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PARTIE II : L’IMPACT DE LA NOUVELLE LEGISLATION EUROPEENNE CONCERNANT

1.1 LE CONTEXTE : POURQUOI EST-ELLE NECESSAIRE?

Comme nous l’avons vu, toute administration de médicament comporte des risques et peut

entraîner des effets indésirables parfois graves, voire mortels. En effet, 5% des

hospitalisations sont causées par un effet indésirable. De plus, les effets indésirables sont la

5ème cause de décès, et on estime à 197 000 le nombre de décès total en Europe (19). C’est pour cela que développer de nouvelles règles dans le but d’améliorer la prévention et

l’impact de ces effets indésirables est essentiel.

Plusieurs crises sanitaires ont marqué l’histoire du médicament. Malheureusement, ce n’est

souvent qu’à la suite de tels épisodes que des décisions d’amélioration sont prises afin

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1.1.1 Les crises sanitaires par dates clés

1.1.1.1 1961 : La thalidomide

La pharmacovigilance s’est développée suite à l’affaire de la thalidomide prescrite depuis

1956 pour réduire les nausées et les vomissements chez les femmes enceintes. C’est en

1961 que deux médecins, australien et allemand, ont donné l'alerte sur un lien possible

entre l'augmentation de l'incidence de phocomélie et la consommation de thalidomide

durant la grossesse. En effet, 5000 à 10000 nouveau-nés ont présenté une phocomélie,

jusqu’alors très rare. Aujourd’hui, indiquée dans le myélome multiple, elle fait l’objet d’un

suivi renforcé de pharmacovigilance (20). L’application du Programme de Prévention des

Grossesses est devenue obligatoire pour tous les professionnels de santé et pour tous les

patients traités. Il inclut notamment l’obligation d’effectuer des tests de grossesse avant,

pendant et jusqu’à 4 semaines après l’arrêt du traitement dont les dates de réalisation et les

résultats doivent être rapportés systématiquement dans un carnet-patient (21).

1.1.1.2 1977 : Le diéthylstilbestrol

Le diéthylstilbestrol, découvert en 1938 et autorisé sous le nom de spécialité Distilbène® (en France), est la première hormone artificielle mise sur le marché en 1941 aux États-Unis

d’Amérique et dans les années 1950 en France. Elle est prescrite pour prévenir les fausses-

couches et est utilisée massivement chez les femmes enceintes. En 1971, deux médecins

américains mettent en évidence le rôle de cette hormone dans l’apparition

d’adénocarcinome vaginal à cellules claires, chez 7 jeunes filles exposées in utero au

diéthylstilbestrol. Cette même année, il sera alors contre-indiqué chez les femmes

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estime à plusieurs millions le nombre de femmes, de filles et de petits-enfants qui ont été

exposés au diéthylstilbestrol de 1941 à 1977 (22) (23).

1.1.1.3 2001 : La cérivastatine

La cérivastatine, inhibiteur de la 3-hydroxy-3-methyl-glutaryl Co-A (HMG Co-A)

réductase était indiquée dans le traitement de l’hypercholestérolémie primaire (types IIa et

IIb). Le 8 août 2001, elle a été retirée du marché mondial (excepté au Japon) après la

notification de 59 cas de rhabdomyolyses fatales en août 2001. Quatre-vingt-dix-neuf cas

ont ensuite été notifiés en octobre 2001. La survenue d'un tel effet indésirable fatal était

évidemment incompatible avec le bénéfice potentiel d'un médicament

hypocholestérolémiant (6 millions de patients traités dans le monde) (24).

1.1.1.4 2004 : Le rofécoxib

Cet AINS de la famille des coxibs a obtenu une AMM en 1999 en France et aux États-Unis

d’Amérique et était indiqué dans le soulagement symptomatique de l’arthrose. Il était alors

connu pour avoir une tolérance gastrique bien supérieure aux AINS déjà autorisés(25)

(26). Cependant, il augmentait considérablement les risques d'accident cardiovasculaire.

Une estimation américaine a fait état d’environ 30 000 infarctus et morts subites

imputables aux États-Unis d’Amérique au rofécoxib, sans compter les accidents

vasculaires cérébraux. Le 30 septembre 2004, la firme Merck annonçait l'arrêt mondial de

la commercialisation du rofécoxib (Vioxx®).

1.1.1.5 2009 : Le benfluorex

En 2009, l’affaire du Médiator® (benfluorex) a suscité une révision des systèmes de pharmacovigilance non seulement en France mais également dans l’Union européenne. Cet

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1961 1977 2001

antidiabétique de la famille des amphétamines était indiqué comme adjuvant du régime

adapté chez les patients en surcharge pondérale atteints de diabète de type 2 depuis 1976. Il

est accusé d’avoir causé entre 300 et 2000 décès par complications d’hypertension

artérielle pulmonaire et de valvulopathie principalement en 33 ans de commercialisation

(27). Fin 2009, les AMMs des médicaments contenant du benfluorex ont été suspendues

dans l’ensemble de l’Union européenne.L’instruction de cette « affaire » a mis en lumière

le nombre important de dysfonctionnements concernant à la fois les autorités sanitaires

mais également les prescripteurs, les dispensateurs et les patients. En effet, ce cas est

spécifique parce-ce que ce médicament était largement utilisé en dehors des indications

thérapeutiques autorisées.

1.1.2 Le système européen de pharmacovigilance en quelques dates

Figure 2 – Le système européen de pharmacovigilance de 1965 à aujourd’hui

1965 1995 2001 2004 2008 2010

Thalidomide Cérivastatine Benfluorex

2004 Rofecoxib 2009 Règlement (CE) - n° 726/2004 Directive 2004/27/CE - Nouvelle version Volume 9 Création de l’EMA Directive 65/65/CE AMM nécessaire avant commercialisation d’un médicament Directive 2001/83/CE Volume 9 Directive 2001/20/CE Essais cliniques Actualisation du Volume 9 : volume 9A Nouvelle législation européenne Diéthyldistilbène 15 EM 27 EM 25 EM EM : Etats membres de l’Union européenne

28 EM

Règlement (UE) n° 536/2014 Essais cliniques

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La pharmacovigilance est réellement entrée en vigueur à la suite du scandale de la

thalidomide. C’est alors qu’ont été créés, en 1982, les premiers centres nationaux de

pharmacovigilance et les notifications spontanées des effets indésirables se sont

développées (28).

L’affaire du Distilbène® révélée en 1977 en France a mis l’accent sur la toxicologie animale qui a montré ses limites. Ces deux scandales sanitaires feront évoluer le

développement pré-clinique et clinique des molécules avant leur autorisation (29).

Le 1er janvier 1995, la création de l’agence européenne des médicaments ou EMEA (European medicines evaluation agency), devenue ensuite EMA, est l’une des étapes les

plus importantes dans l’évolution du système européen de pharmacovigilance (30). La

création de l’EMA relève du Règlement (CE) n° 726/2004 (publié au Journal officiel de

l’Union européenne (JOUE) le 30 avril 2004, n° L 136) du Parlement européen et du

Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et

la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire,

et instituant une Agence européenne des médicaments (EMA).

L’EMA est un organe décentralisé de l’Union européenne dont le siège est à Londres. Sa

principale mission est la protection et la promotion de la santé publique et animale à

travers l’évaluation de la surveillance des médicaments à usage humain et vétérinaire (31).

En 2001, la Directive 2001/83/CE (publiée au Journal officiel des Communautés

européennes (JOCE) le 28 novembre 2011, n° L 311) du Parlement européen et du Conseil

du 6 novembre 2001 crée un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain

qui réunit toutes les directives et règlements précédemment adoptés. Elle introduit le

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contient les lignes directrices des travaux d'harmonisation internationale menés dans le

domaine de la pharmacovigilance.

En 2004, les dispositions contenues dans la Directive 2004/27/CE (publiée au JOUE le 30

avril 2004, n° L 136) du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 modifiant la

directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage

humain concernent, entre autres, l’accès aux données des agences du médicament, la

réévaluation de l’AMM après 5 ans de commercialisation et les retraits dus à la tolérance

du médicament (32). Les différents articles modifiés par cette directive sont également

repris dans le Règlement (CE) n°726/2004 (précédemment cité). Une nouvelle version du

volume 9 est alors publiée.

C’est en décembre 2010 que le système européen de pharmacovigilance connaitra ses plus

importantes modifications : la nouvelle législation européenne concernant la

pharmacovigilance verra le jour.