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DEUXIEME PARTIE

2.5 La genèse de la théorisation de l’expérience managériale

2.5.1 La recherche de rationalisation dans l’organisation

Cette méthode doit son succès à la simplicité des gestes à accomplir qui assure une plus grande rapidité du travail ainsi qu’une meilleure source de productivité.

Modèle de direction scientifique du travail en quatre principes (Taylor, 1971) :

- Le développement d’une organisation du travail qui remplace l’ancien système empirique, employé par les ouvriers, la satisfaction des objectifs optimaux permettant le paiement de salaires plus élevés, l’inverse induisant des pertes.

- La sélection scientifique et le perfectionnement progressif des ouvriers : faire que chacun devienne excellent dans au moins un domaine.

- Communiquer la science du travail aux ouvriers choisis et formés scientifiquement pour obtenir de meilleurs résultats.

- Instaurer la division égale du travail et de la responsabilité entre les ouvriers et la direction, coopérant en étroite relation.

Cette organisation scientifique du travail s’accompagne d’une séparation très nette entre la conception, domaine de l’ingénieur, et l’exécution, domaine de l’ouvrier qui est vidé d’initiative, et par conséquent abouti à une abnégation de son identité ; c’est l’ère de l’homme machine. Une telle logique de production s’avère particulièrement adaptée aux conditions sociales du début du XX° siècle. L’industrie attire alors une main d’œuvre rurale et illettrée, sans aucune expérience technique et seulement ce type d’organisation peut intégrer les travailleurs dans le processus collectif de production. C’est Henry Ford qui systématise cette méthode en aménageant l’ensemble des postes de travail le long d’une chaîne de montage d’automobiles (Ford, 1908). Les procédés opératoires se fondent sur l’idée selon laquelle il existerait une unique bonne façon d’exécuter un travail, le « one best way ». D’un indéniable intérêt en son temps, certains auteurs remettent en question les travaux de Taylor dont les aspects psychologiques sont traités trop sommairement, le seul facteur de motivation retenu étant la rémunération. Les principales critiques visent la définition fonctionnelle du travail qui vide celui-ci de sa substance et de son intérêt. Le travail ne présente alors plus d’autre sens que gagner de l’argent en retour, rapprochant le travail des hommes à celui des machines. Cette identité subsiste encore dans l’appellation des conducteurs de véhicules ferroviaires que l’on nomme communément « machinistes ». La recherche ravive quelques instants nos souvenirs d’enfance. Alignés en rangs dans la cour de l’école, nos corps s’activent en suivant les consignes et la démonstration gestuelle de notre professeur d’éducation physique et sportive. Son travail d’enseignement s’effectue sous une forme quasi taylorienne. La quête du geste idéal et du mouvement le plus efficace vise la construction d’un corps parfait, fort et en bonne santé. Cet idéal reste toujours le

credo actuel des centres de culture physique, clubs de remise en forme et complexes de body-building.

Les méthodes de Taylor concourent globalement à remplacer le travailleur individuel, autrefois susceptible de mettre en œuvre à lui seul les moyens de production, par un collectif de travailleurs complexe et indifférencié au service d’un propriétaire industriel. Des philosophes s’opposent à cette approche, avec en tête de liste Karl Marx. Sa théorie du socialisme scientifique, critique l’approche essentiellement capitaliste du travail. Au début du XX° siècle, le communisme succède au capitalisme comme mode de production et d’organisation dans les pays de l’Europe de l’Est. Cette nouvelle voie politique y installe un management bousculant le concept capitaliste du travail ou chaque individu et organisation gagne selon son travail pour le remplacer par un concept ou chacun gagne en fonction de ses besoins. Mais l’apparition d’un opportunisme politique qui tend au compromis avec l’ancienne bourgeoisie provoque l’émergence d’une dictature du prolétariat qui se décline également dans l’organisation du travail. La recherche de croissance des pays communistes s’appuie également sur une forte rationalisation des activités industrielles avec un contrôle total de la gestion des organisations par le pouvoir décisionnaire fortement centralisé et éloigné des réalités opérationnelles.

Dans cette politique d’administration du pays et de ses activités professionnelles, l’autonomie des employés disparaît également dans une déqualification du travail, décomposé en tâches essentiellement fonctionnelles, s’accompagnant d’un encadrement centré sur une mission de contrôle. On remarque que la façon d’exécuter le travail et les procédés opératoires des entreprises rejoignent l’idéologie marxiste. Le travail complexe ne représente que du travail simple multiplié. Le travail complexe correspond à une quantité plus grande de travail simple. Quand l’ouvrier est remarqué par la qualité de son travail, on valorise son sentiment d’appartenance national. Cette communication au sein des organisations engendre de sévères problèmes de motivation au travail de même nature que ceux qui se déroulent dans les pays de l’Ouest où les affrontements entre la classe dirigeante et les ouvriers s’intensifient. La pensée économique de Marx s’appuie sur l’autodétermination des ouvriers dans le travail pour construire une nouvelle identité nationale car « le travailleur détermine lui-même les lois de son

de sa substance avec le temps. Le travail ne présente plus d’autre sens pour les employés le fait que ce soit les dirigeants du pays qui l’imposent et qu’ils fournissent en retour les moyens de subsistances, indépendamment de la quantité de travail fourni par les ouvriers.

Dans cette même période en France, c’est Henri Fayol qui depuis 1916 développe des idées positives relativement semblables à celles de Taylor pour administrer les bassins miniers où la fonction sécuritaire est primordiale. Ingénieur des mines à Saint-Étienne, il y fait toute sa carrière au sein de la société « Commentry Fourchambault Decazeville » pour terminer comme directeur général de 1888 à 1919. Fayol s’intéresse particulièrement à la fonction d’administration qui devient ensuite management après l’accueil fait en 1916 aux USA de ses travaux. Il apparaît comme un précurseur et conçoit les bases du management. Il est le premier à bâtir, pour l’ensemble de l’entreprise, une doctrine cohérente et globale de direction et d’encadrement, dont il montre l’universalité et les capacités d’adaptation à tous type d’entreprises et d’organisations. D’après ses principes, une organisation élabore un plan stratégique, définit ses objectifs et met en place une structure adaptée à la réalisation de ces plans. L’organisation progresse alors grâce au contrôle de l’activité entre le dirigeant et la main d’œuvre. Le travail s’harmonise entre les différents départements grâce à la coordination réalisée par la direction qui veille à l’efficacité de ses employés, de préférence avec des services d’état-major indépendants, distincts des départements fonctionnels. Ainsi, « l’on est passé du paradigme sociotechnique où l’on expliquait le

monde de la production par l’articulation du système technique sur le système social »

(Bernoux, 1995, page 21). La principale critique adressée à ces travaux, c’est qu’ils préconisent une nette différence entre l’aspect créatif et la dimension opérationnelle du travail. Le concept de leadership y est abordé comme les qualités humaines de communication indispensables à la classe dirigeante des entreprises. Fayol pense qu’un dirigeant n’obtient les meilleures performances de sa main d’œuvre par ses qualités naturelles de chef, la connaissance des affaires de son personnel et par sa capacité à communiquer un sens au travail. Même si ce terme n’apparaît que plus tardivement dans la littérature managériale, le leadership représente déjà une variable décisive dans la réussite de l’entreprise, prémisses de la reconnaissance d’une dimension culturelle. Fayol démontre également que plus on s’élève dans l’échelle hiérarchique, plus la fonction d’administration devient importante par rapport aux préoccupations

techniques. Il est commun, au sein d’une entreprise, de se préoccuper d’avantage de sujets politique au sens élargi du terme, liée à la gestion de sa carrière lorsque l’on s’éloigne des tâches opérationnelles. Cependant, à l’usage, cette conception apparaît trop mécaniste et se heurte à divers obstacles. L’émergence des conflits relationnels, la perte de cohésion, le manque de responsabilisation et la faiblesse de motivation dans le travail deviennent un centre d’intérêt pour la sociologie.

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