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Chapitre 2 Problématique de la thèse

2.2 La question de recherche et nos hypothèses

Fort du portrait du maître formateur générique et de la compréhension des nouvelles régulations qui encadrent les activités de ces formateurs de terrain, nous pouvons maintenant formuler simplement mais avec suffisamment de précision la question de recherche :

En quoi les régulations de l’activité des maîtres formateurs font évoluer leur fonction et transforment leurs identités professionnelles ?

Nous pensons utile de souligner que les identités professionnelles sont à comprendre comme étant celles des individus et que l’identité professionnelle du groupe émane des éléments partagés par l’ensemble des maîtres formateurs.

Pour mettre au travail notre question de recherche, nous développons quatre hypothèses. Celles-ci serviront de points d’appui et de repères à la résolution de notre problème.

Notre première hypothèse interroge la double fonction des maîtres formateurs. Ceux-ci sont reconnus par leur hiérarchie comme d’excellents enseignants. Leur réussite à l’examen du CAFIPEMF les situe « au-dessus » par rapport aux enseignants dits « de base ». Leur double fonction leur fait en réalité cumuler trois rôles, celle d’enseignant responsable d’une classe d’élèves, celle d’accompagnateur responsable de l’adaptation au métier d’un ou plusieurs futurs enseignants et celle de formateur. Cette position est unique au niveau des formateurs de terrain mais plus largement des personnels de l’enseignement du premier degré. Elle se trouve également bien différente des formateurs de terrain du second degré (Pelplel, 1996, 2002, 2003). Les maîtres formateurs travaillent en effet dans deux mondes à la fois. Ils ont un pied dans celui de l’enseignement et un autre dans celui de la formation de leurs futurs collègues. Leur double fonction les amène à exercer dans plusieurs dispositifs à la fois. Ces considérations nous amènent à formuler la première hypothèse suivante :

Les dispositifs étant mis en place dans les deux mondes de l’enseignement et de la formation initiale, des éléments non prévus ou non pris en compte par les responsables institutionnels rendent les trois rôles d’enseignant, d’accompagnateur de futurs professeurs et de formateur difficiles à articuler pour les maîtres formateurs.

Quelle est la motivation des nouveaux maîtres formateurs à exercer cette double fonction ? Malgré les évolutions notables, quelle dynamique pousse les maîtres formateurs plus expérimentés à continuer de l’exercer ? L’une des motivations des enseignants qui deviennent maîtres formateurs et continuent à l’être proviendrait de leur volonté de poursuivre le

développement du métier. Ils souhaitent « former au nom du fait qu’ils pensent leur métier

dans une forme dynamique » (interview d’un responsable de formation, 2007)40 et ils

souhaitent se former. S’ils revendiquent d’ailleurs le plus souvent le fait d’avoir un pied dans la classe et un pied en formation c’est parce qu’ « il leur semble qu’il y a une espèce de

percolation des savoirs entre l’espace de la formation et l’espace de la classe. La formation réactivant leur désir de développer leur métier et le développement du métier étant la raison sur laquelle s’assoit le désir de formation » (Ibid.). La formation initiale serait donc un lieu de

réflexion et de réélaboration de leurs pratiques d’enseignant, témoignant ainsi de la déception de ne pas l’avoir trouvé au sein de leur école avec leurs collègues ou lors des actions de formation continue proposées au plan départemental par l’inspecteur d’académie. Nous formulons ainsi notre seconde hypothèse :

Dans une posture de praticien réflexif, les maîtres formateurs sont engagés dans une dynamique de développement de leur propre pratique quotidienne d’enseignant qui les pousse à chercher des ouvertures vers la formation de leurs futurs pairs.

Si des rhétoriques se font insistantes pour la professionnalisation des enseignants, on peut questionner les intentions de professionnalisation des maîtres formateurs par les responsables institutionnels dans les dispositifs qu’ils mettent en place. A travers le portrait du maître formateur générique des années 1990, on constate un accroissement de leur rôle dans l’accompagnement professionnel des professeurs débutants sur le terrain. Devant susciter chez les futurs professeurs une démarche de réflexion visant la construction et la mise en œuvre d’une pratique de classe pensée, ils ont, non seulement, une mission d’introducteur au métier d’une génération de jeunes dont le niveau de diplômation est supérieur au leur mais également la responsabilité de l’évaluation de leur pratique. Cette responsabilisation grandissante par l’évaluation et l’accountability a tendance à s’accentuer avec les nouvelles politiques éducatives. Pour autant, la formation institutionnelle des maîtres formateurs leur permettant de devenir de pleins professionnels de la formation initiale aptes à développer les compétences de leurs futurs collègues, à les évaluer et même à s’auto-évaluer est-elle mise en œuvre ? Nous penchons davantage vers une instrumentation ou un outillage des maîtres formateurs et un encadrement de leurs activités de formateur, d’où la formulation de notre

troisième hypothèse :

40 Entretien réalisé auprès d’un responsable de la mission de formation de formateurs de l’IUFM des Pays de la

L’évolution de la professionnalisation de la formation initiale des enseignants conduit à une institutionnalisation des activités de formation du maître formateur mais non à la professionnalisation de ces acteurs.

Enfin, examinons le poids du groupe professionnel. Lorsque les maîtres formateurs déclarent une posture différente par rapport aux enseignants « de base » ou lorsqu’ils distinguent les formateurs de l’IUFM comme des théoriciens en revendiquant leur position de liaison entre la théorie et la pratique, on peut penser qu’ils constituent un groupe professionnel bien identifié et fort. Pourtant, un certain nombre d’éléments laisse voir que les maîtres formateurs ont peu l’occasion de se rencontrer et de travailler ensemble. La plus grande proportion de leur temps professionnel se déroule sur des lieux dispersés dans les écoles du département, soit dans leur classe avec leurs élèves, soit dans les écoles où les futurs professeurs sont en stage. Leurs emplois du temps diffèrent suivant leur jour hebdomadaire de décharge de classe et varient en fonction du nombre de professeurs qu’ils sont amenés à suivre. Enfin, selon leur spécificité pédagogique (enseignant en maternelle, en éducation prioritaire, spécialisé TICE ...) ils ne sont pas sollicités de la même manière pour intervenir dans la formation des étudiants. Cet éparpillement de leurs activités ne favorise apparemment pas le développement d’une identité professionnelle de groupe. Plus encore, nous pensons qu’ils ne peuvent mettre en avant un professionnisme, au sens de R. Bourdoncle, par rapport aux institutions. C’est la raison pour laquelle nous émettons comme quatrième hypothèse que :

Un individualisme contraint des maîtres formateurs dans leur travail ne leur permet pas de développer et d’affirmer une identité professionnelle de groupe.