Or, si les énoncés inconsistants existentiellement s’annulent, leur négation se vérifie : si l’énoncé

“ je n’existe pas ” est auto­contradictoire, par là même, l’énoncé “ j’existe ” est consistant existentiellement332. Dès lors, la raison pour laquelle la formule “ Ambulo ergo sum ” n’est pas équivalente à la formule “ Cogito ergo sum ” s’éclaire. Le terme “ ambulo ” ne peut pas être tenu pour indubitable, puisque le doute porte d’abord sur le corps. Il n’en est pas de même de  “ cogito ” ;   l’indubitabilité   de   “ cogito ”   “ résulte   d’un  acte   de   penser,  à   savoir   d’une tentative pour penser le contraire ”333. C’est pourquoi le terme “ cogito ” ne peut être remplacé par aucun autre dans l’énoncé de la formule cartésienne, pas même par un terme renvoyant à un mode quelconque de la substance pensante, tel qu’“ imaginare ” par exemple, ou encore

“ volere ”, car il “ sert à exprimer le caractère performatoire de ce que Descartes a en vue : il désigne la ‘ performance ’ (l’acte de penser) au travers de laquelle on peut dire que la phrase

‘ j’existe ’   se   vérifie   elle­même ”334.   On   voit   ainsi   que   l’énoncé   “ je   pense ”   implique l’existence, de même que l’énoncé “ je suis ”, dans la phrase “ est­ce que je suis ? ”, implique la pensée.

La machine victorieuse au jeu de l’imitation et la consistance existentielle

Un cerveau, dans une cuve ou dans un corps, peut­il “ se faire croire à lui­même ” qu’il est dans une cuve ? Un cerveau dans une cuve ne peut dire qu’il est un cerveau dans une cuve en anglais, mais seulement en “ anglais cuvien ”, situation qui équivaut, pour un cerveau

“ dans un corps ”, à dire qu’il est un cerveau dans un corps. Sous un certain angle, l’un des aspects de la question consiste à se demander si un cerveau, dans une cuve ou dans un corps, peut se faire croire à lui­même qu’il n’est pas un “ vrai ” cerveau ­ c’est­à­dire ce qu’il entend lui­même par “ vrai ” cerveau. Certes, la référence des termes utilisés par les deux cerveaux –

332 “ Il me semble que l’interprétation la plus intéressante que l’on puisse en donner [NB du Cogito] est de dire que Descartes s’est rendu compte, un peu confusément toutefois, de l’inconsistance existentielle de la phrase ‘ je n’existe pas ’, et, par conséquent, de l’auto-vérifiabilité existentielle de ‘ j’existe ’. ”, ibid., p. 34.

333 Ibid.

334 Ibid., p. 35.

celui qui est dans une cuve et celui qui est “ dans un corps ” ­ ne peut être la même, puisqu’ils appartiennent à des mondes différents ; ces cerveaux, pourtant, partagent quelque chose, à savoir la “ consistance existentielle ”. Qu’il s’agisse de l’énoncé du cerveau “ dans une cuve ” ou de celui du cerveau “ dans un corps ”, les termes “ je ” et “ cerveau ” renvoient à un quelque chose qui dit “ je ”. Si je dis que je ne suis pas un “ vrai ” cerveau, alors je suis un cerveau – ou ce que je considère comme un “ vrai ” cerveau. Le cerveau qui énonce “ je suis un cerveau dans une cuve ” ne peut douter qu’il soit un quelque chose qui dit “ je ” ­ en l’occurrence ce qu’il appelle un cerveau –car un tel doute serait nécessairement, au sens de la consistance existentielle, l’acte d’un “ je ” ­ d’un cerveau disant “ je ” ­ situé dans un monde échappant au doute.

S’agissant de la machine victorieuse au jeu de l’imitation, nous voyons alors que le

“ discours ” qu’elle tient face à ses adversaires, discours exprimant de différentes manières

“ je suis un homme ”, signifie quelque chose comme : “ je dis que je suis cela que je ne suis pas ”.   Or,   le   “ je ”   qui   figure   dans   cette   proposition   est   consistant   existentiellement :   la machine ne peut “ se faire croire à elle­même ” qu’elle n’est pas ce qui dit qu’il est ce qu’il n’est pas. Pour tromper A, la machine simulera la capacité à dire : “ je suis cela qui dit qu’il est ce qu’il dit qu’il est ”, sachant que le “ je ” du “ je suis ”, ici, définit “ cela qui dit qu’il est ce qu’il n’est pas ”. En vertu même de l’argument de Putnam, la machine qui énonce : “ je suis un homme ” et parvient à en convaincre A, dit en vérité : “ je suis cela qui dit qu’il est ce qu’il dit qu’il est, à savoir cela qui dit qu’il est ce qu’il n’est pas ”. Bref, il ressort de la discussion  menée  par  Turing   que  la  machine   victorieuse  au  jeu   de  l’imitation   simule  la

“ performance ”   de   A   et   de   B   disant   “ je ”.   Or,   la   simulation   de   la   performance   est   en l’occurrence la reproduction de celle­ci : la simulation de la performance de A et B énonçant

“ je ” est la performance de la machine elle­même, et le “ je ” de la machine aura, par là, sinon la même référence, du moins le même statut – fondé sur la “ consistance existentielle ” ­ que celui de A et B. 

La machine victorieuse au jeu de l’imitation est donc en mesure, quoique sa victoire ne nécessite   pas   que   nous   lui   supposions   un   “ corps ”,   de   se   comporter   en   locuteur   ou   en allocutaire. Tout se passe comme si elle disposait, sinon d’un “ corps ”, au sens biologico­

fonctionnel du terme, du moins du support non verbal nécessaire à toute communication. La capacité de la machine C à tromper A au cours du jeu de l’imitation, sa capacité à entrer dans

un processus de communication verbale, repose sur cela que la simulation même qu’elle effectue, constitue, en tant qu’elle est sa performance, une manipulation “ non verbale ” de l’énonciation. 

Enfin, c’est parce que l’examinateur est contraint par le processus d’énonciation dans lequel il est engagé avec son partenaire humain et son adversaire mécanique d’accorder le même statut aux “ je ” de ceux­ci qu’au sien propre, que la machine l’emporte. La victoire de la machine est en définitive rendue possible par le fait que la situation créée par le jeu est telle que l’examinateur doit prêter aux autres protagonistes du jeu la consistance existentielle. La consistance même du “ je ” de l’examinateur s’exprime à travers le postulat de la consistance du “ je ” de l’entité avec laquelle il communique. Sous peine de ne pouvoir s’exprimer lui­

Enfin, c’est parce que l’examinateur est contraint par le processus d’énonciation dans lequel il est engagé avec son partenaire humain et son adversaire mécanique d’accorder le même statut aux “ je ” de ceux­ci qu’au sien propre, que la machine l’emporte. La victoire de la machine est en définitive rendue possible par le fait que la situation créée par le jeu est telle que l’examinateur doit prêter aux autres protagonistes du jeu la consistance existentielle. La consistance même du “ je ” de l’examinateur s’exprime à travers le postulat de la consistance du “ je ” de l’entité avec laquelle il communique. Sous peine de ne pouvoir s’exprimer lui­

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