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Le CAED : un mécanisme haïtien de coordination de l’aide ? 82 

Dans un contexte où la faillite de l’aide internationale devient évidente, le gouvernement d’Haïti décide d’établir un Cadre de coordination de l’aide externe pour le développement (CAED). En effet, ce document est le fruit des efforts du Groupe de Travail sur la coordination de l’aide (GTCA) qui, en « consultation avec » le Groupe des 12 principaux bailleurs de fonds d’Haïti, a procédé à l’élaboration d’un cadre remplaçant la CIRH145.

Ainsi, le CAED témoigne de la volonté du gouvernement d’ajuster l’aide au développement à la réalité nationale, en l’insérant dans les systèmes de gestion publique de l’État. Cette intégration passe par le renforcement des capacités du MPCE, qui joue, désormais, le rôle de

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Après 5 mois de négociations avec le Parlement, Garry Conille a été élu en tant que Premier Ministre le 5 septembre 2011. Or, il a fini par démissionner 4 mois après la prise de ses fonctions en raison des tensions avec le Président autour des relations entre l’Exécutif et le Parlement. Aujourd’hui, c’est Laurent Lamothe qui exerce les fonctions de Premier Ministre. Ajoutons à cela, les accusations qui pèsent sur Martelly sur la possession de plusieurs nationalités alors que la constitution le lui interdit. (International Crisis Group 2013, p. 15).

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Ainsi, des nouveaux accords en matière d’investissements ont été passés, un nouveau parc industriel a été créé, des hôtels on été ouverts, des routes ont été construites, etc (MINUSTAH, 2012).

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Selon les mots de Michel Martelly « [ …] la pratique de ces dernières années nous a éloquemment montré, que les bonnes intentions, aussi généreuses qu’elles puissent être, génèrent de très minces résultats lorsqu’elles ne s’inscrivent pas dans une structure de pensée et d’action planifiées et dûment organisées » (Cadet, 2012).

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Le mandat de la CIRH a pris fin en novembre 2011. En effet, aucun mécanisme de coordination de l’aide ne l’avait remplacé.

coordonateur de l’aide externe. Ce Cadre veut alors accorder la responsabilité du développement au gouvernement haïtien à travers « […] l’adhésion des partenaires techniques et financiers aux objectifs stratégiques de développement […] [et] le renforcement des capacités institutionnelles de gestion du développement du pays » (CAED 2012, p. 7).

Le CAED est d’autant plus intéressant qu’il constate que l’allocation de l’aide extérieure provoque une dépendance accrue vis-à-vis de l’extérieur lorsqu’elle n’est pas en accord avec les « réalités et les potentiels » du pays. Le gouvernement d’Haïti insiste alors sur le besoin de briser « […] progressivement sa dépendance par rapport à l’aide ». Paradoxalement, aux yeux de ce dernier, le seul moyen de réduire cette dépendance est de démontrer aux bailleurs de fonds sa capacité à s’approprier le développement, conformément aux engagements de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide et les agendas sous-jacents146. Aussi, faut-il, entre autres, relancer la croissance économique, combattre la corruption et promouvoir le rôle du secteur privé comme outil « d’innovation », de « création de revenus et d’emploi », et de « mobilisation de ressources intérieures et étrangères ». Des institutions et des politiques « efficaces » doivent, d’ailleurs, accompagner ce processus de relance économique (CAED 2012, p. 9). Et, fait notable, le gouvernement haïtien réitère le fait que, pour assurer une bonne gouvernance dans le pays, il est indispensable « […] [d’]avancer vers une « division du travail qui limite les coûts de transactions : nombre de bailleurs par secteur et de secteurs par bailleurs, passer d’approches projets à des approches programmes sectoriels, encourager les fonds communs et la coopération déléguée, etc » (CAED 2012, p. 11).

Bien que les bailleurs de fonds ne semblent plus être à la tête de la structure de coordination de l’aide, ils y restent très présents. La structure bureaucratique établie par le CAED se compose ainsi d’un mécanisme gouvernemental (comité de pilotage et d’arbitrage, comité de coordination intersectorielle, Secrétariat technique de coordination [STC]) et d’un mécanisme conjoint de coordination de l’aide externe (Comité de l’efficacité de l’aide [CEA], tables

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Le CAED tient compte des enseignements tirés lors du « 4e Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide » tenu à Busan en décembre 2011. Cette conférence vise à renforcer « le partenariat » pour le développement et la réduction de la pauvreté, particulièrement dans les États fragiles : « […] la pauvreté, les inégalités et la faim persistent. Éradiquer la pauvreté et s’attaquer aux phénomènes planétaires et régionaux qui ont des conséquences néfastes pour les citoyens des pays en développement sont des conditions centrales à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement et à l’avènement d’une économie mondiale plus solide et plus résiliente » (Partenariat de Busan 2011, p. 2).

sectorielles thématiques). De cette structure, le CEA réunit le gouvernement haïtien et les représentants des partenaires techniques et financiers147 :

[…] Au niveau international, le CEA a pour objectif principal de réunir les partenaires d’Haïti deux fois par an afin de mener un plaidoyer pour le respect des promesses faites, l’encouragement des investissements privés étrangers, et l’alignement des ressources externes avec les priorités stratégiques du Gouvernement de la République d’Haïti : le CEA émet des recommandations relatives aux orientations et aux politiques générales pour la coordination de toute l’assistance à Haïti en vue d’assurer l’allocation et l’utilisation adéquates et efficaces des ressources (CAED 2012, p. 20) [voir annexe 11].

Plus qu’un changement d’orientation, le CAED semble être le dernier élan du gouvernement haïtien pour s’assurer le soutien de la communauté internationale. En effet, cette dernière rend responsable les autorités haïtiennes de l’échec de l’aide dans la phase post-séisme. L’exemple le plus révélateur reste celui du Ministre de la coopération internationale du Canada, Julian Fantino, qui annoncera en novembre 2012 le gel des fonds destinés aux nouveaux projets en Haïti en raison de l’absence des résultats concrets.