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LA PROTECTION CONTRE LA DÉTENTION OU L'EMPRISONNEMENT ARBITRAIRES

L'article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés se lit comme suit:

«Chacun a droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires».

Cette disposition se retrouvait déjà, sous une forme légèrement différente, à

l'alinéa 2a) de la Déclaration canadienne des droits, qui interdit « la détention,

l'emprisonnement ou l'exil arbitraires de qui que ce soit », et on peut remarquer que le

paragraphe 9(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit aussi

notamment que «Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention

arbitraires», tout en ajoutant: «Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des

motifs et conformément à la procédure prévus par la loi». Il semble que la protection

contre l'exil, prévue par la Déclaration et non par la Charte, soit garantie par le

paragraphe 6(1) de celle-ci qui donne à tout citoyen canadien le droit de demeurer au

Canada.

L'article 9 de la Charte appelle trois séries de remarques: quelle portée faut-il

donner aux concepts de détention et d'emprisonnement? Comment définir le mot

arbitraires qui vient qualifier ceux-ci? Quel est le rôle de l’article 9 dans l’économie générale de la Charte?

A- Les concepts de détention et d'emprisonnement

Il est évident qu'il faut lire l'article 9 en liaison avec l'article 10. Le premier définit,

si l'on peut dire, la condition à laquelle une détention est permise ou interdite et le

second garantit certains droits à la personne détenue. On parle de détention ou

d'emprisonnement à l'article 9 et d'arrestation ou de détention à l'article 10. Ces

variations terminologiques ne portent pas beaucoup à conséquence.

L'emprisonnement n'est qu'une forme de détention, ce dernier terme étant plus large et

même, l'arrestation n'est qu'une forme de détention, tout détenu n'étant pas une

personne qui a nécessairement été arrêtée510. Aussi la question véritablement

pertinente dans tout cela est-elle de savoir quelle est l'extension exacte du concept de

détention511.

On sait que, dans Chromiak c. La Reine 512, la Cour suprême a fait un lien entre

la notion de détention aux fins de l'exercice du droit à l'avocat prévu au sous-alinéa 2c)

(ii) de la Déclaration canadienne des droits et le droit à l'habeas corpus du sous-alinéa

2c)(iii) qui trouve son équivalent à l'alinéa 10c) de la Charte; elle a conclu que, pour

qu'il y ait détention, il faut «une certaine forme de contrainte» et qu'une personne

simplement requise de se soumettre à un test de dépistage d’alcool n'était pas une

personne détenue.

Cette interprétation étroite est critiquable dans la mesure où elle peut avoir pour

effet de faire perdre le bénéfice de garanties importantes à l'individu non arrêté qui se

croit tenu de collaborer avec l’autorité policière. La Cour a donc eu parfaitement raison

de l'écarter dans R. c. Therens513. Elle a décidé dans cet arrêt qu'une personne requise

de se soumettre à l'ivressomètre était une personne détenue au sens de l'alinéa 10b)

de la Charte (droit à l'avocat), même s'il s'agissait d'une privation de liberté très brève

et s'accompagnant d'une contrainte non point physique mais simplement morale ou

psychologique de la part de l'autorité policière. Comme l’affirme le juge Le Dain: «La

plupart des citoyens ne connaissent pas très exactement les limites que la loi impose

aux pouvoirs de la police. Plutôt que de s'exposer à l'usage de la force physique ou à

des poursuites pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son

510 R. c. MacDonald, (1975) 22 C.C.C. (2d) 350, p. 356 (C.A. N.-É.). On y suggère que

l'arrestation est une détention mais que la détention n'est pas nécessairement une arrestation.

511 Une détention au sens de l’article 10 en est aussi une au sens de l’article 9 (R. c. Hufsky,

supra, note 102, p. 632), encore que l’inverse soit moins certain puisque les alinéas a) et b) de l’article 10 paraissent ne viser que le processus pénal, ce qui n’est pas le cas, comme on le verra plus loin, de l’article 9 et de l’alinéa 10c). Ce qui est dit de la notion de détention sous les trois alinéas de l’article 10 est donc en principe pertinent à l’étude de l’article 9 et l’on s’y référera. Notons que la question de savoir s’il y a ou non détention s’est beaucoup posée en rapport avec l’alinéa 10b), qui donne au détenu le droit «d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit», puisqu’il est souvent difficile de déterminer s’il y a eu entrave, réelle ou appréhendée, à la liberté de l’individu (et donc détention; voir infra, notes 514 et 519 et le texte qui renvoie à ces notes) ou au contraire collaboration volontaire à l’enquête policière. Ce problème se pose avec moins d’acuité sous l’article 9.

512 [1980] 1 R.C.S. 471, p. 478.

devoir, il est probable que la personne raisonnable péchera par excès de prudence et

obtempérera à la sommation en présumant qu'elle est légale. L'élément de contrainte

psychologique, sous forme d'une perception raisonnable qu'on n'a vraiment pas le

choix, suffit pour rendre involontaire la privation de liberté. Il peut y avoir détention sans

qu'il y ait contrainte physique ou menace de contrainte physique, si la personne

intéressée se soumet ou acquiesce à la privation de liberté et croit raisonnablement

qu'elle n'a pas le choix d'agir autrement»514. La Cour a subséquemment décidé, dans

R. c. Hufsky515, que cette définition large du concept de détention était applicable non

seulement à l'article 10, mais aussi à l'article 9 de la Charte, avec la conséquence

qu'un automobiliste à qui un policier, afin de vérifier s’il a consommé de l’alcool,

demande de s'arrêter au bord de la route est un individu détenu au sens de cet article.

Est aussi détenu l’automobiliste à qui la même demande est formulée aux fins d’une

vérification de son permis de conduire et de ses certificats d’enregistrement et

d’assurance516. Il importe toutefois de souligner que la perception de la personne qui ne

croit pas avoir le choix de se soumettre à une privation de liberté par l’État doit être

« raisonnable ». Ce critère modérateur a d’ailleurs récemment été repris, voire

resserré, par la Cour suprême dans R. c. Mann: «Au Canada, il a été jugé que le terme

«détention» vise un large éventail de contacts entre les policiers et les citoyens. Malgré

tout, il est impossible d’affirmer que la police «détient», au sens des articles 9 et 10 de

la Charte, tout suspect qu’elle intercepte aux fins d’identification ou même

d’interrogation. La personne interceptée est dans tous les cas «détenue» en ce sens

qu’elle est «retenue» ou «retardée». Cependant, les droits constitutionnels reconnus

par les articles 9 et 10 de la Charte n’entrent pas en jeu lorsque le retard n’implique pas

514 R. c. Therens, id., p. 644. Notons que dans une dissidence subséquente la juge

L’Heureux-Dubé rejette résolument la notion de détention psychologique. Elle écrit, dans R. c. Elshaw, [1991] 3 R.C.S. 24: « Selon moi, ce n'est pas adopter une interprétation correcte ni de saine politique judiciaire que d'accorder les droits garantis par l'al. 10b) de la Charte dans chaque cas où un citoyen peut, à tort ou à raison, se sentir soumis à une contrainte psychologique en présence d'un agent de police » (p. 70). Cette approche un tantinet alarmiste nous semble faire abstraction du fait que le juge Le Dain ne parlait que de croyance raisonnable dans Therens. Ainsi, la croyance subjective de l’accusé, quoique pertinente, n’est pas décisive, puique la question est de savoir si l’accusé croyait raisonnablement qu’il était détenu. Les caractéristiques personnelles de l’accusé comme une faible intelligence, une instabilité émotive, la jeunesse ou la faible sophistication sont autant d’autres éléments qui doivent être considérés afin de déterminer si l’accusé croyait subjectivement qu’il était détenu. Le raisonnement de la juge L’Heureux-Dubé cherchant à restreindre l’applicabilité de l’alinéa 10b) semble, par ailleurs, inapproprié dans le contexte de l’article 9, où l’analyse se concentre sur le caractère arbitraire ou non de la détention, et non sur l’invocabilité d’autres droits comme le droit à l’avocat.

515 Supra, note 102, p. 632.

l’application de contraintes physiques ou psychologiques appréciables»517. L’usage du

terme «appréciable» (en anglais, «significant») dans Mann doit à notre avis être

assimilé à celui du terme «raisonnable» employé par le juge Le Dain dans Therens.

Une contrainte pourra en effet être plus ou moins appréciable tout dépendant, par

exemple, des expériences passées, du niveau de sophistication ou de l’âge de la

personne y faisant face, ou encore du contexte518 dans lequel elle est exercée. Le

critère de la perception raisonnable, modulé pour tenir compte des circonstances et

caractéristiques personnelles de l’individu aux prises avec la contrainte physique ou

psychologique, semble donc plus propice à la réalisation de l’équilibre normatif entre la

protection des libertés individuelles et l’exercice des fonctions coercitives légitimes de

l’État – assurer la protection du public, par exemple – que cherche à réaliser l’article

9519. L’usage d’un critère trop exigeant pour régir l’applicabilité de cet article risquerait

de compromettre l’articulation cohérente d’un tel équilibre dans l’avenir.

Qu’à cela ne tienne, il semble désormais indubitable que le concept de détention

de l'article 9 de la Charte ne se limite pas à une privation de liberté pouvant donner lieu

à une demande d'habeas corpus. On peut, au contraire, soutenir qu'il vise toute

privation de liberté, si brève soit-elle, ordonnée par l'autorité publique. L’élément de

contrainte ou de coercition nécessaire pour qu’il y ait détention pourra par ailleurs être

tant physique que découler de la responsabilité criminelle qu’entraînerait le refus

d’obtempérer à une sommation ou à un ordre, ou de la conviction raisonnable qu’on a

pas le choix d’obtempérer520. Ce serait donc à tort qu'on a décidé que n’équivalaient

517 Supra, note 297, par. 19.

518 Notons toutefois au passage que, comme le reconnaît la majorité dans R. c. Mann, id., par. 47,

« [l]e fait qu’un quartier possède un taux de criminalité élevé ne constitue pas en soi une raison de détenir quelqu’un ».

519 La Cour suprême ne s’est pas encore prononcée explicitement sur la position exacte que doit

prendre cet équilibre normatif. Une option défendable, et celle que nous privilégions, consisterait à adopter une position favorisant la maximisation de l’autonomie personnelle des individus de façon compatible avec la réalisation d’un niveau d’autonomie personnelle comparable pour tous et avec la protection des institutions le permettant. Pour un essai philosophique éclairant pouvant contribuer à l’élaboration d’une telle approche, voir: J. RAZ, The Morality of Freedom, Oxford, Clarendon Press, 1986.

520 Il nous semble pertinent de reprendre, à titre d’exemple, les facteurs ni exhaustifs ni cumulatifs

élaborés par la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Moran, (1987) 36 C.C.C. (3d) 225 pour déterminer si un individu est détenu au moment d’un interrogatoire policier: (1) Quel langage le policier a-t-il tenu? A-t-il laissé à la personne en question le choix de parler ou de se taire?; (2) La personne a-t-elle suivi le policier de son plein gré ou a-t-elle été escortée?; (3) La personne est-elle partie après l'entretien ou l'a-t-on arrêtée? (4) À quel stade de l'enquête l'entretien a-t-il eu lieu?; (5) Y avait-il des motifs raisonnables et probables de croire que la personne était en fait le coupable?; (6) Quelle était la nature des questions posées? Étaient-elles de caractère général ou mettaient-elles le prévenu en présence d'éléments de preuve tendant à établir sa culpabilité?; (7) Quelle était l'opinion subjective de la personne? Croyait-elle être détenue? Ces facteurs ont été

pas à une détention une comparution en vue de la prise d'empreintes digitales521 ou

une demande d'identification522, ou même que la restriction de la liberté d’une personne

jugée susceptible de commettre une infraction d’ordre sexuel à l’endroit d’un mineur

âgé de moins de 14 ans en vertu du paragraphe 810.1(3) du Code criminel523. Même le

conducteur d'un camion tenu de faire peser son véhicule sur la route serait en état de

détention au sens de l'article 9 de la Charte524.

Mais une privation de liberté pouvant donner ouverture à habeas corpus est a

fortiori une détention au sens de l'article 9. D'où il suit que cette dernière, tout comme la détention ouvrant à habeas et dont l’étude est faite plus loin, sous l’alinéa 10c) de la

Charte, ne se limite pas au domaine pénal ou criminel mais englobe toute forme de réclusion ordonnée par l'autorité publique, par exemple pour des raisons médicales525

ou en vue d'une déportation dans le cadre de la législation sur l'immigration526.

B- Le caractère arbitraire de la détention

(1) Le principe de légalité et l’article 9

Une détention arbitraire peut découler d'une conduite; elle peut aussi découler

de la loi elle-même. Dans le premier cas, l'article 24 de la Charte permettra au tribunal

d'accorder à la victime une réparation appropriée. Dans le second, le tribunal, sous

adoptés par plusieurs autres cours d’appel, par exemple: R. c. Siemens, (1994) 6 W.W.R. 609 (C.A. Man.); R. c. Amyot, [1991] R.J.Q. 954 (C.A. Qué.); R. c. Oliveira, [2001] R.J.Q. 1171 (C.A. Qué.).

521 Re Jamieson and the Queen, (1983) 70 C.C.C. (2d) 430 (C.S. Qué.); R. c. McGregor,

(1983) 3 C.C.C.(3d) 200 (H.C. Ont.); Re M.H. and the Queen, (1984) 17 C.C.C. (3d) 443 (B.R. Alta), conf. 21 C.C.C. (3d) 384 (C.A. Alta).

522 Re L.M.L., (1985) 66 A.R. 132 (C.P. Alta.). Contra: R. c. Yasi, (2000) 70 C.R.R. (2d) 354

(C.J. Ont.).

523 R. c. Budreo, (1996) 104 C.C.C. (3d) 245 (Div, Gén.), appel rejeté pour d’autres raisons à (2000)

142 C.C.C. (3d) 225, autorisation d’appeler refusée à [2001] 1 R.C.S. VII.

524 R c. Gray, (1987) 35 C.C.C. (3d) 178 (C.P. I.-P.-É.).

525 Thwaites c. Health Sciences Centre Psychiatric Facility, (1988) 48 D.L.R. (4th) 338 (C.A.

Man.).

526 Webb c. British Columbia (Director, Lower Mainland Regional Correctional Centre),

(1988) 42 C.C.C. (3d) 267 (C.A.C.-B.). Dans l’arrêt Chaudry c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 3 C.F. 3, appel rejeté pour d’autres raisons à (2000) 1 C.F. 455 (C.A.), la Cour fédérale a aussi décidé que la détention d’une personne exigée en vertu du paragraphe 105(1) de la Loi sur l’immigration est contraire à l’article 9 si cette personne se voit refuser l’opportunité d’obtenir une audience portant sur la continuation ou l’interruption de cette détention.

l'autorité de l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, censurera le texte même de

la loi violatrice, à moins qu’il n’en sauvegarde la validité en vertu de l’article premier de

la Charte. On ne saurait en effet prétendre que, du seul fait qu'un pouvoir de détention

est autorisé par un texte de loi, la détention en question ne pourrait être arbitraire527.

L'arrêt Hufsky528 nous fournit d'ailleurs l'exemple d'une loi provinciale ayant pour effet

de donner à un agent de police le pouvoir d'arrêter au hasard et d'effectuer des

contrôles routiers ponctuels, loi qui, parce qu'elle ne comportait aucun critère de

sélection des conducteurs, fut jugée contraire à l'article 9, bien que rachetée par la

disposition limitative de l'article premier529. Pour reprendre les termes de la Cour

suprême, «[u]n pouvoir discrétionnaire est arbitraire s’il n’y a pas de critère, exprès ou

tacite, qui en régit l’exercice»530. Telle fut aussi l'opinion du législateur fédéral quand il

adopta, lors de la crise de l'automne 1970, la Loi de 1970 concernant l’ordre public

(mesures provisoires)531, qui autorisait l'arrestation sans mandat et la détention

prolongée de personnes soupçonnées d'appartenir au Front de Libération du Québec

et qui prévoyait, à son article 12, s'appliquer nonobstant l'alinéa 2a) de la Déclaration

canadienne des droits. Cela montre qu'on considérait possible que les tribunaux jugent cette loi contraire à cet article, dont le contenu est à peu près équivalent à celui de

l’article 9 de la Charte.

527 Il importe donc à notre avis de nuancer de manière significative les propos du juge Iacobucci

dans R. c. Mann, supra note 297, par. 20, à l’effet qu’il « est bien établi qu’une détention légale n’est pas « arbitraire » au sens de cette disposition ».

528 Supra, note 102.

529 La loi fut aussi sauvegardée par l’article premier dans R. c. Ladouceur, supra, note 516.

Pour que cela se produise, il faut que la loi ou à tout le moins la common law octroie le pouvoir exercé. Ce n’était pas le cas dans R. c. Neufeld, (1986) 22 C.C.C. (3d) 65 (C.A. Man.); R. c. Iron, (1987) 33 C.C.C. (3d) 157 (C.A. Sask.); R. c. Emke, (1989) 49 C.C.C. (3d) 252 (C.A. Sask.); Pigeon c. R., [1993] R.J.Q. 2774 (C.A. Qué.). Mais ce fut le cas dans R. c. Burke, (1989) 45 C.C.C. (3d) 434 (C.A. Sask.), où l’on fit appel à la common law et à l’arrêt R. c. Dedman, supra, note 300. Notons que dans R. c. Wilson, [1990] 1 R.C.S. 1291 la Cour suprême ne fut pas particulièrement exigeante quant au caractère explicite du pouvoir octroyé. Dans R. c. Wilson, (1994) 86 C.C.C. (3d) 145 (C.A.C.-B.), on a décidé que le pouvoir d’arrêter au hasard des véhicules était contraire à l’article 9 sans être sauvegardé par l’article 1 en raison du fait qu’il était conféré à un trop grand nombre de personnes. Notons que l’arrêt R. c. Cayer, (1988) 66 C.R. (3d) 30, p. 43 (C.A.Ont.) met bien en relief le fait que lorsque le Code criminel oblige à considérer légale une arrestation qui ne l’est pas, cela ne la rend pas pour autant conforme à l’article 9.

530 R. c. Hufsky, supra, note 102, p. 623. Voir aussi: Winko c. British Columbia (Forensic

Psychiatric Institute), (1997) 112 C.C.C. (3d) 31 (C.A. C.-B.), appel rejeté pour d’autres raisons à [1999] 2 R.C.S. 625, où il fut jugé que l’article 672.54 du Code criminel n’était pas contraire à l’article 9 du fait qu’il prévoyait un critère d’évaluation, soit de savoir si l’accusé est une menace pour la sécurité du public.

S’il est vrai que toute détention légale n’est pas nécessairement conforme à

l’article 9, toute détention illégale est-elle nécessairement et de ce fait une détention

arbitraire au sens de cet article? La Cour suprême a, jusqu’à aujourd’hui, délibérément

omis de prendre position sur la question532. Toutefois, à l’instar d’une majorité

d’auteurs533 et de l’approche adoptée par la Cour sous l’article 8 de la Charte534, nous

sommes d’avis qu’en général, il serait sage d’y répondre par l’affirmative535. Un auteur

s’est d’ailleurs récemment attardé à exposer, et ce, d’une main de maître, les

considérations qui militent en faveur d’une telle reconnaissance, qu’elles se rattachent

à l’importance du principe de légalité, à la cohérence de l’approche interprétative

adoptée en droit constitutionnel canadien, aux obligations qui incombent au Canada en

vertu du droit international ou à l’historique de la rédaction de l’article 9536. Bien sûr,

certaines illégalités peuvent tenir à de pures technicalités n'ayant aucun rapport avec le

532 Voir notamment: R. c. Latimer, [1997] 1 R.C.S. 217, par. 26, où le juge en chef Lamer écrit pour

la majorité: « Il n'est pas nécessaire d'aborder ce sujet, puisque l'arrestation de M. Latimer était entièrement légale et que, à moins de contester la disposition législative l'autorisant, je ne vois pas comment une arrestation légale contreviendrait à l'art. 9 de la Charte en raison de son caractère arbitraire ».

533 Voir notamment: P.W. HOGG, supra, note 75, p. 46-5, qui affirme que «Probably, […] strict

compliance with the law is a necessary (although not sufficient) condition for compliance with s. 9» et D. STUART, supra, note 93, p. 263, qui écrit que « Insisting that illegal procedures are necessarily contrary to s. 9 would clearly make it a far more powerful protection ».

534 Voir supra, note 162 et le texte qui renvoie à cette note. D. STUART, ibid., abonde dans le même

sens lorsqu’il observe que : «The ruling that an illegal detention is necessarily arbitrary seems to be consistent with the ruling of the Supreme Court of Canada in Hunter v. Southam Inc., in the context of s. 8, that the Charter should be used to constrain and not to authorize governmental action. Surely, the Charter should not become an indirect means of legitimating the by-passing of legal procedures».

535 C’est, par exemple, l’approche qui a été adoptée par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans

Iron c. R., [1987] 33 C.C.C. (3d) 157, p. 181 (j. Sherstobitoff). De plus, dans l’arrêt Brown c. Durham Regional Police Force, (1998) 131 C.C.C. (3d) 1 (C.A. Ont.), le juge Doherty affirme, à la page 12, que «While under the jurisprudence from this and other provinces not all unlawful detentions are necessarily arbitrary, the absence of lawful authority for a detention is at least strongly suggestive of arbitrariness and will be crucial if s. 1 of the Charter is breached» [Nous soulignons].

536 J. STRIBOPOULOS, «A Failed Experiment? Investigative Detentions: Ten Years Later», supra,

note 316, p. 389, renvoi 279. L’auteur écrit: « Beyond the regulatory benefits that would flow from such a conclusion, there are good reasons why this interpretation is also compelled by a “purposive" reading of s. 9, including that: (I) the insistence in the early cases that there be a "capricious" or "despotic" mindset on the part of the arresting or detaining officer does not accord with the Supreme Court's subsequent rejection of dictionary definitions in the interpretation of the Charter's guarantees; (ii) an interpretation that equates "illegal" with "arbitrary" respects the principle of legality, long a part of Anglo-Canadian constitutional law (in fact, unlawful detentions were termed "arbitrary" at common law); (iii) the drafting history, in which a predecessor provision

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