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lasers et haute-fidélité au planétarium

Dans le document laser et ~ecerne · haute fidélité a . (Page 170-175)

En France, on les a vus à Saint-Eustache et aux thermes de Cluny, aux vingt-quatre heures du Mans et au Planétarium, à Beaubourg et au feu d'artifice du 14 juillet à la Tour Eiffel. Balayant l'espace, y sculptant de prodigieuses figures de lumières, les lasers entrent dans le monde du spec-tacle et de la création artistique. C'est peut-être là l'aube d'un art nouveau ...

Chaque fois qu'il apparaît dans un spectacle, le laser se trouve intimement lié à une expression musicale. Soit que les sons rythment le mouve-ment des rayons et des figures lumineuses, soit plus générale-ment que l'expression visuelle découvre, souligne, enrichisse, commente l'expression

sono-re. En cela, la série de specta-cles donnée au mois de juin dernier au Planétarium du Pa-lais de la Découverte faisait le point sur les possibilités ac-tuelles de cet art nouveau, et posait un certain nombre de problèmes sur les relations entre la musique et la création visuelle par les lasers.

LE LASER

Mais pour bien salSlr les possibilités qui s'offrent dans ce domaine, il convient de rap-peler très sommairement ce qu'est le laser. Le terme lui-même correspond aux initiales

de l'expression «Light Ampli-fication by Stimulated Emis-sion of Radiation», soit ampli-fication de lumière par émis-sion stimulée de rayonnement.

On en parle depuis peu, et souvent en pensant à quelque

«rayon de la mort» qui pour-rait être demain une sorte d'arme absolue. C'est hélas probablement vrai, mais le la-ser est aussi un extraordinaire outil technique nouveau, dont on est sans doute encore loin d'avoir exploré toutes les

res-Dès 1917, Albert Einstein prévoyait les possibilités in-soupçonnées d'un cristal atta-qué par un faisceau lumi-neux: le dégagement d'un ra-yon coloré d'une énergie con-sidérable. Du vivant d'Eins-tein, cette idée ne semble pas avoir connu d'écho dans le monde scientifique. Mais en 1958,.Russes et Américains re-venaient à cette intuition qui pourrait évidemment fournir, si elle se vérifiait et permettait de construire des appareils émissifs de rayonnement,' une arme formidable. Quand la destruction et les intérêts d'une «défense nationale» de-viennent les mobiles d'une re-cherche scientifique, les mo-yens matériels et intellectuels mis en jeu sont aussitôt consi-dérables : il ne fallut pas plus photons une structure atomi-que précise, celle d'un cristal, d'un liquide contenant des co-lorants organiques, de certains mélanges gazeux, ou de semi-conducteurs. Sous l'action-des photons, le déplacement élec-tronique dans les atomes du corps ainsi bombardé libère des photons qui, canalisés, forment un rayon de proprié-tés très particulières. En effet, sa lumière est différente de toutes les autres, naturelles ou artificielles, qui se dispersent dans toutes les directions. La lumière du laser, elle, ne se diffuse pas; elle forme un ra-yon de diamètre continu, donc d'énergie constante.

Un rayon laser argon ou krypton émis dans le spectre visible se présente comme un petit pinceau lumineux quasi-ment parallèle - en fait, très peu divergent -, de l'ordre d'un millimètre de diamètre près de la source; quand il ren-contre un obstacle, il forme un petit impact précis, où toute l'intensité lumineuse se trouve concentrée, et non pas une grosse tache floue, et ceci à une distance qui peut atteindre plusieurs kilomètres. En

ou-romatique, c'est-à-dire que sa couleur est très pure, en même temps qu'intense.

Les applications envisagées pour les rayons laser sont ex-trêmement nombreuses. En dehors des domaines des sciences fondamentales et de la recherche, et, évidemment, des applications militaires, la chirurgie, la biologie, les télé-communications, offrir le rayon laser dans le do-maine le plus pacifique qui soit, celui de la création artisti-que. Au premier degré, on peut penser fixer un petit mi-roir à la membrane d'un haut-parleur, sur lequel projeter le rayon lumineux d'un petit la-ser hélium-néon: les mouve-ments de la membrane excitée par une modulation musicale provoquent par réflexion une arabesque lumineuse; mais son tracé est incontrôlable pour créer des figures. On peut alors attaquer le haut-parleur par des fréquences pu-res, et tenter de former des fi-gures de Lissajous; mais la manipulation semble délicate et les ressources peu nombreu-ses.

Beaucoup plus évoluée est l'utilisation des lasers dans les

«Polytopes» de Xenakis (Thermes de Cluny, Beau-bourg). A Cluny, les rayons de

3 émetteurs laser étaient ré-fléchis par d'innombrables mi-roirs tandis que jaillissaient les éclairs de 600 flashes électroni-ques - tout ce dispositif étant étroitement lié à l'oeuvre mu-sicale du compositeur et créant un itinéraire de rêve dans une nuit constellée. Mais le rayon est utilisé ici à l'état brut, sans traitement préala-ble. palpiter l'image de la vie à par-tir de l'obscurité complète, puis miroiter les eaux du fleu-ve.

Mais on peut aller plus loin, en imaginant divers traite-ments du rayon laser avant de l'émettre dans l'espace, afin de créer des figures complexes, et de pouvoir s'en servir avec géné-rateurs laser ils ont associé des systèmes électro-optiques complexes - et notamment 1 des balayages à miroirs - qu'ils ont conçus et réalisés. Ces systè-mes sont constitués à base de filtres et de prismes position-nés avec une extrême précision devant le rayon laser. Com-mandés à distance, par une console aux multiples possibi-lités, ces synthétiseurs permet-tent de démultiplier le rayon

Cockpit fantastique

en plusieurs faisceaux et en plusieurs couleurs, de l'élargir en plans, de matérialiser sur écran et dans l'espace des figu-res géométriques et graphi-ques, lignes, surfaces, arabes-ques de toutes sortes. Ainsi, c'est d'une palette très large-ment diversifiée dont dispo-sent les réalisateurs de specta-cles à base de lasers, spectaspecta-cles. auxquels ils vont tout naturel-lement associer plus ou moins intimement le son et la musi-que.

LE DISPOSITIF DUPLANETARIUM

Le Planétarium du Palais de la Découverte, où «Laser Graphies» a présenté un mois durant un double spectacle musique et laser - classique et moderne -, offrait un cadre admirable, avec la grande

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pole, réplique de la sphère cé~

'leste et précisément conçue pour recevoir des projections.

C'est sous cette voûte qu'al-laient se développer les figures lumineuses suscitées par la Symphonie héroïque de Bee-thoven, ou par les créations de groupes pop.

Le dispositif mis en oeuvre utilisait deux lasers à argon, l'un destiné à la projection, l'autre aux effets d'espace, tous deux diamétralement op-posés. Le laser de projection sépare le rayon initial en cinq rayons différents, réglables à volonté en intensité, offrant ainsi toutes les possibilités de couleurs, de modulàtions, de superpositions, etc. Après cet-te première opération, les ra-yons séparés sont traités opti-quement par les systèmes de lentilles et de prismes auxquels nous avons fait allusion, et qui

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provoquent des jeux de dif-fractions, d'étalement, etc., ou électroniquement par bala-yage en X-Y. Au laser espace est dévolue la mission de don-ner une vibration dans l'espa-ce, de créer la sensation de vo-'lume; la matérialisation des

déplacements du rayon dans l'air peut être accentuée en fai-sant fonctionner des fllmigè-nes : dans les volutes, la lu-mière prend une épaisseur, une substance particulières.

Pour diversifier encore les effets lumineux, huit projec-teurs de diapositives de type carrousel étaient disposés à la base de la voûte, sur toute la circonférence; et un projec-teur à optique spéciale et à diapositives mobiles dirigeait sur la voûte des vues abstrai-tes, des trames, etc., prévues pour se combiner au jeu des rayons laser. Ainsi était créée

une impression de volume lu-mineux dans des déplacements, d'images, comparable à des hologrammes.

Tous les paramètres de ces dispositifs techniques étaient commandés à partir de deux consoles juxtaposées - une par laser -, dont on peut très bien prévoir, à l'exemple des per-fectionnements apportés aux consoles de prise de son pro-fessionnelles, qu'elles sont susceptibles de développe-ments nouveaux, avec des pré-'programmations complètes,

des automatismes divers, com-me l'asservissecom-ment de certai-nes figures par la musique, etc. Actuellement, on y com-mande tous les systèmes satel-lites des émetteurs lasers, ainsi que les divers projecteurs an-nexes - avec la complexité supplémentaire pour les opé-rateurs que les divers éléments

réagissent dans des délais dif-férents, et que certaines figu-res prennent un certain temps à se mettre en place ... De plus, les consoles permettent la composition préalable de figu-res sur un canal indépendant, avec écran de contrôle, qui constituent ainsi une sorte de réserve d'images, prêtes à in-tervenir immédiatement.

ET LE SON ?

Et le son, dans tout cela ? Sur le plan de l'installation technique proprement dite, il y a peu à dire ici, les fidèles lecteurs de la N ouveUe Revue . du Son étant très familiers avec les grandes sonorisations de haute qualité. Disons sim-plement que les quatre grou-pes d'enceintes J.B. Lansing étaient disposés comme les . projecteurs, au pied de la

voû-te, aux quatre points cardi-naux.

Pour ce qui est de la Symphonie héroïque de Bee-thoven, sur laquelle était basé l'un des deux spectacles, le son était classiquement issu d'une bande magnétique, copie de haute qualité directement fournie par l'éditeur du dis-que. En revanche, le second spectacle consistait en une création collective de sons et d'images en collaboration, se-lon les soirs, avec divers grou-pes pop. Les musiciens, physi-J:}uement présents au centre du Planétarium - au pied du sys-tème planétaire et à proximité immédiate de la console image -, étaient repris par une instal-lation électroacoustique redif-fusant leur musique par les groupes d'enceintes acousti-ques, après avoir été soumis aux divers traitements

habi-tuels aux musiciens pop, mais auxquels s'ajoutaient ici la possibilité de créer des dépla-cements sonores, des sons tournants, des localisations très différenciées, du fait des quatre canaux de diffusion.

On comprend jusqu'où peut aller l'homogénéité artis-tique d'un tel spectacle. Les musiciens travaillent librement sur des thèmes, comme les

«imagiers» lasers travaillent sur des motifs visuels. Après concertation des créateurs de sons et des créateurs d'images, c'est à une véritable création collective qu'ils peuvent se li-vrer, variant tous les soirs se-lon le «feeling» du moment, jouant entre eux comme les . partenaires d'un quat~or à cordes, soit du regard ou du geste, soit par une dialectique de la proposition et de la

ré-Une console image

ponse des sons et des lumières, faisant évoluer l'oeuvre ainsi élaborée dans des voies de dé-veloppement insoupçonnées auparavant.

En revanche, la question se pose de savoir ce que peut ap-porter, et comment, l'expres-sion lumineuse des lasers à une oeuvre musicale déjà écrite, qu'elle soit ancienne - comme c'était le cas pour la sympho-nie de Beethoven - ou récente.

Commentaire lumineux des impressions suscitées par la musique? Mais ne serait-on pas alors en droit de paraphra-ser Victor Hugo fustigeant les musiciens enragés de mettre ses poèmes en musique, en déclarant «Défense de déposer des lumières le long de mes no-tes !» ? Ou bien les images la-sers ne peuvent-elles pas atta-quer l'oeuvre musicale, tout

... peut être l'aboutissement des recherches graphiques de notre époque?

Les systèmes opta électroniques de tràitement du rayon laser

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Les lasers argon utili-sés au Planétarium du Palais de la Découverte par «Laser Graphies»

sont des modèles 165 réalisés par «Spectra Physics». Chacun pos-sède une puissance de 4 watts; mais pour pro-duire ces 4 W, il est né-cessaire d'utiliser une puissance de 15 kW en courant triphasé 380 V.

L'énergie thermique dé-gagée est donc considé-rable et nécessite pour le refroidissement de l'ap-pareil un débit d'eau de 7 litres par minute sous pression constante et ri-goureuse de 3 kg! cm 2 Des études préalables permettent, pour cha-que spectacle, de garan-tir une sécurité absolue d'emploi; toutes les dis-positions sont prises pour qu'un rayon laser ne pùisse en aucun cas atteindre un spectateur.

en restant fidèle à leurs mo-yens expressifs propres, éta-blissant avec la musique un rapport contrapuntique ten-du, dans lequel lumières et sons, non contents de s'enri-chir mutuellement, révèle-raient chez l'autre des registres sensibles inaperçus. Mais un tel rapport ne peut s'établir qu'après une analyse en pro-fondeur de la structure musi-cale, et en possédant les élé-ments du langage lumineux aussi complètement que ceux du langage musical.

Dans cette direction, il y a peut-être· à aller plus loin en-core. Pourquoi un unique créateur ne serait-il pas à la fois à l'origine de la musique et des lumières, livrant aux exécutants une partition no-tant précisément toutes les in-dications d'exécution en mê-me temps qu'elle leur laisse une marge de libre interpréta-tion ? Il faudrait évidemment pour cela que se constitue, à .partir de dispositifs comme ceux de «Laser Graphies», un vocabulaire des figures et des moyens lumineux - inventaire descriptif aussi complet que possible des éléments constitu-tifs -, ainsi qu'une grammaire de leurs modes d'utilisation -ressources, impossibilités, etc.

Ce premier stade franchi, on pourrait passer à la rhétorique et au système de notation, fai-sant de la composition lumi-neuse l'égale de la composi-tion sonore, toutes deux pou-vant être notées ou enregis-trées sur bande (les informa-tions de commande des effets lumineux se prêtent très facile-ment à un enregistrement magnétique). On rêve alors de ce que pourraient nous offrir un Olivier Messiaen, un lannis Xenakis ou un Karlheinz Stockhausen, explorations oniriques d'univers fabuleux réalisant la passion de Baude-laire : «Et j'aime à la fureur les choses où le son se mêle à la lumière» ...

Gilles Cantagrel Photos Claude Lévesque

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