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La région n’est pas épargnée par les emprunts toxiques

banques peut alors être engagée. Sans aller jusqu’à parler d’un défaut de conseil82, les banques ont néanmoins profité du manque de lisibilité  des contrats proposés. En effet, la concurrence accrue entre banques et la volonté d’augmenter leurs marges commerciales ont conduit à une  politique très agressive envers les collectivités. Les banques n’ont pas pleinement informé les collectivités des risques que représentaient les  emprunts toxiques.  

Enfin, la question de la responsabilité des services de l’État se pose. Le contrôle de légalité effectué par la préfecture n’a pas permis de mettre  en garde les collectivités. Mais cette inefficacité doit être tempérée, elle s’explique en partie par le peu d’informations communiquées par les  collectivités sur la structure des emprunts contractés. 

 

À l’été 2012, quel bilan peut‐on faire des emprunts toxiques en France et plus particulièrement dans la Région Nord‐Pas de Calais ?  

Il est encore difficile de chiffrer avec précision l’encours total des emprunts structurés mais on s’accorde pour le situer à plus d’une dizaine de  milliards d’euros. En avril 2011, le rapport Bartolone avançait le chiffre de 18,8Md€, dont 15,8Md€ à haut risque. Ce chiffre a été revu  légèrement à la baisse depuis, suite aux travaux des services de l’État rendus publics en août 2012 (voir encadré de la page précédente). 

 

Les renégociations d’emprunts structurés potentiellement dangereux ont été nombreuses. Dans la Région, la commune d’Halluin a par  exemple renégocié quatre emprunts toxiques avec Dexia, les transformant en emprunts à taux fixe83. C’est également le cas d’Aulnoye‐

Aymeries, qui a renégocié à taux fixe un emprunt structuré de 6 millions d’euros84. Pour autant, renégocier ne signifie pas pour autant 

« gagner », comme le souligne la Gazette des communes. Les banques sont le plus souvent dans une position de force, et les offres sont « à  prendre ou à laisser85 ».  

 

Par ailleurs, les actions en justice se multiplient. Plusieurs collectivités ont décidé de tenter leur chance auprès des tribunaux, après les succès  de Saint‐Étienne en première instance. Le raisonnement suivi par les collectivités est le suivant : les banques n’ont pas correctement conseillé  leur client, et ces derniers ne peuvent alors être tenus de payer les conséquences de ce défaut de conseil. En Allemagne, Deutsche Bank a été  condamnée dès mars 2011 pour défaut de conseil par la Cour fédérale de Karlsruhe86

La commune de Loos a elle aussi décidé d’assigner Dexia en justice87. La banque refuse en effet de renégocier un emprunt structuré et la  commune a par conséquent décidé de saisir le tribunal de grande instance de Nanterre pour tenter d’obtenir l’annulation du contrat. 

82 Argument souvent repris par les collectivités qui entament des procédures judiciaires contre des banques 

83 « Les emprunts toxiques renégociés à taux fixe à Halluin », Nord Éclair, 25 mai 2012, consulté le 01 août 2012 

84 « Il n’y a pas d’emprunt toxique à Aulnoye », L’observateur de l’Avesnois, 30 septembre 2011, consulté le 03 août 2012 

85 « Les produits bancaires structurés », La Gazette des communes, 22 octobre 2007 

86 « Emprunts toxiques : l’exemple allemand », lesechos.fr, 23 mars 2011, consulté le 06 août 2012 

87 « Emprunt « toxique » : la ville de Loos a assigné Dexia en justice », La Voix du Nord, 01 août 2012, consulté le 03 août 2012 

Des communes toujours plus nombreuses choisissent quant à elles de ne pas payer les intérêts relatifs aux emprunts contractés. En juillet  2012, Dexia a ainsi publié un communiqué faisant état de 103 millions d’euros non payés88. Dans la majorité des cas, les communes  provisionnent néanmoins, pour faire face à une éventuelle décision de justice défavorable. Les collectivités sont encouragées dans leur  démarche par l’exemple de la ville de Sassenage en Isère, qui soutenue par la Chambre régionale des comptes, a décidé de ne pas rembourser  les intérêts dus à Dexia au titre d’un emprunt structuré89. Dans la région, LMCU a suivi cet exemple. 

 

LMCU et les emprunts toxiques: 

 

Au 31 décembre 2011, l’encours de la dette de LMCU était de 1 556M€, en hausse de 72M€ par rapport au budget 201190. C’est l’une des  communautés urbaines les plus endettées de France91

La communauté urbaine a été touchée de plein fouet par les emprunts toxiques, puisque la part des emprunts les plus risqués représentait  33% de l’encours total en 2008. Les contrats swaps de LMCU constituent aussi un risque pour la communauté urbaine. 

Depuis la découverte de la toxicité de nombreux emprunts, et la prise de conscience d’un nécessaire réaménagement de certains emprunts, la  communauté a mené de nombreuses « opérations de sécurisation », pour tenter de réduire l’encours de dette toxique. 

Un rapport de la CRC Nord‐Pas de Calais, paru en novembre 2011, fait état de la gestion de la dette par LMCU. Le rapport met en cause les  autorisations trop larges données à l’exécutif par le conseil de communauté en matière financière au milieu des années 2000, qui ont conduit à  des réaménagements d’emprunt et à des autorisations de recours à des instruments de couverture qui se sont révélés par la suite peu  favorables à la communauté urbaine. Il  dénonce aussi le manque d’encadrement et de contrôle des équipes chargées de négocier les contrats  et indique que les rapports de présentation étaient trop peu développés et contenaient fréquemment des erreurs ou inexactitudes. 

Depuis le début de la crise financière de 2008, crise au cours de laquelle une partie des emprunts structurés de la communauté urbaine se sont  révélés toxiques, la communauté urbaine tente de corriger les erreurs. La CRC note de nombreuses améliorations dans la négociation des  contrats, l’encadrement des équipes et la constitution du portefeuille de la communauté urbaine. LMCU s’est en effet engagée à ne plus  souscrire d’emprunt structuré ou d’emprunt indexé sur un taux de change. 

 

Les efforts sont nombreux, mais fin 2012, la part d’emprunts à risque dans l’encours total devrait encore être de 20%, soit 345M€ selon  Dominique Baert, ancien président de la commission des finances de LMCU, cité par La Voix du Nord92

88 « Collectivités : 103M€ d’impayés, Le Figaro, 03 juillet 2012, consulté le 23 juillet 2012 

89 « Emprunts toxiques: la mairie de Sassenage encouragée à ne pas rembourser la banque », Le Progrès, 11 juin 2012, consulté le 06 août 2012 

90 « Emprunts : la communauté urbaine poursuit sa cure de désintoxication », La Voix du Nord, 30 novembre 2011, consulté le 03 août 2012 

91 Rapport de la CRC Nord‐Pas de Calais Picardie sur la gestion de la dette et de la trésorerie de LMCU, novembre 2011, p. 8 

92 « Emprunts : la communauté urbaine poursuit sa cure de désintoxication », La Voix du Nord, 30 novembre 2011, consulté le 03 août 2012 

La Région n’a pas été épargnée par les emprunts structurés, et plusieurs années seront nécessaires pour revenir à une situation financière  saine.  

Certains faits encourageants méritent néanmoins d’être soulignés. Ainsi, le Syndicat Mixte des Transports du Douaisis (SMTD) a conclu un  accord avec la Caisse d’épargne, lui permettant de se défaire d’un emprunt toxique sans payer d’indemnité. La banque a en effet accepté de  renégocier le prêt, le transformant en emprunt à taux fixe à 5,45% sur 25 ans. En échange, la SMTD a conclu deux nouveaux prêts auprès de la  Caisse d’Épargne pour un montant de 30 millions d’euros. Le SMTD devra tout de même rembourser la soulte de l’emprunt structuré, qui  s’élève à 9 millions d’euros. 

 

Il reste difficile d’affirmer avec certitude quelles collectivités ont encore dans leur portefeuille des emprunts toxiques. En effet, ces dernières  communiquent peu, ou de manière partielle, sur ce sujet brûlant. Il en existe également qui ignorent encore que certaines de leurs lignes de  crédit sont adossées à des emprunts structurés. 

 

Finalement, le plus inquiétant, dans ce dossier des emprunts toxiques, n’est pas tant l’exposition des collectivités locales à ces emprunts  que le manque d’inventaire exhaustif. La carte de France des emprunts toxiques de Dexia, publiée par Libération à l’automne 2011 est déjà  obsolète. Un rapport du gouvernement sur la question a été produit mais n’a pas été communiqué au grand public. 

 

 

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