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3. Les techniques de recensement

3.1. Le dénombrement traditionnel

Le dénombrement est la plus ancienne méthode pour compter la population d'un pays. Il est généralement composé d'un questionnaire contenant une série de questions auxquelles la population de la zone étudiée doit répondre. Les questions posées concernent divers domaines, tels que la démographie, la géographie, l'économie, la formation, la mobilité, etc. En principe, le questionnaire contient les core topics, ou questions fondamentales définies par les Nations Unies, et les non-core topics définies selon les besoins et habitudes du pays. Il existe deux types de dénombrement, le direct et l'autodénombrement. Pour le premier type, « un agent recenseur est désigné pour effectuer ces opérations [recueillir des renseignements sur chaque personne et les reporter sur un questionnaire] dans un district déterminé pendant un laps de temps spécifié et généralement bref afin de satisfaire aux critères d'universalité et de simultanéité » (UN 2006 : 172). Dans le second cas, chaque individu répond personnellement aux questions durant une période déterminée. Par la suite, le questionnaire est soit collecté et vérifié par un agent recenseur, soit directement renvoyé par la poste à l'office des statistiques. Le type de questions posées lors du dénombrement influence la nécessité – ou non – d'avoir recours à un agent recenseur. Selon Desrosières (2004 : 8), lorsqu'il s'agit de questions d'opinion ou de questions factuelles (qui ne nécessitent pas de recherche particulière), « l’informateur d’origine est l’enquêté ». Par conséquent, ces situations ne demandent pas forcément l'intervention d'un recenseur. A ce type de questions s'opposent les « questions nécessitant l’aide de documents, administratifs

ou non (bulletins de paie, documents de sécurité sociale, ordonnances de médecin, factures, tickets de caisse...) » (DESROSIERE 2004 : 8). Dans ce cas, le recenseur est présent pour traduire les documents dans le langage du questionnaire. Selon les Nations Unies (2006 : 173) « le dénombrement direct est la seule méthode praticable lorsque la population est en grande partie illettrée ou que certains groupes se montrent réticents ou éprouvent des difficultés à remplir eux-mêmes les formulaires de recensement, mais il nécessite un énorme effectif d'agents recenseurs sur le terrain ». A l'inverse, l'autodénombrement a l'avantage d'être sensiblement moins coûteux, pour des résultats plus fiables. Ceci à condition que le niveau d'instruction de la population soit élevé. Il est à noter que lors d'un autodénombrement, l'envoi par la poste des questionnaires n'est possible que « s'il existe ou si l'on peut établir une liste d'adresses complète à jour » (UN 2006 : 173), ce qui n'est pas le cas dans tous les pays. Depuis plusieurs années, quelques nations proposent à leurs citoyens de remplir leur questionnaire par le biais d'Internet. Ainsi, lors du recensement de la population helvétique de 2000, 4% de la population a répondu au questionnaire en ligne plutôt qu'à sa version papier (UNECE 2008 : 10).

En plus du type, la durée du dénombrement peut influencer les résultats (UN 2006 : 174). Les Nations Unies préconisent de trouver une période durant laquelle les taux de réponse sont les plus élevés. Par conséquent, il faut éviter les saisons qui rendent inaccessibles certaines zones du pays, les périodes durant lesquelles les questionnés ne se trouvent pas dans leur domicile principal (saisonniers, vacanciers). Il faut également bannir les périodes agricoles, les temps de fêtes ou les périodes électorales (UN 2006 : 174). Pour finir, « un climat de stabilité et de sécurité sur le plan politique et social » (ibid) est un facteur essentiel pour assurer une participation libre et optimale de tous. Par la suite, lorsqu'une date s'est révélée satisfaisante, il est important de la conserver pour les recensements suivants, afin d'améliorer la comparabilité des données. La durée durant laquelle se déroule le dénombrement doit également être choisie avec soin. En effet, elle doit satisfaire, d'une part au critère de simultanéité (donc sur une période relativement courte pour éviter les double-comptages et les omissions) et d'autre part correspondre au budget à disposition (plus une période est courte, plus il est nécessaire d'engager des agents recenseurs).

3.1.1.Les avantages

Le principal avantage du recensement par dénombrement est son caractère exhaustif, puisqu'il est soumis à toute la population sur un court laps de temps. Cette « exhaustivité lui permet d'offrir une couverture statistique totale, allant du niveau le plus large (le pays) au plus local que sont la commune, le quartier ou même la zone de dénombrement et, finalement, le ménage (ou le logement) » (TABUTIN 2006 : 31). De plus, il offre la possibilité d'étudier des sous-groupes de population plus spécifiques, puisque toutes les personnes y ont été questionnées. Il représente également « une base primordiale de sondage pour toute enquête auprès de la population, dont seuls les quelques pays européens ayant un registre de population peuvent se passer. [Il est donc] un instrument indispensable à l'aménagement du territoire, à la gestion (publique ou privée) des affaires économiques et sociales, nationales ou locales » (ibid). Pour finir, il reste une démarche relativement souple dans laquelle il est possible d'intégrer les questions souhaitées. Il permet ainsi « de façonner précisément les questionnements en fonction des besoins » (DESROSIERE 2004 : 3). Cette souplesse mérite cependant d'être nuancée par les contraintes culturelles et organisationnelles qu’implique le dénombrement (formulation simple compréhensible et univoque, langue utilisée, respect des normes et des pratiques en vigueur).

3.1.2.Les inconvénients

Malgré ces qualités, le recensement de la population classique souffre de plusieurs lourdeurs évidentes telles que sa périodicité trop longue et son coût. « Population censuses are the largest statistical operation undertaken in the context of any official statistical system. They are also the most expensive one, and since census expenses are usually concentrated during a short period of time, census costs may appear to be greater than if they were spread over time » (UN 2008 : 38). En effet, « le recensement classique est l'opération de collecte la plus coûteuse de toutes. (...) Ce coût varie bien sur beaucoup d'un pays à l'autre » (TABUTIN 2006 : 31). Pour offrir un ordre d'idée, Eurostat (2004 : 72) a calculé le coût approximatif par personne des différents recensements de la vague des années 2000. Les résultats présentés varient de 0,30 € en Turquie à 11,20 € en Irlande ou 13,60 € en Suisse, ce qui représente, par exemple, des budgets pouvant aller jusqu'à plus de 360 millions d'euros pour l'Angleterre. Ces contraintes budgétaires sont en défaveur des organisateurs de recensements qui se voient obligés de diminuer leurs coûts tout en satisfaisant les demandes croissantes des utilisateurs des statistiques. Ces derniers dénoncent d’ailleurs une actualité très relative des données face à l'évolution rapide de la société : « les changements structurels de plus en plus rapides intervenus au cours des dernières années peuvent difficilement être appréhendés par un recensement traditionnel » (BEGEOT et EGGERICKX 1993 : 1711). A cette longue périodicité s'ajoutent encore les délais de publication : « Le problème est d'autant plus grave que les résultats, publiés plusieurs années après l'opération censitaire, sont généralement dépassés au moment où les utilisateurs potentiels et le public en ont connaissance » (ibid). L'infrastructure nécessaire à la réalisation d'un dénombrement traditionnel est également un des désavantages de cette méthode. En effet, il faut construire le questionnaire, le tester, engager et former des agents recenseurs, répartir les zones de comptage et coder les réponses obtenues, ceci sans compter les éventuelles enquêtes post-censitaires qui vérifient la qualité finale du recensement. La problématique de l'exactitude (oublis ou double-comptages) des données pose également problème. Bien que des enquêtes puissent calculer le taux d'erreurs des dénombrements, elles ne permettent cependant pas d'intervenir directement sur ceux-ci afin de les corriger.

A ces lourdeurs s'ajoutent, depuis quelques années, un autre problème : celui de la coopération du public. Selon Valente (2010 : 2), « il est essentiel pour la qualité des résultats que la population accepte massivement de répondre et des pays ont rencontré des difficultés croissantes dans ce domaine depuis quelque temps ». En effet, il semble que la population soit de plus en plus réticente à remplir de longs questionnaires ou à donner les renseignements souhaités, spécialement lorsque ceux-ci nécessitent de faire quelques recherches (par exemple le calcul des charges de chauffage) ou s'ils concernent des sujets délicats (revenu, vie privée). A ce propos Begeot et Eggerickx (1993) notent que plus un questionnaire est court, meilleure est son acceptation par la population. Cependant, la simplification du questionnaire diminue la quantité d'informations qu'il est possible de collecter et nuit à la qualité globale de l'opération.

3.1.3.Remise en question

Comme cela a déjà été présenté préalablement, ces différents inconvénients remettent progressivement en cause la manière traditionnelle de recenser la population d'un pays. Selon Findlay (1986 : 5), les principales critiques sont « the cost of data collection and processing, and the relative efficiency with which data-users' needs can be met by census information compared with alternative data sources ». Afin de trouver des solutions

adaptées, les pays échangent des informations à propos de leur situation. Calder (2012), dans sa réflexion sur les possibilités en matière de nouveau recensement pour l'Irlande du Nord, souligne l'importance de trois éléments : la précision (des résultats), la fréquence (de publication des données) et la géographie (le niveau de précision). De manière plus générale, les éléments à prendre en compte avant un changement de méthodes sont le coût et le bénéfice, la capacité de répondre aux exigences des utilisateurs, la faisabilité technique et juridique, les risques et l’opinion du public.

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