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La teneur des exceptions au droit d’auteur

33. Systèmes ouverts et systèmes fermés – La teneur des exceptions reconnues dans un

pays est révélatrice de sa conception en matière de droit d’auteur138. Ainsi, dans certains États, les exceptions évoluent au sein de systèmes dits « ouverts », « c’est-à-dire fondés sur un système de “clause générale” susceptible de s’appliquer à de nombreuses situations »139. Cela signifie qu’une certaine exploitation de l’œuvre peut être soustraite à l’autorisation de l’auteur, alors même qu’elle n’a pas été prévue par la loi. Dans un tel cadre, les exceptions ne peuvent faire l’objet d’une liste limitative. Alors que le système ouvert est l’apanage de pays à tradition de copyright tels que les États-Unis140, dans les pays d’Europe continentale, à tradition de droit d’auteur, on parle plus volontiers de systèmes ou de listes 141 dits « fermés ». Cette formule traduit le fait que les exceptions relèvent d’une liste exhaustive. Autrement dit, le juge n’est pas autorisé à créer des exceptions nouvelles. Seules celles qui sont expressément énoncées par le législateur ont droit de cité. Le système « fermé » constituerait le second versant du principe d’interprétation stricte des exceptions142 selon lequel le juge doit interpréter étroitement les conditions relatives à chacune.

34. Liste fermée d’exceptions – En droit d’auteur français, comme le veut le droit

européen143, le système dit « fermé » est de rigueur. La liste limitative des exceptions se situe à l’article L. 122-5 du CPI. En exergue, le texte énonce que l’auteur ne peut interdire aux tiers d’accomplir certains actes, dès lors que l’œuvre a été divulguée. S’ensuit l’inventaire des hypothèses visées. Toutefois, d’autres dispositions ajoutent à cette énumération. Il en est ainsi de l’article L. 122-6-1 du CPI en matière de logiciel, de l’article L. 342-3 en matière de base de données, ou encore de l’article L. 331-4 pour les actes nécessaires aux procédures et à la sécurité publique. Il est même possible de retrouver des exceptions au droit d’auteur en dehors du CPI. C’est le cas de l’exception de reproduction par les organismes de dépôt légal aux fins de conservation et de consutltation édictée par l’article L. 132-4 du Code du patrimoine.

138 V. M. VIVANT et J.-M. BRUGUIÈRE, p. 376, n° 565, lesquels expriment cette idée en reprenant la

formule d’une apostrophe bien connue : « Dis moi quelles sont tes exceptions, je te dirai quel est ton droit ! ».

139 M. Buydens et S. Dusollier, « Les exceptions au droit d’auteur dans l’environnement numérique : évolutions

dangereuses », CCE, septembre 2001, chron. 22, p. 11, n°1.

140 Le fair use y est le modèle.

141 Liste fermée que l’on retrouve à l’article 5 de la directivedu 22 mai 2001.

142 A. Bensamoun, « Portrait d’un droit d’auteur en crise », RIDA, avril 2010, n° 224, p. 99, n° 46.

143 Le considérant 32 de la directive du 22 mai 2001 postule que celle-ci contient « une liste exhaustive des

35. Classification des exceptions – Aux fins d’analyse de leur contenu – sans prétendre établir des catégories immuables144 dans la mesure où une seule et même dérogation peut avoir plusieurs fondements145 – il est possible de classer l’ensemble des exceptions en fonction de leur justification principale146. Suivant cette approche, quatre catégories de dérogations peuvent être mises en avant. La première catégorie est constituée des exceptions justifiées par des droits et libertés fondamentaux (Section I). La deuxième catégorie concerne les hypothèses soustraites au monopole de l’auteur dans le but de satisfaire les besoins d’un secteur particulier (Section II). La troisième catégorie rassemble les exceptions dont la raison d’être est dictée par des considérations d’ordre pratique (Section III). Enfin, la quatrième catégorie réunit les limites internes au droit d’auteur travesties en exceptions (Section IV).

144 Sur la notion de classification, C. Eisenmann, « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des

classifications en science juridique », in La logique du droit, Archives de philosophie du droit, t. 11, Sirey, 1966, p. 36.

L’auteur souligne qu’est erronée l’idée qu’une seule classification est valable. Plusieurs classifications sont possibles pour un même objet car tout objet présente de multiples facettes, lesquelles peuvent chacune servir de principe de classification.

145 C’est, par exemple, le cas de l’exception de copie privée qui, d’une part, s’expliquerait en raison de

l’impossibilité pratique de contrôler les reproductions dans le monde analogique et, d’autre part, serait justifiée par le respect de la vie privée – Sur la perméabilité des justifications des exceptions, M. VIVANT et J.-M. BRUGUIÈRE, p. 379, n° 568 et p. 390, n° 581.

146 V. les classifications de P. B. Hugenholtz, « Fierce creatures. Copyright exemptions : Toward extinction », in

Right, limitations and exceptions : Striking a proper balance, Conférence IFLA/IMPRIMATUR, 30-31 octobre 1997,

Amsterdam, document disponible à l’adresse internet suivante : http://www.ivir.nl/staff/hugenholtz.html (page consultée le 13 octobre 2012) – Et S. Dusollier, Thèse préc., p. 466.

Section I – Les exceptions justifiées par des droits et libertés fondamentaux

36. Beaucoup d’exceptions au droit d’auteur sont des manifestations de droits et libertés fondamentaux. Certes, la catégorie des droits et libertés fondamentaux n’est pas nettement « stabilisée en France»147. Mais à ce sujet, MM. Delmas-Marty et Lucas de Leyssac relèvent que « les libertés et droits fondamentaux sont moins une espèce particulière de droits que des bornes indiquant à tous et en tous les limites à ne pas franchir »148. Plus précisément, les droits et libertés fondamentaux seraient des zones de permissions à l’intérieur desquelles tout individu peut agir comme il l’entend. Ces espaces de libertés permettent que certains comportements ne fassent pas l’objet d’une réglementation restrictive149.

Les droits et libertés fondamentaux relèvent de normes à valeur supralégislative voire supranationale150 et comptent notamment parmi eux la liberté individuelle, la liberté de conscience et d’opinion, la liberté d’expression et de communication, la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre, la liberté d’enseignement, le droit de propriété ou encore le droit au respect de la vie privée.

Ces prérogatives fixent des limites que nul ne peut franchir afin que chaque individu puisse conserver une liberté de comportement dans un domaine déterminé151. D’ailleurs, il est intéressant d’observer que l’imposition de ces bornes intervient souvent « par de multiples possibilités de dérogations […] ou d’exceptions et de restrictions »152. Force est de reconnaître que le droit d’auteur n’échappe pas à ces mécanismes puisque lui-même consacre des exceptions qui viennent le limiter en considération de droits et libertés fondamentaux tels que la liberté d’expression

147 H . Oberdorff, Droits de l’homme et libertés fondamentales, LGDJ, 2010, introduction p. 2 – Aussi, X. Dupré de

Boulois, Droits et libertés fondamentaux, PUF, 2010, p. 39.

148 M. Delmas-Marty et C. Lucas de Leyssac, Libertés et droits fondamentaux, Editions du Seuil, 2eéd., 2002, p. 10. 149 Louis Favoreu et alii, Droit des libertés fondamentales, Dalloz, 5e éd., 2009, pp. 89-90, n° 86.

150Ibid., p. 97, n° 98.

151 Cela ne signifie pas que ces droits et libertés fondamentales ne puissent être soumises à certaines conditions.

Par exemple, l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales énonce que la liberté d’expression peut être soumise « à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles, ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

(Paragraphe I), la liberté d’information153 (Paragraphe 2) ou encore la liberté d’enseignement et de recherche (Paragraphe 3)154.

Paragraphe I - La liberté d’expression

37. Certaines exceptions au droit d’auteur peuvent prendre leur source dans l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales155 énonçant que « toute personne a droit à la liberté d’expression »156. Parmi les exceptions justifiées par la liberté d’expression, on compte, d’une part, les analyses et courtes citations (A), et d’autre part, les parodies (B).

A. Les analyses et courtes citations

38. Manifestations de la liberté d’expression – L’article L. 122-5 alinéa 3 a) du CPI fait

échapper au droit exclusif « les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique, ou d’information de l’œuvre à laquelle l’œuvre est incorporée ». Attributs indispensables de toute société démocratique, manifestations de la liberté d’expression – sinon, il ne serait jamais possible de présenter une œuvre ou d’en discuter157 – les analyses et les courtes citations sont des notions qui entretiennent une relation étroite.

« Exception discrète »158, l’analyse se situe bien souvent dans le « giron »159, le « sillage »160, de la citation. Pourtant, analyses (1) et courtes citations (2), exceptions communes au droit de reproduction et au droit de représentation, recouvrent a priori des hypothèses distinctes.

153 La liberté d’information est une variante de la liberté d’expression, l’autre variante étant la liberté d’opinion. 154 Cette liste n’a pas vocation à être exhaustive mais il ne faudrait pas croire que toutes les libertés sont

susceptibles de venir contenir le droit d’auteur ni que toutes les exceptions au droit d’auteur expriment de telles prérogatives.

155 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 5 novembre 1950 dite

CESDH.

156 D’autres textes à caractère général et contraignant consacrent la liberté d’expression. C’est le cas de l’article

11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ou encore de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.

157 POUILLET, p. 541, n° 511, qui affirme que « refuser le droit de citation, ce serait supprimer le droit,

pourtant inviolable, de la critique littéraire ».

158 C. CARON, p. 318, n° 376.

159 M. VIVANT et J.-M. BRUGUIÈRE, p. 408, n° 602.

1. Les analyses

39. Définition – L’exception d’analyse est l’oubliée de l’article 5 de la directive du 22 mai 2001. Si l’article L. 122-5 alinéa 3 a) du CPI ne fait qu’évoquer l’analyse, la jurisprudence a eu l’occasion de la définir comme un aperçu des éléments substantiels de l’oeuvre161, qui peut comporter un résumé certes, mais cet élément n’est pas déterminant. Il est vrai que l’analyse ne saurait être réduite à un simple résumé : « analyser, ce n’est pas purement et simplement résumer162 ». En général, l’analyse est davantage que cela et doit être le lieu d’un commentaire critique de l’oeuvre163. Aussi, l’analyse « est une réflexion critique sur l’œuvre, un travail original qui prend l’œuvre analysée pour point de départ mais ne saurait se substituer à celle-ci »164. Ainsi a-t-il été jugé que l’exposé étoffé d’une œuvre ne pourrait être considéré comme une analyse, dès lors qu’il permet de se dispenser de recourir à l’œuvre elle-même165. Cependant, l’exception n’a de sens qu’autant que l’analyse emprunte des éléments relevant du droit exclusif. Or, le critère de la « susbstituabilité » pose problème dans la mesure où il n’invite pas à rechercher si la forme de l’œuvre a été reproduite ou représentée mais seulement à reconnaître des éléments substantiels de l’œuvre susceptibles de dispenser de recourir à celle-ci. Une telle méthode laisse une large part à l’arbitraire, et surtout, sort du cadre du droit d’auteur. Si l’analyse ne fait que reprendre des éléments substantiels de l’œuvre alors le droit d’auteur n’a pas vocation à s’appliquer et l’exception perd sa raison d’être166. Si l’analyse reprend la forme de l’œuvre en raison qu’elle comporte des citations alors le droit d’auteur est en cause mais il faut alors appliquer les conditions de la courte citation, ce qui rend également l’exception dépourvue d’intérêt. C’est la raison pour laquelle certains auteurs proposent de sanctionner l’analyse sur le terrain de la responsabilité civile167.

161 TGI Paris, 20 février 1980, Le Monde c/Microfor, D. 1982, somm. p. 44, obs. C. Colombet – En appel, CA

Paris, 2 juin 1981, RIDA, janvier 1982, n° 111, p. 182.

162 DESBOIS, p. 318, n° 251.

163 TGI Paris, 25 avril 1968, Le Nouvel Observateur du Monde c/Percy Faulkner, D. 1968, jurispr. p. 740 ; RTD com.

1970, p. 120, note H. Desbois.

164 F. POLLAUD-DULIAN, p. 507, n° 800.

165 En premier pourvoi, Cass. 1re civ., 9 novembre 1983, Microfor c/Le Monde, D. 1984, somm. p. 290, obs. C.

Colombet ; JCP G 1984, II, 20189, obs. A. Françon – Renvoi à CA Paris, 18 décembre 1985, D. 1986, jurispr.

p. 273, note J. Huet : les juges du fond résistent à la Cour de cassation en retenant que sans les extraits, il ne reste de l’ouvrage litigieux qu’une table des matières sans substance ; RTD com., 1986, p. 247, note A. Françon ; JCP E 1986, I, 15791, n° 6, obs. M. Vivant et A. Lucas– Épilogue de cette affaire, Cass. Ass. Plén., 30 octobre

1987, JCP G 1988, II, 20932, note J. Huet ; JCP E 1988, II, 15093, p. 18, n° 4, obs. M. Vivant et A. Lucas;

RIDA, janvier 1988, n° 135, p. 78, concl. J. Cabannes.

166 En ce sens, A. Latreille, « Les mécanismes de réservation et les créations multimédias », Thèse Paris XI,

1995, p. 378, n° 909 : « l’analyse, […], n’a pas à se trouver dans les exceptions au droit de reproduction. Elle reprend le contenu de l’œuvre à des fins critiques mais l’exprime différemment. Elle s’accapare les idées mais utilise une forme différente ».

40. Lien étroit avec la courte citation – L’analyse et la citation entretiennent des rapports étroits pour la simple et bonne raison que le commentateur recourt bien souvent à la courte citation à l’appui de son analyse. L’étroitesse des liens que tissent la courte citation et l’analyse ôte toute autonomie à cette dernière. Et c’est sans doute la raison pour laquelle l’analyse ne figure pas dans la liste des exceptions de la directive du 22 mai 2001.

2. Les courtes citations

41. Définition – La citation consiste à extraire le passage d’une œuvre et à le reproduire ou le représenter sans altération. Un tel usage de l’œuvre devrait donner prise au droit exclusif puisqu’il s’agit d’un acte d’exploitation.

42. Justification – Depuis fort longtemps, on admet une exception en matière de citation.

Celle-ci est nécessaire dans toute société démocratique, on oserait même dire vitale. Cette opinion a toujours été partagée, notamment par d’éminents auteurs tels que Renouard168 et Pouillet169. D’ailleurs, l’article 10 de la Convention de Berne en fait la seule exception obligatoire. A cet égard, il est étonnant que la directive du 22 mai 2001 la classe parmi les exceptions facultatives170 alors que la citation est une émanation de la liberté d’expression dont ne pourrait se passer l’analyste comme le critique, le chercheur ou l’artiste. D’ailleurs, la Cour de justice reconnaît que l’exception de courte citation permet de « réaliser un juste équilibre entre le droit à la liberté d’expression des utilisateurs d’une œuvre […] et le droit de reproduction conféré aux auteurs »171.

La citation, dès lors qu’elle est conforme aux usages et justifiée par le but poursuivi172, ne porte pas préjudice à l’auteur cité. Bien au contraire, le commentateur, craignant une quelconque

168 RENOUARD, t. 2, p. 17 : « Interdire à tout écrivain la citation de ses devanciers, refuser aux progrès de la

science et de la discussion publique l’emploi de tout passage d’un ouvrage de domaine privé, ce serait tomber dans l’exagération ».

169POUILLET, p. 540, n° 511, affirmant que « si la loi punit la contrefaçon partielle, elle n’interdit pas le droit

de citation. Il est clair que citer le passage d’un ouvrage, soit pour le discuter, soit pour en tirer un argument au profit d’une opinion ou d’une doctrine que l’on émet est légitime et légal ».

170 Article 5 paragraphe 3 d) de la directive du 22 mai 2001.

171 CJUE, 1er décembre 2011, aff. n° C-105, Eva-Maria Painer c/Standardverlag et autres, considérant 134, D. 2012,

p. 471, obs. J. Daleau ; N. Martial-Braz, « Cliché d’une harmonisation du droit d’auteur par la CJUE : du grand art ! », D. 2012, p. 471 – F. Pollaud-Dulian, obs. sous CJUE, 1er décembre 2011, RTD com. 2012, p. 118.

172 Conditions de l’article 10 alinéa 1 de la Convention de Berne reprises dans l’article 5 paragraphe 3 d) de la

altération de l’esprit de l’oeuvre, peut souhaiter y recourir dans le souci de transmettre avec fidélité le message de l’auteur cité.

43. Citation et droit moral – L’exception de citation est reconnue, certes, mais elle est

enfermée dans des conditions strictes173. Par ailleurs, la citation ne doit pas porter atteinte au droit moral de l’auteur cité. La citation n’est possible qu’autant que l’œuvre a été divulguée par le créateur. L’article L. 122-5 alinéa 3 du CPI exige que soient clairement indiqués son nom ainsi que la source174. Cette exigence repose sur le droit à la paternité de l’oeuvre. Elle permet que le lecteur ou l’amateur puisse bien distinguer l’œuvre citée de l’œuvre citante175. A cet effet, l’auteur de l’œuvre citante doit utiliser des moyens pour mettre en évidence la citation. Ainsi peut-il user d’une mise en forme particulière telle que des guillemets176. Par ailleurs, le respect du droit moral de l’auteur s’exprime aussi au travers de la préservation de l’intégrité de l’œuvre : la citation ne doit pas dénaturer l’œuvre citée et ne doit pas trahir l’esprit qu’a voulu lui insuffler son auteur177.

173 D’une part, la citation doit être brève : l’article L. 122-5 alinéa 3 a) du CPI impose que la citation soit courte,

ce que ne mentionne pas l’article 5 paragraphe 3 d) de la directive du 22 mai 2001. On peut toutefois déduire la nécessité de la courte citation de ce que la disposition de la directive postule que la citation doit être « conforme aux bons usages ». Par l’exigence de brièveté, le législateur entend empêcher que l’emprunt ne vienne

concurrencer l’œuvre originale. Tout comme l’analyse, la citation ne doit pas dispenser de recourir à l’œuvre elle-même. Il est évident qu’une œuvre citée dans son intégralité ne peut être analysée en une courte citation, mais plutôt en une contrefaçon, quand bien même le droit moral de l’auteur cité serait respecté. Il faut tout de même observer que la notion de brièveté est relative. Il n’existe pas d’unité de mesure particulière en matière de citation. Dès lors, on comparera la dimension de l’œuvre citée à celle de l’œuvre citante pour déterminer si la citation est courte ou non. Aussi, les juges peuvent prendre la mesure de la taille ou de la longueur de l’œuvre à laquelle la citation est empruntée pour apprécier la brièveté de la citation. Il ne fait aucun doute que l’extrait de plus de la moitié d’un article de presse n’est pas une courte citation. mais encore une fois, on ne peut tirer de principe car la question est réglée au cas par cas. D’autre part, au regard de l’article L. 122-5 alinéa 3 a) du CPI, la citation doit être justifiée « par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ». La citation doit être incorporée à une œuvre citante. mais il ne suffit pas d’une

simple incorporation. Encore faut-il que l’œuvre citée joue un rôle d’illustration du propos et de l’argumentation personnels de l’auteur citant. Fondamentalement, la citation doit demeurer au service de l’œuvre qui l’emprunte. En d’autres termes, elle ne doit apparaître que comme un élément accessoire, si bien que sans elle l’œuvre citante devrait toujours présenter un intérêt.

174 Comp. article 5 paragraphe 3 d) de la directive du 22 mai 2001 selon lequel le défaut d’indication de la

source et du nom de l’auteur peut être justifié lorsqu’elle s’avère impossible. Or, on observera que la citation n’a aucun intérêt si son origine n’est pas indiquée et que, dans de telles conditions, on se rapproche davantage du plagiat – En ce sens DESBOIS, p. 315, n° 248.

175 CA Paris, 3 décembre 1894, Ann. propr. ind. 1895, p. 282 – CA Paris, 31 mars 1999, RIDA, janvier 2000,

n° 183, p. 294, en matière audiovisuelle.

176 CA Paris, 24 octobre 1984, D. 1985, somm. p. 312, obs. C. Colombet, qui retient que la citation doit être

faite entre guillemets.

177 CA Paris, 21 juin 1988, Héritiers Brel et Éditions musicales Pouchenel c/RPR, RIDA, octobre 1988, n° 138, p. 304,

affaire dans laquelle les paroles d’une chanson de Jacques Brel ont fait l’objet d’une citation tronquée pour faire passer un message politique trahissant l’esprit de l’œuvre empruntée.

B. Les parodies, pastiches et caricatures

44. Liberté de tourner en dérision – Manifestations de la liberté d’expression178,

paradigmes de la liberté de caricature179, les parodies, pastiches et caricatures ont toujours fait partie de la tradition française du droit d’auteur180. D’une part, sous réserve que les « lois du genre » soient respectées, un auteur ne peut empêcher d’autres auteurs de faire de l’humour à propos de son œuvre ou de sa propre personne. D’autre part, les idées étant de libre parcours, les thèmes

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