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La voix narrative tient souvent le rôle de principe unificateur dans la forme composite. Elle est essentielle au principe de « storytelling » identifié par Dunn et Morris, bien que celles-ci ne la nomment pas explicitement. Elles analysent Storyteller de Leslie Marmon Silko pour illustrer cette force centripète. Dans cette œuvre, le lecteur « devient immédiatement conscient d'une voix unificatrice » malgré l'aspect d'« un collage décentré et défocalisé » de textes . C'est la narratrice 73

qui expose le processus de création de la fiction dans les œuvres du cycle manitobain par exemple. Sans la voix de Christine, le travail de mémoire qui consiste à raconter l'œuvre est

L. Clemente, « Gabrielle Roy : l’évolution d’un style narratif », p. 234. 72

Dunn & Morris, p. 88. Notre traduction de « becomes immediately aware of a unifying voice » et de 73

absent. La voix narrative, dans sa complexité, est une manifestation de la force de contreclôture que Lundén appelait « multiplicité ». De plus, les éléments de ton et de style qu'Ingram reconnait comme des éléments de jonction des textes font partie intégrante de la voix narrative. 74

Par « voix narrative », nous entendons ce que Genette définit, après Vendryès, comme l'« aspect […] de l’action verbale considérée dans ses rapports avec le sujet » en ajoutant que « ce sujet n’étant pas ici seulement celui qui accomplit ou subit l’action, mais aussi celui (le même ou un autre) qui la rapporte » . La narration peut être homodiégétique ou 75

hétérodiégétique selon que le narrateur est « présent dans l'histoire qu'il raconte » ou non . Dans 76

le cas d'une narration homodiégétique, il faut encore distinguer deux catégories : soit le narrateur est la vedette de l'histoire, dans lequel cas Genette le désigne comme autodiégétique, soit il est témoin . Les trois œuvres du cycle manitobain sont prises en charge par la même narratrice-77

personnage, Christine, dont la voix narrative est homodiégétique et la plupart du temps autodiégétique.

Rue Deschambault est le premier livre de Gabrielle Roy à présenter cette narratrice-

personnage. Elle n'est pas stable, Christine est tour à tour témoin et héroïne du récit. En effet, dans certains récits, comme « Les deux nègres », « Ma tante Thérésina Veilleux » et « Wilhelm », elle est surtout témoin. La jeune Christine n'est pas le sujet de ces histoires, mais elle est plutôt en arrière-plan, observatrice hors pair qui interagit peu. On peut aussi penser au récit « Alicia », dans lequel elle commente abondamment son état psychologique et sentimental de telle façon qu'elle reste au premier plan; ou au récit « L'Italienne » où la narratrice reste principalement

Ingram, p. 200. 74 Genette, p. 252. 75 Ibid. 76 Ibid., p. 253. 77

témoin du sort de ses voisins. Il est à noter que ni La Route d'Altamont ni Ces enfants de ma vie ne contiennent de récit où Christine est seulement témoin.

Le « je » de la narration est également assumé à deux niveaux. En effet, il y a la Christine dans l'histoire qui vit et réagit immédiatement à ce qui se passe, mais il y a également la voix d'une Christine adulte qui fait le travail de mémoire. Pour clarifier cette situation, nous aurons recours aux termes genettiens de niveaux narratifs. Genette distingue le niveau extradiégétique, qui se situe en dehors de l'histoire (Christine adulte dans le cas du cycle manitobain), le niveau intradiégétique, qui se trouve dans l'histoire (Christine enfant), et le niveau métadiégétique, pour des « événements racontés dans le récit » par un personnage . Robert Vigneault a qualifié de 78

« contrepoint narratif » les jeux de niveaux narratifs de la narratrice-personnage dans les œuvres du cycle manitobain . Il le décrit comme une « voix narrative [qui] réagit devant l'immédiateté 79

de l'événement avec toute la spontanéité, la fraîcheur, la peur ou l'émerveillement de l'enfance » à laquelle se superpose « une autre [voix], réfléchie, expérimentée, sage, qui fait écho aux intuitions de l'enfant, qui les fait accéder, en les amplifiant, à la plénitude de la conscience » . 80

Ce contrepoint, ce jeu dans la voix narrative, est une des principales caractéristiques qui rend difficile l'analyse générique des œuvres du cycle manitobain.

La voix narrative est, par exemple, le premier argument de Rosmarin Heidenreich, dans sa défense de Rue Deschambault comme « modèle du Bildungsroman au féminin » . La 81

classification générique qu'elle propose s'appuie avant tout sur la narration. Heidenreich affirme,

Ibid., p. 238-239. 78

Son analyse étudiait la « nouvelle » chez Gabrielle Roy et portait sur les œuvres du cycle manitobain, 79

que nous considérons plutôt être des composites de récits brefs, mais aussi d'autres œuvres comme La

Petite Poule d'Eau, Cet été qui chantait ou Un jardin au bout du monde.

Vigneault, p. 89. 80

Heidenreich, « Le "je" spéculaire », p. 479. 81

après Frank K. Stanzel, que le Bildungsroman est « centré sur une tension entre l'être et le paraître, car il y a médiatisation des événements et du "je" du récit à travers la distance temporelle et psychologique du "je" qui raconte le roman » . C'est donc dire qu'il y a une 82

tension entre un narrateur intradiégétique (le « je » du récit) et extradiégétique (le « je » qui raconte le roman) . Elle poursuit son analyse en démontrant comment Rue Deschambault 83

renverse les évènements attendus dans la structure narrative du Bildungsroman.

Dans Rue Deschambault, la voix narrative intervient assez fréquemment. Comme le récit est un souvenir, produit de la mémoire, la narratrice extradiégétique s’insère dans le texte par des incises qui marquent sa situation comme postérieure au récit : « J’ai compris plus tard » (RD, 33), « mais je me rappelle » (RD, 36), « mais j’étais si jeune qu’il ne m’en reste pas grand souvenir » (RD, 51). Ces incises positionnent effectivement la narratrice en dehors de l’histoire, située dans un présent de l’indicatif qui contraste directement avec les formes du passé généralement utilisées dans le récit. À d’autres moments, la narratrice extradiégétique partage ses doutes quant à ses souvenirs : « il me semble bien » (RD, 10), « mais on a exagéré, je pense » (RD, 23), « je crois » (RD, 68), « je pense » (RD, 71). Dans ces cas, la voix narrative réinscrit la situation d'énonciation dans le présent, et rappelle le travail de mémoire sur lequel s'appuie son discours. La mémoire marque également le processus d'écriture, de création du récit, auquel se prête la narratrice. Cela illustre bien ce que Dunn et Morris ont appelé « storytelling » : une exposition du processus créatif qui unifie les textes entre eux. La voix narrative permet la jonction des récits de Rue Deschambault notamment en affirmant le travail de mémoire à la base de l'œuvre.

Ibid., p. 478. 82

Le niveau métadiégétique est peu présent dans Rue Deschambault. Nous l'aborderons cependant dans 83

Les interventions de la Christine qui raconte l'histoire restent ponctuelles et très brèves. La narratrice se permet parfois des jugements qui seraient difficilement attribuables à des pensées d’enfant. Par exemple, dans le récit « Les deux nègres », la narratrice dit que « le Nègre des Guilbert était le moins noir des deux. Mais de cela justement — était-ce convenable? — Mme Guilbert tira fierté » (RD, 22; nous soulignons). Cette question rhétorique est posée là comme une désapprobation évidente du discours qui est clairement attribué à Mme Guilbert. Il semble également être posé à postériori par la narratrice extradiégétique.

La voix extradiégétique n’est pas entièrement distincte de celle de la jeune Christine. À quelques occasions en effet, les commentaires peuvent être moins aisément attribuables. Dans le récit « Un bout de ruban jaune », on trouve un exemple probant de la difficulté de lecture engendrée par le contrepoint narratif. La première phrase du troisième paragraphe est pleine d’ambigüité : « Moi, dans ce temps-là, je trouvais Odette chanceuse que c’en était incroyable » (RD, 61). La répétition des pronoms de la première personne « moi » et « je » séparés par la remarque « dans ce temps-là » crée une immédiate distanciation entre les deux voix narratives. Si la phrase n’avait pas compris la remarque, elle aurait pu se lire comme le commentaire, la pensée, de la jeune narratrice intradiégétique, vu son temps de verbe et sa formulation plus familière, plus adaptée à une voix d’enfant. Cependant, la narratrice extradiégétique se fait entendre dans cette pensée. Ce faisant, elle accomplit deux choses : elle distingue les deux voix narratives et elle réaffirme sa présence. Les voix sont simultanément présentes et distinctes alors que deux paragraphes plus loin s’insère un commentaire entre tirets longs qui pourrait être attribué à l’une ou l’autre des voix. La narratrice dit qu’elle enviait sa sœur ainée Odette parce qu’elle possédait plein de belles choses, notamment la plus belle chambre de la maison, et elle ajoute : « Maman disait qu’Odette la méritait parce qu’elle avait

ses vingt ans — je ne trouvais pas que ce fût une raison — et aussi parce qu’elle avait de l’ordre » (RD, 62; nous soulignons). Ici, difficile de dire s’il s’agit du commentaire de l’enfant ou de la narratrice extradiégétique. Cela s'explique par la proximité que la narratrice extradiégétique entretient avec la narratrice intradiégétique, c’est-à-dire entre la Christine adulte et la Christine enfant. La narratrice de Rue Deschambault semble coller aux évènements, être la jeune Christine. Cela s’observe notamment dans « Le Titanic », où la narration est dans l’immédiateté de l’histoire, des réactions et des questionnements de l’enfant.

Selon Robert Vigneault, dans les textes de Gabrielle Roy « s'écrit un grand essai sur le sens de la vie et de la mort, mené par une narration extrêmement présente à ses récits, voire envahissante » . Cette « voix de l'essai » se présente fréquemment par des tournures 84

interrogative ou exclamative, des affirmations catégoriques dans la lignée des maximes et sentences ou des « énoncés empreints d’incertitude » . Rue Deschambault contient de très belles 85

réflexions à caractère universel. Dans le récit « Petite Misère », la narratrice intradiégétique réagit au commentaire du père qui se demande pourquoi il a eu des enfants et elle insère cette pensée avant de poursuivre l’histoire : « Les parents peuvent croire que de telles paroles, bien au- delà de l’entendement des enfants, ne leur font pas de mal; mais parce qu’elles ne sont qu’à moitié intelligibles pour eux, les enfants les creusent et s’en font un tourment » (RD, 33). Le présent de l’indicatif inscrit ici cette réflexion dans le temps de la narratrice extradiégétique, certes, mais surtout dans ce que Vigneault nomme le « présent éthique caractéristique du discours de l’essai » . Le temps de verbe vient marquer la qualité intemporelle de ce qui est dit, son 86

caractère de vérité universelle encore plus qu’il ne marque la distance entre les voix narratives.

Vigneault, p. 89. 84 Ibid., p. 89-90. 85 Ibid., p. 90. 86

Dans le récit « Ma coqueluche », la narratrice se livre à une réflexion sur le temps perdu qui est marquée non pas par le temps de verbe, mais par la ponctuation : « Était-ce du temps perdu tout cela? Mais alors pourquoi est-ce le temps des questions futiles, des petits problèmes creusés pour rien, qui revient et toujours revient vers l’âme comme son temps le mieux employé! » (RD, 72). En effet, les tournures interrogatives ou exclamatives peuvent marquer cette voix essayistique. La narratrice soulève sa réflexion sans lui donner un caractère de vérité absolue. Il s’agit de commentaires extradiégétiques qui ne peuvent en aucun cas être assumés par la jeune Christine. Bien que la narratrice reste la même tout au long de l'œuvre, Christine se dédouble constamment, rendant difficile pour le lecteur de bien cerner qui parle, la narratrice intradiégétique ou extradiégétique. La présence de cette dernière vient toutefois agir comme élément d'interconnexion puisqu'elle fait apparaitre le motif du « storytelling », elle expose le processus de création de ce qui se lit dans l'œuvre. Rue Deschambault présente donc une voix narrative qui participe à la fois de l'unification et de la disjonction de l'œuvre.

Cette voix de l’essai, nous la trouvons également dans La Route d’Altamont, où elle est plus assumée. Nous entendons par là que la voix extradiégétique intervient pour une plus grande part de la narration. Comme l'affirme Dominique Fortier, « [la narratrice] de La Route

d’Altamont commente abondamment son récit à la lumière de ce qu’elle a appris ou vécu par la

suite, s’éloignant alors à la fois de son personnage et de l’histoire qu’elle raconte pour amorcer une réflexion philosophique » . La Route d'Altamont n'entretient pas le même rapport à la voix 87

de l'essai que Rue Deschambault, où elle restait concise et parenthétique. La digression essayistique s'apparente à une prise de conscience du personnage ou une élaboration de la

D. Fortier, « La Route d’Altamont comme réécriture de Rue Deschambault », p. 46. 87

pensée. Dans « La Route d’Altamont », par exemple, le texte présente une réflexion sur la liberté :

[…] Je compris un peu mieux l’attrait de cette petite route sur ma vieille mère. Cette liberté de tout accueillir, puisque aucun choix important n’en a encore entamé les possibilités, cette liberté infinie, parfois si troublante, ce doit être cela la jeunesse. Et sans doute était-ce de cette liberté d’un jour que maman recevait encore de l’air pur. Ah, quoi qu’elle eût dit de l’amour humain et de ces contraintes qui nous perfectionnent, je sentais bien à travers elle que c’est dans la solitude seulement que l’âme goûte sa délivrance. (RA, 140-141)

La réflexion s’insère plus organiquement dans la narration qu’elle le faisait dans Rue

Deschambault. L'analyse dépasse la situation actuelle, le lecteur sent bien que c'est la Christine

qui raconte et non celle qui vit l'histoire qui fait cette réflexion. C'est, selon Robert Vigneault, la marque même de La Route d’Altamont qui « transcende fréquemment l’univers du récit pour déboucher, dans le style de l’essai, sur une méditation existentielle exprimant tantôt l’émerveillement ou l’étonnement durant l’expérience vécue, tantôt aussi le questionnement insistant suscité par les réalités les plus simples de la vie » . Dans le récit intitulé « Le 88

Déménagement », la mère de Christine lui raconte son désir de voyager afin d’atténuer celui de sa fille. Cela affecte Christine :

Maintenant le désir qui me poussait si fort, et jusqu’à la révolte, n’avait plus rien d’heureux, ni même de tentant, si j’ose dire. C’était bien plutôt comme un ordre. Une angoisse pesait sur mon cœur. Je n’étais même plus libre de me dire : « Dors, oublie tout ça. » Il me fallait partir.

Est-ce la même angoisse qui, souvent depuis dans ma vie, m’a éveillée, m’éveille encore à l’aube avec le sentiment d’un départ imminent, triste parfois, parfois joyeux, mais presque toujours à destination inconnue? Est-ce du même départ dont toujours il s’agit? (RA, 100-101)

La narratrice identifie d'abord le changement dans son désir puis elle s'interroge sur d'autres moments similaires qui surviennent dans un temps postérieur au récit. Le sentiment est universalisé par l'approfondissement de l'expérience plutôt que par une maxime ou une réflexion

Vigneault, p. 88. 88

concise. Le récit s'écrit, se crée, non pas en parallèle mais en symbiose avec les réflexions de la narratrice extradiégétique. Puisque la narratrice donne à lire la réflexion qui entoure le souvenir, elle expose non seulement le travail de la mémoire, mais aussi celui de la mise en fiction. Malgré la présence du contrepoint narratif, la voix narrative se présente sous une forme qui reste similaire tout du long de La Route d'Altamont, adoptant un ton plus essayistique. Cette voix plus uniforme contribue à l'unification de l'œuvre.

Le troisième composite de récits brefs du cycle manitobain vient en quelque sorte concilier la narration plus immédiate de Rue Deschambault et celle au ton plus essayistique de La Route

d'Altamont. En effet, Ces enfants de ma vie contient des éléments stylistiques propres aux deux

autres œuvres. Les récits offrent plusieurs références au travail de mémoire que la narratrice effectue : « hélas que je m'en souviens! » (CEV, 21), « je ne me rappelle plus à quel propos » (CEV, 85), « je ne m'en souviens guère » (CEV, 109), « il me semble » (CEV, 117), « je m'en souviens » (CEV, 137). Dans Ces enfants de ma vie, la mémoire de la narratrice peut avoir été marquée ou lui faire défaut. Cette œuvre s'ouvre très explicitement sous le signe de la mémoire. En effet, l'incipit du premier récit de Ces enfants de ma vie positionne immédiatement le texte qui suit comme un travail de mémoire, contrairement aux incipits de Rue Deschambault et de La Route d'Altamont : « En repassant, comme il m'arrive souvent, ces temps-ci, par mes années de jeune institutrice, dans une école de garçons, en ville, je revis, toujours aussi chargé d'émotion, le matin de la rentrée » (CEV, 9). Si l'incipit peut d'abord sembler indiquer le lieu et le temps où se déroule le premier récit, c'est-à-dire la rentrée à l'école des garçons, il inscrit également un deuxième espace-temps qui est celui de la narratrice. D'entrée de jeu, la narratrice se positionne dans le présent alors que l'histoire se situe dans le passé. Elle s'écrit immédiatement comme autodiégétique et extradiégétique. Le participe présent, les verbes à l'indicatif présent et

le déictique « ces temps-ci » créent un espace de référence différent de celui de la phrase suivante : « J'avais la classe des tout-petits » (CEV, 9).

Le présent de la situation d'énonciation de la narratrice est réaffirmé à plusieurs reprises par des incises semblables à celles qu'on retrouvait dans Rue Deschambault. Nous avons déjà noté l'emploi du présent qui dénote le travail de mémoire, mais le présent apparait également dans Ces enfants de ma vie pour inscrire l'expérience dans le temps. Plus précisément, il marque l'effet que continuent d'avoir sur la narratrice les évènements qu'elle raconte. Par exemple, la Christine écrivante insiste sur la continuité de la mémoire en rappelant l'effet qu'elle ressent au moment de l'écriture : « je l'entends encore » (CEV, 25), « et encore aujourd'hui je me demande […] » (CEV, 44), « encore aujourd'hui » (CEV, 45), « on dirait aujourd'hui une commune » (CEV, 82). La narratrice va également exprimer un degré d'incertitude dans la narration, comme elle l'avait fait avec son travail de mémoire : « je suppose » (CEV, 38), « je ne sais comment » (CEV, 64), « si j'ose dire, s'il est permis de parler ainsi » (CEV, 75).

Un nouvel aspect de la voix narrative dans Ces enfants de ma vie, par rapport aux autres composites de récits brefs de Gabrielle Roy, est l'apparition de ce qui se rapprocherait d'une multiplicité de voix narratives. Le contrepoint narratif pourrait être interprété comme une multiplication des voix narratives. Le texte donne en effet la parole aux deux, leur laissant un certain degré d'autonomie. Il s'agit néanmoins de la même narratrice, Christine. Les autres personnages ne sont pas sur un pied d'égalité avec elle(s). Les quelques exemples de discours métadiégétique, c'est-à-dire d'un récit dans le récit, peuvent ici venir illustrer comment le discours d'autres personnages déstabilise temporairement la voix de Christine. Dans Ces enfants

de ma vie, la voix narrative laisse d'autres personnages assumer momentanément la narration.

indirect libre qui est inusité dans l'écriture du cycle manitobain : « Et si c'était vrai! Et si c'était le père qui le dit! Une grande paresseuse qu'elle est, ma mère! Mais je vais pas la laisser une minute tranquille tant qu'elle aura pas fini "tes" pantoufles » (CEV, 22). Le « je » est Johnny, un enfant de la classe de Christine, qui tutoie la narratrice. Le lecteur comprend bien qu'il s'agit là d'une reprise des propos de l'enfant jusque dans la syntaxe pourtant sans marques de discours rapporté, comme les guillemets ou le tiret long. Plus loin, dans « Demetrioff », c'est Anna, une collègue de

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