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Le laisser-faire de la Cour constitutionnelle : une critique

24. Pour discuter la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en rapport avec le principe de légalité contenu par l’article 23 de la Constitution, nous prendrons pour exemple privilégié le cas de l’assurance chômage (115). Parmi d’autres, le statut social des indépendants pourrait également constituer un terrain d’application fécond, ainsi qu’en témoigne notamment l’exemple relevé dans le point précédent. Mais c’est sans doute dans le champ de l’assurance chômage que le prin-cipe de légalité paraît le plus relever du registre du « vœu pieux » (116), en raison du caractère en-tièrement réglementaire de la matière. C’est que, s’agissant du chômage, les élus de la nation sont priés de rester au balcon pour contempler passivement un spectacle dans lequel ils n’ont pas leur mot à dire, depuis ce jour lointain d’hiver 1944 lors duquel, en pleine offensive des Ardennes, leurs prédécesseurs se sont décidés à donner les pouvoirs extraordinaires au gouvernement. Partant, le gouvernement fédéral, et en particulier son ministre de l’Emploi, sont seuls maîtres à bord. N’est-ce pas problématique au regard du constat que, depuis 1994, la sécurité sociale est une matière expressément réservée par la Constitution au législateur ?

Sur un plan théorique et conceptuel, la réponse paraît indiscutablement positive, du moins – la précision est d’importance – pour ce qui concerne les modifications opérées postérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 23 de la Constitution. À notre connaissance, personne ne conteste en effet que l’insertion de cette disposition dans notre charte fondamentale ne doit pas conduire à remettre en cause le droit réglementaire produit antérieurement (117).

Mais sur un plan plus pratique, il faut se résoudre à constater qu’on ne peut donner de réponse ferme à la question de la légalité de la réglementation du chômage : cette réponse dépend en dé-finitive de la portée que la Cour constitutionnelle entend accorder au principe de légalité qui gou-verne la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux. Si, comme la Cour l’a déjà jugé, le pouvoir exécutif ne peut pas combler l’imprécision des principes arrêtés par le législateur formel ou affiner des options insuffisamment détaillées (118), alors une part significative des nombreuses réformes de la réglementation du chômage opérées par le gouvernement fédéral depuis 1994 sont de toute évidence inconstitutionnelles, puisque, pour ce qui concerne l’indem-nisation des chômeurs proprement dite, l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 se contente de donner pour mission à l’Office national de l’emploi d’« assurer […] le paiement aux chômeurs involontaires et à leur famille des allocations qui leur sont dues », et ce « dans les conditions que le roi détermine  » (119)  : telle est la principale disposition «  légale  » qui fonde un code long de plus de 150 articles. En termes d’habilitation, on a déjà connu plus loquace. Mais si, en revanche,

voy. C.C., 17 mars 2016, n° 42/2016, B.7. à B.9. (déjà cité à la note n° 45), relatif au décret de la Communauté flamande concernant le soutien financier aux personnes handicapées (pour la référence à l’avis, voy. la note n° 107). Mais on ajoutera immédiatement que les dispositions attaquées n’étaient pas celles épinglées dans son avis par le Conseil d’État.

(115) Pour une analyse antérieure de la question, voy. S. PALATE, « Aspects institutionnels de la réglementation du chômage », La réglementation du chômage : vingt ans d’application de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (dir.

J.-F. NEVEN et S. GILSON), Waterloo, Kluwer, coll. « Études pratiques de droit social », 2011, nos 15 à 24, pp. 22-32.

(116) Ibid., n° 2, p. 9.

(117) En ce sens, G. MAES, De afdwingbaarheid van sociale grondrechten, op. cit., n° 826, p. 419. On n’est donc pas sûr de comprendre la justification de l’attitude de la Cour constitutionnelle à l’endroit des délégations au pouvoir exécutif exprimée par son ancien président, Paul Martens, lorsqu’il écrit que la sécurité sociale « risquait de devenir un cimetière normatif si la matière était décrétée insusceptible de délégations qui iraient au-delà de mesures d’application » : P. MARTENS, « Les droits sociaux sont-ils constitutionnalisables ? », Le droit du travail au XXIe siècle, Liber Amicorum Claude Wantiez, Bruxelles, Larcier, coll. « Droit social », 2015, p. 269.

(118) Voy. l’arrêt cité à la note n° 48.

(119) Arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, art. 7, § 1er, al. 3, i) (littera in-changé depuis 1961). La disposition a été complétée au fil du temps par plus d’une vingtaine de paragraphes additionnels, souvent eux-mêmes subdivisés en nombreux alinéas et littera – au point du reste d’être devenue particulièrement peu lisible –, afin de donner un fondement légal aux missions diverses et variées qui ont été confiées à l’ONEm en matière, par exemple, d’aménagement du temps de travail et d’activation des allocations.

une délégation au pouvoir exécutif est acceptable dès l’instant où le législateur a arrêté l’objet de cette délégation, ainsi que la Cour le considère le plus souvent (120), alors il est difficile de trou-ver quelque chose à redire à ces mêmes réformes sous l’angle du respect du principe de légalité, malgré l’absence totale de lignes directrices arrêtées par le législateur lui-même. Au vrai, on peut raisonnablement se demander si notre ordre juridique contient une seule habilitation qui serait dépourvue d’objet et si, partant, cette seconde ligne jurisprudentielle, aujourd’hui dominante, ne conduit pas à donner au principe de légalité consacré par l’article 23 de la Constitution une portée qui ne se démarque plus aucunement de celle du principe de légalité général adossé aux articles 108 et 105 dans les matières résiduaires.

25. À qui profite cette souplesse ? Devant la Cour constitutionnelle, le gouvernement semble parfois laisser entendre, ainsi qu’il apparaît à la lecture du résumé des arguments des parties, qu’il ne pourrait qu’être favorable aux créanciers du droit à la sécurité sociale, c’est-à-dire aux citoyens destinataires des réformes, de bénéficier d’une mise en œuvre rapide de celles-ci. Outre que, con-ceptuellement, on n’est pas certain de voir en quoi cela permettrait de justifier le non-respect de la réserve de compétence au profit du législateur, l’argument paraît en tout état de cause douteux en période d’austérité. En matière d’assurance chômage, pour continuer avec ce case study, les gouvernements Di Rupo (2011-2014) comme Michel (2014-…), par exemple, se sont illustrés par l’adoption de réformes qui ont eu pour effet d’amoindrir significativement le niveau de protection du droit à un revenu de remplacement destiné à pallier le manque involontaire d’emploi. Ces réformes ont toutes été opérées par le biais d’arrêtés royaux ou ministériels pris au lendemain de l’intronisation du gouvernement et avec entrée en vigueur quasi immédiate. On pense en parti-culier à la détérioration de la norme d’emploi convenable (121), à la limitation dans le temps des allocations d’insertion (122), à l’accentuation de la dégressivité des allocations de chômage ordi-naires (123) ou encore au renforcement des exigences d’âge et de niveau de formation auxquelles l’admissibilité aux allocations d’insertion est conditionnée (124).

Aucune des modifications de grande ampleur introduites par ces arrêtés successifs n’est précédée d’un rapport au roi en exposant la ratio legis, pas davantage que de l’avis rendu à leur propos par la section de législation du Conseil d’État. Par hypothèse, s’agissant d’arrêtés pris par le pouvoir exécutif seul – voire par un ministre seul –, il n’est pas possible non plus de se référer aux travaux parlementaires, puisque de tels travaux il n’y a pas eu. En guise d’exposé des motifs, il faut se contenter, dans le meilleur des cas, de quelques lignes faisant valoir, souvent de manière très for-maliste et laconique, les raisons pour lesquelles l’avis du Conseil d’État est sollicité dans les 5 jours ouvrables. Avec Denis Roulive, conseiller à l’ONEm, il faut bien constater que, de manière générale,

« lorsque l’urgence est invoquée, sa motivation, même si elle n’est pas inexistante, est en général très pauvre et souvent “limite” » (125). Cet escamotage complet du débat démocratique, ce régime

(120) Voy. les arrêts cités à la note n° 45.

(121) Arrêté ministériel du 28 décembre 2011 modifiant les articles 23 et 25 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage dans le cadre de l’emploi conve-nable, M.B., 30 décembre 2011, 5e éd.

(122) Arrêté royal du 28  décembre 2011 modifiant les articles 27, 36, 36ter, 36quater, 36sexies, 40, 59quinquies, 59sexies, 63, 79, 92, 93, 94, 97, 124 et 131septies de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, M.B., 30 décembre 2011, 5e éd.

(123) Arrêté royal du 23  juillet 2012 modifiant l’arrêté royal du 25  novembre 1991 portant la réglementation du chômage dans le cadre de la dégressivité renforcée des allocations de chômage et modifiant l’arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant les articles 27, 36, 36ter, 36quater, 36sexies, 40, 59quinquies, 59sexies, 63, 79, 92, 93, 94, 97, 124 et 131septies de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage, M.B., 30 juillet 2012.

(124) Arrêté royal du 30 décembre 2014 modifiant les articles 36, 59bis, 59bis/1, 63, 64, 71bis, 72, 89bis, 114, 116, 126, 131bis, 153, 154, 155 et 157bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et abrogeant les articles 89, 90 et 125 dans le même arrêté, M.B., 31 décembre 2014.

(125) D. ROULIVE, Le contentieux en matière de chômage. Les grands arrêts de la Cour de cassation, de la Cour constitu-tionnelle et de la Cour de justice de l’Union européenne, Bruxelles, Larcier, coll. « Droit social », 2015, p. 181. Les années 1990 ont été riches en arrêtés royaux et arrêtés ministériels se prévalant fictivement de l’urgence aux

de pouvoirs spéciaux permanent, la Cour constitutionnelle le cautionne incidemment en n’exi-geant pas que les éléments essentiels de chaque branche de la sécurité sociale soient repris dans une loi. Par ailleurs, cela la conduit à se mettre elle-même hors jeu et à abandonner le règlement des questions de constitutionnalité aux juridictions du travail, par le jeu du contrôle incident fondé sur l’article 159 de la Constitution.

26. Finalement, le législateur lui-même semble, en 2014, avoir admis l’existence du problème s’agissant de l’assurance chômage, poussé dans le dos par la section de législation du Conseil d’État et l’introduction d’un certain nombre de recours. Dans son avis relatif à l’arrêté royal renforçant la dégressivité des allocations de chômage, le Conseil d’État a en effet souligné que l’habilitation particulièrement large conférée au roi par l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 « pourrait se heurter au principe de légalité prévu par l’article 23 de la Constitution », dans la mesure où cette habilitation porte sur « la fixation de l’ensemble de la réglementation du chômage » (126). Parallèle-ment, de nombreux recours, dont la majorité sont du reste encore pendants, ont été introduits par des chômeurs devant les juridictions du travail pour demander aux juges d’écarter, sur la base de l’article 159 de la Constitution, certaines des nouvelles dispositions réglementaires, pour violation de l’effet de standstill et du principe de légalité (127). Par le biais d’une loi portant des dispositions diverses, l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 a été quelque peu complété, de manière à poser un certain nombre de principes de base et à constituer ainsi une base légale un peu moins ténue (128). De toute évidence, l’opération a été accomplie a minima, dans le sens où les principes de base qui ont été consacrés restent exprimés de manière particulièrement succincte, du moins au regard de l’ampleur des développements que leur donne le code du chômage. Le législateur lui-même a d’ailleurs indiqué, dans l’exposé des motifs, que la manœuvre visait prioritairement à contrecarrer les recours pendants (129).

Mais l’intéressant, pour notre propos, est surtout que le législateur a reconnu à cette occasion que « la formulation très ramassée » de l’habilitation pose problème dès lors que celle-ci porte sur une matière « explicitement attribué[e] au législateur » et dont, par conséquent, « le législateur lui-même doit régler les éléments essentiels » (130). En disant cela, le législateur a ainsi franchi le pas que seule la Cour constitutionnelle se refuse encore à franchir, en considérant que, puisque l’on a affaire à une matière réservée à la loi en vertu de l’article 23 de la Constitution, tous ses éléments essentiels devraient être arrêtés par le pouvoir législatif et lui seul. Dans la foulée, l’exposé des mo-tifs annonce que des « travaux seront lancés », afin d’aboutir, « à terme », à la rédaction d’une « loi de base » régissant l’assurance chômage, « avec délégation au roi plus restreinte et encadrée » (131). On ignore où en sont ces travaux.

fins d’éviter complètement le passage au Conseil d’État pour avis. En retour, il n’est pas rare que les juridictions judiciaires aient été amenées à refuser d’appliquer certaines modifications, sur la base de l’article 159 de la Constitution, lorsqu’elles étaient amenées à constater le caractère purement tautologique de la justification de l’urgence spécialement motivée requise pour éviter la saisine de la section de législation du Conseil d’État.

Voy. par exemple Cass., 9 septembre 2002, J.T.T., 2002, p. 437.

(126) Avis n° 51.467/1 du 21 juin 2012 sur un projet devenu l’arrêté royal du 23 juillet 2012 (cité à la note n° 123), non publié mais dont le passage pertinent a été reproduit dans l’avis n° 53.293/1 et 53.294/1 du 3 juin 2013 sur un projet devenu la loi portant diverses modifications en vue de l’instauration d’un nouveau système social et fis-cal pour les travailleurs occasionnels dans le secteur de l’horeca, Doc. parl., Chambre, 2012-2013, n° 53 2990/1, pp. 15-18.

(127) Ces recours ont été suggérés par D. DUMONT, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus prin-cipe de standstill », J.T., 2013, pp. 769-776. Sur l’effet de standstill déduit de l’article 23 de la Constitution en ma-tière de sécurité sociale, ID., « Le “droit à la sécurité sociale” consacré par l’article 23 de la Constitution : quelle signification et quelle justiciabilité ? », op. cit., nos 39-58, pp. 88-97.

(128) Arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, art. 7, § 1ersepties et § 1erocties, introduits par la loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale, M.B., 6 juin 2014, en vue de compléter l’art. 7, § 1er, al. 3, i) de l’arrêté-loi.

(129) Projet de loi portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale, exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 2013-2014, n° 53 3359/1, p. 14.

(130) Ibid., p. 13 (c’est nous qui soulignons).

(131) Ibid.

27. On terminera cette discussion en soulignant que, pour sa part, la Cour de cassation semble retenir une conception plus exigeante du principe de légalité et de la notion de matière réservée que la Cour constitutionnelle. Dans un arrêt de 2002, notre cour suprême a en effet considéré, à propos d’une disposition du code du chômage relative à l’admissibilité aux allocations d’insertion des étrangers, que cette disposition ne répondait pas à la notion de loi au sens de l’article 191 de la Constitution, en vertu duquel une différence de traitement entre Belges et étrangers ne peut établie que par le législateur, dans la mesure où il y a lieu d’entendre par loi un « acte émanant du pouvoir législatif » – quod non évidemment en l’espèce. Et la Cour de souligner en outre que l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 ne peut pas habiliter le roi à déroger à la Constitu-tion (132). Il s’en déduit que la disposition réglementaire qui était en cause est inconstitutionnelle et doit être écartée par les juridictions du travail. On ajoutera que la Cour aurait parfaitement pu aboutir à la même conclusion sur la base de l’article 23 de la Constitution (133). Elle pourrait très bien y parvenir dans le futur, dans le cadre d’autres contentieux (134).

(132) Cass. (3e ch.), 25 mars 2002, J.T.T., 2002, p. 440, avec les conclusions conformes du ministère public. Quelques mois après cet arrêt, deux nouveaux paragraphes, les § 14 et 15, étaient insérés par loi-programme dans l’ar-ticle 7 de la loi du 28 décembre 1944, afin d’y loger les dispositions du code du chômage relatives aux condi-tions d’admissibilité et d’octroi propres aux étrangers.

(133) Ainsi que l’avait écrit un auteur isolé dès 1996, « on pourrait contester, sur la base de l’article 23 de la Constitu-tion, qu’un “droit à la sécurité sociale” aussi important que le droit aux allocations de chômage ne soit toujours, pour ses règles fondamentales, pas réglé par une loi mais par un arrêté royal, ce qui ne semble pas conforme au principe de légalité et de hiérarchie des sources du droit, tels qu’ils ressortent de l’énoncé de cette disposition constitutionnelle » : H. FUNCK, « Le droit à l’aide sociale dans la Constitution : quelle incidence sur le droit à l’aide sociale ? », Rev. dr. comm., 1996, n° 19, p. 276.

(134) On l’a dit, de nombreux autres exemples de situations problématiques au regard du principe de légalité pour-raient être pris. Outre ceux dont regorge le statut social des indépendants, on pense, parmi d’autres, au cas de l’assujettissement à la sécurité sociale des artistes. Peuvent bénéficier du régime de sécurité sociale des travailleurs salariés les personnes qui, sans être liées par un contrat de travail, « fournissent des prestations ou produisent des œuvres de nature artistique » contre rémunération et pour le compte d’un donneur d’ordre (loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, art. 1erbis, tel qu’il a été réécrit par la loi-programme (I) du 26 décembre 2013, M.B., 31 décembre 2013, puis la loi du 20 juillet 2015 portant dispositions diverses en matière sociale, M.B., 21 août 2015). Surgit évidemment tout de suite la question : qu’est-ce qu’une prestation ou une œuvre « de nature artistique » ? Le législateur a confié à une commission administrative instituée au sein du SPF Sécurité sociale, la Commission artistes, qui est composée de fonctionnaires et de représentants des organisations syndicales et patronales ainsi que du secteur artistique (arrêté royal du 26 juin 2003 relatif à l’organisation et aux modalités de fonctionnement de la Commission artistes, M.B., 17 juillet 2003, largement remanié en 2014 et 2015), le soin de le déterminer au cas par cas, « sur la base d’une méthodologie déterminée dans son règlement d’ordre intérieur confirmé par un arrêté royal délibéré en conseil des ministres ». En quoi consiste la méthodologie arrêtée par ledit règlement d’ordre intérieur, adopté et avalisé par le roi en 2016 ? En ceci : « la Commission artistes détermine, sur [la]

base de critères objectifs et pertinents, ce qu’il y a lieu d’entendre par ‘prestations et/ou œuvres de nature ar-tistique’ » (arrêté royal du 29 février 2016 approuvant le règlement d’ordre intérieur de la Commission artistes, M.B., 22 mars 2016, art. 17, al. 1er). Arrivé au bout du jeu de piste, on ne peut que se poser la question suivante : en Belgique, à quel texte accessible publiquement peut se référer la personne qui se demande si elle a la qualité d’artiste et cherche à déterminer ses droits et obligations sur le plan de l’assujettissement à la sécurité sociale ? Alors que la section de législation du Conseil d’État avait enjoint au législateur de prévoir lui-même

« au moins un certain nombre de critères permettant d’apprécier si une activité déterminée doit ou non être considérée comme une prestation ou une œuvre ayant un caractère artistique », ajoutant que la Commission ne pouvait « en aucun cas » être chargée de régler seule l’ensemble de la matière (avis n° 54.445/1/2/3 du 19 novembre 2013 sur un projet devenu la loi-programme (I) du 26 décembre 2013, Doc. parl., Chambre, 2013-2014, n° 53 3147/1, p. 77), la Cour constitutionnelle, elle, a validé le procédé en raison de l’obligation, introduite suite à l’avis du Conseil d’État, de confirmer par arrêté royal le règlement d’ordre intérieur de la Commission précisant sa méthodologie (C.C., 17 septembre 2015, n° 115/2015 ; on soulignera toutefois que les moyens invoqués par les requérants se situaient sur le terrain de la discrimination et non du principe de légalité). Si la délégation de pouvoir a ainsi été formellement lavée de toute inconstitutionnalité, force est de constater que le garde-fou qui a convaincu la Cour d’accorder son blanc-seing a été ultérieurement contourné, puisque le règlement d’ordre intérieur auquel le roi a donné son approbation ne contient pas la méthodologie annoncée, sauf à considérer satisfaisante la simple promesse de recourir à des « critères objectifs et pertinents ». Saisies de recours à l’encontre de décisions prises par la Commission artistes déniant à des demandeurs la qualité d’artiste, les juridictions du travail pourraient considérer le fondement réglementaire des décisions contraire à

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