• Aucun résultat trouvé

Les impacts des changements climatiques sur les ressources pédologiques et les

Dans le document en fr (Page 191-0)

Chapitre 4 : Les impacts des changements climatiques sur les ressources naturelles et les

4.1 Les impacts des changements climatiques sur les ressources pédologiques et les

populations

4.1.1 : L’état actuel des ressources pédologiques et leur évolution depuis 1970

4.1.1.1 Un état ou un risque de dégradation des terres cultivées ? Il convient de bien distinguer la différence entre ces deux notions. L’évaluation du risque se fait en deux temps (BRABANT P., 1992). Dans un premier temps, il s’agit d’examiner et de

190 comparer un certain nombre de variables : la nature du sol, la pente du terrain, la pluviosité, l’intensité des averses, le mode d’utilisation des terres, etc. Dans un second temps on fait un pronostic sur les risques prévisibles de dégradation dans un site donné, compte tenu de l’environnement physique et humain. Cet exercice est toutefois aléatoire car la dégradation dépend principalement du type de relation entre l’homme et la terre (BRABANT P., op cit).

Ce premier qui est effectué au bureau et qui est plutôt théorique est réservé aux pédologues et ne sera donc pas traité ici.

Nous porterons notre attention essentiellement sur l’état de dégradations des terres. Cette dégradation resulte d’observations sur le terrain ou sur des images satellitaires. Un état de dégradation est constaté par le fait que la forêt est défrichée, la terre est érodée, ou encore par la baisse des rendements.

Dire qu’une terre est actuellement dégradée dans un site donné, signifie qu’elle est comparée à la même terre qui dans le passé n’était pas dégradée. On compare donc cet état actuel à un état de référence. Mais toute la difficulté est de savoir quel est l’état de référence. Au Mali, c’est vers le debut des années 1980 avec le PIRT que les premières données de référence ont commencé à voir le jour.

Les problèmes particuliers que pose la classification des sols du Mali selon les spécialistes du PIRT ont déjà été soulignés plus haut. Il ne s’agit nullement de récuser ces premières données de référence. Au contraire, il est judicieux de reconnaitre tout le mérite de ces données surtout qu’auparavant il n’y avait aucun autre document équivalent permettant d’avoir une vision du problème de dégradation. En outre le projet a travaillé dans l’esprit de la Charte mondiale des sols (World Soils Policy) à laquelle ont adhéré la plupart des pays africains (BRABANT P., op cit). Soulignons juste leurs caractères partiel et récent. Elles ne fournissent pas assez de recul dans le temps.

Ainsi, en plus des données du PIRT (1983) et conformément à l’esprit de cette thèse qui privilégie davantage les savoirs locaux, la question relative à l’état des terres cultivées a été posée aux paysans du cercle de Banamba. Ils se sont exprimés dans les termes suivants : très dégradées, dégradées ou fertiles. La figure 57 illustre les opinions des chefs d’UPA sur l’état actuel des terres cultivées. La très grande majorité des paysans affirment que les terres

191 cutivées sont dégradées. 448 sur les 460 chefs d’UPA enquêtés affirment que celles qu’ils cultivent actuellement sont dégradées (28,7 %) à très dégradées (68,7 %) (Figure 59).

Figure 59 : Opinion des chefs d’UPA enquêtés sur l’état actuel des terres cultivées N’DIAYE B. F., 2011

Cette dégradation que les paysans ont commencé à observer au milieu des années 1970, continue d’être une constante encore aujourd’hui selon les déclarations des paysans (Figure 60).

Figure 60 : Opinion des chefs d’UPA sur l’évolution de la dégradation des terres cultivées entre 1970 et 2009

N’DIAYE B. F., 2011

Soulignons au passage qu’au début des années 80, le Projet d’Inventaire des Ressources Terrestres a caractérisé les terres de Banamba comme moyennement à fortement acide avec une fertilité faible à moyenne. Sur un sol très acide, l’activité biologique du sol est faible et la décomposition de la matière organique est lente. La litière formée par les feuilles tombées va

192 s’accumuler à la surface du sol. Peu d’éléments minéraux sont donc recyclés et absorbés par les racines. Les arbres vont croître difficilement.

4.1.1.2 La dégradation des sols, un phenomène naturel accéléré par l’intervention de l’homme

Au cours des enquêtes, il a été demandé aux paysans qui reconnaissent la dégradation des terres qu’ils cultivent de donner deux facteurs majeurs de cette dégradation. Ils se sont exprimés dans les termes suivants : déficit pluviométrique, surpâturage, défrichement incontrôlé ou pratiques agricoles. Les tableaux 22 et 23 présentent respectivement la distribution des opinions sur les deux facteurs majeurs de dégradation des terres cultivées.

Une première lecture furtive nous fait dire que la grande majorité des paysans considèrent que le déficit pluviométrique est le premier facteur de dégradation des terres. Environ 54 % et 45

% des répondants citent respectivement le déficit pluviométrique comme premier ou deuxième facteur. Les pratiques agricoles ou les défrichements incontrôlés sont considérés comme facteur premier de dégradation. Par ailleurs, environ 16 % et 13 % accusent le surpâturage.

Tableau 22 : Répartition des chefs d’UPA enquêtés selon le premier facteur de dégradation

Facteurs Fréquences Pourcentage

Tableau 23 : Répartition des chefs d’UPA enquêtés selon le deuxième facteur de dégradation

Facteurs Fréquences Pourcentage est assez difficile de faire la part entre ce qui provient d’un ou d’autre facteur. Dans tous les cas où le déficit pluviométrique n’est pas cité comme premier facteur, il l’est en 2è position.

193 Ainsi, il ressort des différents discours une interrelation entre les différents facteurs. Suivons à cet effet le discours de N.J., conseiller villageois dans le village de Samakelé (77 ans) :

« … en ce qui concerne la pluviométrie, je peux dire un mot. Nous avons vécu les périodes pluvieuses ainsi que les périodes déficitaires. Il ya une grande différence si l’on compare la pluviométrie d’avant à celle de nos jours. Depuis le 7e mois, nous faisions les semis ; nous n’avions pas de charrue, seulement la daba, seul avec ta famille. Le travail d’un seul homme pouvait nourrir 10 personnes. ‘’Dugu kolo kadi’’ (la terre était fertile), nous nous portons bien ; notre récolte nous suffisait largement ; mais maintenant, nous avons deux, trois charrue pour les travaux champêtres, mais ‘’foyi’’ (rien du tout). Ici, comme vous le savez, il n y a aucun espace non défriché et ça n’est pas la main d’œuvre qui nous manque, mais rien. Cela est du au déficit pluviométrique,

‘’dugukolo fana bana’’ (littéralement la ‘’terre est morte’’. (…) il ne pleut plus comme avant, même la disparition du couvert végétal est due au déficit pluviométrique, l’insécurité alimentaire aussi… »

En vue de réduire les confusions, un regroupement de facteurs de dégradation cités plus haut a été fait. Les facteurs relatifs aux activités humaines notamment le surpâturage, le défrichement incontrôlé et les pratiques agricoles ont été fusionnées pour constituer un seul facteur dénommé facteurs anthropiques. Le facteur naturel est resté comme tel. Ainsi on passe de 4 facteurs à 2 (Tableau 24).

Tableau 24 : Synthèse de facteurs de dégradation des terres cultivées

Facteurs Fréquences Pourcentage dégradation (physique ou chimique). A un premier niveau, il convient de distinguer ces deux phénomènes différents (BRABANT P. op cit). On parle d’erosion des terres lorsque le sol perd des parties solides (sable, limon, argile, humus). Celles-ci sont arrachées et transportées hors du site à une distance variable, allant de quelques centaines de mètres à des miliers de kilomètres. Dans le cas de la dégradation des terres, le sol ne perd pas des parties solides mais un certain nombre de ses propriétés essentielles se dégradent sur place. Un exemple caractéristique est celui du sol qui devient salé et donc stérile à la suite d’une irrigation mal conduite.

194 4.1.1.2.1 L’érosion hydrique, un phénomène naturel

Elle est due à l’eau de pluie qui tombant en grosses averses arrache des particules de terre et les entraine par gravité. Cette érosion est diffuse ou linéaire, les deux étant souvent associées dans le même paysage.

L’érosion diffuse consiste en un décapage généralisé et progressif de la couche de surface du sol où est concentré l’essentiel des éléments de la fertilité. Elle est toujours en étroite relation avec les activités humaines. Elle peut s’observer dans les terres sableuses où la densité du couvert végétal est faible. Elle menace les 2/3 des terres du cercle. Ce type d’érosion, très insidieuse, n’est pas facile à détecter car le sol et la végétation qu’il porte ne semblent pas être modifiés d’une année à une autre. Quand ses premiers effets se manifestent sur la productivité des terres et sont observés sur le terrain ou sur les images satellitaires, le potentiel de fertilité est déjà bien atteint.

Dans le cas de l’érosion linéaire, l’eau de ruissellement se concentre dans des chenaux d’écoulement pour formes des rigoles et des ravines. Ce type d’érosion se manifeste sur les sols argileux le long des axes d’écoulement, à partir desquels il tend à se propager vers l’amont des bassins versants comme des tentacules. Il est bien visible sur le terrain et facile à identifier sur les images satellitaires. L’érosion linéaire est moins grave que la précédente car elle est localisée et ne s’étend pas indifféremment à tout le paysage.

4.1.1.2.2 L’érosion éolienne

Elle est moins fréquente et constitue une forme d’érosion secondaire, souvent associée à l’érosion hydrique. L’érosion éolienne consiste en une sorte de balayage de la surface du sol, comparable à l’érosion hydrique diffuse. Le vent emporte des particules du sol et les transportent en suspension dans l’atmosphère. Le sable grossier et les galets, trop lourds, restent en place et se concentrent sur le sol.

4.1.1.3 Les activités anthropiques, cause de la dégradation des terres

Elles sont regroupées en quatre rubriques : les pratiques agricoles inadaptées, le défrichement de la végétation spontanée, le surpâturage et la surexploitation des arbres et des arbustes pour les usages domestiques.

195 4.1.1.3.1 Des pratiques agricoles inadaptées

Il s’agit essentiellement de la réduction des périodes de jachère naturelle, l’absence ou la faible restitution de déchets de récolte, d’amendement, d’engrais. Le résultat est une dégradation chimique et biologique. Cette dégradation est plus grave compte tenu de la fertilité faible des terres. Le processus est le suivant : les récoltes sont prélevées mais les éléments nutritifs du sol utilisés pour les plantes pour leur croissance ne sont pas remplacés par des engrais minéraux ou des amendements organiques. Peu à peu la terre est épuisée et le rendement des récoltes diminuent. En principe ce type de dégradation est d’un niveau faible tant que l’agriculteur pratique la jachère naturelle. La terre est cultivée durant 3 à 4 ans puis laissée en jachère durant 10 à 15 ans. Cela suffit pour restaurer la fertilité. Si certains paysans s’efforcent d’amender les terres par toutes sortes de débris organiques, celles-ci sont toutefois soumises à une forte pression démographique.

4.1.1.3.2 Le surpâturage

Il est associé à l’élevage extensif. Il entraine une réduction ou une disparition du couvert végétal, une augmentation de la compacité de la couche supérieure du sol et la formation de rigoles et de ravines d’érosion. Il se produit une dégradation physique suivie d’une érosion hydrique. En effet, sous l’impact des gouttes de pluie sur le sol mal protégé par la végétation, les mottes de terres se délitent et une mince pellicule constituée d’argile, de limon et de sables stratifiés sur quelques millimètres d’épaisseur recouvrent la surface comme une sorte de glaçage du sol. Cela diminue évidemment la capacité d’infiltration du sol pour l’eau de pluie et gène la germination des semences.

4.1.1.3.3 Le défrichement anarchique de la végétation naturelle

Les pratiques agricoles traditionnelles, en particulier les cultures itinérantes, ne posaient pas de problème particulier dans le passé parce que la population de la région était beaucoup moins nombreuse qu’aujourd’hui. L’accélération de l’accroissement démographique a entraîné une multiplication de la demande de nourriture, de combustible, de pâturage et de logements, et a obligé à exploiter massivement les terres.

196

Erosion et dégradation sont permanentes et se favorisent mutuellement. En parlant des terres africaines, BRABANT P. (1992) avance que l’érosion hydrique diffuse, associée à la perte d’éléments nutritifs et d’humus, constitue la plus grave menace. Le risque climatique pourrait s’accroitre dans le futur avec les changements climatiques qui vont modifier le régime des précipitations, augmenter la fréquence et l’intensité des chocs climatiques et induire des transformations des écosystèmes (GIEC, 2007). La dégradation affecte directement les productions agricoles.

4.1.1.4 La baisse des rendements, principale conséquence de la dégradation des ressources pédologiques

Dans le cercle de Banamba, l’agriculture est envisagée de manière à satisfaire en prioritaire les besoins fondamentaux de la population locale. On distingue les cultures céréalières, les cultures de rente et les cultures de contre saison (le maraichage). Les cultures céréalières sont qualifiées de céréales traditionnelles : il s’agit essentiellement du mil, du sorgho, du maïs, du fonio et du riz. Le tableau 25 donne la situation des principales productions céréalières pour la campagne agricole 2011-2012.

Source : Secteur agricole de Banamba, rapport 2011-2012

Depuis 1990, les rendements des céréales de base (mil / sorgho) présentent une baisse (Figure 61).

Figure 61 : Évolution des ren

La baisse des rendements se tradui

baisse du niveau de vie. Lorsque la baisse du revenu engendre un déficit alimentaire important, l’une des conséquences est l’exo

M. (2011), en Afrique subsaharienne,

bonnes ou mauvaises années agricoles. Selon le cas, elle peut être ralentie ou activée.

Depuis 1990, les rendements des céréales de base (mil / sorgho) présentent une

Évolution des rendements mil et sorgho (Données CPS, Mali. www.countrystat.org N’DIAYE B. F., 2011

La baisse des rendements se traduit par une diminution des revenus des paysans et partant une baisse du niveau de vie. Lorsque la baisse du revenu engendre un déficit alimentaire important, l’une des conséquences est l’exode rural. En effet, comme l’a souligné PICOUET subsaharienne, la mécanique migratoire est fortement dépendante des

agricoles. Selon le cas, elle peut être ralentie ou activée.

197 Depuis 1990, les rendements des céréales de base (mil / sorgho) présentent une tendance à

www.countrystat.org)

par une diminution des revenus des paysans et partant une baisse du niveau de vie. Lorsque la baisse du revenu engendre un déficit alimentaire En effet, comme l’a souligné PICOUET est fortement dépendante des agricoles. Selon le cas, elle peut être ralentie ou activée.

198 Une autre réalité est que les populations pauvres dans leur situation de précarité, n’ont souvent d’autres recours que d’accentuer les prélèvements abusifs ou illicites sur les ressources (sol, végétation) quelque soit leur état.

4.1.2 : Les stratégies de restauration des terres cultivées

Les pédologues enseignent que le sol est une ressource naturelle non renouvelable à l’échelle humaine. C’est vrai lorsque l’érosion a détruit le mince horizon humifère qui couvre une roche dure, comme les calcaires ou les granites : en effet il faut 200 à 300 000 ans pour altérer un mètre de granite (ROOSE E., 2007). C’est beaucoup moins vrai pour certaines roches tendres comme les argilites, marnes, grès et schistes tendres, et même pour le basalte qui produisent 0,5 m d’altérite en moins d’un siècle.

Les multiples interventions des structures chargées d’accompagner les paysans dans leurs efforts d’adaptation aux effets de la dégradation des ressources naturelles rendent difficiles la démarcation entre les techniques purement traditionnelles et celles qui peuvent être qualifiées de « scientifiques ». Ce qu’il est important de souligner, c’est que face à la dégradation des terres cultivées, les paysans ne sont jamais restés passifs. Selon les contextes et en fonction de leurs moyens techniques, matériels et financiers, ils ont développé divers systèmes de création de sols nouveaux. Ils ont ainsi fait appel à la résilience du milieu naturel pour restaurer la productivité des sols dégradés par la culture (FLORET C. et SERPANTIÉ G., 1991) et de manipulations vigoureuses mais simples permettant aussi de restaurer rapidement la productivité des sols dégradés (ROOSE E., 1993). Il s’agit de techniques traditionnelles comme le paillage, la fumure organique et minérale (cendres) ou encore le zaï (technique complexe faisant intervenir le stockage de l’eau dans le sol), la fumure organique et minérale, les termites et le travail du sol en zone soudano-sahélienne (ROOSE E., 1994).

Dans le cercle de Banamba, plusieurs de ces techniques sont utilisées ; certaines plus que d’autres. Certaines techniques comme la jachère, très pratiquées par le passé, sont de plus en plus délaissées au profit de techniques permettant en même temps la restauration et la culture comme les amendements. (Tableau 26)

Dans le document en fr (Page 191-0)