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La répression traductionnelle lors du transport de l’ARNm

2. Transport et traduction d’ARNm neuronaux

2.3. Principales étapes de la localisation dendritique d’ARNm

2.3.7. La répression traductionnelle lors du transport de l’ARNm

Lors de son transport, la traduction de l’ARNm se doit d’être réprimée, car la présence de certaines protéines dans le mauvais compartiment ou au mauvais moment peut avoir des conséquences désastreuses. Plusieurs protéines liant l’ARN et faisant partie de ces

granules ou particules agissent en tant qu’inhibiteur de la traduction, telles RNG105, ZBP, hnRNP-A2, FMRP, YB1 de même que certains ARN non-codant. Dans cette section, nous discuterons de quelques mécanismes généraux de répression traductionnelle.

2.3.7.1. Répression de la traduction dès la transcription de l’ARNm et rôles des protéines du complexe de l’EJC

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, de nombreuses protéines faisant partie du complexe de transport font également partie du complexe de jonction d’exon-exon ou encore sont associées à l’ARNm uniquement durant la ronde pionnière de traduction. Ce sont là quelques pistes suggérant que ces transcrits n’ont encore jamais été traduits et donc, que la cellule retarde l’activation de la traduction jusqu’au moment où l’ARNm se retrouve bien localisé.

2.3.7.2. Répression de la traduction par absence de queue poly(A) et/ou compétition avec les protéines de la coiffe

L’un des mécanismes permettant de garder un ARNm dormant lors de son transport dendritique est de cliver sa queue poly(A) ou encore de bloquer l’accès à la coiffe, bien entendu pour les ARNm dont la traduction dépend de celle-ci. En effet, l’une des étapes nécessaires à la traduction est la liaison de la protéine PABP à la queue poly(A), ce qui

A B C A B C

FIGURE 10 : Exemples de mécanismes de répression traductionnelle

A) L’inhibition de la traduction est induite par la présence d’un complexe protéique lié à l’élément CPE de l’ARNm. Il comprend, entre autres, la protéine CPEB. Ce complexe induit à la fois le clivage de la queue poly(A) et prévient la liaison des facteurs d’initiation au niveau de la coiffe. Cette inhibition est soulevée grâce à la phosphorylation de CPEB par les kinases Aurora et CaMKIIα. B) Inhibition de la traduction par la liaison de YB1 au niveau de la coiffe de l’ARNm. La levée de l’inhibiton est permise suite à la phosphorylation de YB1 par la kinase Akt C) Inhibition de la traduction d’un ARNm par la liaison d’un miRNA dans la région 3’UTR de celui-ci et traduction du transcrit suite à l’activation synaptique. Adaptée de (Mendez and Richter 2001; Evdokimova, Ruzanov et al. 2006; Schratt, Tuebing et al. 2006).

permet la circularisation du transcrit lorsque celle-ci interagit avec les protéines de la coiffe, induisant alors la traduction de l’ARNm.

Donc, une fois arrivé à destination et au moment opportun, un signal de polyadénylation est lancé et l’allongement de la queue poly(A) permettra à l’ARNm silencieux d’être traduit. Les ARNm régulés de cette façon possèdent un élément CPE « cytoplasmic polyadenylation elements » dans leur 3’UTR. Cet élément est lié par la protéine CPEB1 qui recrute à son tour Maskin (une protéine liant eIF4E), Gld2 (une poly(A)-polymérase), Symplekin (une protéine d’échaffaudage) et PARN (une déadénylase). Ce complexe de répression inhibe d’une part l’élongation de la queue poly(A) et de l’autre la liaison de facteurs d’initiation à la coiffe. En effet, maskin se lie également à eIF4E et prévient ainsi la liaison d’eIF4G à eIF4E. (Mendez and Richter 2001)

La levée de l’inhibition est induite lorsqu’il y a phosphorylation de CPEB1. Les kinases impliquées sont Aurora et CaMKIIα (Huang, Jung et al. 2002) (Atkins, Nozaki et al. 2004). De nombreux récepteurs neuronaux permettent d’activer la traduction des transcrits maintenus silencieux par ce mécanisme et la population d’ARNm traduits dépendra du type de récepteurs activés (Bramham and Wells 2007).

Ainsi, la phosphorylation de CPEB1 lui permet, d’une part, de se dissocier de PARN, et de l’autre, d’interagir avec la protéine CPSF qui clivera l’ARNm au niveau de la séquence de polyadénylation, ce qui permettra alors à la poly(A)polymérase d’allonger la queue poly(A). L’élongation de la queue induit ensuite la dissociation de maskin et de eIF4E et permet ainsi l’arrivée des facteurs d’initiation de la traduction (Cao and Richter 2002).

Il existe également YB1 qui possède de nombreux rôles dans la régulation de l’ARNm. Il s’agit d’une protéine liant l’ARN capable d’influencer l’état traductionnel d’un ARNm, soit en structurant le mRNP selon le ratio YB1/ARNm où encore en liant la structure de la coiffe (Evdokimova, Ruzanov et al. 2001; Skabkin, Kiselyova et al. 2004).

2.3.7.3. Les miRNA

Les miRNA sont de petits ARN non-codant de 20 à 25 nucléotides se liant en majorité dans le 3’UTR des ARNm, influençant ainsi leur dégradation et/ou traduction via le recrutement du complexe RISC. Avec cette nouvelle avenue, les possibilités de réguler finement la traduction sont immenses. En effet, un miRNA peut se lier sur de nombreux ARNm, et à l’inverse, de nombreux miRNA peuvent se lier sur un même ARNm. La régulation de la traduction d’ARNm dendritique par les miRNA est encore bien peu connue. La LTP induit la surexpression et la sous-expression de plusieurs miRNA (Wibrand, Panja et al. 2010)(Bramham and Wells 2007). Nous discuterons ici de quelques phénomènes synaptiques nécessitant la participation de certains microRNA ou encore de facteurs du complexe RISC.

Dans notre premier exemple, nous avons l’activation du facteur de transcription CREB par le BDNF qui provoque la transcription du miRNA mir-132. Cette expression s’accompagne d’une croissance accrue des neurites. De même, l’inhibition de ce miRNA diminue considérablement le nombre de neurites. L’ARNm de la protéine p250GAP, une protéine de la famille des Rac/Rho, est l’une des cibles de ce miRNA. Cette protéine, enrichie dans le système nerveux central, possède une séquence complémentaire à mir-132 dans son 3’UTR. En effet, mir-132 réduit spécifiquement les niveaux endogènes de p250GAP. De même, son expression est augmentée lorsque l’action de mir-132 est inhibée. L’importance de p250GAP dans la régulation négative de la croissance neuronale fut démontrée lorsque les neurones qui furent soumis à l’inhibition de ce gène, par shRNA, présentèrent une augmentation de la croissance de leurs neurites. Le BDNF provoque donc la croissance des neurites en inhibant l’expression de p250GAP via l’activation CREB- dépendante de la transcription de miR-132 (Vo, Klein et al. 2005).

L’induction de la mémoire à long terme (LTM) chez la drosophile par l’apprentissage olfactif-électrique induit la localisation de l’ARNm CaMKIIα au niveau

post-synaptique où il est alors traduit. Ce mécanisme est régulé par le complexe RISC, dont l’hélicase Armitage, une protéine nécessaire à la mise en place de la LTM. Celle-ci est localisée à l’épine et dégradée par le protéasome suite à l’induction de la LTM. Ainsi, l’inhibition du complexe RISC, et par conséquent le retrait des miARNs, permettrait la traduction de facteurs nécessaires à la mise en place de la LTM (Ashraf, McLoon et al. 2006). Chez la drosophile, le transcrit de Stau possède en son 3’UTR des sites de liaison pour miR-280 et miR-305. Les niveaux de Stau, CaMKII, et de la kinesin heavy chain se trouvent augmentés lors de l’expression d’un mutant d’Armitage. Il est donc intéressant de supposer que l’induction de la LTM permettrait la traduction du transcrit de dStau en inhibant certains composants du complexe RISC permettant ainsi à dStau de transporter les transcrits nécessaires à la mise en œuvre de la LTM (Ashraf, McLoon et al. 2006).

En terminant, nous discuterons de miR-134, un miRNA spécifiquement exprimé au niveau du cerveau. miR-134 est un régulateur négatif de la taille des épines dendritiques (Schratt, Tuebing et al. 2006). Celui-ci se lie au niveau du 3’UTR de l’ARNm de Limk1 et inhibe la traduction de ce transcrit. Limk1 est une kinase qui phosphoryle les protéines ADF/cofiline, des protéines responsables de la dépolymérisation des filaments d’actine et inhibe ainsi leur action (Yang, Higuchi et al. 1998; Bamburg 1999). L’activation de la synapse par le BDNF a pour conséquence de soulever l’inhibition traductionnelle induite par miR-134, permettant ainsi la traduction de Limk1 qui, à son tour, va pouvoir inhiber les protéines ADF/cofilines et permettre la polymérisation de l’actine au niveau de l’épine synaptique. Le remodelage de l’épine va induire une augmentation de son volume principalement au niveau de la largeur (Schratt, Tuebing et al. 2006).