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Le terme générique pour désigner tous les types de forêt, en brousse, y compris les cacaoyères, les jachères anciennes et les forêts secondaires âgées ou primaires (tout ce qui est composé d’une forte proportion de grands arbres) est /afan/, la brousse, par analogie à la forêt.

Une forêt secondaire mature est désignée comme une vieille forêt /nnomafan/ (vieille forêt). En effet, les Ntumu peuvent qualifier d’/afan/ voire de /nnom afan/ une forêt déjà mise en valeur auparavant. /Afan/ peut désigner une forêt « vierge » uniquement par opposition à une autre type de milieu forestier (/ekolok/, la jachère ou /afup/, le champ).

Les sociétés "modernes" se situent dans l'espace de leur territoire selon des repères géométriques issus de la représentation cartographique des lieux et des possibilités techniques à partir de lignes perpendiculaires que sont la latitude et la longitude. A l'opposé, au sein des sociétés forestières tropicales, la connaissance du territoire passe par celle des lieux (clairières, champs, jachères, arbres …) qui structurent un espace ouvert dans la limite des lieux habituellement parcourus (Karsenty et Marie, 1997) et donc utilisés. Chez les Ntumu, à chaque

type de lieux, de milieux, d'écosystèmes, s'applique une tenure foncière et un droit coutumier (avec des niveaux d'emprises hiérarchisés) en fonction de l'origine de ce lieu et des activités qui y sont menées (c'est à dire du type de ressource qui y est prélevée) et de l'action de l'homme sur ce dernier :

#"la ‘forêt vierge’ jamais travaillée de mémoire d’homme (la physionomie de

la forêt leur permet même d’estimer l’histoire du lieu au delà de la mémoire des Hommes et de leurs aïeux), l’/ebe kwueng/ (l’arbre (Pentaclethra macrophylla, MIMOSACEAE, /ebeng/) des singes, /kwueng/) ou quelque fois /nnom afan/ (la vieille forêt) ;

#"les champs ;

- l'essart (selon Dounias, prémices du champ, faisant référence à la procédure technique qui y aboutie) du défrichement jusqu’au semis, /dzi/ ;

- le champ en production /afup/ ;

- le champ vivrier vieillissant (Chapitre II) /kunu/ ; - le champ sur sols hydromorphes /asan/ ;

- la jachère post courge 6 mois à 2 ans /ekpwaala/ (qui signifie

"défricher" d’une manière particulière, associant défrichement, brûlis et nettoyage de la parcelle pour l’arachide).

Le terme générique pour désigner les recrus post-agricoles où l’homme à déjà défriché, abattu et cultivé au moins une fois est /ekolok/ :

- la jachère jeune /nnfef ekolok/ de 4 à 10 ans ;

- la jachère âgée /nnom/ (mûr) /ekolok/ de 15 à 30 ans.

#"l’ancien village, /elik/ ;

#"les cours d’eau, /oswing/.

La propriété terrienne individuelle /djam/ à l’échelle du /nda bot/ (unité familiale élargie) comprend, à partir de la route jusqu’au fleuve et en fonction des limites /ngne/ avec les autres membres de la communauté villageoise :

- les cacaoyères (adjacentes entres elles en fonction des différents propriétaires), /afup keka/, délimitées à partir de la route, par les anciens du village ;

- les jachères jeunes et anciennes /nnfef/ et /nnom ekolok/ ; - les ripisylves /elop/ ;

- les marécages /dan/ ; - les cours d’eau /osing/ ; - les champs viellissants /kunu/ ; - les jeunes champs /afup/ ;

- la forêt primaire /nnom afan/ ou /ebe kwueng/ en aval des champs les plus jeunes (le front pionnier en quelque sorte), dénommé /mvuss afup/.

Chacune de ces parties subissent des modalités d’appropriation de type maîtrise exclusive (droit d’accès, d’extraction, de gestion et d’exclusion), sauf le /dan/ (Annexe 4). En effet, comme nous venons de la voir, une des règles, de plus en plus explicite au sein de la communauté (par rapport à quelques années auparavant) est que la portion de forêt /nnom afan/ (jamais défrichée de mémoire d’homme) qui se trouve directement en aval des champs les plus jeunes, dans le sens de progression habituel (de la route vers le fleuve) est appropriée. Cela ne constitue pas seulement un droit de prééminence sur le défrichement, mais bel et bien un droit d’exclusion. Personne ne peut venir y cultiver et y prélever (cueillette) ce que l'on désire, en particulier les fruits de certains arbres comme la mangue sauvage (Irvingia gabonensis, Irvingiaceae). Chaque bande de terre rayonnant de la route vers le fleuve est appropriée, de manière finie pour trois de ses limites (route, le coté gauche et le coté droit) et de manière infinie pour la dernière limite, puisque en théorie toute la forêt se trouvant droit vers le fleuve et même au-delà est prédestinée à l’usage d’une famille déterminée. L’importance d’une telle disposition des champs vivriers les uns à la suite des autres réside dans le fait que :

!"les champs défrichés chaque année protègent de la déprédation les champs de l’année précédente en s’interposant entre ce dernier et la forêt (d’où viennent les animaux prédateurs) ;

!"on se trouve directement en contact entre les parcelles où l’on prépare la culture (présence quotidienne exigée pour nettoyage et le semis de l’arachide par exemple) et celle où l’on récolte quotidiennement les produits vivriers destinés à l’alimentation des familles.

Dans ce cas le temps alloué aux déplacements à des fins agricoles et quotidiennes est optimisé.

L'espace vécu est l'ensemble des représentations, classification et typologies que les hommes ont de leur milieu, "dans le sens d'une nature interprétée par les hommes" (Sautter, 1968). Les différents modes d'accès à la ressource sont sous-tendus par la maîtrise de l'espace (Barrière et Barrière, 1996). Ils se traduisent par des maîtrises foncières différenciées sur l'espace en fonction de l'histoire et du type de ressources que l'on y prélève. Voici quelques exemples d'espaces à gestion foncière différenciés chez les Ntumu.

En Ntumu, /si/, est la terre dans sa dimension spatiale ou territoriale, le terrain en général et la terre en tant que support physique. Dès qu’il s’agit d’une portion de terre attribuée à un groupe (le village ou le lignage) ou à un individu, on parle alors de portion de terre, /ngap si/.

La notion de limite, - villageoise, lignagère ou individuelle - entre des portions de terres et de cours d’eaux est désignée par le terme /ngne/ (la limite). Il n’existe pas de termes pour désigner les limites entre différents types de champs ou de forêts mais plutôt des termes pour spécifier, toujours certainement dans une optique de progression dans la forêt dans une orientation donnée, l’amont et l’aval d’un champ par rapport aux parcelles juxtaposées à ces deux positions.

L’amont, /ataleya/ est le début d’une parcelle (champ, cacaoyère, jachère ...) et l’aval est la fin d’un champ, /ngeleya/. Ces termes utilisés pour les cours d'eaux montrent :

!"l'importance générale du fleuve dans la vie de ces villages ;

!"la sensibilisation au vocabulaire fluvial par cette société de pêcheurs, qu'ils appliquent aussi à la terre ;

!"que c'est par rapport au fleuve et à sa représentation physique que s'est structuré le terroir.

Ces termes expriment de manière implicite la proximité d’une limite entre les portions de différents individus, les champs d’un même individu et entre les finages (villages, lignages).

Les limites entre cultivateurs sont souvent rectilignes et bien définies. Pour les cultures de rente (cacaoyères en particulier), ces limites sont matérialisées par des plantes très résistantes et au feuillage coloré (Cordyline terminalis, Agavaceae), afin d'éviter les litiges. Si litige il y a, à quelque endroit que ce soit, les limites sont « redressées12 » par un ancien du village et, pour appuyer la décision, des Cordylines seront plantées.

L’/okang/ (le bosquet, ce terme est un abus de langage), représente la portion de brousse (cacaoyères, champs ou forêts) séparant deux zones habitées, l’inter village visualisé par rapport à un axe de communication (Dounias, comm. pers.). Le bosquet en tant que tel n’est le fruit d’aucune notion d’appartenance. Tout comme chez les Badjoués (Vermeulen et Carrière, sous presse) il n’est reconnu dans ce terme aucune connotation d’appropriation et de non-appropriation. Cette portion de terre est en fait géographiquement non strictement définissable

12 Les limites entre parcelles sont souvent définies par les Ntumu à partir des lignes droites reliant deux points. Un litige signifie qu'une tierce personne a dévié à partir de sa limite, une ligne qui doit être

« redréssée ».

d’une part et représente (et surtout représentait) une entité géopolitiquement neutre (Dounias, 1993), pour les affrontements guerriers et les parties de chasse collective. De même, le /mela afan/ est un grand massif forestier séparant deux sites divers, villages, anciens villages ou pays.

Le /mfos/ est une partie de forêt ou une jachère ne comportant que peu d’éléments arborés, où la visibilité à distance est possible. Ce type de site n’est pas prioritairement choisi pour cultiver étant donné la représentation négative de sa fertilité, mais il peut être le fruit d'une appropriation étant donnée son utilisation autrefois comme site de chasse (la vue y étant relativement dégagée). Le marécage, /dan/, est un exemple de /mfos/. Dans l’aire d’exploitation agricole, seul le /dan/ ne fait l’objet d’aucune appropriation pré et post-culturale. La riziculture inondée, relativement récente, se pratique de manière anecdotique sur ces raphiales, le brûlis s’étend sur deux saisons et la culture proprement dite sur une saison. L’appropriation reste donc temporaire, le temps de la culture, et ne livre aucun droit d’exclusion par la suite. Ceci est contraire à tous les autres types de champs, y compris les champs /asan/ de ripisylve /elop/ dans les portions de terres de chacun où la culture de la courge (rente) et de quelques cultures vivrières hygro-tolérantes (plantain, canne à sucre...) est quelquefois pratiquée. La restauration de la fertilité de ces zones humides est extrêmement lente.

L'/ekot/ est l’espace forestier inter fluvial compris entre deux cours d’eau ou entre différents bras d’un fleuve, c’est une île forestière. L’/ekot/ désigne l’espace en tant que tel et la forêt inter fluviale puisque le terme /afan/ (la forêt), est inapproprié pour désigner ce secteur insulaire temporaire. Cet /ekot/ est aussi bien une petite partie de terre émergée qu’une grande. Au gré des saisons ces /ekot/ varient en taille et donc peuvent apparaître et disparaître.

Comme la terre ferme, ils sont le fruit d’une maîtrise exclusive (Annexe 4).

e) Règles foncières concernant l'espace forestier, le