Les élections législatives
du
13mai
1849 indiquent avec net-teté la situation relative et laforce des partis dans les dépar-tements. L’organisation des partis aumoment
des élections, la part prise par legouvernement
et le clergé dans la lutte électorale leur donnent, en effet, ainsi qu’il aété possible de le constater,un
caractère politique trèsmarqué
; le
régime du
scrutinde liste y contribue encore.Le
scrutin de liste en-traîne à voter pluspour
des opinionsque pour
deshommes.
Les candidats doivent se grouper parlistes.
Dans
tousles dépar-tements des listes sontformées par les partisou
sous leur pa-tronage. Lesmoyennes
des voix obtenues parles diverses listes fixent ainsi la proportion des partis danschaque
département.Lespartis se trouventsoit enmajorité, soit en minorité,dans
un
certainnombre
de régions suffisamment distinctespour
qu’on puisse constaterune
répartition géographique.La
différence entre lesnombres
de voixobtenues parchaque
liste est presque toujours considérable, quelquefois 30.000 et 20.000, plus souvent 10.000. Les élections panachéessont dece fait
peu nombreuses
et necomprennent, pour
la plupart,qu’un oudeux
candidats étrangers à laliste en majorité. Les dépar-tements dontles électionsontétépanachées
sont:Basses-Alpes1LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES PARTIS
29
représentant en dehors de la majorité, Hautes-Alpes 1, Ardè-che 1, Ariège 1,Aveyron
2, Charente 1, Corse 2, Côte-d’Or 2,Gers 1, Hérault 3, Indre 1,
Landes
3, Loir-et-Cher 1, Loire 1, Lot 3, Lozère 1,Meurthe
1, Moselle 1, Nièvre 1,Nord
3,Puy-de-Dôme
1, Basses-Pyrénées 1, Hautes-Pyrénées 2,Haute-Saône
2, Tarn-et-Garonne 2,Var
2,Vosges
1,Yonne
3 *.Comme
iln’y a qu’un tour de scrutin, des coalitions sefor-ment pour
obtenir la majorité relative.Le
parti de l’Ordre, résultatlui-même
d’unecoalition,recommande
et fait appliquer partout ce procédé à son profit. Les partis républicain-consti-tutionneletmontagnard
reconnaissent bien, en présence de la concentration des monarchistesetdes catholiques dans le parti de l’Ordre, la nécessité de leur union. Ils la concluent assez souvent en province, surtout dans les départementsoù
ilses-comptent
le succès. Mais la plupartdu
temps, la scission des comités à Paris etdes représentants àla Constituante se repro-duit.Dans
quelques départements,elledonne
au partide l’Or-dre des victoires inespérées : Côtes-du-Nord, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Meurthe,Vosges
3.Dans
certains départements l’union des républicains eûtpu
tout aumoins
enlever les der-nierssièges au parti del’Ordre.Dans
l’Aisne, lesdeux
derniers élusdu
partide l’Ordre ont52.000voix, lesdeux
premiers can-didatsmontagnards
qui suivent ont 40.000 voix et lesdeux
premiers répuhlicains-constitutionnelsont 16.000 voix 3.Le
to-tal des voix républicaines estdonc
de 56.000,nombre
qui, si la concentration avait été opérée, eût assurél’élection dedeux
républicains.Le même
résultat auraitpu
être obtenu dansles Ardennes, laMarne
et l’Aube.1. Lesscrutins politiques dejuin 1849,dont ledétail est inséré au Moniteur
,
ontfaitconnaîtreles votes des représentants etont, parsuite, permis de les classerdans les divers partis. De ce classement, il a été possible de déduire
le panachage des listesdes représentants cités ici.
2.Voir lenombredes rectangles attribués auxdivers partis, dansces dépar-tements, surla carte dela France. Dansles départements de Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, Meurthe, Vosges, le parti républicain-constitutionnel n'est pas précisément représenté. Mais les divers doivent être ajoutés aux Monta-gnards; ce sont des républicains que nous n’avons pas, fautede preuves suffi-santes,considéréscomme des républicains-constitutionnels.
3. Procès-verbal desélectionsdel’Aisne,Arch. de laChambre,Elections, car-ton A. 182.
30
LE
CLASSEMENT
POLITIQUE DESCANDIDATS ET
L’ÉTABLISSEMENT DESMOYENNES OBTENUES PAR CHAQUE
PARTILe
rapportnumérique
des partis,dans tous les départements de la Franceet dans touslesarrondissements de Paris, est éta-bli parla carte et le planjoints à cetravail.Le nombre
de voix attribué àchacun
des partis représente lamoyenne
des voix obtenues par les candidats de leurs listes. L’attribution àun
parti
du nombre
des voix acquises parun
seulou
par quelques candidats aurait faitcommettre
des erreurs: lescandidatsd’unemême
liste jouissent, près des électeurs, d’une faveur plusou moins grande
suivant leur situation personnelle. Mais l’usage delamoyenne
a présentédeux
difficultés,qui n’ontpastoujours été résolues :un
classement des candidats incertain,quand
iln’y a pas eu de coalition républicaine,
un
classement des can-didats partiellement impossible,quand
il y a eu coalition.Le
parti de l’Ordre se distingué toujours,grâce aux listes etaux comptes
rendus électoraux des journaux,aux
scrutins de l’Assemblée législativeoù
sesmembres
ne sontjamaismêlés
au parti républicain.Le
scrutin qui a servi de base à ce premier classementest le scrutinde division sur l’ordredu
jourpur
etsimple (c’est-à-dire confiance dans le président de la
Républi-que
et dans le ministère) à l’occasion des interpellations rela-tivesaux
affaires deRome
1.C’est lepremier
scrutin qui aitété ouvert à l’Assemblée législative surune
grave question poli-tique, déjà soulevée et débattue avant les élections.La
séparation n’est pas aussi nette entre républicains-consti-tutionnels etmontagnards. Lesjournaux
de cesdeux
partis ne donnent pas, à ce sujet,pour
toutes les élections, desrensei-gnements
suffisamment précis. Les listes de province ne sont pas toutes publiées etbeaucoup
decomptes
rendus ne sont pasaccompagnés
d'uncommentaire
politique.Les représentants desdeux
partis ont été élus quelquefois dans des listes decoali-1. Moniteur, 12 juin 1849.
IA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES PARTIS 31 tion; ils ontuni leurs voix
dans
les scrutins ouvertsà l’Assem-blée législative, parce qu’ils étaientégalement menacés
par la majorité réactionnaire.Pour
les attribuer àchacun
desdeux
partis,ila fallu se reporter
aux
listesdu Temps
etdu
National*,pour
les républicains-constitutionnels,aux comptes
rendus des électionsdonnés
parLe Peuple
s,pour
lesmontagnards, ou
encore,pour
lesdeux
partis,aux
pièces (protestationsetmani-festes)quisetrouventdansles dossiersdesArchives dela
Cham-bre.
Quand
ces renseignements ontmanqué,
il a été fait usage des antécédents, de la notoriété historique des candidats. Les candidatsnon
élus,—
ceux portés sur les listes desjournaux
et les anciensreprésentants àlaConstituante
mis
à part—
,sontinconnus; il est
donc
très délicat de les classer.Dans
certains départements,la séparation deslistes estmarquée
parune
dif-férence de voix assez notable.La
répartition dans ce cas est facileà établir : lalistemontagnarde
se reconnaît toujours àla présence desnoms
accouplés de Ledru-Rollin et de Félix Pyat, et lalisterépublicaine-constitutionnelleau nom
de Cavaignac3.Mais, soit dans les départements
où
il y a eu fusion, soit dans ceuxoù
la lutte a été assez vivepour
effacer les différencesnumériques
quipermettentgénéralement
dedistinguerleslistes, le classement a été difficile.Dans
ce cas, lamoyenne
des voix obtenues par les candidats desdeux
partis républicains a été attribuée àcelui qui paraissait le plusinfluent.Cettemanière
de procéder sejustifie par ce faitque
la confusion a été opérée par les candidatseux-mêmes
et par leurs électeurs4 et parce qu'elle caractérise toujours suffisamment l’opposition républi-caine au parti de l’Ordre.Lorsqu’ily
aeu doute absolu surune
liste, elle a été considérée
comme un groupe
de candidatsdi-1. Numérosdu 6 au 12mai 1849.
2. Numéros du18 au 21 mai1849.
3. Dans un grandnombre de départements,lescomitésmontagnardsont porté lescandidatures de Ledru-Rollin et de Félix Pyat, les comités républicains-constitutionnels celledugénéral Cavaignac.Les chefs departi étaient en quel-que sorte plébiscités; et de plus,l’éclat de leurnom profitait aux autres can-didats.
4.Dans plusieurs départements les candidats républicainsen vue, représen-tants à laConstituanteouanciens commissairesdu gouvernement, ont été ins-crits à la fois sur la liste des républicains-constitutionnels et sur celle des
montagnards.
vers et
marquée comme
telle sur la carte. Les divers indiqués sur la cartereprésententdonc
:ou
des voixdonnées
à des can-didats insuffisamment connus, ou de véritables divers, c’est-à-dire des voix disséminées surun grand nombre
de candidats appartenant à tous les partis.•C§«3
L’ACTIVITÉ POLITIQUE
DE
LAFRANCE
D’APRÈS LENOMBRE
DESABSTENTIONS
C’est le
nombre
des abstentions qui détermine le degré d’ac-tivitépolitique dans les diverses parties de la France. Les abs-tentions,aux
électionsdu
13mai
1849, s’élèvent, dans l’en-semble, au tiers des inscrits : 3.243.000 sur 9.837.000 ; dans quelques départements, elles descendentau
quart, et dansun
très petit
nombre
elless’élèvent à la moitié.La
proportion des abstentions est assez forteen province : c’estque beaucoup
de paysansignorent àpeu
près les questions politiques et lespar-tis, ou
même
s’en désintéressentcomplètement
;c’est aussique, levote ayant lieuau chef-lieu de canton,beaucoup
d’électeurs, craignantpour
leurs biensou
voulant éviterun
dérangement, n’ont pas pris part au scrutin *.On
peutétablir dans l’activité politique lagradation suivante : les abstentions sont très nom-breuses dans lescampagnes
(1/3 et plus de 1/3du nombre
des inscrits) 2,moins nombreuses
dans les villes (1/3 environ),et-moins
encore dans les grands centres urbains (1/4), à Paris en particulier (1/5ou
1/6). Les régionsoù
lenombre
des absten-tions s’élève le plus sont :1°
Le Nord
:Nord
107.390 abstentions sur 290.196 élec-teurs inscrits;
— Somme
63.520 sur 169.321 ;—
Oise 53.020 sur 120.920.1.Des protestations, adressées au Gouvernementprovisoireen 1848contrele
vote au canton signalent le dangerqu'il y a, pour les électeurs,à abandonner en masse leurs maisons pendant unejournéeentière età les laisser ainsi à la merci des malandrins. Cf.Pétitionsadressées auSecrétariatgénéral du Gouver-nementprovisoire,Arch. nat.,BB30 299 à 311.
2. Dansquelques dossiers des procès-verbaux (Arch. de laChambre)se trou-vent des tableaux où sont indiquéslesrésultatsdes électionsdans chaque com-mune. Cestableauxontservide baseà l'établissementdes proportions données.
LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES PARTIS 33
2° L’Ouest etlarégioncôtière
du Sud-Ouest
:Calvados 51.550 sur 137.851 ;— Manche
68.890 sur 163.192 ;—
Finistère 55.460 sur 150.165;— Morbihan
51.160sur127.169;—
Loire-Inférieure 51.650sur 148.353;— Vendée
41.910 sur 103.432;—
Charente-Inférieure 53.730sur 142.041;— Landes
32.257 sur 82.019 ;—
Basses-Pyrénées 46.478sur 117.931;
—
Ariège 37.432sur77.191.3°
La
régiondu
Massif Central : Creuse 33.543 sur 73.014 ;—
Puy-de-Dôme
73.505 sur 168.305;—
Loire 43.195sur 118.427;—
Cantal 28.389sur 62.957;—
Haute-Loire 33.237sur 77.111.4°
La
région des Alpes :Var
49.000 sur 101.516;—
Basses-Alpes 21.917sur 48.379 ;—
Hautes-Alpes 14.620sur 36.264.5°
La
région des Vosges etdu Rhin
:Vosges
46.580 sur 116.982;— Haut-Rhin
51.930sur 118.335 ;— Bas-Rhin
51.272 sur 146.342 ;—
Moselle 39.640 sur 115.444.La
première région, celledu
Nord, estun
pays où, enbeau-coup
d’endroits, la population descampagnes,
disséminée dans deshameaux
et dans des fermes isolées, estencore ignorante.La
seconde, l’Ouest,
où
les habitations sont très dispersées, a tou-jours étéarriérée et en quelque sortedétournée de la vie poli-tique. Les trois dernières, régions, Massif Central, Alpes et Vosges, sont des contréesmontagneuses où
la difficulté descommunications
arrête ledéveloppement
de lapropagande
et’gênel’exercice
du
vote au canton.Les régionsoù lesabstentions se trouvent dans la proportion la plus faible sont:
1°
La
région centrale et méridionaledu
Bassin parisien :Seine-et-Oise ;
—
Eure-et-Loir 21.170 sur 84.674 ;—
Sarthe 32.631 sur 135.660 ;—
Loir-et-Cher 17.270 sur 71.600 ;—
Loiret ;
— Cher
;—
Indre ;— Yonne
;—
Nièvre 22.333 sur 88.144 ;—
Allier 24.590 sur 90.096
.2°
La
ligne de laSaône
etdu Rhône
: Côte-d’Or 21.663 sur 115.563 ;—
Saône-et-Loire ;— Rhône
;— Drôme
;—
Ar-dèche 28.890sur 105.091 ;—
Vaucluse 18.875 sur 78.705.3'
Le
centredu
bassin d’Aquitaine: Lot;—
Lot-et-Garonne 12.000 sur 107.000 ;—
Tarn-et-Garonne ;— Tarn
28.292 sur 107.875;—
Aveyron.La première
région estun
pays qui, grâce à la facilité des communications, à l’ancienneté et à l’importance de ses rela-tions, subit l’influencede
Paris ; il s’est faitremarquer
de tout3
temps
parl’intensité desaviepolitique. Les vallées delàSaône
et
du Rhône
constituent lagrande
voie de passagedu Nord
au Midi méditerranéen ; elles sont habitées par des populations industrieuses,commerçantes,
très averties et très actives.Le
centre de l’Aquitaine estun
pays de relationscommodes,
de cultures rémunératrices et d’industries anciennes,que
le pro-testantismeaintéressédebonne
heureaux
questionspolitiques.Ǥ<=>
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