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3. Les trypanosomiases

3.2. La Trypanosomiase Humaine Africaine (THA)

3.2.1 Epidémiologie

La THA est une maladie tropicale négligée qui sévit en Afrique Sub-Saharienne, allant de la Gambie à l’ouest de l’Afrique jusqu’au Mozambique à l’est. C’est un missionnaire écossais, David Livingston, qui a observé pour la première fois en 1852 le lien entre la maladie du sommeil et la présence de la mouche tsé-tsé, désormais connue comme le vecteur de la maladie. Puis en 1895, David Bruce, microbiologiste écossais, découvrit l’existence des trypanosomes (en tant qu’agent pathogène de la Trypanosomiase Humaine Africaine) et le nom de Trypanosoma brucei leur fût ensuite donné.104 Le

nom de Trypanosoma dérive du grec trypano (tarrière) et soma (corps) et leur fût donné en raison de

100 OMS, http://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/trypanosomiasis-human-african-(sleeping-sickness),

mis à jour le 18/02/2018, consulté le 30/05/2018.

101 OMS, http://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/chagas-disease-(american-trypanosomiasis), mis à

jour le 01/02/2018, consulté le 30/05/2018.

102 P. Büscher, G. Cecchi, V. Jamonneau et al., Lancet, 2017, 390, 2397-2409. 103 OMS, www.who.int/mediacentre/factsheets/fs529/en, consulté en 06/2018. 104 D. Steverding, Parasit. Vectors, 2008, 1:3.

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leur mouvement circulaire.105 La THA a provoqué de très grandes épidémies au cours du 20ème siècle,

tuant des centaines de milliers de personnes entre 1896 et 1906. La dernière épidémie remonte aux années 1990 avec plus de 500.000 cas rapportés106, provoquée par une période de guerre et de famine

couplée avec une diminution de la surveillance de la maladie à cause de systèmes de santé défaillants. Aujourd’hui, moins de 3000 nouveaux cas sont rapportés chaque année grâce aux efforts conjoints de l’OMS, d’ONGs et de partenaires privés comme Sanofi et Bayer.100 Cependant, ce chiffre est

probablement sous-estimé en raison de la difficulté d’accès à certaines régions rurales. Des études vont dans ce sens et indiquent qu’en 2007, plus de 18.000 personnes étaient touchées par la THA au Congo, soit deux fois plus que le chiffre annoncé par l’OMS.107

La THA est transmise par la piqûre d’une mouche tsé-tsé infectée. Il existe à ce jour 31 espèces de cette mouche décrites qui appartiennent au genre Glossina, elles sont classées en 3 catégories selon l’endroit où elles se développent.108 Le sous-genre Nemorhina est présent en Afrique de l’ouest et

centrale, dans des lieux humides proches de sources d’eaux. Il inclue les principaux vecteurs de la THA avec G. palpalis palpalis, G. palpalis gambiensis et G. fuscipes. G. Morsitans et G. Austenina sont les deux autres sous-genres avec des présences majoritaires en Afrique de l’est, G. Morsitans étant une autre espèce majoritaire vectrice de la maladie.109 Une grande différence avec les phlébotomes responsables

de la leishmaniose est que les mouches tsé-tsé mâles sont tout comme les femelles, hématophages. Ces mouches tsé-tsé ne peuvent survivre qu’à des températures comprises entre 16 et 38 °C avec un taux d’humidité supérieur à 50%, ce qui limite leur diffusion dans l’hémisphère Nord notamment. Enfin, cet insecte qui peut mesurer jusqu’à 1,5 cm ne sera infecté par le parasite à la suite d’un repas sanguin que dans 2 à 5% des cas, ce qui en fait un vecteur peu efficace. 110

Figure 14 : Mouches tsé-tsé, vecteur de la trypanosomiase humaine africaine. Source : © Cirad / J. Janelle

et http://www.slateafrique.com/.

3.2.2 Trypanosoma, un parasite au cycle de vie complexe.

Trypanosoma est un parasite extracellulaire appartenant à la famille des Trypanosomatidés. Ces

parasites, qui mesurent de 20 à 30 µM de long et 2 à 5 µM de large, comprennent une grosse

105 J. Willinsky, Emerg. Infect. Dis., 2006, 12, 1473. 106 M. P. Barrett, Lancet, 1999, 353, 1113-1114.

107 D. Mumba, E. Bohorquez, J. Messina et al., PLoS Negl. Trop. Dis., 2011, 5, e1246. 108 F. N. Wamwiri et R. E. Changasi, Biomed. Res. Int., 2016, 2016:8.

109 J. S. Franco, P. P. Simarro, A. Diarra et al., Clin. Epidemiol., 2014, 6, 257-275. 110 D. H. Molyneux, Insect Science and its Application, 1980, 1, 39-46.

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mitochondrie contenant un kinétoplaste et un flagelle qui lui en confère la mobilité.102 Il existe de

nombreuses espèces de Trypanosoma mais seulement 3 sont responsables de la Trypanosomiase Humaine Africaine, chacune avec des caractéristiques différentes (Tableau 6). Chez l’homme, seules T.

brucei gambiense et T. brucei rhodesiense sont pathogènes. L’explication vient du fait que les parasites

de la famille Trypanosoma responsables des Trypanosomiases animales (T. brucei brucei par exemple) sont très sensibles à des facteurs trypanolytiques présent dans le sérum humain (TLFs), qui vont tuer les parasites et empêcher l’infection. Seulement T. b. gambiense et T. b. rhodesiense ont développé des résistances à ces facteurs trypanolytiques et ne seront donc pas détruit par l’hôte après infection.111

Tableau 6 : Principales caractéristiques des espèces de Trypanosoma brucei.

La trypanosomiase animale africaine (TAA) est également due à ces parasites et principalement à

T. vivax, T. congolense et T. brucei. Elle s’attaque aux troupeaux de bétail, de moutons, de chèvres, de

porcs et de chameaux ce qui est un problème majeur pour le développement agricole, l’agriculture étant la principale ressource des pays africains touchés par ces maladies. L’autre point critique est que ces animaux infectés forment un réservoir de la maladie qui augmente les chances de transmission à l’homme via le vecteur. Il n’existe pas de traitement idéal, la plupart étant toxiques et n’éliminant pas les possibilités de rechutes.112

Trypanosoma, au même titre que Leishmania, possède un cycle de vie complexe partagé entre un

vecteur (la mouche tsé-tsé) et un hôte (Mammifère) comme indiqué dans la figure 16. Suite au repas sanguin de la glossine chez un hôte infecté, celle-ci va absorber des trypomastigotes sanguins qui, une fois dans l’intestin du vecteur, vont se différencier en trypomastigotes procycliques puis se diviser par scissiparité. Ils vont alors passer dans le proventricule, une structure de l’appareil digestif de la glossine,

111 P. Capewell, N. J. Veitch, C. M. Turner et al., PLoS Negl. Trop. Dis., 2011, 5, e1287. 112 F. Giordani, L. J. Morrison, T. G. Rowan et al., Parasitology, 2016, 143, 1862-1889.

Espèce de Trypanosoma Région Réservoir Nombre de cas

T. brucei brucei De l’Afrique de l’ouest à l’afrique du sud Animaux domestiques et sauvages (chiens, porcs, bétail…)

Non pathogène pour l’homme, bon modèle

de laboratoire.

T. brucei gambiense Afrique de l’ouest

Afrique centrale

Humain, affecte très peu les animaux

98% des cas de THA dont 86% uniquement

en R. D. Congo

T. brucei rhodesiense Afrique de l’est

Afrique du sud

Animaux domestiques et sauvages, affecte l’homme par accident

2% des cas dont 82% en Ouganda et Malawi

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où ils se transforment en épimastigotes. Finalement, les parasites vont rejoindre les glandes salivaires de la glossine par l’œsophage où ils vont se multiplier à nouveau et évoluer en trypomastigotes métacycliques, la forme infectante de la maladie.113 Sur la totalité des parasites absorbés au départ par

la glossine, seuls 2 à 5% vont atteindre le stade métacyclique.114

Figure 15: Trypanosoma brucei brucei trypomastigotes. Source : © Wikimedia Commons et © 2008 Jan Votýpk

Lors d’un repas sanguin chez un hôte sain, la glossine infectée va alors lui transmettre sous la peau cette forme métacyclique via une piqûre. Les trypomastigotes métacycliques vont alors se développer au niveau du lieu d’inoculation et se transformer en trypomastigotes sanguins, une forme plus longue et plus mince plus à même de se déplacer efficacement dans le système de circulation sanguine de l’hôte. Ils vont alors se répandre dans les différents organes impliqués dans la circulation (cœur, foie, rein…) puis passer la barrière hémato-encéphalique où ils provoqueront des dommages importants.115

Figure 16 : Cycle de vie du parasite Trypanosoma brucei, chez l’hôte et chez le vecteur.

113 N. A. Dyer, C. Rose, N. O. Ejeh et al., Trends Parasitol., 2013, 29, 188-196. 114 K. Vickerman, L. Tetley, K. A. Hendry et al., Biol. Cell., 1988, 64, 517-524.

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3.2.3 Formes cliniques de la Trypanosomiase Humaine Africaine.

Les formes cliniques de la THA varient en fonction de la sous-espèce de Trypanosoma brucei et du stade de la maladie qui est le plus souvent hémo-lymphatique dans un premier temps puis méningoencéphalique dans un second temps. Les symptômes de la maladie sont proches entre une infection par T. b. gambiense et T. b. rhodesiense. La principale différence réside dans le fait que, si pour la première espèce citée, la maladie est chronique et peut durer jusqu’à 3 ans, pour le deuxième, la maladie est aiguë et peut provoquer la mort chez le patient en moins de 6 mois.116 Les deux stades ont

des caractéristiques très différentes :

1) Le stade hémo-lymphatique correspond au stade où le parasite est présent dans la circulation sanguine et dans la lymphe. Un trypanome de 3 à 4 cm apparaît sur le lieu de piqûre puis 1 à 3 semaines après des symptômes progressifs vont se développer chez les patients comprenant fièvre, maux de tête, problèmes cardiaques, hépatosplénomégalie ou lymphadénopathie caractéristique d’une infection par T. b. gambiense.117

2) Le stade méningo-encéphalique débute au moment où les parasites vont passer la barrière hémato-encéphalique (BHE) et affecter le système nerveux central (au bout de plusieurs semaines pour T. b. rhodesiense et au bout de quelques mois pour T. b. gambiense). Les symptômes vont regrouper de nombreux désordres neurologiques comme des troubles du comportement, des troubles du sommeil, des troubles d’élocution, des tremblements ou des hallucinations.118 Les patients finissent par tomber dans le coma suite aux dégâts causés dans

le cerveau, entraînant à terme la mort. Ce sont les troubles du sommeil qui sont les plus caractéristiques, donnant même leur nom à la maladie. Chez 74% des patients touchés par la THA, le rythme de sommeil va être complètement altéré avec des épisodes incontrôlables de sommeil pendant la journée et des insomnies pendant la nuit (inversion du rythme nycthéméral).