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La création langagière des jeunes est appréhendée en rapport avec l’espace urbain où elle est naît et dans lequel elle continue d’évoluer sans cesse. La présence foisonnante des concepts renvoyant à leur dimension urbaine, dans les travaux de recherches, indique que le fait « urbain » est un élément incontournable. Les plus utilisés sont : « langue urbaine » (de BULOT et TSEKOS en 1999) ; « répertoires urbains » (de BOUTET et DEPREZ en 2000) ; « parlers urbain » (de TRIMAILLE et BILLIEZ en 2000) ; …

En effet, depuis des années, le rôle de la sociolinguistique est de saisir la question de l’urbanité afin de l’interroger dans une perspective langagière et linguistique, concernant la catégorie des jeunes. Ainsi, l’organisation de l’espace et des lieux urbains, où se produit la langue, est désormais prise en considération, dans les travaux de recherches des linguistes, s’inscrivant dans la vision et l’idée proposée, en 1994, par Jean- Louis CALVET qui suggère de pratiquer une sociolinguistique qui a pour terrain la « ville », qui est

un creuset dans lequel viennent se fondre les différences- et, au plan linguistique cette confusion est productrice de langue à fonctions Véhiculaires, mais elle les accentue en même temps, comme une centrifugeuse qui sépare divers groupes, séparation qui, au plan linguistique, produit des formes grégaires78.

Parmi les recherches empiriques intéressées au langage des jeunes nous citons la thèse de LAKS en 1980, où l’auteur à mené une étude sociolinguistique auprès des jeunes qui fréquentaient « La maison pour tous » dans la banlieue parisienne, Villejuif, cherchant à établir des corrélations entre certaines pratiques langagières et

78 CALVET, Jean- Louis, 1994, « Les voix de la ville. Introduction à la sociolinguistique urbaine », op. cit., p. 65.

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l’appartenance au groupe social79. Et à partir de l’usage de la variation phonique du /R/, il a pu démontrer le fonctionnement de celle- ci en tant que marque de différenciation en indiquant le statut social de son usagé. De nombreuses études sociolinguistiques et des travaux de recherches étudient les « parlers des jeunes » en les mettant dans leur lieu de création et d’émergence. Citons les travaux de Thierry BULOT, qui mérite d’être cité dans ce genre de domaines, en 2004, 2006 et 2007. Dans sa description du langage des jeunes ainsi que leur lieu d’habitation et leurs représentations langagières, il a fait intégrer le caractère urbain80 et participe à la production d’une « toile de fond

structurante, de matrice urbaine passive des pratiques décrites analysées. »81 Cette démarche explore les relations entre l’urbanisation et la stigmatisation des variétés langagières pratiquées par les jeunes.

Dans cette optique, la ville contient l’ensemble de populations avec de cultures diverses. C’est un lieu privilégié pour une étude sur les pratiques sociales et langagières dans leurs manifestations les plus concrètes. Ce contact des langues tendent à l’unifier en développant de nouvelles stratégies des parlers urbains. Dans cette idée, nous pouvons signaler que la ville n’est pas seulement un lieu de rencontre des groupes d’origines différentes mais aussi un espace dans lequel ils organisent leur vie, du côté social, culturel et même religieux, en relation les uns avec les autres ; ce qui les poussent à interagir, aussi par rapport à la culture dominante. Et c’est dans le besoin d’identification par rapport aux autres qu’apparaissent les parlers urbains identitaires.

Selon Cyril TRIMAILLE et Jacqueline BILLIEZ82, la notion de « parlers jeunes », globalisante, utilisée afin de renvoyer à une seule et unique variété de parlers, devrait recouvrir toutes les variétés en présence. Dans leurs travaux de recherche menés sur les parlers des jeunes issus de l’immigration maghrébine, ces deux auteurs s’interrogent principalement sur « le caractère politiquement correct de la désignation

79TRIMAILLE, Cyril, 2004, « Études de parlers de jeunes urbains en France. Éléments pour un état des lieux », Rennes : PUR, Cahiers de Sociolinguistique, N° 1, p. 125.

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Ibid.

81 Ibid.

82 TRIMAILLE, Cyril, BILLIEZ, Jacqueline, 2007, « Pratiques langagières de jeunes urbains : peut- on parler de « parler » ? », In Les français en émergence, Berne, Peter Lang, p. 104.

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consensuelle « parlers des jeunes » pour pouvoir dégager les caractéristiques et la façon de parler de cette catégorie de locuteurs.

Continuant dans la même orientation d’idées, Bernard LAMIZET, dans ces recherches, a examiné le fondement objectif de l’existence du « parler jeunes » et conclut à l’inexistence de celui- ci, dans la mesure où la notion même de « jeune » est mouvante : En parlant des faits générationnels, il n’y a pas de « jeune » mais des « jeunes » différents. Il déclare qu’

Il n’existe ni de langue, ni de parler jeunes : sans doute n’existe- t- il qu’un ensemble ritualisé de pratiques symboliques dont le retour et la répétition permettent à la fois l’identification de ceux- là mêmes qui les mettent en œuvre. S’il y a des usages symboliques de la langue et des pratiques sociales qui sont propres à une certaine catégorie de population qu’ils parviennent justement à constituer, sans doute s’agit- il, d’abord, essentiellement de modes particuliers d’appropriation de l’espace public et de formes particulières de pratiques sociales d’usage de la langue83.

83 LAMIZET, Bernard, 2004, « Y a- t –il un parler jeunes ? », In Les parlers jeunes, Pratiques urbaines et sociales, Rennes : PUR, Cahiers de Sociolinguistique, N° 9, p. 97.

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Conclusion

À travers ce chapitre, nous avons pu révéler et comprendre l’histoire de l’émergence d’une approche qui prend en charge la structure socio- spatiale et la stratification sociolinguistique ainsi que la covariance entre les deux : Il s’agit de la sociolinguistique urbaine.

Comme nous l’avons déjà signalé, nous ne pouvons pas séparer et dissocier la langue du contexte social dans lequel elle fonctionne. La coexistence des plusieurs variétés linguistiques, dans le milieu urbain, est étroitement liée aux groupes sociaux qui les pratiquent. Et à partir de cette idée, nous concluons que la sociolinguistique s’est donné pour tâche de décrire et d’analyser ces variétés qui existent au sein d’une même communauté linguistique en se basant sur les structures sociales. Donc, elle est née de l’hétérogénéité sociale et hétérogénéité linguistique.

Si la sociolinguistique générale pose la covariance entre langue et société, la sociolinguistique urbaine s’attache essentiellement à la mise en mots de la covariance entre la structure socio- spatiale et la stratification sociolinguistique, en faisant appel à d’autres disciplines telle que la géographie sociale ; à la façon dont les langages font état des appropriations de l’espace urbain par les groupes sociaux, d’une langue ou d’une variété de langue qui les pratiquent. Elle interroge, aussi la mise en mot du social et de l’espace urbain qui représente un produit social et une dimension fondamentale de sa construction.

Les chercheurs et les spécialistes dans ce domaine n’ont qu’une seule ambition, celle de soulever les problèmes liés à l’émergence de la sociolinguistique urbaine en faisant appel aux thèmes relatifs à la linguistique, en accordant l’importance au facteur « urbain ». Ils affirment que cette discipline récente n’est pas urbaine par essence car elle envisage les phénomènes langagiers dans une perspective plus large que l’urbanisation. Nous disons donc, que l’objet de la sociolinguistique urbaine est l’étude des effets de l’urbanisation sur la forme des langues ainsi que sa distribution. Elle tente de problématiser l’urbanité et l’urbanisation de la langue.

Aujourd’hui, la plus grande partie de la sociolinguistique urbaine s’occupe plus particulièrement aux parlers des jeunes dans le milieu urbain. Ils ont inventé leur propre

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langage et leur propre façon de parler. Ce phénomène de création langagière, signalé partout dans le monde, est appréhendé en rapport avec l’espace urbain où elle est naît et dans lequel elle continue d’évoluer sans cesse.

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CHAPITRE IIIIIIII ::::