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La valeur des exceptions au droit d’auteur

136. Après avoir étudié la teneur des exceptions au droit d’auteur, il importe désormais

d’en déterminer la valeur. Il n’est pas question ici de discuter de leur valeur juridique car celle-ci est incontestable. Il s’agit plutôt de s’intéresser au rôle et à l’efficacité de ces règles au sein du système juridique.

137. Valeur de la règle de droit : une notion polysémique – Toute règle se distingue par sa

valeur, c’est-à-dire son importance au sein de l’ordonnancement juridique375. Le plus souvent, le concept de valeur renvoie à la théorie de la hiérarchie des normes en vertu de laquelle la norme inférieure doit être conforme à la norme de degré d’autorité supérieur376. Ainsi, la norme à valeur infra-législative ne doit pas contredire la norme à valeur législative, tandis que cette dernière doit se conformer à la norme à valeur constitutionnelle. Pour autant, l’idée de valeur ne saurait être confinée aux seuls rapports d’autorité organique entre normes. D’autres types de relations entre règles reflètent des hiérarchies sans qu’il soit question de la pyramide de Kelsen. En évoquant la notion de principe juridique, un auteur décrit cet aspect des choses : « certaines normes se trouvent investies d’une valeur particulière – indépendante de leur position dans la hiérarchie des normes liée à celle des autorités jurislatrices – […] voire d’une autorité renforcée dans le système normatif »377. Cela est vrai non seulement pour les principes juridiques mais pour toute règle à laquelle le législateur ou le juge entendent conférer une valeur singulière. Ainsi peut-on estimer qu’une règle a une valeur particulière en raison de la force contraignante que la loi lui imprime. C’est notamment le cas lorsqu’une règle doit être appliquée sans dérogation possible : on parle de règle à valeur impérative. Il est également loisible de considérer qu’une règle est de prime importance parce qu’elle a vocation à régir la grande majorité des situations : on dit alors de cette règle qu’elle est de principe. Enfin – mais cet inventaire n’a pas la prétention d’être exhaustif – on peut encore contempler la valeur d’une règle en ce qu’elle a, en raison de son caractère spécial, vocation à prendre le pas sur la règle générale : c’est l’hypothèse de la primauté de la règle spéciale par rapport à la règle générale.

375 G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Quadridge/Puf,2011, 9e éd., p. 711, indiquant que l’ordonnancement

juridique est un « ensemble de règles de Droit articulées entre elles, qui sont en vigueur à un moment donné dans une société donnée ».

376 P. Ardant, Institutions politiques et droit constitutionnel, LGDJ, 23e éd., 2011, p. 105, n° 135.

377 A. Jeammaud, « De la polysémie du terme « principe » dans les langages du droit », in Les principes en droit –

138. Acception choisie – Au cours de cette recherche, le terme « valeur » sera entendu comme la « qualité de ce qui produit l’effet souhaité »378. Suivant une telle acception, il convient d’évoquer « l’effet souhaité » des exceptions au droit d’auteur, autrement dit leur rôle, mais aussi d’aborder la question de leur efficacité379. De façon évidente, afin d’apprécier leur efficacité, leur effectivité380 plus précisément, il importe avant tout de présenter l’effet qu’elles sont censées produire. Or, la vocation des exceptions au droit d’auteur est de déroger à la règle de principe qui impose d’obtenir le consentement du titulaire de droits avant d’effectuer toute reproduction ou représentation de son oeuvre. Mais « l’effet souhaité » qu’est la dérogation demeurera incertain si l’exception est susceptible d’être remise en cause alors même que les conditions de son application – aussi strictes qu’elles soient – sont remplies381. A cet égard, il importe de se demander s’il est légitime d’écarter la mise en oeuvre d’une dérogation légale par le prisme du contrat ou au moyen des mesures techniques de protection. Cela revient finalement à déterminer si les exceptions au droit d’auteur sont des règles supplétives ou impératives.

139. Caractère dérogatoire et caractère supplétif ou impératif – Avant de s’interroger sur le caractère supplétif ou impératif des exceptions au droit d’auteur (Section II), il convient d’étudier leur caractère dérogatoire (Section I).

378Le Nouveau Petit Robert, Dictionnaires Le Robert, 2010, p. 2673. 379Ibid. : l’efficacité est synonyme de valeur.

380 G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Quadridge/Puf, 2011, 9e éd., p. 384, suivant lequel l’effectivité est le

« caractère d’une règle de droit qui produit l’effet voulu, qui est appliquée réellement ».

381 C’est-à-dire si elles satisfont aux exigences de l’interprétation stricte des exceptions ainsi qu’à celles du triple

Section I – La valeur dérogatoire des exceptions au droit d’auteur

140. C’est précisément parce qu’elles posent des limites au droit d’auteur par voie de dérogation que l’on recourt aux exceptions. L’effet dérogatoire est leur vocation (Paragraphe I). Mais, à l’inverse, il existe aussi des limites juridiques à leur mise en œuvre (Paragraphe II).

Paragraphe I – La vocation des exceptions au droit d’auteur

141. Effet dérogatoire – « Porter des exceptions à une règle est un procédé technique du législateur »382 qui entraîne un effet dérogatoire. En tant que règle spéciale, l’exception déroge à une règle plus générale qualifiée aussi de règle de principe. Appliqué aux exceptions au droit d’auteur, l’effet dérogatoire instaure une hiérarchie entre elles et le principe du droit exclusif : c’est la fonction légistique383 des exceptions au droit d’auteur (A). Une telle hiérarchie est établie car, précisément, -une exception au droit d’auteur a pour finalité de préserver des intérêts primordiaux384 en faveur des membres de la collectivité. En consacrant une dérogation, le législateur décide de sauvegarder les intérêts de tiers en les préférant à ceux de l’auteur car il estime que ce choix est le plus conforme à l’intérêt général. Les exceptions constituent l’une des voies par lesquelles le droit d’auteur – entendu comme branche du droit – remplit sa fonction sociale (B).

382 L. Robine, L’interprétation des textes exceptionnels en droit civil français, Thèse Bordeaux, 1933, p. 97.

383Rappr. V. Bost-Lagier, L’exceptionnel en droit civil, Thèse Paris II, 2002, p. 161, affirmant que « l’exceptionnel

est […] avant tout un outil pour le législateur ».

384 J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, PUF, 2001, p. 193, affirmant qu’il est « des règles d’exception qui

procèdent d’un intérêt fondamental ou supérieur à celui qui justifie la règle générale à laquelle elles dérogent » - Aussi, J. Passa, Traité de droit de la propriété industrielle, t. 1, LGDJ, 2e éd., 2009, p. 429, n° 324, relevant qu’en

matière de droit des marques comme en toutes branches de la propriété intellectuelle, les exceptions au droit exclusif s’expliquent en raison de la « nécessité de garantir le respect de certains principes ou intérêts supérieurs » – En matière de copyright, R. Burell et A. Coleman, Copyright – Exceptions The Digital Impact,

Cambridge University Press, 3e éd., 2006, p. 5 : « Copyright exceptions are most commonly thougt of as

representing situations in which the legislature has decided to prioritise some other interests over the interests of the copyright owner, and many of the United Kingdom’s permitted acts do take this form ».

A. La fonction légistique des exceptions au droit d’auteur

142. Les exceptions au droit d’auteur ont un caractère spécial (1) qu’il importe de prendre

en considération car il emporte des conséquences bien précises (2).

1. Le caractère spécial des exceptions au droit d’auteur

143. Les exceptions au droit d’auteur : des règles spéciales – Les exceptions au droit

d’auteur sont des règles spéciales du droit d’auteur. Ces exceptions sont appelées à déroger à une règle de principe.

C’est à une règle de principe bien précise que viennent déroger les exceptions au droit d’auteur. Très logiquement, cette règle est posée par le texte qui précède leur énoncé, en l’occurrence l’article L. 122-4 du CPI : « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ». Autrement dit, il n’est admis ni de reproductions ni de représentations autres que celles consenties par l’auteur. Ce droit d’autoriser équivaut à un droit d’interdire.

144. Or, comme toute règle spéciale, l’article L. 122-5 du CPI vient réduire le champ

d’extension de cette règle de principe en précisant les caractères des hypothèses particulières qui échappent à son empire. Par exemple, en énonçant que « l’auteur ne peut interdire : 1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille », l’article L. 122-5 précise les caractères d’une hypothèse particulière : la représentation à caractère familial.

Dans le même temps, par effet dérogatoire, il la soustrait385 à la règle de principe selon laquelle l’auteur doit consentir à toute représentation. Idem en matière de reproduction privée : lorsqu’il indique que l’auteur ne peut interdire « 2° Les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », l’article L. 122-5 ne fait qu’amputer l’hypothèse des copies privées à la règle générale que toute reproduction requiert le consentement de l’auteur.

385 P.-Y. Gautier, « De la transposition des exceptions : à propos de la directive “droit d’auteur dans la société

de l’information” », CCE, novembre 2001, p. 10, relevant que « l’exception soustrait à la règle, la limitation

Les exceptions au droit d’auteur doivent donc être regardées comme des règles spéciales en regard de la règle de principe qui exige que toute reproduction ou représentation soit consentie par l’auteur de l’oeuvre. Or, c’est le caractère spécial des exceptions au droit d’auteur qui établit leur primauté sur la règle de principe.

2. Les conséquences du caractère spécial des exceptions au droit d’auteur.

145. La loi spéciale prime la loi générale – L’évocation de ce principe général du droit

permet de mieux saisir la valeur des exceptions. La doctrine a très bien mis en évidence les mécanismes logiques par lesquels les règles étaient hiérarchisées en fonction de leur degré de généralité386. Bien qu’il soit nécessaire de présumer la règle générale car « elle est plus simple et présente moins de caractères que la règle spéciale »387, la présomption doit cesser dès lors qu’il est démontré l’applicabilité d’une autre règle. La preuve de cette applicabilité est établie par la vérification des caractères de l’hypothèse particulière dans l’espèce. Une hiérarchie matérielle doit donc être établie entre la loi spéciale et la loi générale, entre l’exception et la règle de principe.

146. Il ne s’agit que de l’application pure et simple du brocard ancien Specialia generalibus derogant . En cas d’antinomie388, ce principe veut que la loi spéciale l’emporte sur la loi générale. En tout état de cause, si la règle spéciale nouvelle s’impose devant la règle générale ancienne, c’est aussi en raison de l’application du principe selon lequel le droit nouveau prend le pas sur le droit antérieur : Lex posterior derogat priori. A l’inverse, en vertu de l’adage Generalia specialibus non derogant , la loi générale nouvelle ne peut priver d’effet la loi spéciale antérieure. Dans ces conditions, le principe de spécialité neutralise la maxime Lex posterior derogat priori .

147. Primauté des exceptions au droit d’auteur – Les dispositions consacrant les

exceptions au droit d’auteur doivent être regardées avant tout comme des règles spéciales par rapport à la règle de principe qui impose que tout acte d’exploitation à l’initiative d’un tiers soit consenti par l’auteur. Par conséquent, l’adage Specialia generalibus derogant leur est applicable. En raison de leur caractère spécial, dès lors que leurs conditions sont remplies, l’application des exceptions au droit d’auteur doit prévaloir sur la mise en oeuvre de la règle de principe. Un tel rappel semble indispensable dans la mesure où il permet de mettre en avant l’idée qu’une

386 P. Van der Eycken, op. cit., n° 130. 387Ibid.

388 J.-L. Bergel, op. cit., p. 190, précisant que « les dispositions spéciales sont souvent en contradiction avec les

hiérarchie matérielle et logique doit être établie entre les exceptions au droit d’auteur et la règle de principe. Cela relève de l’évidence. Pourtant, cet aspect des choses n’est jamais évoqué en raison de la philosophie qui irrigue le droit d’auteur et place le créateur au centre du système. Dans ce contexte, toutes les dispositions protectrices d’intérêts qui ne sont pas ceux de l’auteur apparaissent inévitablement comme des règles de seconde zone. Cette tendance est accentuée par la défiance quasi-habituelle des juges à l’égard des exceptions au droit d’auteur considérées comme d’ordinaires moyens de défense389. D’ailleurs, la doctrine se laisse parfois bercée par cette approche réductrice alors que les exceptions au droit d’auteur promettent davantage que de simples « causes légitimes d’immunité juridique [qui] ne sauraient se métamorphoser en droits subjectifs opposables à tous en justice »390. Certes, il semble difficile d’attribuer la qualité de droits subjectifs aux exceptions au droit d’auteur. Mais le droit subjectif n’a pas le monopole de l’action. Roubier soutenait déjà que les situations juridiques objectives sont susceptibles d’ouvrir une action indépendamment de la préexistence d’un droit subjectif391.

148. Préjugés sur les exceptions – Les idées reçues sur les exceptions au droit d’auteur en

font des règles de deuxième ordre. Participe de ses présupposés, le discours juridique susceptible de minimiser leur rôle. Ainsi, selon M. Gautier « une exception ne supplante jamais le droit auquel elle déroge »392. Au regard de l’étendue de son domaine d’application, il est vrai que l’exception, ayant vocation à régir des hypothèses moins nombreuses, se trouve nécessairement en-deçà de la règle de principe. Cependant, il est un point dont il faut bien rendre compte : la supériorité matérielle de l’exception sur la règle de principe. L’exception déroge à la règle de principe dès que ses conditions d’application sont matériellement vérifiées. C’est donc que l’exception, dans une certaine mesure, « supplante » la règle. Sans cette supériorité matérielle, l’exception n’accèderait jamais à la vie juridique.

149. Entretient encore les préjugés la logique qui consiste à délaisser la dénomination

« exception » pour l’appellation « limitation »393 sous prétexte de vouloir affranchir les dérogations

389Infra n° 637.

390 C. Caron, note sous CA Paris, 4 avril 2007, Perquin et UFC Que Choisir C/ Universal Pictures France et autres,

CCE, mai 2007, comm. 68, p. 34, n° 4.

391 P. Roubier, Droits subjectifs et situations juridiques, Dalloz, Sirey, 1963, réédité par Dalloz en 2005, p. 69 ; du

même auteur, « Les prérogatives juridiques », in La théologie chrétienne et le droit, Archives de philosophie du droit, t. 5,

Sirey, 1960,p. 69.

392 P.-Y. Gautier, « L’élargissement des exceptions aux droits exclusifs, contrebalancé par le « test des trois

étapes », CCE, novembre 2006, étude 25, p. 12, n° 12.

393 Le terme « limitation » est employé ici dans un sens différent de celui qui a été exposé dans l’introduction de

la présente étude. Selon la définition délivrée par P. B. Hugenholtz, « Adapting Copyright to the Information Superhighway », in The Future of Copyright in a Digital Environment, La Haye, Kluwer, 1996, p. 94, les limitations au

légales de l’interprétation stricte, principe général bridant leur mise en œuvre. Si l’ambition est louable394, la méthode semble néanmoins relever de l’artifice car elle tend à éluder la véritable nature de ces règles. Les partisans de cette évolution terminologique395 font valoir plusieurs arguments.

D’une part, ils font remarquer qu’avant la loi du 1er août 2006, le législateur français n’a jamais employé le terme « exception »396. Cet argument ne résiste pas à l’analyse dans la mesure où l’esprit de la loi se reflète dans la liste limitative des dérogations légales. L’énumération exhaustive des exceptions interdit tout raisonnement par analogie. Partant, leur interprétation ne peut être que restrictive. Par ailleurs, ce qui importe davantage est la qualification que retient le juge en fonction du cas concret qui lui est exposé. En l’absence de précision législative, il revient au juge de « fixer par lui-même […] le sens de tel des vocables ou de la proposition normative »397, cela relève de son pouvoir d’interprétation. Il peut aussi être amené à manipuler « les qualifications quand […] il croit devoir ainsi satisfaire à un besoin social »398. Ainsi, il lui est loisible de qualifier de « limitations » les hypothèses où le droit patrimonial est écarté afin de faciliter leur application. Mais, en l’occurrence, on ne voit pas pourquoi le juge se garderait de recourir à la qualification d’« exception »399 dans la mesure où celle-ci semble la mieux adaptée400.

D’autre part, les tenants du changement lexical trouvent préférable d’utiliser le vocable « limitation » car celui-ci ne renvoie ni à une hiérarchie qui placerait la règle de principe au-dessus

droit exclusif d’exploitation ne sauraient être assimilées à des exceptions mais plutôt à des techniques permettant au législateur de délimiter le droit d’auteur tout en garantissant un équilibre entre les droits des créateurs et ceux des utilisateurs.

394 P. Jestaz, « La qualification en droit civil », Droits 1993, n° 18, p. 52, soulignant l’importance de ne pas

manipuler les qualifications pour de vils objectifs.

395 Notamment, C. Geiger, « De la nature juridique des limites au droit d’auteur », PI, octobre 2004, p. 887 ; du

même auteur, « Les exceptions au droit d’auteur en France », in Rencontres franco-allemandes - Perspectives

d’harmonisation du droit d’auteur en Europe, Litec, 2007, p. 352 ; « L’avenir des exceptions au droit d’auteur –

Observations en vue d’une nécessaire adaptation et harmonisation du système », JCP G 2005, I, 186 ; Droit

d’auteur et droit du public à l’information, Litec, p. 194, n° 220.

396 Le terme « exception » apparaît notamment dans l’article L. 122-5 du CPI à l’alinéa consacré au triple test.

On observera cependant que le terme « exception » figurait déjà dans l’article 9 de la Convention de Berne, l’article 13 de l’Accord sur les ADPIC et l’article 10 du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur.

397 C. Eisenmann, « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des classifications en science

juridique », in La logique du droit, Archives de philosophie du droit, t. 11, Sirey, 1966, p. 27.

398 P. Jestaz, op. cit., p. 50.

399 Retenant la qualification d’« exception légale », Cass. 1re civ., 19 juin 2008, préc.

400 En ce sens, A. LUCAS et alii, p. 327, n° 346 – D’ailleurs, il est permis de douter de la pertinence de la

définition de la limitation donnée par P. B. Hugenholtz dans la mesure où l’exception au droit patrimonial procède aussi d’une technique et que cette technique pose une limite à l’exercice du droit exclusif dans le but de satisfaire les intérêts de tiers.

de l’exception401 ni à un jugement de valeur402. Or, la hiérarchie entre règle de principe et exception n’est pas à sens unique, mais à double sens403. En toute logique, la règle du droit exclusif est présumée car le but majeur du droit d’auteur est la défense des intérêts du créateur. Cela établit a priori la précellence de la règle générale. Cependant, cette hiérarchie reste basée sur une présomption qui est renversée dès lors que l’exception voit ses conditions d’application matériellement remplies. Par conséquent, ce n’est plus la règle de principe mais l’exception qui prime. Autrement dit, ce ne sont plus les intérêts de l’auteur qui sont mis en avant mais bel et bien les intérêts des tiers. C’est dire que le législateur estime que l’objectif que permet de poursuivre l’exception au droit d’auteur en préservant les intérêts des tiers est plus important que le but recherché par la règle de principe. Par exemple, lorsque le législateur décide de soustraire la courte citation à l’autorisation de l’auteur, il considère que, sous réserve du respect de certaines conditions, laisser une liberté à l’utilisateur de citer l’œuvre d’autrui est plus conforme à l’intérêt de la société que de soumettre un tel usage au consentement du titulaire de droits.

150. Le droit d’auteur se voit donc assigner plusieurs objectifs : avant tout celui de

protéger les droits de l’auteur, mais également celui de prendre en considération les intérêts des tiers. Par un arbitrage subtil, alors qu’il accorde régulièrement la préséance au titulaire de droits, le législateur concède ponctuellement une prévalence aux utilisateurs au moyen des exceptions.

401 C. Geiger, « De la nature juridique des limites au droit d’auteur », PI, octobre 2004, p. 887, affirmant que le

terme « exception » suppose une hiérarchie au profit de l’auteur qui n’a pas lieu d’être si on envisage que le

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