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enjeux

1- La théorie antispéciste dans l’épistémologie de la géographie

1-1 Animaux non-humains en géographie : évolution des représentations, du naturalisme à l’antispécisme

L’antispécisme découle d’une réflexion portée sur les liens entre les animaux humains et les animaux non humains. Les textes antispécistes peuvent soulever de nombreux enjeux géographiques dans la mesure où ils remettent en question la dichotomie « Homme / Nature ». La question animale est peu présente en géographie française car la géographie dite classique a dissocié « Homme » et « Nature », définissant ainsi l’humain-e comme l’inverse de l’animal en un être rationnel et unique. L’étude traditionnelle des animaux en géographie était centrée sur leur répartition en tant qu’espèces. La zoogéographie est une branche peu développée de la géographie physique. En géographie culturelle, l’introduction d’animaux eu lieu dans le cadre d’études sur l’évolution des paysages dits « culturels ». L’école de Berkeley fondée par Carl Sauer au début du vingtième siècle s’intéresse aux animaux à travers leur domestication et leur influence sur les paysages culturels. En 2004, l’ouvrage Le Paysage Animal. L’Homme et la grande faune : une zoogéographie historique écrit par Xavier de Planhol démontre une volonté d’étudier les rapports entre animaux humains et animaux non humains mais sans abolir fondamentalement l’idée de Nature. En effet, les mots choisis pour le titre du livre traduisent une idéologie naturaliste dans les désignations « Homme » et « grande faune ». L’ « Homme » offre une définition restrictive de l’humanité, tandis que « la grande faune » rassemble tous les animaux, aussi différents soient-ils sous une même appellation scientifique et naturaliste. L’individualité de l’humain au masculin est amplifiée tandis que les animaux non humains sont dépourvus de vies individuelles en étant définis comme les parties interchangeables d’un organisme. Dans toutes ces études les rapports entre animaux humains et animaux non humains sont certes interrogés mais la frontière n’est jamais remise en question. Les

animaux font partie d’une globalité dite naturelle et les humain-e-s comme un groupe lui aussi homogène mais supérieur (en effet, l’usage du mot « Homme » avec un grand H pour représenter tous les humain-e-s traduit une vision unique et discriminatoire). Animaux humains et non humains sont essentialisés dans des catégories bien définies. Sarah Whatmore (2002) annule cette essentialisation binaire en développant des géographies hybrides (Hybrid Geographies) dans lesquelles les éléments dits humains et ceux dit naturels sont interconnectés dans un tissu social. Le monde « sauvage » (wild) serait une hétérotopie. D’après Michel Foucault (1967), une hétérotopie est un espace concret de l’imaginaire, un espace autre. La nature, produit de l’imaginaire, est un espace extérieur réceptacle de plusieurs émotions contradictoires comme l’admiration et la peur. La nature n’est pas l’inverse de la société mais une de ses composantes et une de ses créations. Cette géographie s’appuie en partie sur la théorie de l’acteur réseau des sociologues Bruno Latour, Michel Callon et John Law dans les années 1980. La théorie de l’acteur réseau se traduit par la prise en compte en sociologie des acteurs non humains, des objets et des discours. Ceux-ci sont des acteurs comme les acteur-e-s humain-e-s. L’ensemble des relations entre ces différentes entités façonne le monde. Chaque acteur- e constitue un réseau lui-même et inversement. Ainsi les acteur-e-s et les lieux ne sont pas figés mais en constante évolution. De plus cette théorie représente une critique à l’essentialisation des groupes humains comme à celle des groupes non humains.

1-2 Critiquer l’idée de Nature : un objectif antispéciste et géographique

Les textes antispécistes s’intéressent à l’idéologie naturaliste car elle permet le maintien de l’idéologie spéciste. D’après Yves Bonnardel (2010), l’idée de nature est le premier obstacle à la prise en compte des intérêts non humains. L’idée de nature supprime toute subjectivité aux animaux non humains qui ne sont plus que des éléments interchangeables au sein d’un certain équilibre. L’auteur dénonce le totalitarisme de l’idée de nature. Les individualités sont annulées par le langage naturaliste qui emploie le mot « instinct », par exemple, pour définir toute volonté non humaine. Les animaux seraient guidés par quelque chose qui les dépasse eux-mêmes.

Yves Bonnardel (2010) exprime ainsi sa critique sur les documentaires animaliers : « L’individu animal reste un simple organisme naturel et n’existe

fondamentalement pas « pour lui-même », mais pour « autre chose » qui le dépasse » (p.6).

Cette critique antispéciste de l’idée de nature induit des tensions avec les écologistes. Selon la théorie antispéciste la nature n’existe pas ou elle représente le réel dans son ensemble. L’humain-e fait partie de la nature. De plus la nature dont parlent les écologistes n’a jamais été « équilibrée ». David Oliver (1994) soutien dans les Cahiers Antispécistes que la définition biologique des espèces n’est pas neutre : « La volonté de considérer une classification unique, hiérarchique, comme la classification scientifique est en soi totalitaire »10. La critique antispéciste de l’idée de nature s’inscrit dans une critique plus large des rapports de domination basés sur des essentialisations.

1-3 Le discours antispéciste comme composante de la géographie postmoderniste

Abolir les dichotomies telles que « Homme/Nature » ou « Culture/Nature » s’inscrit dans le projet scientifique postmoderniste et féministe. L’antispécisme est un courant de pensée associé au féminisme et au postcolonialisme dans un mouvement global de lutte contre les oppressions. La littérature végane est ainsi imprégnée de références et de concepts féministes. La géographie radicale développée par David Harvey dans les années 1960 permet au chercheur-e de devenir militant-e. La géographie féministe invite à analyser la société, à déceler les différentes formes d’oppression pour pouvoir les dénoncer. La géographie queer éclaire également le phénomène grâce aux concepts de performance, d’embodiment et d’empowerment. L’essentialisation est un instrument de domination à combattre. Etudier les relations entre animaux humains et animaux non humains ainsi que la place des animaux non humains dans les représentations humaines permet de repenser la place de l’animal. S’opposer à l’idée de nature constitue donc un projet politique et scientifique.

Yves Bonnardel (2010) associe l’antispécisme à la pensée de Colette Guillaumin sur le racisme et le sexisme. Dans la compilation d’articles Sexe, Race et Pratique du Pouvoir : l’idée de nature, Colette Guillaumin (1992) explique que les rapports de domination entre groupes humains s’appuient sur cette idée de nature. Les relations de

10 OLIVIER D., 1994, « Les espèces non plus n’existent pas », in Cahiers Antispécistes n°11.

domination auraient des « formes matérielles » et des « formes mentales ». Les formes mentales sont les idéologies qui justifient l’appropriation physique des individu-e-s dominé-e-s. Ces dominé-e-s (femmes, noir-e-s) sont perçu-e-s comme des objets naturels par les dominant-e-s. L’idée de nature permet de légitimer l’appropriation en renvoyant ces catégories à leur soit disant appartenance totale à la nature. Les groupes dominants maitrisent la nature tandis que les groupes dominés en sont restés de simples parties. Colette Guillaumin démontre alors que « Plus la domination tend à l’appropriation totale, sans limites, plus l’idée de « nature » de l’approprié sera appuyée et « évidente » » (p.81-82). La hiérarchie entre individu-e-s se base donc sur une soi- disant hiérarchie naturelle de race et de sexe. Le rapport au corps est sans cesse instrumentalisé, les femmes et les noirs sont dans l’hypercorporalité, soumis-e-s à cette nature dont ils-elles ne pourraient se défaire. L’esclavage et le sexisme reposaient sur l’idée de nature. L’idée de nature est façonnée pour démontrer des hiérarchies naturelles qui légitiment ensuite des hiérarchies sociales. L’appropriation s’effectue collectivement en tant que classe sur une autre classe. D’après Yves Bonnardel (2010), cette théorie est applicable au spécisme. L’humanisme repose sur l’idée de nature dans la mesure où il définit un « propre de l’Homme » l’opposant à la nature. Les animaux, qui seraient sans individualité ni volonté, sont alors appropriés. L’idéologie dominante sous tend la consommation de viande qui repose en effet sur des formes matérielles et mentales de domination. Cette mise en perspective des rapports de domination constitue la base de la théorie antispéciste qui milite pour une égalité de considération de tous les individu-e-s sentient-e-s. Les dominations étant issues d’une idéologie commune, seule une véritable convergence des luttes permettra d’aboutir à la fin de l’injustice pour les humain-e-s et les non humain-e-s.

La géographie postmoderniste se développe dans les années 1980 dans les pays anglo-saxons. Cette nouvelle géographie vise à déconstruire les discours dominants en introduisant la subjectivité dans la recherche. Le postmodernisme s’oppose à la philosophie des Lumières et à son positivisme imposant une objectivité scientifique impossible à atteindre. La neutralité de la recherche est également remise en cause, chaque travail scientifique étant un discours politique. Les ouvrages fondateurs du postmodernisme en géographie sont The condition of postmodernity de David Harvey publié en 1987 et Postmodern Geographies : the Reassertion of Space in Critical Social

Theory de Edward Soja en 1989. D’après Nathalie Blanc et Marianne Cohen (2002), « la revalorisation de l’animal comme enjeu disciplinaire s’inscrit dans la tendance postmoderniste »11. La déconstruction de discours et la critique des rapports de domination sont des procédés communs au postmodernisme et à l’antispécisme.

La remise en cause postmoderniste de l’idée de Nature et l’affranchissement des lois essentialistes forment les fondements de nouvelles géographies animales et antispécistes étudiant les rapports entre les animaux humains et les animaux non humains.

2- Les nouvelles géographies antispécistes : entre espaces, discours et

pouvoir

2-1 La déconstruction d’un discours socialement construit sur les animaux non humains Dans l’introduction de leur ouvrage Animal spaces, Beastly places, Chris Wilbert et Chris Philo (2000) définissent un des enjeux majeurs de la nouvelle branche géographique :

« Un des objectifs de la nouvelle géographie animale est de comprendre comment les animaux ont été socialement définis, utilisés comme nourriture, étiquetés comme animaux de compagnie ou comme parasites, comme utiles ou non, classés comme sentients, comme poissons, comme insectes, ou comme « autres » irrationnels qui ne sont évidemment pas humains, par différents peuples au cours de différents périodes et dans des contextes mondiaux. 12» WILBERT, PHILO, 2000, p. 5.

Cette nouvelle géographie remet en question l’idée de nature mais s’intéresse aussi aux représentations sociales ayant créé les « animaux ». Les animaux font partie 11 BLANC N., COHEN M., 2002, « L’animal : une figure de la géographie contemporaine » in La place de l’animal, Espaces-Temps n°110-111, L’Harmattan. 12 « One of the things a new animal geography seeks to do, moreover, is to follow how animals have been socially defined, used as food, labelled as pets or pests, as useful of not, classed as sentient, as fish, as insect, or as irrational « others » which are evidently not human, by differing peoples in differing periods and worldly contexts. »

des sociétés humaines, ils sont donc des objets/sujets géographiques légitimes et nécessaires. La symbolique des animaux dans l’imaginaire collectif d’une société reflète cette société elle-même. Les auteurs parlent aussi de « animal places » comme espaces immatériels de classification. Le lieu géographique est ici la place hiérarchique liée au seul critère de l’espèce. Les humain-e-s attribuent des places spécifiques aux animaux, les uns par rapport aux autres. D’après Chris Wilbert et Chris Philo (2000) : « Le résultat de cette classification, de ces systèmes et tableaux, est de figer les animaux dans une série d’espaces abstraits, d’ « espaces pour animaux », qui sont écartés des contextes spatio-temporels désordonnés ou des lieux concrets, dans lesquels ces animaux vivent réellement leurs vies comme êtres dans le monde. 13 » (p.6)

En dehors de ces classifications scientifiques, les animaux sont omniprésents dans les paysages culturels humains. Ils sont souvent associés à une valeur, à une nation en tant que symboles. Ils sont également présents dans les récits pour enfants et les publicités. Toute une géographie culturelle repose sur les différentes représentations des animaux non humains. L’étude des représentations à travers la déconstruction du discours dominant permet de donner une nouvelle place à l’animal non humain en géographie.

2-2 Espaces imposés, résistance et lieux hybrides

Les relations entre animaux humains et animaux non humains sont spatialisées dans des lieux concrets révélateurs de certaines dynamiques sociales. Dans Hybrid Geographies, Sarah Whatmore (2002) explique que les zoos créent des animaux dont le caractère change à cause de la captivité mais dont la présence doit faire donner l’illusion aux visiteur-e-s d’être face à des animaux « sauvages ». L’auteure établit un parallèle avec la capture d’animaux pour les jeux du cirque pendant l’Antiquité et la collection

13 « The result of such classification, systems and tables is to fix animals in a series of abstract spaces, « animal spaces », which are cleaved apart from the messy time-space contexts, or concrete places, in which these animals actually live out their lives as beings in the world. »

d’espèces « exotiques » lors des périodes de colonisation. L’animal est synonyme de pouvoir et de richesse. Les animaux captifs doivent exercer un certain nombre de performances pour prouver qu’ils sont bien « sauvages » (repas montrés aux visiteur-e-s par exemple). Le zoo est un objet géographique récurent car il synthétise des formes matérielles et des formes mentales de rapports de domination. Dans son article « Le zoo comme dispositif spatial : mise en scène du monde et de la juste distance entre l’humain et l’animal », Jean Estebanez (2010) définit le zoo comme étant un lieu de spectacle, de définition et de pouvoir. Les zoos seraient la mise en scène d’une vision occidentale de la nature. Seules les sociétés naturalistes enferment et mettent en scène des animaux dits « exotiques ». L’auteur critique les valeurs colonialistes du zoo en montrant les stéréotypes qui y sont ancrés tels que les villages « traditionnels » africains. Ce travail révèle l’imbrication des rapports de domination entre les animaux humains et les animaux non humains.

Chris Philo et Chris Wilbert (2000) opposent les « animal spaces » pensés par les humain-e-s dans un objectif d’exploitation ou de domination et les « beastly places » appropriés par les animaux eux-mêmes. Cette pensée géographique accorde enfin les notions de subjectivité, de résistance et de volonté propre aux animaux non humains. Les transgressions animales sont des évasions individuelles ou collectives dans l’objectif de trouver son propre espace. Ici le choix du mot « bestial », passe du péjoratif au positif. Ce choix de langage est une critique au naturalisme et au « propre de l’Homme ». Les animaux déviants s’approprient leurs territoires.

2-3 L’antispécisme comme conséquence et catalyseur d’une réflexion éthique en géographie

L’analyse d’espaces idéels et matériels impliquant les animaux non humains invite à une nouvelle réflexion éthique en géographie. Henry Buller (2015) affirme qu’une réflexion éthique est indispensable à une géographie animale dans la mesure où étudier les relations entre les animaux humains et non humains donne une visibilité à ces derniers. Henry Buller cite Judith Butler (2007), « rendre visible a des implications

éminemment éthiques (et critiques) »14. Il cite également Jon Barnett (2012), qui parle d’ « éthique de la vulnérabilité »15. S’opposer à une vision naturaliste du monde implique le développement d’une réflexion éthique sur nos rapports avec les animaux non humains.

Henry Buller (2015) prône alors une « géographie plus qu’humaine »16 (p.1) dont les méthodes sont empruntées à la géographie féministe et à la géographie postcoloniale. La déconstruction du discours dominant résulte d’une convergence des luttes entre les différentes géographies engagées. Le point commun entre les travaux sur le racisme et les travaux sur les animaux non humains est l’étude des attitudes vis-à-vis d’un « autre ». Jean-François Staszak (2002) définit ainsi l’animal comme « figure de l’étranger »17. Il s’agit de reconsidérer les animaux non humains comme des êtres sentients et non plus comme des objets naturels emprisonnés dans une vision essentialiste. Le rapport au corps devient essentiel à cette nouvelle géographie étudiant les relations entre animaux humains et non humains. Henry Buller (2015) évoque ces relations comme des « sujets en interactions » et Sarah Whatmore (2002) parle de « corporalité ». La corporalité définit les animaux humains et non humains et constitue donc une base de langage et de vécu communs. Le rapport au corps laisse également la place aux émotions dans la recherche scientifique. De nouvelles relations peuvent donc être spatialement envisagées. La convergence des luttes constitue une action politique. La réflexion éthique liée à cette nouvelle géographie est donc politique. Nathalie Blanc et Marianne Cohen (2002) expliquent ce lien entre éthique et politique : « La pertinence de l’animal, pour le géographe, ne repose pas simplement sur sa localisation : son exploitation et sa représentation signalent le renouveau du géographique comme lieu (enjeu) du politique. » (p.32).

Si les apports conceptuels de la géographie et de l’antispécisme permettent le développement de nouvelles géographies postmodernistes ; l’antispécisme dans son

14 « Making visible has eminently ethical (and critical) implications ». Source : BULLER H, 2015, Animal geographies III : Ethics, Progress in Human Geography, SAGE publication.

15 Source : idem.

16 « a more-than-human-geography ».

17 STASZAK JF., 2002, « Présentation » in La place de l’animal, Espaces-Temps n°110- 111, L’Harmattan.

application pratique, c’est-à-dire le véganisme, peut également devenir un objet d’étude porteur de multiples enjeux géographiques.

3- Le véganisme : géographie d’un mouvement social, de ses spatialités

à plusieurs échelles et de ses représentations

3-1 Géographie des commerces : spatialisation du véganisme à Paris et analyse des discours commerciaux

L’étude du véganisme à Paris s’inscrit dans la géographie des commerces et des dynamiques urbaines. Dans un premier temps, observer et analyser la répartition des commerces véganes à Paris (restaurants et magasins) relève de la géographie urbaine et de la géographie sociale. Ces marqueurs de l’espace urbain reflètent une organisation sociale spatialisée :

« A la fois réalité spatiale, économique, sociale et politique, la ville se construit, se déconstruit, se densifie, se dilue, se diversifie. Si le commerce est à son image, il possède en outre une formidable capacité à s’adapter aux situations nouvelles, aux nouveaux modes de vie urbains, et même à les anticiper » Bonneville et Bourdin, 1998, cité par Lemarchand, 2008, p.25.

D’après Nathalie Lemarchand (2011), la prise en compte des commerces comme des indicateurs culturels et spatiaux en géographie s’explique par le « tournant culturel » pris par la discipline dans les années 1990 :

« En dépassant l’opposition entre culture et consommation, le « tournant culturel » a permis de valider l’usage de l’analyse culturelle pour mieux saisir la place qu’occupent désormais les lieux et les territoires du commerce dans une société où la pratique consommatoire est devenue une pratique d’identification » (p.7).

Dans l’article « Commerce et sociétés de consommation », Nathalie Lemarchand et Arnaud Gasnier (2014) expliquent l’évolution de la société de consommation en France depuis les Trente Glorieuses. Les Trente Glorieuse marquent le début de la

consommation de masse standardisée. Dans les années 1960, les désirs de liberté et d’individualité mènent à l’aboutissement d’une consommation de masse « individualisée » à partir de la moitié des années 1970, donc aux marchés segmentés pour répondre aux demandes des consommateurs multiples. Enfin, les années 1990 seraient le début d’un renversement des valeurs de consommation :

« La forte progression des inégalités sociales et le développement de nouveaux maux de société annoncent l’avènement d’un nouveau système de valeurs, pour certains types de consommateurs, fondé sur des attentes de rassurance, de partage et de sens » (p. 2).

Ce nouveau système de valeurs serait centré sur l’éthique et l’environnement. Le consommateur devient un « consom’acteur » (p.2). Les auteurs affirment donc que « les mutations sociales se conjuguent avec un changement commercial » (p.10). Les commerces seraient des miroirs des dynamiques sociales et les dynamiques sociales se matérialiseraient dans les commerces. Le végétarisme, puis le véganisme, sont liés à ce renversement de valeurs. En effet, après une industrialisation de la production de viande et de ses dérives, ces nouveaux consommateur-e-s ont décidé de modifier leur alimentation et donc de changer petit à petit le paysage commercial en devenant une