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Les lasers ultrarapides et leurs applications en chirurgie ophtalmologique

Les années 80’ et 90’ sont marquées par des avancées technologiques significatives dans le do- maine des lasers, qui permettent de remplacer les lasers à colorants par des sources d’impulsions ultra-rapides plus performantes. En 1986, Moulton [76] découvre un nouveau matériau laser, l’oxyde d’aluminium dopé aux ions titane, qui présente un spectre d’émission extrêmement large, favorisant la génération d’impulsions courtes, et une bonne conductivité thermique, lim- itant ainsi les effets thermiques, même à des fortes puissances. De plus, ses propriétés op- tiques permettent de générer des impulsions ultra-courtes par auto-blocage des modes par effet Kerr [104]. Ce nouveau matériau est rapidement associé à la technique d’amplification à dérive de fréquence, introduite par Strikland et Mourou [107], qui consiste à étirer temporellement des impulsions avant de les amplifier, puis à les re-comprimer à leur durée initiale, permettant ainsi d’obtenir des énergies très élevées. Parallèlement au développement et à l’expansion des lasers Ti:saphir, les progrès dans les technologies des diodes laser ont conduit à la mise en place de sources laser femtoseconde pompées par diode [45, 58]. Bien que leurs performances soient moins spectaculaires que dans le cas des lasers Ti:saphir en terme de durée d’impulsion et én- ergie maximum, leur coût modéré et leur compacité les rendent plus adaptées aux applications commerciales. En particulier, les lasers femtoseconde à base de verres phosphate ou silicate dopés aux ions terres rares, notamment le néodyme, ont attiré l’attention de scientifiques et de médecins pour des applications dans l’ophtalmologie [53,64,67]. Les lasers femtoseconde sont aujourd’hui couramment utilisés en chirurgie réfractive et tendent à remplacer les techniques traditionnelles de greffe de cornée grâce à leur fiabilité et leur reproductibilité.

7.2.1 Les chaines laser femtoseconde

Une chaine laser femtoseconde se compose des éléments suivants [102] :

• un oscillateur. Il s’agit d’une cavité laser dans laquelle les modes longitudinaux générés

par le pompage du cristal interfèrent constructivement en phase afin de créer une impul- sion de courte durée. La technique la plus courante pour cela est appelée blocage de mode passif. Ce dernier est obtenu soit par effet Kerr optique, phénomène non-linéaire

par lequel une lentille de Kerr s’établit dans le cristal en rendant le faisceau divergent, soit en introduisant un élément qui module les pertes, c’est-à-dire qui devient transparent avec les hautes intensités et favorise donc le régime impulsionnel, plus intense que le régime continu ;

• un étireur-compresseur, dans lequel des hautes intensités peuvent être obtenues par l’amplification

à dérive de fréquence (CPA). Le principe consiste à allonger temporellement l’impulsion femtoseconde jusqu’à quelques centaines de picosecondes avant amplification. L’étirement de l’impulsion se fait à l’aide d’éléments dispersifs et évite les effets non-linéaires et l’endommagement optique pendant l’amplification. Après avoir été amplifiée, l’impulsion traverse à nouveau un réseau optique pour retrouver sa durée initiale (figure 7.4) ;

• un amplificateur, qui a pour but d’augmenter l’énergie de l’impulsion étirée. En partic-

ulier, l’amplificateur régénératif est un résonateur où l’impulsion est injectée et éjectée après amplification grâce à des polariseurs et par commutation d’une cellule de Pockels. L’impulsion est amplifiée en traversant plusieurs dizaines de fois le cristal.

L’intensité pic d’un laser femoseconde peut être exprimée, en W/cm2, par la relation

I = E

∆t × S (7.3)

où E est l’énergie de l’impulsion, ∆t est la durée de l’impulsion et S la surface du faisceau.

Dans nos expériences au Laboratoire d’Optique Appliquée et au Laboratoire Biotechnologie et Œil, nous avons utilisé deux sources laser :

• un laser néodyme:verre [46, 55, 58]. Le néodyme dopé au verre présente une largeur de

bande d’émission d’environ 22 nm, une section efficace d’émission de 4 × 10−20 cm2

et une absorption autour de 808 nm, permettant le pompage par diode laser et une fa- cilité de fabrication. En revanche, la conductivité thermique est faible, de l’ordre de 1 Wm−1K−1 [18], ce qui nécessite la réalisation de verres fins pour évacuer la chaleur et

le pompage à basse puissance pour éviter l’endommagement thermique. Le laser se com- pose d’un oscillateur pompé par diode, d’un étireur-compresseur, dans lequel la durée de l’impulsion est modifiée par un réseau et d’un amplificateur régénératif avec Nd:verre

Figure 7.4: Amplification à dérive de fréquence (modifié de www.llnl.gov/str/pdfs/09_95.2.pdf)

pompé par diode comme dans le cas de l’oscillateur. L’ensemble des éléments constituant la chaine laser est décrit dans la figure 7.5. Le laser délivre des impulsions centrées autour d’une longueur d’onde de 1.06 µm, avec une durée approximative de 500 fs, un taux de répétition variable entre 1 et 10 kHz, une énergie max de 6 µJ (à 10 kHz), et une stabilité d’environ 1%.

• un laser Ti:saphir. Il inclut un oscillateur Mira1 avec blocage de mode par effet Kerr

pompé par un laser Argon, suivi d’un étireur-compresseur avec réseau et d’un amplifica- teur régénératif ayant comme milieu amplificateur un cristal Ti:saphir dopé par un laser YLF (yttrium lithium fluoride) doublé en fréquence. Le laser délivre des impulsions cen- trées autour d’une longueur d’onde de 800 nm, avec une durée approximative de 170 fs, un taux de répétition de 1 kHz, une énergie max de 200 nJ, et une stabilité d’environ 10%.

7.2.2 Applications chirurgicales et systèmes cliniques commercialisés

Les premières applications du laser femtoseconde en ophthalmologie ont été dans la chirurgie réfractive pour la correction de la myopie et l’hypermétropie [53, 64, 67]. En 1989, une tech- nique chirurgicale pour modifier la courbure de la cornée et ainsi corriger les défauts réfrac-

Figure 7.5: Photo du laser Nd:verre, installé au Laboratoire Biotechnologie et Œil. Les prin- cipaux éléments sont: 1) Nd:verre ; 2a et 2b) miroirs de la cavité ; 3) diode de pompe ; 4) absorbeur saturable ; 5) lame ; 6) miroir "chirpé" ; 7) miroir de sortie ; 8) reseau ; 9) isolateur de Faraday ; 10) entrée de l’amplificateur ; 11) Nd:verre ; 12) sortie du faisceau laser

tifs est introduite par Pallikaris et al. [85] : le LASIK (laser in situ kiratomileusis). Dans le LASIK traditionnel, un couteau mécanique, appelé le microkératome, coupe un volet super- ficiel d’environ 150 µm et un laser excimer vient ensuite remodeler la courbure de la cornée. Puis, le volet est repositionné (figure 7.6). Des complications opératoires peuvent avoir lieu, liées à l’utilisation du microkératome, comme une découpe incomplète ou trop importante, l’endommagement du volet, la création d’un volet trop fin ou trop épais. Ces problèmes ont été contournés en remplaçant le microkératome par le laser femtoseconde qui assure une pré- cision de découpe [4, 57, 83, 106]. Des études cliniques ont montré que l’astigmatisme post- opératoire est également réduit [22, 113]. Dernièrement, l’application du laser femtoseconde en ophtalmologie s’est élargie à la greffe de cornée ou kératoplastie. Comparé aux techniques manuelles ou semi-automatiques, le laser permet une meilleure complémentarité et donc une meilleure adhérence entre le greffon donneur et le lit du receveur [4, 57, 83, 106]. De plus, les systèmes commercialisés proposent différentes formes de découpe -les plus utilisées étant le chapeau, le z et le champignon- qui favorisent la cicatrisation (figure 7.7). Des études ré-

Figure 7.6: Étapes d’une procédure LASIK (from www.ophtalis.tm.fr)

Figure 7.7: Formes de découpe fréquemment utilisées en clinique: chapeau, champignon et z (de gauche à droite)

centes ont montré la faisabilité de la kératoplastie pénétrante ou partielle par laser femtosec- onde [9,44,73,96,99,100,103,105]. Cependant, dans la découpe de cornées pathologiques, des énergies trois à quatre fois l’énergie seuil de disruption des cornées saines ont été utilisées. En effet, d’autres phénomènes ont lieu lorsque le faisceau interagit avec un tissu opaque, comme la diffusion et les aberrations optiques et, si l’énergie n’est pas contrôlée, des effets secondaires peuvent survenir, comme démontré dans la partie expérimentale.

Quatre lasers femtoseconde sont actuellement disponibles sur le marché (figure 7.8) :

• Intralase, produit par la société américaine Advanced Medical Optics. Ses principales

caractéristiques sont : longueur d’onde 1,05 µm, taux de répétition 60 kHz, lentille d’applanation plate ;

• Femtec, commercialisé par la société allemande 20/10 Perfect Visionr. Il délivre des impulsions avec un taux de répétition de 40 kHz et présente une lentille d’applanation courbée ;

• Da Vinci, produit par la société Ziemer Ophtalmic Systems (Ziemer Group Corporate

Structure), installée en Suisse. Il s’agit du seul système qui délivre des impulsions avec un taux de répétition approximatif d’1 kHz ;

• VisuMax, récemment introduit par la société Carl Zeiss Meditec, Inc. Il opère à un taux

de répétition de 100 kHz.

Figure 7.8: Systèmes laser femtoseconde cliniques présents sur le marché

Tous les systèmes intègrent des lasers femtoseconde pompés par diode (laser à l’état solide ou fibré dans le cas de VisuMax). Ils délivrent des impulsions à des énergies de quelques µJ et quelques nJ dans la cas du Da Vinci, dans le proche-infrarouge, avec une durée comprise entre 400 et 800 fs. La principale différence entre les systèmes est représentée par le taux de répétition et/ou la forme de la lentille d’applanation. Le taux de répétition influence l’interaction laser- tissu. En effet, en régime MHz, des effets d’accumulation de température peuvent avoir lieu. Cependant, jusqu’à présent aucune étude n’a reporté des différences post-opératoires.

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