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La Recherche sur le plan théorique

Chapitre 2 Le contexte de l’étude Introduction Introduction

La problématique de l’âge est une construction sociale : il s’agit d’un processus institutionnel qui s’est ancré dans le temps (Dugger, 1999).

L’âgisme (terme anglo-saxon désignant les préjugés reposant sur l’âge) correspond donc à un processus social et progressif de différenciation de certains groupes d’âge : c’est le gérontologue américain Robert Butler qui, en 1969, va faire apparaître ce terme. La conséquence est une discrimination sociale reposant sur de fausses croyances et stéréotypes.

Le terme « aînés » correspond plus au monde politique et des médias. On constate récemment, en France et via les moyens publicitaires, une promotion d’une image active de la vieillesse mais dans un but mercantile.

L’âge est donc un élément de stratification sociale et le sens qui lui est donné est un construit progressif social. Le monde professionnel et l’organisation sociale ont contribué à la représentation négative de la vieillesse et exposent au risque d’âgisme (Henrard, 2002).

Nous allons, dans ce chapitre, tenter de définir ce qu’est un cadre senior (1-2-1 et 1-2-2) et de retracer le contexte qui a accompagné la construction sociale du Sentiment d’Employabilité (1-2-3).

Section1:Lanotiondeseniorsurleplanprofessionnel

Derriennic et al. (1996) soulignent que le vieillissement reste un phénomène complexe et multidimensionnel (sur les aspects biologique, psychologique, social). La notion englobe la somme des transformations (morphologiques, physiologiques et biochimiques) dues à l’action du temps et qui impactent l’organisme lorsque l’on avance dans l’âge : diminution de la résistance, efforts plus importants au niveau de l’adaptabilité de l’organisme aux pressions environnementales.

Les auteurs reprennent la définition clé de Bourdieu (1978) sur le fait que l’âge est une donnée biologique socialement manipulé. Le lien avec le travail est une mobilisation des fonctions physiologiques et cognitives ainsi que des ressources psychiques des salariés et ceci, pour réaliser des objectifs fixés par d’autres (Cassou & Laville, 1996).

L’emploi du terme « senior » est fréquent pour désigner, dans le secteur privé français, les salariés (hommes et femmes) dès le milieu de la carrière professionnelle avec l’instauration de l’entretien à mi –carrière, dès 45 ans, (c. trav. art. L. 6321-1, al. 3 abrogé) qui a été récemment supprimé : la nouvelle réforme de la formation professionnelle (Loi du 5 mars 2014) a mis en place l’entretien professionnel, dont l’objet principal est l’état des lieux du parcours professionnel tous les 6 ans (c. trav. art. L. 6315-1 modifié, I).

Cette définition s’est, graduellement, imposée même si le ressenti est plutôt négatif au niveau des personnes concernées. L’expression s’est généralisée au-delà du contexte professionnel, y compris au niveau de la classe politique, des médias…et de la société de consommation (plus bienveillante, cependant, à leur égard).

Les travailleurs (en poste ou pas) de plus de 50 ans sont traditionnellement qualifiés de « seniors » dans leur globalité même si certains auteurs (Guérin & Fournier, 2004) ont procédé à des typologies tout en différenciant ceux qui sont actifs et ceux qui ne le sont pas ou plus. Au niveau des actifs, la classification est la suivante :

- Les « attentistes » qui n’ont plus d’attentes particulières au niveau de leur parcours professionnel et qui calculent déjà le meilleur moment pour partir à la retraite (40 % environ de la tranche d’âge concernée),

- Les « dépassés » qui sont sortis de leur univers d’expertise, malgré eux, et qui poursuivent leur activité dans des rôles de coordination de projets (environ 20 %),

- Les « rebondissants » qui sont habitués à des restructurations et des changements d’organisations successifs et qui ont le mental pour rebondir sur des opportunités pas forcément classiques (environ 20 %),

- Les « florissants » qui connaissent une carrière florissante sans être inquiétés et qui peuvent envisager de poursuivre leur carrière dans la même structure (au-delà de l’âge de la retraite) sous une autre forme d’emploi.

Pour ceux ou celles qui ne sont pas ou plus en poste, la répartition en cinq typologies est la suivante :

- Les « déphasés » qui veulent retrouver le traditionnel CDI et qui attendent beaucoup des intermédiaires de l’emploi,

- Les « volontaristes » qui sont ouverts à toute forme d’activité et qui envisagent le management de transition ou le portage salarial sans appréhension,

- Les « experts » qui possèdent une expertise spécifique et qui sont ouverts au consulting (pour ne plus connaître les affres des organisations complexes, politiques et finalement perçues comme usantes sur la durée),

- Les « démotivés » qui n’ont plus aucune ambition professionnelle et qui espèrent atteindre l’âge de la retraite en bénéficiant des indemnités de Pôle Emploi (plus longues que pour les moins de 50 ans),

- Les « singuliers » qui veulent continuer à jouer un rôle (souvent associatif) même au-delà de l’âge légal de la retraite mais tout en étant préservé du monde réel de l’entreprise.

Il est vraiment dommage que l’expérience soit graduellement dévalorisée car (consciemment ou pas) elle est constituée d’une sorte d’ « expertise » liée à la pratique d’une situation donnée. C’est aussi l’analyse continue des situations vécues au cours du parcours professionnel. C’est enfin une connaissance progressive de soi-même. Les individus font l’apprentissage de la gestion de leur propre vieillissement, en se confrontant (aussi) la réalité du monde professionnel. Le vieillissement reste un processus, certes lent, mais « progressif » (Volkoff, 2002). Le processus connaît une certaine « variabilité » d’une personne à l’autre et au fil du temps (Volkoff, 2004).

Micheletti et al. (2006) rappellent que « l’âgisme » est un concept mis en relief par Butler, dès 1969, et qui correspond aux discriminations liées à l’âge (que l’on soit junior ou senior). Au niveau des seniors, cette discrimination est remarquée au niveau de l’embauche (difficultés notamment pour être sélectionné et être convoqué à un entretien) et au niveau de la durée plus longue dans le chômage.

D’une culture nationale à l’autre, les « particularismes » (selon les auteurs pré cités) empêchent d’établir des standards universels de « senioritude » (à quel âge est-on réellement

« trop » vieux pour travailler ?). Cependant dans la culture française (et l’imaginaire des recruteurs) il existe un postulat marqué d’une corrélation négative âge/efficacité au travail. C’est pourquoi –malgré les recommandations voire les incantations gouvernementales - la rationalité pousse les organisations à se séparer des travailleurs les plus onéreux, donc les plus anciens (Micheletti et al., 2006).

La perception négative des travailleurs vieillissants est la conséquence, à la fois :

- De l’idée qu’il peut exister de la réticence à faire travailler un collaborateur senior (possède t’il la capacité à pouvoir faire face aux changements organisationnels ou à pouvoir appréhender de nouvelles technologies ?) ;

- De la responsabilité (aussi) de certains chercheurs qui ont pu traiter le vieillissement dans son acceptation plutôt déficitaire, par le passé (Lobjeois, 2005). Il reprend à cet effet les travaux de Stagner (1985) montrant que quelques recherches généralisent hâtivement des différences entre classes d’âge…sans précautions de langage suffisantes sur les limites méthodologiques.

En matière de gestion des ressources humaines, ce dernier catégorise les populations vieillissantes au travail en rappelant leur valeur ajoutée :

- Les 40/44 ans constituent la « relève » et probablement les experts de demain,

- Les 45/49 ans sont des populations qualifiées de « fragiles » avec une expérience à la clé,

- Les 50/54 ans sont des populations perçues comme des « mi-vieux » avec une expérience moins valorisable,

- Les 55/59 ans entrent dans la catégorie des « vieux » avec en filigrane la perspective d’exercer du tutorat.

Pijoan (2006) souligne le « cercle vicieux » de dégradation de l’employabilité des seniors dont le point de départ peut s’avérer être une dévalorisation relative voire absolue du senior (obsolescence des compétences, usure professionnelle…) : pratiques discriminantes (visibles ou avérées) de gestion des seniors (augmentation du risque de licenciement, baisse des possibilités de retour à l’emploi…). Il est vrai que l’existence de représentations négatives sur

les salariés âgés a (aussi) pour conséquence l’existence de pratique de gestion des ressources humaines discriminantes.

Une gestion efficace des âges se doit d’intégrer des facteurs externes à la gestion des ressources humaines, comme par exemple : les évolutions de la démographie, de la législation, du système de formation et …du marché du travail. Reste qu’il est difficile de détecter sérieusement les entreprises menant une réelle gestion volontariste des âges (et à plus forte raison) une gestion prospective.

Section2:LestatutévolutifducadreenFrance

Le fait d’évoquer le statut « cadre » procède d’une catégorisation d’un groupe de travailleurs. La catégorisation est une activité cognitive clé liée à la construction de concepts et à l’organisation de connaissances : on cherche à réduire une complexité environnementale et à regrouper des travailleurs ayant des traits communs. Cette catégorisation sociale a une dimension normative et met en relief les droits et devoirs qui relient les membres appartenant à ladite catégorie (Srteiff-Feinart, 1998).

Le groupe professionnel des cadres est la résultante d’une construction sociale menée à la fois par des syndicats, des associations professionnelles et amicales d’anciens élèves d’écoles d’ingénieurs et dont les origines remontent au XIXème siècle. Citons quelques groupements créés pour établir un réseau corporatiste propre aux ingénieurs :

- La Société des ingénieurs civils de France (1848) créée par les Centraliens,

- La Société française des ingénieurs coloniaux (1895),

- L’Union sociale d’ingénieurs catholiques (1906),

- La Chambre syndicale des ingénieurs (1914),

- La Société amicale des chefs de service, contremaîtres, ingénieurs, agents de maîtrise et techniciens de la métallurgie (1896),

- L’Union des syndicats d’ingénieurs français (1920),

- La Fédération des associations, sociétés et syndicats français d’ingénieurs (1929).

De 1920 à 1936, ces groupements d’ingénieurs vont s’organiser en réalisant des campagnes de sensibilisation dont l’enjeu principal est la défense de la corporation mais aussi celle des titres d’ingénieurs, l’emploi et l’insertion (Hugot-Piron, 2009). Déjà dans les années 1920-1921, on s’inquiète déjà et à juste titre d’un risque de sureffectif et de déclassement. On réalise aussi, en 1930 et dans le secteur de l’aluminium, que près de 90 % des cadres sont recrutés entre 20-30 ans et qu’au-delà de 45 ans, le recrutement s’avère déjà moins aisé (moins de 10 %).

Pour Bournois (1991), l’une des premières apparitions de la notion de « cadre » remonte, en France, à l’année 1931 (dans le dictionnaire du Petit Robert). Il s’agit d’un terme directement emprunté au vocabulaire militaire où notamment en 1796, le cadre est désigné comme celui qui commande le « carré d’hommes » (ie quadrum en latin). La notion de cadre se révèlera restrictive par nature, mais large dans la pratique. En effet, lorsque la C.G.C.E. créée en 1937 se transforme en C.G.C. (ie Confédération Générale des Cadres) en 1944, les adhérents pouvaient être issus d’horizons variés du moment qu’ils exerçaient une parcelle d’autorité : ainsi, une partie provenait du « moyen » (agents de maîtrise) et du « petit » encadrement (contremaîtres).

Au niveau du rôle attendu, trois constats s’imposent :

- Ce que l’on attend du cadre est exprimé (clairement ou pas) par sa hiérarchie,

- Même si il y a rattachement à la même convention collective, il est difficile de comparer le cadre d’une PME de celui d’un groupe de plusieurs milliers de collaborateurs,

- Le rôle varie en fonction de l’organisation du travail instituée et de celle qu’il va mettre en place.

Ce sont les décrets Parodi du 22 septembre 1945 (parus au JO du 27 septembre) qui permettent l’existence « réglementaire » des cadres des entreprises en spécifiant que ces derniers possèdent une formation donnée (technique, administrative, juridique, commerciale ou financière) et exercent (par délégation de l’employeur) une autorité sur d’autres salariés (Gadea, 2003).

En essayant de définir ce concept propre au système français, on remarque que la définition des cadres à l’Agirc (Association générale des institutions de retraite des cadres) diffère de celle de l’Insee (Nortier & Rass, 2002) :

- L’article 4 de la convention collective du 14 mars 1947 du régime des cadres stipule comme bénéficiaires du régime de retraite, les ingénieurs et cadres (tandis que l’article 4 bis englobe les salariés -notamment les agents de maîtrise- ayant atteint un certain niveau dans la grille hiérarchique brute). En réalité, il n’y a pas de véritable distinction entre ceux qui relèvent de l’article 4 et ceux qui relèvent de l’article 4 bis (les « assimilés » cadres) ;

- L’Insee rassemble dans la catégorie « cadres et professions intellectuelles supérieures », les professions libérales, les cadres de la fonction publique, les professeurs et professions scientifiques, les professions de l’information, des arts et des spectacles, les cadres administratifs et commerciaux d’entreprises, les ingénieurs et cadres techniques d’entreprises. Cette dernière catégorie (pour les salariés du secteur privé) correspond aux cotisants de l’article 4.

Le code du travail distingue 3 catégories de cadres :

- Les cadres dirigeants (art. L. 3111-2) non soumis à la durée du travail et fréquemment rémunérés dans le cadre d’un forfait annuel,

- Les cadres intégrés (art. L. 3121-39) qui sont amenés à suivre l’horaire de travail d’un atelier, d’un service ou d’une équipe et qui peuvent être rémunérés sur la base d’un forfait,

- Les cadres autonomes ou intermédiaires (art. L. 3121-38) dont la rémunération est prévue dans le cadre d’un forfait.

Il s’agit surtout d’un statut diversifié, « à géométrie variable » et donc caractérisé par une hétérogénéité de possibilités (Fricotté et al., 1994) pour ce groupe spécifique de travailleurs (et dont la proportion en France est moins importante par rapport à la moyenne européenne) :

- Au niveau de l’entreprise, le statut implique une obligation de discrétion et engendre des différences par rapport aux autres statuts : modalités de détachement ou d’expatriation spécifiques, garanties complémentaires de prévoyance, politiques de rémunération individualisées ou au mérite, avantages en nature sélectifs (voiture et ou logement de fonction, par exemple), accès à l’actionnariat (possibilité de souscrire ou d’acheter –à des conditions

privilégiées- des actions), plus grande disponibilité au niveau du temps de travail, actions de formation sur mesure notamment, périodes d’essai et préavis de départ plus longs (Mermet, 2001) ;

- Sur le plan légal et réglementaire : un régime de retraite complémentaire géré par l’Agirc, un accès privilégié à l’Apec (Association Pour l’Emploi des Cadres créée en 1954 et devenue organisme paritaire en 1966) structure associative de conseil en matière de repositionnement, une section particulière au sein du Conseil des Prud’hommes…sans oublier les motifs de licenciement qui soulignent (plus fréquemment que pour les autres catégories de personnel) la fameuse « perte de confiance »… motif fréquemment évoqué en cas de séparation et qui sert presque de notion fourre-tout. Sur le plan juridique, la jurisprudence va regarder le « degré d’autonomie » ainsi que « l’étendue du pouvoir de commandement » de l’individu pour dissocier le statut cadre des autres statuts (Fricotté, Lahellec, Joué & Josse, 1994).

Lojkine (1990) rappelle cet état de fait : l’écart est important entre le cadre d’une grande entreprise (souvent diplômé) inséré dans une organisation plutôt bureaucratique et hiérarchisée… et le cadre (souvent autodidacte) plus proche du patron d’une plus petite structure.

Le nombre de cadres a évolué depuis plus de 60 ans : en 1947, on comptabilisait 200 000 personnes et aujourd’hui, le volume avoisine les 3,5 millions dans le secteur privé. Avec le recul, on remarque que la notion comporte de multiples facettes, regroupant, à la fois, des cadres issus des « grandes » écoles et ceux issus de la promotion interne (autodidactes).

Il s’agit surtout d’un collaborateur investi d’une certaine délégation de l’employeur. La différence s’établit aussi par les « autres » : les non-cadres. L’auteur reprend l’évocation de Bouffartigue (2000) qui distingue le « salariat de confiance » du « salariat d’exécution ». L’accès à ce statut a longtemps été une perspective de promotion sociale convoitée en France…mais dans la réalité, on a constaté que le nombre de cadres autodidactes diminuait tandis que le volume de cadres triplait entre 1978 et 2001.

La fonction « cadre » incorpore plusieurs rôles possibles : celui d’expert, chef de projet, manager…bref, une personne qui peut n’avoir finalement aucun encadrement hiérarchique à exercer. Le concept a évolué et a été impacté par plusieurs phénomènes : la poussée du

secteur tertiaire, la crise et les licenciements importants dans les grands groupes (notamment industriels) et les nouvelles formes d’organisation du travail.

Le management hiérarchique reste, encore aujourd’hui, le meilleur moyen d’accéder aux postes les plus élevés et de « faire carrière ». Si les experts sont plutôt des cadres, il n’en va pas de même pour ceux qui managent (qui peuvent être des agents de maîtrise voire des techniciens). Les cadres contemporains sont lucides : management ou pas, leur pouvoir diminue et tend à se concentrer au niveau d’un tout petit cercle de dirigeants (Bouffartigue, Gadea & Pochic, 2010)… et dont le profil et le champ d’action est parfois, de plus en plus, hors des frontières.

L’exercice de cette fonction offre la possibilité de s’investir professionnellement, de peser sur les orientations de l’organisation, de réaliser des objectifs clé : la notion de « confiance » est cruciale dans les relations à l’entreprise. Ce qui va être institué par le collectif deviendra de la responsabilité de l’individu. Au niveau de la progression de carrière, les personnes possédant ce statut sont plus en recherche de reconnaissance visible, de légitimité institutionnelle et de crédibilité professionnelle. Sur le plan relationnel, le vécu et surtout le savoir-faire managérial reste une expérience qui légitime (quel que soit le secteur d’activité d’exercice). La mobilité interne est un accélérateur de « fabrication » et de meilleure connaissance de soi. L’expatriation peut aussi accélérer le processus de promotion. En France, on est donc passé progressivement d’une perspective technique à une perspective plutôt managériale de la fonction. Le stéréotype de la fonction (et de la carrière organisationnelle) va ensuite générer des comportements attendus, des valeurs, des modes de pensée…supposés « prêt à l’emploi ». L’adaptation (souvent évoquée comme « l’intelligence comportementale » au travail) va devenir un savoir-être clé du cadre, amené à dépasser une identité basée sur des réflexes (ou fonctionnements de métier) pour aller vers des réponses plus efficaces (ou immédiates) en situations, souvent de crises.

La construction identitaire récurrente se distingue par l’ajustement permanent, la focalisation quotidienne à réaliser les objectifs fixés. Le cadre managérial va se construire autant que l’équipe dirigée va le façonner. Les actions du manager vont s’adapter à la réalité des équipes progressivement rencontrées. Il s’agit d’une progression qui s’enrichit mutuellement. Ces expériences seront déterminantes pour la construction de l’identité du cadre qui manage.

Ce salariat dit de confiance, selon Bouffartigue (1999) a donc connu une « résistance identitaire » (le groupe des cadres et ingénieurs) puis une « adaptation identitaire » (une adaptation quasi-permanente en redonnant des sens différents aux nouvelles situations rencontrées) et, de plus en plus, une « reconfiguration identitaire » (liée aux bouleversements professionnels qui impactent ce statut qui n’est plus protecteur et dont l’accès est moins automatique.

La différence majeure (avec les autres statuts) réside, aussi, dans le fait que l’individu a une frontière fragile entre son monde professionnel (carrière, métier, formation, identité professionnelle) et privé (loisirs, vie associative, modes de vie, identité personnelle). La « fabrique » des cadres articule et mélange ces deux mondes (Christol, 2008) surtout à l’heure où le contexte professionnel déborde largement sur l’axe de la vie privée avec l’octroi d’outils attractifs de communication.

Le cadre doit pouvoir être joint dans l’instantané (créant ainsi une quasi mise sous tension permanente), la secrétaire ou assistante protectrice ayant quasiment disparu (Salengro, 2005). La chose étant présentée de façon habile : un outil de communication performant, haut de gamme est remis au cadre en précisant qu’il peut l’utiliser (aussi) pendant son temps personnel.

Les cadres sont certes plus nombreux qu’il y a 30 ans et exercent plusieurs activités à la fois : techniques, de relation, de commandement, d’administration…Ce sont des producteurs, des experts voire des « gestionnaires de connaissances » (Bouffartigue & Bouteillier, 2006). La position du cadre encadrant est liée à une certaine méconnaissance de la réalité et de la difficulté du « terrain », une tendance aussi à faire porter sur les échelons hiérarchiques inférieurs la responsabilité des problèmes rencontrés.

Le constat intéressant, aujourd’hui, est que la proportion de cadres n’évolue cependant pas considérablement dans le temps…alors que le nombre de formés issus de l’enseignement supérieur augmente. Avec le recul, le diplôme ne suffit plus : l’émergence du « savoir-être » et du « savoir apprendre » sont des éléments déterminants, surtout pour ce type de fonction.

L’origine sociale joue un rôle déterminant dans l’accès à l’emploi cadre. Le parcours professionnel ou plutôt la carrière sera la conséquence d’une combinaison englobant la formation initiale (déterminante, surtout en France) et les stratégies adoptées ainsi que des

opportunités saisies : le cadre peut être (à la fois) l’auteur de son propre texte mais aussi d’une partition imposée…et peut connaître une situation « sans chef d’orchestre » (Cousin, 2004).

Pour le cadre, l’essentiel de la carrière se joue entre 35 et 45 ans même si, aujourd’hui, le contexte est chahuté : difficultés pour obtenir un travail immédiatement, élargissement et intellectualisation du geste productif, exigence plus forte d’autonomie et de réactivité, décloisonnement des missions et fonctions, tassement des hiérarchies… (Bouffartigue, 2001).

Il y a clairement affaiblissement de cette corporation (Reynaud, 1991) y compris au niveau de la culture collective de cette catégorie de travailleurs. On peut même évoquer une « déstabilisation » de cette catégorie de personnel est progressive à la fois pour des raisons contextuelles et organisationnelles (Bouffartigue, 1999) :

- Le ralentissement de la l’activité économique (dans les années 1970) ralentissant le

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