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Le couplage dans les lasers à boites quantiques

Chapitre 1 Contexte et état de l’art

1.3 Le couplage dans les lasers à boites quantiques

Nous avons déjà introduit la notion de couplage photonique dans les lasers à BQs, induit par l’élargissement homogène et pouvant impacter le comportement spectral du laser. En complément de ce couplage, il est nécessaire de prendre en considération le couplage électronique, susceptible de s’établir dans le plan entre BQs voisines, et pouvant également avoir des effets sur la stabilité modale du laser. Dans cette partie, nous expliquerons ce nouveau type de couplage, puis, nous détaillerons le couplage total dans un laser bi-fréquence à BQs, en s’appuyant sur des études expérimentales et théoriques.

1.3.1 Couplage électronique

Entre les nanostructures, il est nécessaire de différencier deux dimensions de couplage électronique : le couplage électronique latéral entre BQs du même plan que nous allons présenter, et le couplage vertical entre les plans de BQs empilés. Ce dernier ne sera pas présenté ici car il est considéré comme étant négligeable lorsque l’espaceur entre les plans de BQs est supérieur à 10 nm, ce qui est généralement le cas [103]. Le couplage électronique latéral dans les BQs InAs/InP(311)B a été notamment étudié au laboratoire au cours de la thèse de Charles Cornet, et ses résultats résumés ici peuvent être retrouvés dans les références [104]–[106]. Le couplage latéral est

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dépendant de la distance entre BQs, qui est étroitement liée à leur densité. Le couplage peut être direct, c’est-à-dire entre les états fondamentaux des BQs par effet tunnel. Il ne se produit qu’à très forte densité de BQs (forte proximité des BQs, distante de ~ 35 nm), typiquement à partir de 9 1010

cm-2, et est le couplage électronique dominant pour des densités supérieures à 1,6 1011 cm-2, qui par ailleurs sont difficilement atteignables dans ce système (et sur GaAs également). Pour des densités de 8 à 10 1010 cm-2, le couplage électronique dominant (le couplage direct est alors négligeable) est

le couplage entre les états excités des BQs. Ce couplage s’explique par deux mécanismes :

1. La redistribution thermique classique RT : un porteur sur l’état fondamental de boite

quantique peut être thermiquement excité vers la barrière (Q1,18), puis capturé par une autre

boite quantique. Le processus RT est fortement dépendant de la température.

2. La redistribution des charges par effet tunnel RC via le couplage inter-BQ assisté par la

couche de mouillage (WL – pour wetting layer). Dans ce cas, un porteur dans un état fondamental de boite quantique peut atteindre des niveaux d’énergie supérieurs. Ils passent dans une autre boite par effet tunnel à travers la barrière de potentiel.

Le principe du couplage électronique entre états excités est schématisé par la Figure 1.9, représentant les deux mécanismes de redistribution en compétition pour (a) des boites non couplées, et (b) des boites couplées latéralement. Le processus RC nécessite moins d’énergie (thermique) que

le processus RT et entraîne par conséquent une meilleure efficacité de redistribution des porteurs.

Pour des températures plutôt basses, entre 110 K et 180 K, le processus RT devient moins actif.

Figure 1.9 : Représentation schématique du diagramme en énergie de la bande de conduction pour (a) des BQs non-couplées (faible densité) et (b) des BQs couplées latéralement (forte densité). La densité de probabilité électronique associée à chaque niveau d’énergie est représentée en échelle de gris (blanc = 0 et noir = 1) [105], [106].

25 Cet effet de couplage latéral et donc de redistribution a un effet sur l’émission laser. Les résultats expérimentaux obtenus dans cette étude sur des lasers à BQs InAs/InP sont présentés à la Figure 1.10 : nous y retrouvons l’émission laser à 110 K (RT moins actif) pour des BQs en forte densité (8

1010 cm-2), et en faible densité (4 1010 cm-2). De manière analogue aux résultats présentés auparavant, on retrouve ici la signature caractéristique des lasers à BQs à basse température, pour laquelle le couplage photonique est négligeable, et conséquemment, la largeur de raie du laser est très large. En particulier, la largeur de raie de l’émission laser avec des BQs à forte densité est 2,4 fois plus faible. L’interprétation de l’évolution des largeurs de raie de l’émission laser est la suivante : à faible densité (RC faible), la redistribution des porteurs n’existe pas, ou est très peu

efficace, ainsi toutes les boites quantiques de l’échantillon participent à l’émission laser indépendamment, et la largeur du spectre d’émission laser se rapproche de la largeur inhomogène [92], [107]. Au contraire en cas de forte densité (RC fort), la redistribution est efficace, alors tous les

porteurs se redistribuent préférentiellement vers une famille de boites quantiques sur laquelle le gain sera maximal. Dans ce cas, la largeur du spectre d’émission laser se trouve réduite en comparaison du cas précédent.

Figure 1.10 : Emissions lasers mesurées à 110 K pour des échantillons à faible (courbe verte) et forte (courbe noire) densité de BQs. L’encart est l’émission des échantillons en photoluminescence à 4,5 K [106].

1.3.2 Couplage dans les lasers

Le couplage dans un laser entraine la compétition entre les modes pour le gain, et par conséquent une sélectivité des modes. Si le couplage est trop fort, le régime d’émission est monomode. Entre deux modes (appelés ici mode 1 et mode 2), le couplage peut être quantifié par la constante de couplage de Lamb, notée C [24], dont nous feront une explication détaillée au Chapitre 5. Sa valeur retranscrit le régime dans le laser : lorsque C < 1, le laser peut osciller en régime bi-

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fréquence. Plus elle est proche de 1, moins le régime est robuste. C est le produit des taux de saturation croisée du mode 1, noté 𝐾12, et du mode 2, noté 𝐾21 [25]:

𝐶 = 𝐾12𝐾21. (1.4)

La constante de couplage de Lamb dans un laser à boites quantiques a récemment fait l’objet d’une étude théorique réalisée avec nos partenaires de l’IES de Montpellier [108]. Ces travaux proposent une approche théorique pour prédire la dépendance de C par rapport à l’écart spectral entre les deux modes oscillant dans la cavité, tout en prenant en compte les phénomènes de couplage photonique et électronique que nous avons préalablement présentés dans le cas des BQs. Le premier paramètre,

a, est une combinaison des paramètres du matériau et du design du laser, prenant notamment en

compte le couplage électronique et les pertes optiques :

𝑎 = 𝜉𝑔0

𝑘𝐵𝛼 (1.5)

avec 𝜉 le taux de recombinaison non-radiative spontanée (taux de fuite des porteurs présents dans l’état excité), 𝑔0 le gain non-saturé, B le nombre total de BQs, 𝛼 les pertes optiques linéaires et 𝑘 le pompage par famille de BQs (BQs émettant à la même longueur d’onde). Le produit kB représente ainsi le taux d’échange de porteurs entre les familles de BQs. Le second paramètre ℱ prend en compte l’élargissement homogène 𝛾 de l’émission des BQs, qui mène à une superposition du gain entre les modes adjacents et représentant le couplage photonique :

ℱ =ℎ𝑓

𝛾 (1.6)

avec ℎ la constante de Planck et 𝑓 la différence de fréquence entre les deux modes.

L’évolution de la constante de couplage en fonction de a et de ℱ est représentée à la Figure 1.11, de deux manières différentes. Sur ces deux graphiques, nous observons que pour 𝑎 ≠ 0 et ℱ ≥ 0,3 (ou 0,5 quand a est très faible), C diminue lorsque ℱ augmente, et de manière plus prononcée avec l’accroissement simultané de a. Concrètement, le couplage dans le laser devient plus important quand le couplage électronique est plus fort (a<<1), mais aussi quand le rapport entre l’écartement spectral des deux modes et l’élargissement homogène diminue. Dans le cas où le couplage électronique reste faible (a>>1), la contribution de la largeur homogène devient dominante pour la réduction du couplage.

27 Figure 1.11 : (a) Valeurs de la constante de couplage calculées dans le plan (a, ℱ). La ligne

pointillée blanche correspond à C=0,95. (b) Evolution de C en fonction de ℱ pour quatre

valeurs de a. La figure est extraite de la référence [108].

Cette étude est réalisée dans le cas d’une symétrie parfaite entre les deux modes, c’est-à-dire en matière d’intensité, de gain et de pertes, impliquant 𝐾12 = 𝐾21. La simulation va également plus loin en se rapprochant de la réalité, i. e., en considérant également le cas où les deux modes ont des pertes optiques différentes. Les mêmes conditions pour améliorer la stabilité du régime sont retrouvées.

De cette étude, nous retenons en particulier que la condition de stabilité d’un laser bi-fréquence à BQs peut en théorie toujours être satisfaite. Accroître la robustesse d’un tel laser revient donc à :

 limiter le couplage électronique. Dans ce cas, le principal levier expérimental revient à accroître les distances moyennes entre BQs voisines, ce qui implique de réduire la densité de BQs, au dépend d’un gain effectif plus faible.

 restreindre le fonctionnement du laser bi-fréquence aux domaines spectraux permettant de limiter le couplage photonique. Dans ce cas, il devient fondamental de connaitre l’élargissement homogène des BQs, et ses paramètres d’influence (température, densité de porteurs), en particulier dans le cas d’un fonctionnement en régime laser.