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Le concept d’éclairage opératoire asservi

Contexte et positionnement de l’étude

PLACEMENT 21 Cependant, il est possible de retenir certains enseignements qui nous serons utiles pour cette étude :

1.4 Le concept d’éclairage opératoire asservi

Nous venons de voir que les concepts développés au cours de ces dernières années ne sont pas adaptés à la problématique de positionnement d’un éclairage opératoire. Toutefois, ils offrent des pistes de ré-flexion notamment sur le choix du capteur servant à renseigner le système. En l’occurrence, l’utilisation d’une caméra permet une mesure non-intrusive et non-destructive appropriée à notre environnement. La richesse d’information est un autre atout de ce type de capteur qui permet l’accès à des éléments de différents niveaux cognitifs.

Nous nous intéressons maintenant à exploiter ces enseignements pour élaborer le concept d’éclairage opératoire asservi permettant de centrer le flux lumineux sur la zone d’intérêt du chirurgien.

1.4.1 Choix technologiques

La problématique d’éclairage opératoire asservi soulève de nombreuses questions comme, en premier lieu, la cinématique à donner au système pour effectuer un déplacement adéquat. En s’appuyant sur les applications robotiques existantes, nous nous sommes orientés vers une motorisation des axes #5 et #6 à l’image du LightPilot. Cette solution est apparue comme la plus naturelle et la moins contraignante compte tenu de la cinématique existante, car il s’agit du point commun entre micro et macro-ajustements.

Nous verrons que l’intégration des moteurs au niveau de ces articulations se prête tout particulièrement à la situation mais que sa mise en œuvre s’est avérée délicate.

La partie logicielle est nettement plus complexe dans la mesure où il n’existe pas d’antécédent, à notre connaissance, parmi les systèmes robotiques appliqués au domaine chirurgical (voir annexeB). En effet, les robots en chirurgie sont dédiés à un type d’acte particulier et utilisent des renseignements expli-cites d’origine humaine (désignation via écran tactile, joystick ou conditionnent leur prise de décision par l’observation de marqueurs placés dans la scène). Or, cette étude vise à déplacer l’éclairage sans indice visuel rajouté ou d’information explicite provenant de l’équipe chirurgicale. Facteur aggravant, ces

applications reposent généralement sur une connaissance a priori synthétisées sous la forme de modèle 3D (ce qui implique une étape de recalage). Ce prétraitement des informations relatives au patient est généralement complété par une connaissance précise du protocole opératoire. Ces informations pouvant être inaccessibles (pas d’imagerie pré-opératoire) et/ou inexploitables (pas de protocole opératoire défini et/ou standardisé), cela justifie donc notre choix de ne pas prendre en compte ces travaux dans le cadre de cette étude.

Une des approches envisagées consiste à s’intéresser à l’axe de regard (ligne de visée) du chirurgien, sa fatigue visuelle, l’état de son stress, etc. Or, certaines de ces informations relèvent plus du domaine qualitatif, quant aux autres, elles nécessiteraient des capteurs placés directement sur le corps du chi-rurgien. Dans la mesure où notre objectif consiste à ne pas interagir avec l’équipe, ne pas utiliser des informations relatives au patient, d’indices visuels placés dans la scène, ou des capteurs dans la scène chirurgicale, il a été décidé (au-delà des considérations de stérilisation, d’autonomie et de transmission de données) de ne pas considérer l’axe de regard pour le guidage de l’éclairage.

La solution retenue consiste finalement à extraire les informations à distance par le biais de l’obser-vation. L’utilisation d’une caméra est donc le moyen adéquat. De plus en plus utilisée dans des systèmes robotiques chirurgicaux, riche en information, non-destructive et non-intrusive, la caméra répond à notre problématique de désignation de la zone d’intérêt sous condition de pouvoir interpréter les éléments observés. De plus, l’intégration de la caméra dans l’éclairage opératoire s’est révélée être la solution la plus simple dans la mesure où les éclairages opératoires modernes sont équipés d’interfaces mécaniques permettant l’intégration d’une caméra au centre de la coupole. Un second élément confortant ce choix est la distance coupole-zone d’intérêt gardée constamment à 1.20m tout au long de l’intervention. Enfin, l’axe optique de la coupole et celui de la caméra étant colinéaires, centrer la zone d’intérêt dans l’espace image de la caméra revient à focaliser la tache lumineuse sur celle-ci, ce qui facilitera l’expression de la loi de commande.

Remarque : Une alternative à l’observation de la scène opératoire pourrait consister à observer le chirurgien. Or, la posture courbée du chirurgien ainsi que le port de masque, voire de lunettes grossissantes comme dans le cas des interventions sur le cœur ne permettent pas de distinguer les traits du visage porteurs d’informations utiles : ligne de visée, crispation du visage, sudation, etc. De plus, celui-ci peut être amené à porter son regard sur une partie extérieure à l’intervention, ce qui pourrait avoir une incidence sur le déplacement de l’éclairage opératoire.

Pour pouvoir désigner la zone d’intérêt, il faut comprendre où travaille le chirurgien. Pour accomplir son acte, celui-ci se base sur un ensemble d’éléments objectifs (connaissance du corps humain, signaux patients) et subjectifs (communication avec l’équipe, capacité à gérer la tension), ce qui a été résumé par [Vor06] dans une étude portant sur la commande d’un robot-porte-optique pour les opérations mini-invasives :

"[. . . ], si les capacités cognitives d’un être humain sont de loin supérieures à celles d’une machine (aptitude à prendre des décisions dans un environnement incertain, à s’adapter à des situations imprévues, à apprendre par l’expérience), son comportement est beaucoup plus incertain (variabilité de ses réactions en fonction du stress, de la fatigue, de la charge cog-nitive) et imprédictible (inattention, possibilité de comportements irrationnels). Par ailleurs,

les prises de décision d’un être humain s’appuient sur une multitude de facteurs théoriques, empiriques, intuitifs, et sont de ce fait difficilement quantifiables. L’être humain a également des capacités sensorielles et motrices très perfectionnées (très bonne vision, grande dextérité, excellente coordination main-œil, sensations tactiles très fines), mais exécute des gestes avec une répétabilité faible, est sujet aux tremblements (accentués par la fatigue) et a des gestes dont la précision est difficilement quantifiable."

Il ressort de cet extrait que l’analyse du comportement du chirurgien basée uniquement sur l’observation est ardue. Ainsi, baser la détermination de la zone d’intérêt uniquement sur l’analyse de la scène chirur-gicale nécessite de sélectionner des indices visuels pertinents.

Pour atteindre cet objectif, ces indices doivent être suffisamment récurrents et fiables malgré l’impor-tante variabilité des actes, des éléments opérés (nature, localisation, aspect et forme différente), des équipements et l’exhaustivité des scenarii opératoires. En outre, il n’a pas été fait le choix de construire un modèle spécifique de la séquence opératoire pour chaque type d’opération en raison de l’explosion combinatoire des cas envisageables. Au-delà de la difficulté liée aux aspects humains (imprévisibilité, incertitudes, etc) et factoriels (multiplicité des éléments rencontrés par essence anormale), s’ajoute celle liée à la voie d’abord sélectionnée par le chirurgien qui peut avoir un impact sur les indices utilisés si ceux-ci sont en lien avec les tissus observés (couleur, texture, forme, etc).

1.4.2 Les objectifs de la thèse

Pour résoudre les problèmes de maniabilité, nous proposons de robotiser un éclairage opératoire et de le rendre intelligent et autonome.

La première étape du travail consiste à extraire de la scène chirurgicale, les informations nécessaires à la désignation de la zone d’intérêt en l’absence d’ordre explicite de l’équipe chirurgicale. Le processus de décision permettant, à partir d’indices visuels, de désigner la zone d’intérêt devra être défini.

La seconde étape s’attache à la mise en mouvement de l’éclairage opératoire afin d’éclairer de manière optimale la zone d’intérêt désignée. La loi de commande utilisée doit tenir compte de l’aspect interven-tionnel de la chirurgie (vitesse de déplacement de la tache lumineuse) mais aussi des spécificités dues à la cinématique de l’éclairage opératoire lui-même (espace de travail du chirurgien, zone stérile). Il faut garantir la sécurité du chirurgien (distances à la coupole raisonnables pour ne pas perturber le chirur-gien, vitesse de déplacement peu élevée) ainsi que celle du patient (chute de l’appareil, compatibilité électromagnétique).

Le principe de fonctionnement du concept proposé (figure 1.13) met en avant ces deux étapes néces-saires pour atteindre les objectifs fixés, à savoir l’intelligence et l’autonomie.

Dans la partie suivante, nous montrerons que l’utilisation d’une caméra s’avère être un moyen intéres-sant pour cette tâche et nous mettrons en lumière les verrous scientifiques que cela impose de lever pour atteindre les buts fixés.

Fig. 1.13 – Processus du concept d’éclairage autonome et intelligent.

1.5 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté les éclairages opératoires utilisés dans le cadre d’interventions à théâtre ouvert. Nous avons montré que pour obtenir des conditions d’éclairement idéales, il est nécessaire de réajuster constamment la pose de l’éclairage. Il s’agit pour les opérations superficielles d’une réorien-tation mobilisant deux degrés de liberté (micro-ajustement). Pour les opérations en cavité, il faut, en plus de cette réorientation, translater l’éclairage (macro-ajustement) ce qui mobilise au total quatre degrés de liberté. En raison de la maniabilité des éclairages opératoires, ces deux types de déplacement ne sont généralement pas exécutés. Le chirurgien se contente alors d’un niveau d’éclairement anormalement faible.

Les approches existantes pour pallier ce point reposent soit sur une désignation manuelle de la zone d’intérêt, soit sur l’utilisation de marqueurs spécifiques placés dans la scène chirurgicale. Dans les deux cas, elles ne permettent de satisfaire les attentes de l’équipe chirurgicale. Notre objectif est donc de po-sitionner l’éclairage opératoire de manière optimale quel que soit le type d’intervention sans interaction avec l’équipe chirurgicale, ni marqueurs ajoutés dans la scène.

Il n’existe pas, à notre connaissance, d’éclairage opératoire satisfaisant ces exigences, c’est pourquoi nous proposons de développer un éclairage opératoire robotisé autonome et intelligent apte à se déplacer sans ordre explicite provenant de l’équipe chirurgicale. Il a été identifié que l’utilisation d’une caméra est un moyen optimal pour renseigner le système sur la position de la zone d’intérêt du chirurgien et s’affranchir de toute interaction avec le corps chirurgical. La difficulté réside dans le choix des indices visuels permettant au système de désigner la zone d’intérêt malgré l’environnement qui se trouve être varié (diverses voies d’abord possibles, patients différents), changeant (accès au cours du temps à diffé-rentes strates tissulaires) et inconnu par avance (pas d’information pré-opératoire disponible).

Cette thèse a donc pour but d’apporter une solution au travers de deux objectifs distincts :

1. la désignation de la zone d’intérêt du chirurgien en l’absence de données explicites pour une scène inconnue, changeante et non contrôlée ;

2. l’asservissement visuel de l’éclairage opératoire en vu du centrage de la tache lumineuse sur la zone d’intérêt désignée.

Identification d’objets dans une scène