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Chapitre 1. Etude bibliographique : le comportement mécanique des piliers

1.3. La résistance et la rupture des piliers

1.3.1. La phénoménologie du comportement mécanique des piliers

Les mines exploitées par la méthode des chambres et piliers sont généralement constituées de différentes unités de productions composées de piliers ponctuels et séparées les unes des autres par des piliers barrières (cf. section 0.2). Alors que les

piliers barrières sont souvent considérés comme indestructibles (Ozbay et al., 1995) pour

des raisons qui seront évoquées par la suite, les piliers ponctuels peuvent, quant à eux, céder et subir des instabilités. Plusieurs facteurs peuvent favoriser la rupture des

piliers parmi lesquels on peut citer : l’effet du fluage progressif de la roche (Ma et al.,

2012), l’effet de l’érosion par l’eau qui induit une réduction de la résistance de la roche,

le vieillissement (Grgic et al., 2002), et l’effet de l’exploitation des mines qui peut

engendrer une augmentation des contraintes appliquées aux piliers, par exemple lorsque le taux de défruitement global augmente (cf. section 2.3).

Indépendamment des facteurs responsables de la détérioration des piliers, le mécanisme général par le biais duquel elle se produit peut être étudié grâce à des essais de compression. Les travaux de Wagner (1974, 1980), qui a été un des rares auteurs à effectuer de tels essais à grande échelle sur des piliers de charbon, suggèrent que les piliers se comportent globalement de la même manière qu’un échantillon de roche soumis à un essai de compression uniaxiale. La courbe typique (contrainte axiale moyenne-déformation axiale) obtenue par Wagner pour des piliers de section carrée de

2 m de largeur par 1 m de hauteur (Figure 1.17) montre que les piliers subissent d’abord

une phase de déformation pseudo-élastique durant laquelle la déformation longitudinale des piliers est proportionnelle au chargement appliqué. La courbe de chargement change légèrement de pente à mesure que les piliers s’endommagent pour finalement s’annuler

au niveau d’un pic de résistance puis devenir négative. La capacité portante des piliers

diminue alors à déformation croissante.

Wagner montre que la détérioration progressive des piliers s’accompagne d’une

redistribution interne de la contrainte axiale (Figure 1.17). Cette détérioration s’initie

localement dans les angles, qui sont le lieu d’une forte concentration de contrainte axiale

dans le domaine élastique (cf. sous-section 1.2.3.), et se propage vers l’intérieur des

piliers. Il est intéressant de noter que, bien que la résistance globale du pilier diminue entre les étapes 3 et 4 de l’essai de compression reporté par Wagner, la contrainte verticale en son cœur continue d’augmenter pendant la rupture.

Phénoménologiquement, le comportement décrit par les essais de compression se traduit par l’apparition et l’agrandissement de fissures et de fractures à l’intérieur des piliers à mesure qu’ils s’endommagent puis cèdent. Pritchard et Hedley (1993) ont proposé une classification des piliers dans le contexte de la mine d’uranium d’Elliot Lake

(Ontario, Canada) exploitée par Denison Mines, en fonction de leur niveau

d’endommagement variant de 1, pour les piliers intacts, à 6 pour les piliers rompus. Il

s’agit d’une classification générale valable pour les piliers continus, massifs et

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de plomb américaines exploitée par la société Doe Run. Les 6 stades d’endommagement

sont décrits dans la Figure 1.18.

Figure 1.17 : Résultat d’un essai de compression sur un pilier de charbon de 2 m de largeur par 1 m de hauteur et répartition de la contrainte axiale durant le chargement, d’après Wagner

(1980).

Figure 1.18 : Classification des piliers en fonction de leur niveau d’endommagement, traduit de l’Anglais au Français, tiré de Brady et Brown (2004), d’après Roberts et al. (1998).

Dans le cas d’un pilier non fracturé initialement (étape 1), l’endommagement débute dans les angles où les contraintes de compression verticales et de cisaillement sont maximales (étape 2). En raison de l’absence de confinement horizontal, et sous l’effet de contraintes tangentielles induites par la rupture des angles, des écailles

peuvent se détacher le long des parois. Les piliers prennent alors la forme typique d’un

Contrainte axiale (x 10-1 MPa)

Variation de hauteur (mm)

Pilier intact Ecaillage mineur des parois,

apparition d’une facturation parallèle à la hauteur du pilier Ecaillage significatif des coins, Agrandissement des fractures qui restent de longueur inférieur

à la hauteur du pilier Fractures continues et ouvertes de

longueur supérieure à la hauteur du pilier,

début de fracturation diagonale Fracturation diagonale développée

sous forme de « sablier » Pilier rompu, faible résistance résiduelle, forme de sablier très marquée

ou chute majeure de blocs. 1 2 3 4 5 6

49 sablier (étapes 3-5). La contrainte verticale initialement supportée par les écailles latérales s’annule et engendre une augmentation de contrainte au cœur des piliers. De

plus, le cœur initialement de plus grande résistance, en raison de son confinement

latéral, devient moins résistant après l’écaillage du pilier. Le concours de ces deux phénomènes conduit à la détérioration progressive du cœur pouvant éventuellement mener à la rupture complète des piliers lorsque celui-ci atteint une section critique (étape 6, Maybee, 2000). Lunder et Pakalnis (1997) interprètent les différentes phases d’endommagement en fonction de la capacité des fractures créées à résister à la

sollicitation appliquée au pilier. D’après eux, le pic de résistance global des piliers, est

atteint lorsque la capacité de résistance au cisaillement du réseau de fracture découpant le pilier a été pleinement mobilisée.

Les caractéristiques des piliers à la rupture sont très variables, mais elles se résument généralement, dans le repère (contrainte axiale moyenne/déformation axiale),

par trois grandeurs (Figure 1.19) : leur capacité portante (pic de résistance) notée Rp,

leur module post-pic Epost (dans le repère contrainte/déformation) qui est une

approximation linéaire de la courbe de chargement dans le domaine post-pic, et leur

capacité portante (résistance) résiduelle Rres.

Figure 1.19 :Comportement typique d’un pilier de charbon d’après Jaiswal et Shrivastva (2009).

Notons que la phase dite « élastique » ne l’est pas à proprement parler puisque la courbe y est

non-linéaire à proximité du pic de résistance.

Rp est particulièrement important du point de vue du dimensionnement des piliers

puisqu’il intervient dans le calcul du facteur de sécurité (cf. paragraphe 1.2.4.1). Epost,

quant à lui, conditionne la nature progressive ou brutale de la rupture (cf. paragraphe 1.4.2.4). Contrainte axiale moyenne (MPa) Déformation axiale Rp Rres Phase plastique élastique Phase Epost

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