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Partie 1 : LE MELANOME

I. Le mélanome

I.I Généralités

I.4 La protéine HIF-1 et le métabolisme bioénergétique

Une autre façon d’étudier le mélanome est d’analyser le métabolisme induit par l’effet Warburg et, plus particulièrement, le métabolisme bioénergétique du mélanome. Les perturbations métaboliques favorisent le développement de la tumeur et l’invasion des tissus périphériques et participent aux mécanismes de résistance aux médicaments anticancéreux. Parmi les différentes protéines impliquées dans le métabolisme énergétique des cellules tumorales, le facteur de transcription HIF-1 (Hypoxia Inducible Factor 1) pourrait avoir un rôle prépondérant (Ke & Costa, 2006).

Afin de comprendre l’action de la protéine HIF-1 sur le métabolisme bioénergétique, il faut d’abord comprendre le métabolisme bioénergétique et, plus précisément, la glycolyse et la fonction mitochondriale avec le cycle de Krebs.

I.4.1 Le métabolisme bioénergétique I.4.1.1 La glycolyse

La glycolyse est la dégradation du glucose avec production d’ATP (Figure 9). Elle se déroule entièrement dans le cytosol et est une suite de 10 réactions toutes catalysées par des enzymes. L’équation bilan de la glycolyse est :

Glucose +2 ADP+2 Pi+2 NAD+ 2 pyruvate+2 ATP+2 NADH,H+ + 2 H2O

L’entrée du glucose dans les cellules est assurée par des transporteurs spécifiques du glucose; ces transporteurs sont membranaires. Cinq sont connus et appelés GLUT-(1 à 5).

La première étape de la glycolyse est une phosphorylation du glucose en glucose-6- phosphate. Cette réaction consomme de l’ATP et utilise l’enzyme hexokinase comme catalyseur.

Le clivage du fructose-1,6-phosphate est une étape importante de la glycolyse dans laquelle une molécule à six carbones va former deux molécules à trois carbones. La réaction de clivage de ce composé, catalysée par la fructose-1,6-phosphate aldolase, conduit au 3-phosphoglycéraldéhyde (G3P) et à la 3-phosphodihydroxyacétone qui est ensuite isomérisée en G3P sous l’action de la triose- phosphate isomérase. Le passage d’une molécule à six carbones à deux molécules à trois carbones permet de doubler les réactions fournissant de l’énergie au système, comme lors de la dernière étape de la glycolyse où deux molécules de phosphoénolpyruvate sont transformées en pyruvate par la pyruvate kinase. Cette réaction crée de l’énergie car elle transforme une molécule d’ADP en ATP par molécule de phosphoénolpyruvate transformée.

Le pyruvate peut se transformer différemment selon les conditions d’oxygénation dans lesquelles se trouve la cellule.

Dans des conditions normoxiques ou en aérobie, la présence d’oxygène permet la respiration mitochondriale. Dans ce cas, la majorité du pyruvate va poursuivre sa dégradation dans la mitochondrie et ainsi permettre le fonctionnement du cycle de Krebs.

Au contraire, dans des conditions d’hypoxie ou en anaérobie, le manque d’oxygène va engendrer la fermentation lactique ou alcoolique. Le pyruvate se transforme en lactate dans le cas de la fermentation lactique (cette voie est utilisée par les globules rouges car elles ne possèdent pas de mitochondries ou par les cellules en hypoxie) ou en éthanol dans le cas de la fermentation alcoolique (la fermentation alcoolique est généralement utilisée par des micro-organismes comme des levures).

Figure 9 : Schéma de la glycolyse

(Source internet cours université de Bordeaux : http://ressources.unisciel.fr/biocell/chap5/res/10c_glycolyse_bis_xl.jpg)

I.4.1.2 Le cycle de Krebs

Le cycle de Krebs est aussi appelé cycle tricarboxylique ou encore cycle du citrate (Figure 10). Il permet à la cellule de produire de l’énergie à travers la formation de molécules de GTP (équivalent à l’ATP au niveau énergétique) ou encore de la production de NADH,H+ qui pourra être utilisé au niveau de la respiration mitochondriale pour la production d’énergie.

Pour que le cycle de Krebs fonctionne correctement, il faut que la mitochondrie soit alimentée en pyruvate qui est issu de la glycolyse. L‘étape préliminaire au cycle de Krebs est l’oxydation du pyruvate en acétyl-CoenzymeA (acétyl-CoA). Cette étape, essentielle au bon fonctionnement du cycle, est catalysée par un complexe d’enzymes nommé pyruvate déshydrogénase (complexe PDC) avec comme co-facteur le NAD+. Ce complexe d’enzymes comprend 3 principales enzymes : la pyruvate déshydrogénase, la dihydrolipoyl transacétylase et la dihydrolipoyl déshydrogénase.

Figure 10 : Le cycle de Krebs

(Source internet cours université de Bordeaux : http://ressources.unisciel.fr/biocell/chap5/res/10a_citric_bis_xl.jpg)

Le cycle de Krebs commence par la condensation de l’acétyl-CoA et de l’oxaloacétate présent dans le cycle pour former le citroyl-CoA qui est hydrolysé en citrate en présence d’eau et de l’enzyme citrate synthase. Une suite de réactions catalysées par différentes enzymes a ensuite lieu dans le cycle. On peut noter, entre autres, la formation de succinate, de fumarate, de malate et, enfin, la transformation du malate en oxaloacétate catalysée par la malate déshydrogénase. Une nouvelle molécule d’acétyl-CoA entre alors dans le cycle pour qu’il se poursuive (Figure 10). La totalité du pyruvate ne sert pas au fonctionnement du cycle de Krebs et il existe d’autres moyens de le dégrader complètement.

I.4.1.3 Autre voie de dégradation du pyruvate

Dans les cellules sans mitochondries comme les hématies, ou dans des conditions d’anaérobie ou d’hypoxie, le pyruvate est réduit en lactate par le NADH,H+ formé lors de la glycolyse. Cette réaction est catalysée par la LDH.

Pyruvate + NADH,H+ Lactate + NAD+

Le lactate ainsi produit est excrété de la cellule par des transporteurs membranaires, les MCT 1 et 4. Il se retrouve dans le milieu extracellulaire et constitue un déchet.

HIF-1 intervient au niveau de ce métabolisme bioénergétique. Il faut comprendre son implication pour appréhender les modifications métaboliques.

I.4.2 La protéine HIF-1

La protéine HIF-1 est une protéine hétérodimérique composée d’une sous-unité HIF-1β constitutive et d’une sous-unité HIF-1α oxygéno-régulée (Wang et al., 1995). La sous-unité HIF-1β est aussi appelée ARNT (Aryl hydrocarbon Receptor Nuclear Translocator). L’influence d’HIF-1 sur le métabolisme est principalement due à la sous-unité α de la protéine. En effet, en conditions normoxiques, la sous-unité HIF-1α formée est immédiatement hydrolysée par la prolyl hydroxylase domain protein 2 (PHD2), processus qui requiert de l’oxygène. Par contre, en conditions hypoxiques, elle n’est pas dégradée et s’accumule donc rapidement. La protéine HIF-1α a toutefois été retrouvée en conditions normoxiques dans de nombreux cancers. Il existe plusieurs isoformes d’HIF-1α dont HIF-1α785, qui est principalement présent en conditions de normoxie (Mills et al., 2009).

HIF-1α est connue pour son implication dans la constitution d’une tumeur. Par contre, son rôle dans le métabolisme bioénergétique des cellules cancéreuses n’est étudié que depuis peu. L’implication d’HIF-1α dans la promotion de la glycolyse et dans l’inhibition des fonctions mitochondriales a été démontrée dans des modèles autres que le mélanome (Semenza, 2010 ; Jones & Schulze, 2012).

I.4.3 Rôle de la protéine HIF-1α dans le métabolisme énergétique

La protéine HIF-1α agit à plusieurs niveaux de la glycolyse et du cycle de Krebs. Elle va, dans un premier temps, accélérer le transport du glucose à l’intérieur de la cellule, en favorisant la surexpression des transporteurs du glucose. Elle active la transcription des gènes qui codent les transporteurs du glucose GLUT1 et GLUT3. De la même manière, elle active des gènes codant pour l’hexokinase, première enzyme de la glycolyse. Elle régule l’ensemble des enzymes de la glycolyse comme la kinase de la troisième étape de la glycolyse, la 6-phosphofructose-1-kinase (PFK1) (Jones & Schulze 2012) (Figure 11).

La protéine HIF-1α régule l’enzyme pyruvate déshydrogénase kinase (PDK). La PDK phosphoryle la PDH, ce qui va provoquer la réduction de son pouvoir catalytique. Dans ces conditions, le pyruvate est détourné de la mitochondrie pour aller vers la fermentation lactique, ce qui diminue la production d’énergie due au cycle de Krebs. Dans une cellule saine, lorsque l’activité de la PDK est fortement diminuée voire annulée, cela engendre la mort cellulaire par production excessive de dérivés réactifs de l’oxygène (ROS : reactive oxygen species) comme des radicaux libres, des ions oxygénés ou encore des peroxydes. Ce sont des espèces chimiques très réactives qui

provoquent un stress oxydant endommageant les structures cellulaires, ce qui a pour conséquence l’apoptose des cellules. Dans le cas où HIF-1α est surexprimée, elle active la transcription de gène qui protège les cellules de l’apoptose afin de maintenir la survie cellulaire en milieu hypoxique.

De plus, HIF-1α régule d’autres enzymes de la fermentation lactique. La première, la LDHa, facilite la conversion du pyruvate en lactate. Les autres enzymes sont des transporteurs de monocarboxylates (MCT1/4) qui transportent le lactate hors de la cellule.

Figure 11 : Résumé de la glycolyse et du cycle de Krebs mettant en évidence le rôle de la protéine HIF-1α (d’après Jones & Schulze, 2012).

Abréviations : GLUT : transporteurs de glucose, HK2 : hexokinase-2, PFK1 : 6-phosphofructose-1-kinase, PKM2 : pyruvate kinase muscle-2, LDHa : lactate déshydrogénase-A, MCT : transporteurs des acides monocarboxyliques, PDH : pyruvate déshydrogénase, PDK1 : pyruvate déshydrogénase kinase isoenzyme 1, SDH : succinate déshydrogénase, FH : fumarate hydratase, ACLY : ATP citrate lyase, IDH : isocitrate déshydrogénase, mIDH : mutant isocitrate déshydrogénase, VHL :

suppresseur de tumeur von Hippel-Landau, GLS1 : glutaminase, ASCT2 : transporteur d’acides aminés neutres.