I/ Origine de la superfamille des PARP En 1963, Chambon, Weil et Mandel découvrent une nouvelle enzyme dépendante de l’ADN dont l’activité est stimulée par le nicotinamide adénine dinucléotide sous sa forme oxydée (NAD+) [298]. A partir de ce substrat, elle catalyse une modification post-traductionnelle, encore inconnue à l’époque, appelée poly(ADP-ribosyl)ation, qui consiste en un greffage de polymères d’ADP-ribose (PAR) sur une protéine acceptrice [299]. De ce fait, cette nouvelle enzyme, fondatrice d’une nouvelle famille, fut appelée la poly(ADP-ribose) polymérase-1, la PARP-1 [300]. Par la suite, il fut entreprit de caractériser toutes les enzymes de cette famille grâce à une comparaison exhaustive, effectuée au sein de la banque de données du NCBI, par homologie de séquences avec la « signature PARP » contenue dans le domaine catalytique de la PARP-1 [300] (Figure 26). Ceci permit de mettre à jour une superfamille d’enzymes constituée de 17 membres conservés des plantes aux mammifères, présentant même des homologies structurales avec certaines toxines bactériennes catalysant l’ADP-ribosylation [301]. Néanmoins, ces enzymes semblent être absentes chez la levure [299]. II/ Présentation générale des PARP La superfamille des PARP comprend 17 membres ; 11 d’entre eux sont répartis en quatre groupes distincts, alors que les 6 autres sont considérés comme non classés (Figure 26) [301]. Leur point commun est la présence d’une « signature PARP » dans leur domaine catalytique, cette séquence peptidique très conservée correspond au site actif de l’enzyme [300]. Cependant, la présence de ce site ne signifie pas obligatoirement que ces enzymes ont une activité de poly(ADP-ribosyl)ation (PARylation) [302]. En effet, seules les PARP-1 et -2 et les Tankyrases (TNKS) sont connues pour avoir une capacité de PARylation qui consiste en une polymérisation linéaire des ADP-riboses (Tableau 5). De plus, les PARP-1 et -2 peuvent greffer latéralement de nouveau PAR sur une chaîne linéaire, formant ainsi des polymères multi-branchés. La capacité de PARylation est également prédite pour les PARP-3 et -4 et est due à l’existence d’un résidu d’acide glutamique (E) indispensable situé dans la partie C-terminale du domaine catalytique (E988 pour la PARP-1) [301]. De plus, une activité de mono(ADP-ribosyl)ation est décrite pour les PARP-3, -6, -10 et -14 (Tableau 5). C’est pour cette raison que la nomenclature officielle des enzymes préfère le terme ADP-ribosyl transférase (ADPRT) ou ARTD (« ADP-ribosyltransferase diphtheria toxin-like ») au terme PARP qui reste pourtant, et de loin, le plus utilisé [302]. Il est très important de remarquer que 9 membres sur 17 de la superfamille des PARP n’ont aucune capacité d’ADP-ribosylation connue (Tableau 5). Figure 26 : Représentation des différents membres de la superfamille des PARP chez les vertébrés. Le nom de chaque membre de la superfamille est indiqué selon la nomenclature des PARP. Un nom alternatif est inscrit si celui-ci est fréquemment retrouvé dans la bibliographie. Les domaines principaux ont été représentés, à savoir le domaine catalytique PARP en bleu clair contenant la « signature PARP » conservée dans toute la famille en bleu foncé. A noter également, les motifs répétés Ankyrine (ANK) spécifiques des Tankyrases (TNKS), le domaine WGR spécifique des PARP dépendantes de l’ADN, les domaines Macro retrouvés chez les MacroPARP et le domaine WWE très présent au sein de la superfamille. L’indication DBD (« DNA binding domain ») réfère à des structures de liaison à l’ADN constituées de doigts de zinc. Les hachures pour PARP-4 et PARP-14 indiquent des régions non structurée tronquées pour une meilleure lecture du schéma. D’après [301]. En dehors du domaine catalytique, d’autres domaines protéiques se retrouvent fréquemment chez les PARP. En premier lieu, nous pouvons signaler que 5 membres présentent des domaines de liaison à l’ADN (DBD) de type doigts de Zinc (Figure 26). Néanmoins, il faut dissocier les doigts de zinc des PARP-1 et -2 de type CX2CX28,30HX2C (où C désigne une cystéine, H une histidine et X n’importe quel acide aminé) permettant la reconnaissance de cassures simple- et double-brin de l’ADN (voir Chapitre II §III-2), des doigts de zinc de TiPARP et des PARP-12 et -13 de type CX7–11CX3–9CX3H qui sont des domaines putatifs de liaison à l’ARN et qui donnent leur nom au groupe des CCCH-PARP (Figure 26) [301]. Ensuite, le domaine WWE se retrouve chez toutes les CCCH-PARP mais également chez les PARP-11 et -14. Il doit son nom à trois résidus d’acides aminés conservés, deux tryptophanes (W) et un acide glutamique (E). Il s’agit d’un domaine d’interaction protéine-protéine également impliqué dans des interactions via la reconnaissance des PAR [303, 304]. Enfin, il est à noter que les PARP-1 et -4 possèdent un domaine BRCT (« BRCA1 C terminus ») qui permet des interactions protéine-protéine (voir Chapitre II §II). Pour finir, certains domaines sont spécifiques de l’un des quatre groupes de PARP. Les PARP-1, -2 et -3 dépendantes de l’ADN pour leur activité catalytique contiennent un domaine WGR (Figure 26), appelé ainsi car il possède un motif constitué de résidus tryptophane (W), glycine (G) et arginine (R). Il permet l’activation du domaine catalytique après la reconnaissance des cassures de l’ADN [305]. Les Tankyrases diffèrent des autres PARP par la présence d’un domaine SAM et d’une région contenant des motifs répétés de type ankyrine (Figure 26). Ceux-ci sont impliqués dans des interactions protéine-protéine [301, 306]. Enfin, les MacroPARP contiennent plusieurs domaines Macro qui ont la capacité de fixer l’ADP-ribose sous forme de monomère ou de PAR ainsi que des métabolites du NAD+. Ils interviennent dans le contrôle de la PARylation catalysée par les PARP notamment en régulant la longueur des polymères [301, 304]. Bien qu’étant toutes des ADP-ribosyl transférases, les PARP ont des fonctions biologiques très diversifiées. De façon générale, les PARP sont impliquées dans le contrôle du métabolisme de la cellule. Membre Nomenclature ARTD Groupe Taille (aa) Activité enzymatique PARP-1 ARTD1 Dépendantes de l’ADN 1014 P → L et B E PARP-2 ARTD2 570 P → L et B E PARP-3 ARTD3 540 M et P (prédite) E PARP-4 ARTD4 1724 P (prédite) E TNKS-1 ARTD5 Tankyrases 1327 P → L E TNKS-2 ARTD6 1166 P → L E TiPARP ARTD14 CCCH-PARP 657 M (prédite) PARP-12 ARTD12 701 M (prédite) E PARP-13 ARTD13 902 M (prédite) PARP-9 ARTD9 MacroPARP 854 M (prédite) PARP-14 ARTD8 1801 M E PARP-15 ARTD7 444 M (prédite) E PARP-10 ARTD10 1025 M PARP-11 ARTD11 331 M (prédite) E PARP-6* ARTD15 630 M E PARP-8 ARTD16 854 M (prédite) E PARP-16* ARTD17 322 M (prédite) Tableau 5 : Organisation et activité enzymatique des membres de la superfamille des PARP. Les membres de la superfamille sont présentés dans le même ordre qu’en Figure 26. La nomenclature ARTD est la dénomination enzymatique officielle. Aa = acides aminés. Pour les activités enzymatiques : P = PARylation qui peut être (→) L = Linéaire ou B = Multi-branchée, M = Mono-(ADP-ribosyl)ation. Les activités prédites sont non démontrées. E = PARP qui possède le résidu d’acide glutamique conservé indispensable mais non suffisant pour avoir une activité de PARylation. * Il existe une forte ambiguïté sur certaines dénominations des PARP dans la littérature, ainsi la PARP-6 désigne parfois la TNKS-2 mais il y a également confusion entre les PARP-6 et -16. Ici, elles sont présentées comme en Figure 26. D’après [302]. III/ Implications des PARP en biologie Dès les premiers travaux effectués sur les PARP, elles ont été associées aux processus impliquant l’ADN. En effet, la PARP-1, notamment, est une protéine ubiquitaire, très fortement exprimée dans tous les types cellulaires et qui peut être considérée comme un véritable gardien du génome [299]. Les PARP-1, -2 et -3 participent activement aussi bien aux mécanismes de réparation des cassures simple-brin que des cassures double-brin de l’ADN (Tableau 6). Les TNKS, elles, agissent sur l’intégrité des télomères ainsi que dans une moindre mesure PARP-1 et -2. Nous pouvons également noter le rôle de la PARP-1 dans la réplication de l’ADN en phase S du cycle cellulaire (Tableau 6). Dans un contexte cellulaire, ces différentes fonctions permettent, selon le niveau de dommage à l’ADN, de promouvoir soit la mitose et la prolifération, soit, si la cellule est trop endommagée, de provoquer l’arrêt du cycle voire la mort cellulaire (voir Chapitre IV §I-7). Structure de la chromatine et métabolisme de l’ADN Compaction et décompaction de la chromatine PARP-1, PARP-2 Transcription PARP-1, PARP-2, PARP-9, PARP-14 Domaines chromatiniens (Insulation) PARP-1 Réparation des cassures simple-brin (BER) PARP-1, PARP-2 Réparation des cassures double-brin (a-NHEJ) PARP-1, PARP-3 Réplication de l’ADN PARP-1 Entretien des télomères TNKS-1, TNKS-2, PARP-1, PARP-2 Division, prolifération, différenciation et mort cellulaire Mitose PARP-1, PARP-2, PARP-3, TNKS-1 Différenciation cellulaire PARP-1, PARP-2 Mort cellulaire PARP-1 Prolifération PARP-1, PARP-10 Physiologie et pathologies Carcinogenèse, progression tumorale, hypoxie et migration cellulaire PARP-1, PARP-6, PARP-9, PARP-14 Infection virale PARP-1, PARP-13 Réponses immunitaire et inflammatoire PARP-1, PARP-2, PARP-9, PARP-14 Résistance aux drogues PARP-4 Métabolisme PARP-2, PARP-1 Spermatogenèse PARP-2 Développement vasculaire et osseux TiPARP Tableau 6 : Implications des enzymes PARP en biologie. BER « base-excision repair », a-NHEJ « alternative-non-homologous end joining » (voir Chapitre IV §I-1). D’après [307]. Les PARP ont aussi un rôle majeur dans les phénomènes de régulation de la compaction de la chromatine et dans la transcription (Tableau 6). Le meilleur exemple reste le rôle de la PARP-1 dans la transcription de certains gènes et dans des mécanismes épigénétiques comme l’insulation ou dans la décompaction de la chromatine (voir chapitre IV §I-2 et §I-3). Cependant, nous pouvons signaler que les PARP-2, -9 et -14 sont également impliquées dans des mécanismes de transcription et ceci de façon tissus-spécifique contrairement à la PARP-1 qui est ubiquitaire [308]. Ces différentes fonctions font que les PARP sont engagées dans diverses réponses physiologiques et pathologiques principalement liées à des stress souvent génotoxiques. Ainsi les PARP-1, -2, -9 et -14 interviennent dans les réponses immunitaires et favorisent l’inflammation. Il est très frappant de constater que ces mêmes PARP (PARP-2 hormis) sont aussi impliquées dans la carcinogenèse et la progression tumorale où les mécanismes d’inflammation sont souvent détournés au profit de la tumeur (Tableau 6). Enfin, les PARP participent au développement et à la croissance de l’organisme. PARP-1 et -2 régulent le métabolisme aussi bien à l’échelle cellulaire qu’à celle de l’individu. De plus, certaines PARP contrôlent quelques aspects du développement embryonnaire comme la spermatogenèse (PARP-2) ou le développement vasculaire et osseux (TiPARP) (Tableau 6). En conclusion de ce chapitre, nous pouvons souligner la grande disparité qui existe entre les différentes PARP, tant au niveau de leur activité catalytique que dans la possession de domaines fonctionnels structurés, caractérisant l’un ou l’autre des membres de cette superfamille. Le membre fondateur, la PARP-1, est celui qui possède le plus de fonctions connues et est, de loin, le plus étudié. Cette enzyme contient de nombreux domaines fonctionnels qui expliquent son action fondamentale au sein des processus cellulaires et qui font de la PARP-1 un gardien du génome. Le détail de ces domaines et de leurs fonctions associées est le sujet du chapitre suivant. CHAPITRE II : L'ENZYME PARP-1 : LES DOMAINES Dans le document Identification de nouveaux partenaires protéiques de l'oncoprotéine Ets-1 et étude de sa régulation par l'enzyme de réparation de l'ADN PARP-1 au sein des cellules tumorales (Page 92-98)