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La position globaliste-maximaliste : les droits civiques globaux

CHAPITRE III – PORTÉE ET CONTENU DES APPROCHES PRATIQUE-

3.1 Portée et contenu des approches PI

3.1.1 La position globaliste-maximaliste : les droits civiques globaux

J’emploierai dans cette section, et les suivantes, deux distinctions importantes mentionnées en introduction : la distinction relative à la portée entre les positions globalistes et les positions internationalistes et la distinction relative au contenu entre les positions maximalistes et les positions minimalistes. Commençons par examiner une position globaliste-maximaliste au niveau des droits politiques et sociaux. Une position maximaliste des droits politiques en est une qui assigne à toute personne un ensemble étendu de droits et libertés, traditionnellement l’ensemble propre aux démocraties libérales, composé notamment des libertés d’association, d’expression, de parole, de croyance et du droit à un procès juste. Une position minimaliste assigne des droits fondamentaux aux personnes, mais ne cherche pas à justifier un tel ensemble robuste de droits42. Quelle est donc l’implication de la distinction entre les conceptions minimalistes et maximalistes de la justice sur la question des droits civiques? Une position minimaliste ne cherchera qu’à déterminer un seuil de suffisance des droits (comme des droits de subsistance) et laissera ouverte la possibilité de la justification d’un ensemble robuste des droits. Une position sera qualifiée de maximaliste si elle essaye de justifier un ensemble

                                                                                                                         

42 Un libéral pourrait soulever ici l’objection selon laquelle l’ensemble des droits et libertés et le minimum

que l’on devrait accorder à tout individu. Pour cette raison, on ne devrait pas les qualifier de maximalistes. Je reviendrai plus bas sur cette objection dans le contexte des « arguments liants ». Entre temps, une position soutenant l’ensemble libéral des droits et libertés sera considérée comme une position maximaliste. Je distingue cette position d’une position mettant de l’avant des droits de subsistance, qui sera qualifiée ici de minimaliste.

robuste de droits tel l’ensemble des droits et libertés propres aux démocraties libérales43. Or, certains pourraient aussi argumenter qu’il faut étendre cet ensemble au niveau mondial. Une telle position spécifie non seulement son contenu, mais aussi sa portée. Il s’agit-là alors d’une position de portée globaliste et de contenu maximaliste. Telle est la position de Caney et de Beitz (1999) sur les droits civiques et politiques mondiaux.

Afin de clarifier l’argument qui soutient le contenu maximaliste des droits civiques globaux, ce qui permettra par l’effet même de valider P3 – la prémisse selon laquelle les personnes à travers le monde possèdent certaines propriétés communes –, Caney (2010, 72-73) présente une « justification basée sur le bien-être », en quatre étapes. D’abord, il faut reconnaitre le statut égal de tout être humain et déterminer quels caractères individuels requièrent un égal respect. Ensuite, on doit considérer qu’un argument basé sur le « bien-être » implique que, pour traiter des personnes avec un égal respect, il faut accorder un respect égal aux intérêts individuels. Puis, on doit reconnaitre l’intérêt individuel pour le bien-être. Enfin, il faut comprendre que l’intérêt individuel pour le bien-être est servi au mieux par un ensemble de droits civiques et politiques libéraux. Caney associe des droits à ces intérêts44. Pour ce qui est du contenu, il propose

spécifiquement de mettre de l’avant un ensemble libéral de droits et libertés. Il s’agit donc d’une position maximaliste, du moins en ce qui a trait aux droits politiques, ce qui n’implique pas qu’elle le soit aussi pour les droits socioéconomiques, point sur lequel je reviendrai. Je souligne néanmoins que le critère normatif employé par Caney est l’intérêt individuel pour le bien-être. Pour assurer cet intérêt, Caney soutient qu’il faut distribuer un ensemble libéral de droits et libertés. Par conséquent, le critère normatif de la position globaliste-maximaliste implique la distribution d’une variable focale précise : un ensemble libéral des droits et libertés. On peut conclure qu’en mettant de l’avant une distribution universelle de ces droits cette position surmonte la charge du traitement inégal.

                                                                                                                         

43 Sur ce point, mais dans une optique quelque peu distincte, voir aussi Gilabert, 2008, 418-420, qui associe

les positions maximalistes à celles qui cherchent à définir quel est l’ensemble idéal des droits (ou le meilleur ensemble) qui permettrait de définir une société parfaitement juste.

44 Caney (2010, 65) formule alors trois considérations minimales pour une théorie des droits humains : 1)

fournir le critère de détermination permettant de cibler des droits civiques et politiques, 2) identifier un ensemble de droits compatibles avec sa théorie politique nationale, 3) fournir le critère de cohérence interne de ces droits humains.

Prenons un exemple. L’intérêt individuel pour la sécurité est soutenu par le droit de ne pas être tué ou blessé. Autrement dit, cet intérêt impliquerait que personne, et ce peu importe sa religion ou sa race, ne doit subir involontairement des dommages physiques. L’on comprend aussi qu’il y a de la valeur à être en charge de sa propre vie et de ses propres décisions (sur ce point voir aussi Griffin, 1986, 67). L’intérêt de prendre sa vie en charge ne peut être assuré que par un droit à sa propre vie (Caney, 2010, 74). De tels arguments, selon Caney, soutiennent l’idée de mettre de l’avant un ensemble de droits libéraux au niveau mondial. Les droits civiques et politiques doivent être implémentés, car ils permettent à tous de vivre des vies pleines. Une fois le contenu de ces principes défini, selon la logique universaliste de l’argument général de la position globaliste, on doit conclure qu’il serait impossible de justifier ces droits pour des compatriotes et de ne pas les justifier pour des étrangers. Le raisonnement même qui soutient ces principes au niveau national permet de les étendre au niveau global. Ce raisonnement est conforme à la structure de l’argument général. Si des principes s’appliquent à une personne, ils doivent s’appliquer à toutes les personnes ayant des caractéristiques moralement pertinentes similaires. Puisque nous avons tous un intérêt pour le bien-être et partageons au moins cette caractéristique moralement pertinente, on conclut qu’il y a des valeurs morales universelles. Donc, au-delà d’une partie de son contenu, nous venons de clarifier la portée universelle de la position globaliste- maximaliste.