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B. Les mélanocytes

4. La transformation mélanocytaire

La transformation maligne d’un mélanocyte en mélanome est un processus complexe qui comporte plusieurs étapes. Le modèle de Clark (Clark, 1984) définit un schéma hypothétique qui retrace ces différentes étapes qui sont associées à des altérations génétiques de divers oncogènes et GST de voies canoniques95.

Dans ce modèle, il y a 5 stades (figure 32)98 :

Le nævus mélanocytique commun. C’est une lésion bénigne qui correspond à une prolifération de mélanocytes au niveau basal de l’épiderme. Les caucasiens ont en moyenne 25 nævi de ce type sur la peau, qui mesurent au moins 2 mm de diamètre. Cliniquement, ces nævi peuvent être plats ou légèrement surélevés avec soit une coloration uniforme soit un aspect pigmenté sur un fond brun ou foncé. Ils évoluent rarement en mélanome, mais quand

Figure 32 : Spectre morphologique des néoplasmes mélanocytiques. Ligne du haut : images cliniques montrant un naevus mélanocytique commun, un naevus dysplasique, un mélanome in situ et un mélanome invasif. La deuxième ligne montre des illustrations schématiques des caractéristiques architecturales de chaque type de lésion. Les lignes 3 à 5 montrent des images microscopiques illustrant les caractéristiques histo-pathologiques de chaque lésion95.

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ils progressent, c’est principalement en mélanome non-CSD (chroniquement endommagé par le soleil, chronically sun-damaged), dans 30% des cas. Ils présentent deux types de profils de croissance, lentigineux ou congénital avec des localisations au niveau jonctionnel, dermique ou les deux. Les mutations BRAFV600E y sont fréquentes, certainement en tant qu’événement initiateur. Le nombre et la taille des naevi sont influencés par le génotype constitutionnel de l’individu. La fréquence de mutations initiatrices telles que BRAFV600E, ainsi que leur pénétrance seraient modulées par des variations germinales (cf partie génétique). L’action des rayons UV est également un événement initiateur dans la formation des naevi. Après l’acquisition de mutations initiatrices, le mélanocyte va proliférer pour former le naevus, avant d’entrer en phase de « senescence-like », c'est-à-dire que l’arrêt du cycle cellulaire n’est pas irréversible. Les naevi peuvent reprendre leur prolifération en réponse à divers stimuli comme les UV, les hormones de la grossesse, l’immunosupression… La plupart des naevi ne changent pas de taille du fait d’un équilibre entre la prolifération et l’apoptose, et finissent par régresser et disparaître après l’âge de 50 ans.

Le nævus atypique ou nævus dysplasique, néoplasme intermédiaire. Ce type de lésions est difficilement classable parmi les catégories bénignes ou malignes, puisqu’on les observe aussi bien dans des familles prédisposées aux mélanomes, qui co-ségrégent avec le risque de développer un mélanome, que de façon sporadique, chez des individus appartenant à des familles non prédisposées pour le mélanome. Cliniquement, ils représentent une tâche brunâtre de 5 mm de diamètre avec au moins deux des caractéristiques suivantes : une pigmentation variable, une asymétrie et/ou des bords irréguliers. Il semblerait que ces lésions apparaissent de novo, plutôt qu’à partir d’un naevus commun préexistant dans les familles avec une forte pénétrance de mélanome, ou de manière sporadique. Ces lésions intermédiaires présentent, contrairement aux lésions bénignes, de multiples mutations drivers et notamment des mutations de NRAS, des mutations de BRAF non V600E et des mutations du promoteur de TERT (cf partie génétique). Le risque de développer un mélanome est élevé chez les individus présentant de multiples naevi dysplasiques, cependant, le risque de progression de ces naevi semble faible.

Le mélanome in situ, correspond à une prolifération de mélanocytes avec des noyaux volumineux qui grossissent de manière irrégulière au sein de l’épiderme. C’est le stade le plus précoce du mélanome, avec une survie de presque 100% en cas de résection complète. Ce type de lésion peut être le précurseur de mélanome invasif. Ils présentent deux types de profils de croissance : un « pagetoïde » associé à des mutations BRAFV600E et un lentigineux inversement corrélé aux mutations BRAFV600E. La forme lentigineuse peut s’étendre sur

Figure 33: Evolution de l’incidence du mélanome cutané selon le sexe de 1980 à 2012 – Taux standardisé monde estimé (TSM) estimé pour 100 000 personnes-années.

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plusieurs centimètres carrés de la peau sur une période de plusieurs années avant de devenir invasive et former un nodule. Les mélanomes in situ surviennent soit de novo dans des cellules sûrement très superficielles étant donnée le nombre de mutations observées, soit à partir d’un naevus commun ou dysplasique. Ces lésions présentent des mutations fréquentes affectant la voie des MAP kinases (BRAF, NF1 et NRAS) mais également du promoteur de

TERT et des altérations de CDKN2A. Ces mélanomes surviennent tardivement, du fait d’un

développement très lent. Ces mélanomes sont plus fréquents sur les peaux exposées au soleil. Ils peuvent persister de nombreuses années avant de devenir invasifs

Le mélanome invasif. Il correspond au stade où les cellules tumorales quittent l’épithélium de l’épiderme pour envahir les tissus mésenchymateux adjacents, le derme ou la sous-muqueuse. Le risque de métastases et de décès est corrélé à la capacité d’invasion. La plupart des mélanomes invasifs se développent à partir de mélanome in situ, ils possèdent donc les mutations drivers accumulées pendant la progression mais également de nouvelles altérations au sein de gènes non mutés dans les lésions précurseurs (ARID2, ARID1A, TP53,

PTEN,…). Les processus mutationnels à l’origine des mélanomes semblent se modifier à ce

stade, le nombre de mutations n’augmentant pas, mais de nouvelles altérations apparaissant, comme les altérations du nombre de copies.

Le mélanome métastatique. Le mélanome est dit métastatique quand les cellules disséminent au-delà du site primaire de la tumeur et colonisent d’autres tissus. Les métastases apparaissent d’abord dans les ganglions drainant le site de la tumeur primaire puis, plus tardivement, à distance, dans d’autres organes. Des analyses d’exomes n’ont pas permis de mettre en évidence de mutations drivers récurrentes spécifiques des métastases. Les métastases représentent l’état le plus prolifératif des différents stades de mélanomes. Elles présentent des sous-clones, ce qui est à prendre en considération lors du traitement par des thérapies ciblées pour éviter l’émergence de clones résistants dans différentes parties du corps.

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