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La perméabilisation de la membrane lysosomale (LMP)

Chapitre III : La mort cellulaire

C. Compartiment lysosomale et mort cellulaire

C.2. La perméabilisation de la membrane lysosomale (LMP)

La perméabilisation de la membrane lysosomale est un évènement souvent retrouvé, à un stade précoce ou tardif, dans les mécanismes de mort cellulaire apoptotique, nécrotique ou pyroptotique. Le mécanisme par lequel les enzymes s‟échappent du compartiment lysosomale est appelé LMP (Lysosomal membrane permebilization). De plus, les travaux de Anna Senik et ses collaborateurs montrent que la fuite du contenu lysosomal dépend de la taille des pores formés ; 10 et 40 kDa du dextrane-FITC sont libérés au cours d‟apoptose induite par staurosporine dans des cellules T, tandis que les 70 et 250 kDa du dextrane-FITC sont retenus [371]. Néanmoins, cette limite de sélection par taille de protéines ne s‟applique pas dans tous les modèles de la mort.

Plusieurs mécanismes contribuant à la perméabilisation de la membrane lysosomale ont été décrits et sont détaillés dans la section suivante (C.2.1. les inducteurs du LMP).

C.2.1. Les inducteurs du LMP

a) La déstabilisation lysosomale médiée par les radicaux libres oxygénés (ROS)

La formation de radicaux libres oxygénés peut conduire au déclenchement de la perméabilisation de la membrane lysosomale (LMP). De nombreux stimulis peuvent induire la génération des ROS, tels que les médicaments, des rayonnements ionisants ou par des conditions différentes comme l‟inflammation et les troubles neurodégénératifs [372]. Durant le stress oxydatif, l‟excès de peroxyde d‟hydrogène dans les lysosomes peut réagir avec le fer

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en forme actif (Fe2+), provenant de la dégradation des macromolécules riches en fer. Cette réaction, appelée réaction de fenton, conduit à la formation de ROS [373]. Les radicaux libres oxygénés (ROS) ainsi générés déstabilisent la membrane lysosomale par peroxydation des lipides membranaires et une dégradation des protéines membranaires (figure 22) [374]. Plusieurs études ont permis de démontrer le rôle primordial du peroxyde d‟hydrogène [375], [376], et du Fe2+ [377], dans l'induction de la perméabilisation de la membrane lysosomale

(LMP). En effet, un excès de ces composés augmente la sensibilité lysosomale à la peroxydation membranaire tandis qu‟un déficit inhibe ce processus. Par exemple, des macrophages qui ont été cultivé dans du milieu riche en particules de silice enrobées par des molécules de fer montrent un fort dommage au niveau membranaire, tandis que le dommage a beaucoup diminué dans ceux qui ont ingéré des particules de silice prétraités avec le chélateur de fer « desferrioxamine » [378].

b) Les détergents lysosomotropes

Les agents lyosomotropes sont des bases faibles qui s‟accumulent dans les lysosomes. Ils s‟acidifient dans les lysosomes après protonation [379], [380]. On trouve parmi ces détergents lysosomotropes: des amines avec des chaines hydrophobes (imidazol, morpholine) [380], la ciprofloxamine [381], la sphingosine [382] et la siramesine [383]. En outre, l‟ester méthylique L-leucyl-L-leucine (Leu-Leu-OMe) est un agent lysosomotrope en cours de développement d‟essai clinique afin de l‟utiliser comme un immuno-suppresseur, en raison de son effet cytotoxique sur les lymphocytes. La sensibilité accrue de ces cellules dépend de leur niveau élevé en cathepsine C, qui est nécessaire pour convertir Leu-Leu-OMe en un détergent (Leu-Leu)n-OMe (n ≥ 3), après adressage aux lysosomes par endocytose [384].

Le sphingolipide sphingosine est un agent lysosomotrope, lipophile, qui s‟accumule dans les compartiments acides dans lesquels il agit comme un détergent. Des doses modérées de sphingosine peuvent induire une cascade de mort cellulaire impliquant la LMP, l‟activation de la voie mitochondriale et des caspases [385]. Par contre, des doses élevées de sphingosine vont provoquer une rupture lysosomale massive aboutissant à une nécrose rapide de la cellule [386]. Plusieurs études ont contribué à montrer que le rôle de sphingosine intracellulaire, en régulant son niveau intervient dans la perméabilisation de la membrane lysosomale, Wernerburg et ses collaborateurs ont montré sur des hépatocytes, qu‟un traitement TNF-α (tumor necrosis factor alpha) augmente le taux intracellulaire de sphingosine et par suite LMP [387]. De plus, la surexpression du dominant négatif, la sphingomyélinase FAN (neutral

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sphingomyelinase activation) réduit LMP, la fuite des cathepsines B et diminue l‟apoptose [388].

Enfin, il existe plusieurs inducteurs différents de LMP dont les cathepsines, les lipides, les toxines, la protéine Bcl-2, les protéines lysosomales, les caspases. Nous les présenterons dans le tableau répertoire ci-après (tableau 3).

C.2.2. Les cathepsines

Parmi les enzymes lysosomales, les protéases de la famille des cathepsines sont les plus connues. Il existe trois types de cathepsines, classées selon leur spécificité catalytique : sérine-cathepsines (cathepsines A et G), les aspartates cathepsines (cathepsines D et E) et cystéine-cathepsines (cathepsines B, C, F, H, K, L, O, S, V, W, et X). Les cathepsines D, B, C, H et L, sont les plus abondants dans le compartiment lysosomal [389]. Les rôles des cathepsines ont longtemps été associés à leur fonction de dégradation à l‟intérieur des lysosomes où l‟environnement acide (pH 4.5-5.0) facilite ce processus [390], [391].

Cependant, plusieurs études rapportent le rôle des cathepsines dans les mécanismes aboutissant à la mort cellulaire [392], bien qu‟il existe des inhibiteurs endogènes dans le cytosol, les stefines, aussi appelées cystatines, qui limitent l‟activité des cathepsines à motif cystéine volontairement ou accidentellement relâchées [393], [383]. En effet, la plupart des études suggèrent que la mort cellulaire médiée par les cathepsines procède par une déstabilisation de la mitochondrie [392]. La première preuve de la capacité des cathepsines cytosoliques pour déclencher la mort cellulaire provient de l'étude de Karin Roberg montrant que l‟injection de cathepsine D dans le cytosol est suffisante pour déclencher la perméabilisation de la membrane mitochondriale externe (MOMP = mitochondrial outer membrane permeabilization), le relargage du cytochrome c et induire l'apoptose dans des fibroblastes humains [394].

En effet, le mécanisme de régulation pH-dépendent est essentiellement lié au déclenchement de l‟apoptose. Les cathepsines sont des enzymes dont l‟activité est optimale à un pH acide (comme dans les lysosomes) : Bien que, leur activité est diminuée dans le cytosol à pH neutre, les cathepsines peuvent toutefois agir dans ce compartiment [395]. Une acidification du cytosol, suite à la libération du contenu lysosomal acide, pourrait participer à la conservation de l‟activité protéolytique des cathepsines [396], [397], [398], [399]. Des expériences soutiennent que le pH optimal pour l‟activation des caspases se situe près de pH

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6,4. Le pH 7,4 du cytosol, diminue l‟activité des caspases pour atteindre 25% de la valeur optimale [397].