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1.5 LA VOIE DE SIGNALISATION ERK / MAPK

1.5.3 La voie ERK/MAPK et la progression tumorale

Les mutations oncogéniques au niveau de régulateurs en amont de la voie ERK/MAPK sont nombreuses (Figure 6). Non seulement RAS est l’oncogène le plus fréquemment retrouvé dans l’ensemble des cancers humains, mais en outre, les mutations au niveau de RAF sont fréquentes (44, 255, 301, 302). Les formes oncogéniques de BRAF sont d’ailleurs particulièrement récurrentes dans les mélanomes, puisqu’elles s’y retrouvent dans environ 50% des cas (303). Des membres de la famille ERBB (nom dérivé de : avian erythroblastosis oncogene B) des RTK sont aussi impliqués dans de nombreux cancers (304). À titre d’exemple, ERBB1/EGFR est surexprimé dans environ 60% des carcinomes du poumon non à petites cellules (non-small-cell lung carcinomas; NSCLC) (305, 306), tandis qu’une

surexpression de ERBB2/HER2 (human epidermal growth factor receptor 2) est observée dans approximativement 20% de tous les cancers du sein (307). Enfin, certains cancers sont associés à la perte ou à une activité diminuée de différents régulateurs négatifs de la voie ERK/MAPK, tels que NF1 (308-310), SPRY1/2 (290, 311) et certaines protéines DUSP (Figure 6) (283, 312, 313). Collectivement, ces observations suggèrent qu’une activation anormale de la voie ERK/MAPK pourrait être le point convergeant de nombreuses anomalies favorisant la progression tumorale. Cette supposition est appuyée par l’observation que la voie est activée dans environ 30% de toutes les tumeurs humaines (314, 315).

L’idée d’une contribution importante de la voie ERK/MAPK au phénotype agressif des cellules cancéreuses est davantage confortée par sa capacité à promouvoir divers processus intimement liés à la physiopathologie du cancer. Entre autres, une accumulation nucléaire anormale des kinases ERK actives peut conduire à une instabilité génomique, ce qui pourrait favoriser l’accumulation de lésions génétiques associées à la progression tumorale (159, 160). De plus, l’activation des kinases ERK peut favoriser la biosynthèse de macromolécules afin de supporter la croissance et la prolifération cellulaire (316-319). Parallèlement, elle peut stimuler la synthèse protéique en augmentant la signalisation via mTOR (mammalian target of rapamycin) (316, 320, 321), soit un régulateur critique de la traduction (322), ou en stimulant la biogenèse des ribosomes. Ce dernier aspect impliquerait une activation de la transcription des gènes ribosomiques suite à la phosphorylation d’UBF (upstream binding factor) (323), ainsi que l’induction de diverses protéines ribosomiques par c-MYC suite à sa stabilisation (40, 324-326). Ensuite, l’activation des kinases ERK peut favoriser la migration cellulaire (327, 328) et prévenir l’apoptose (242, 329), ce qui, en plus de conférer un avantage prolifératif, pourrait contribuer à la résistance à certains agents thérapeutiques (242). Finalement, l’effet le plus documenté de la voie ERK/MAPK est sa capacité à engager la progression du cycle cellulaire (316).

Malgré le fait que certains travaux suggèrent que la voie ERK/MAPK pourrait promouvoir la transition de la phase G2 du cycle cellulaire à la mitose (transition G2/M) (147), le rôle le plus évident de la voie est la promotion de la transition G1/S. En effet, les kinases ERK activent une série de facteurs de transcription (254), incluant ELK1 (330), c-FOS

(278), c-JUN (331) et c-MYC (325, 326). Ces derniers contribuent à la progression du cycle cellulaire en induisant l’expression des cyclines de type D (316). L’exemple le mieux caractérisé est l’induction de la cycline D1 par le facteur de transcription hétérodimérique AP- 1 (activator protein 1), formé par l’association de c-FOS et c-JUN (316, 332, 333). La phosphorylation d’eIF4E (eukaryotic translation initiation factor 4E) suite à l’activation de la voie ERK/MAPK favoriserait également l’export nucléaire de l’ARNm de la cycline D1 afin de favoriser sa traduction (316, 334). Enfin, c-MYC joue un rôle majeur dans la promotion de la prolifération, non seulement en induisant la cycline D2 (335), mais aussi en induisant d’autres composantes contribuant à la progression du cycle cellulaire, tels que CDK4 (336) et CDC25A (cell division cycle 25 homolog A) (337). L’ensemble des facteurs énoncés ci-haut favorise la formation de complexes CDK-cyclines au cours de la phase G1 du cycle cellulaire afin d’initier la transition vers la phase S (134, 338). Cette fonction de la voie ERK/MAPK s’additionne à sa capacité d’inhiber l’expression de certains régulateurs négatifs de la transition G1/S (339).

Au-delà des fonctions que possède la voie ERK/MAPK pouvant expliquer le comportement des cellules cancéreuses, divers appuis expérimentaux soutiennent son rôle dans la progression tumorale. En effet, la surexpression de formes constitutivement actives de Raf (302, 340), de Mek (341-343) et de Erk (344), a été montrée en mesure d’induire la transformation de cellules murines. À l’opposé, l’expression de formes dominantes négatives de Raf (345, 346), de Mek (347) et de Erk (345, 348), limitait ou inhibait la transformation de ces cellules par l’oncogène Ras. Ces observations suggéraient un rôle critique de la voie ERK/MAPK dans le processus de la transformation maligne. Ce rôle a été évalué dans plusieurs modèles murins génétiquement modifiés. Au sein des modèles portant une activation oncogénique de KRas, le développement de certains cancers corrèle avec une activation des kinases Erk. Une revue de la littérature à ce sujet est d’ailleurs effectuée dans l’article 3 présenté au chapitre 2 de cette thèse (349). De plus, l’ablation génétique des kinases Erk ou Mek supprime l’initiation des NSCLC par la protéine oncogénique KRas (350). La voie Erk/Mapk semble aussi contribuer au développement de cancers murins découlant de l’activation des oncogènes HRas, NRas et BRaf, tels que les carcinomes cellulaires squameux (squamous cell carcinomas; SCC) (351), les carcinomes de la vessie (352), les mélanomes

(84), les leucémies myélomonocytiques chroniques (chronic myelomonocytic leukemias; CMML), les leucémies myéloïdes aiguës (acute myeloid leukemias; AML) (353, 354), ainsi que les carcinomes papillaires de la thyroïde (papillary thyroid carcinomas; PTC) (355). Chez l’humain, l’étude du rôle de la voie ERK/MAPK dans la transformation maligne a été difficile étant donné la résistance des cellules humaines à la transformation in vitro (356). Ce n’est que par la combinaison de différents facteurs, tels que l’expression ectopique de la sous-unité catalytique de la télomérase (human telomerase reverse transcriptase; hTERT), de l’antigène T (large T antigen; LT) de la région précoce du virus SV40 (simian virus 40 early region; SV40 ER) et de l’oncogène Ras, que les cellules pouvaient être transformées (357-359). De telles approches ont cependant été peu informatives sur l’importance de l’activation de la voie ERK/MAPK dans le processus puisqu’elles n’ont pas permis de démontrer systématiquement le pouvoir transformant de chaque membre de la voie. Des évidences suggérant un rôle dans la transformation maligne ou la progression du cancer ont néanmoins été obtenues grâce à l’usage d’inhibiteurs pharmacologiques ciblant RAF et MEK (360). L’article 3 présenté au chapitre 2 couvre également ce volet (349).

Pour toutes les raisons évoquées jusqu’à maintenant, l’activation de la voie ERK/MAPK est traditionnellement perçue comme étant une composante clef de la progression tumorale, voire comme un prérequis à la transformation maligne et ce, pour divers types de cancers.

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