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LA NECESSITE DE SECURISER LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS

La médecine n’est pas une science exacte. Elle est un art. Pourtant, cette matière médicale est imprégnée de données scientifiques. Les recueils de données médicales permettent de définir des vérités scientifiques qui rationalisent les pratiques de cet art.

En effet, la pratique de l’art médical devient scientifique de par la nécessité qu’a le patient de recevoir des données rationnelles sur un phénomène qu’il ne maîtrise pas : un corps défaillant99. La relation patient-médecin est basée sur la confiance. Cette confiance se construit et s’entretient. C’est pour cela que les patients se sont vu attribuer un nouveau statut permettant d’équilibrer et de maîtriser le schéma de cette relation de confiance. La loi du 4 mars 2002, dite loi « Kouchner »100, s’articule autour de trois grands axes afin de faire reconnaitre légalement le statut de l’usager :

- Renforcer la défense des intérêts des patients par une visibilité institutionnelle : la loi distribue des droits de représentation et de participation aux institutions du système de santé (agrément des associations d’usagers, représentation des usagers dans les établissements de santé et au niveau de l’ARS, et création des commissions pour les relations des usagers et pour la qualité de la prise en charge interne à chaque établissement (CRUQ devenu Commission des usagers101)).

- Renforcer les droits individuels : la loi fixe le droit à l’information médicale, les conditions d’accès au dossier médical du patient, et également, le droit d’expression directe sur la qualité de sa prise en charge.

99 Ou la peur d’un corps défaillant !

100 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de

santé (1), loc. cit.

101 Art. 183, loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (1),

JORF, n° 0022, 27 janvier 2016, texte n° 1 ; décret n° 2016-726 du 1er juin 2016 relatif à la

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- Renforcer l’accompagnement du patient face au risque médical : la loi met en place une procédure d’aide et d’indemnisation des victimes et crée de nouvelles instances : les commissions de conciliation et d’indemnisation (CCI), la Commission nationale des accidents médicaux (CNAMed), l’Office national de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

La pression juridictionnelle sur le domaine de la santé en France est clairement ressentie. Il s’agit d’un contentieux en pleine expansion contenu grâce à la mise en place de recours amiables. Toutefois, la demande du patient est claire : il souhaite une prise en charge médicale sécurisée.

Pour sécuriser cette prise en charge, les autorités publiques ont développé un appareillage normatif. Ainsi, une institution a été mise en place pour développer un avis expert sur le domaine de la santé et délivrer des recommandations de bonne pratique à destination des protagonistes du système de santé.

On aboutit à un rééquilibrage de la position de chacun des acteurs par les effets du renforcement de la transparence des pratiques, c’est-à-dire un savoir désormais partagé. Ce rééquilibrage s’impose pour l’instauration d’une démocratie sanitaire, objectif poursuivi par la France. En effet, « l’ère n’est plus celle d’une institution

imposant ses normes de façon autoritaire et stable. Il s’agit de reconstruire l’intercompréhension dans des modes d’institutionnalité102 inédits, à travers des

modèles relationnels de plus en plus fondés sur la médiation »103. De ce fait, l’usager s’exprime sur sa prise en charge globale dans un système de santé qui est contrôlé par de multiples formes d’évaluation institutionnelle.

102 Note de l’auteur (LECOEUR-BOENDER (M.), L’impact du droit relatif à la démocratie

sanitaire sur le fonctionnement hospitalier, Droit et société, vol. 67, n° 3, 2007, pp. 631-647, p.

632.) : « Nous parlons d’institutionnalité dans le sens où le mécanisme décrit ici correspond à la

construction continue, dans l’expérience, du rapport entre les usagers et le système (contrairement à l’institutionnalisation qui renvoie à la stabilisation durable des normes) » (note de bas de page

2).

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Dès lors, une institution indépendante et spécialisée est mise en place pour apporter une réponse efficace à la sécurisation des prises en charge des patients : la Haute Autorité de santé (Chapitre 1.). Cette autorité administrative permettra de soutenir un corpus normatif, fondé sur des expertises et mis en œuvre pour assurer cette sécurité sanitaire (Chapitre 2.).

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C

HAPITRE

1.L

A

H

AUTE

A

UTORITE DE SANTE

:

UNE INSTITUTION EXPERTE

AU SERVICE DU SYSTEME DE SANTE

La Haute Autorité de santé a été créée par la loi du 13 août 2004104. Elle a pris la forme d’une autorité publique indépendante à caractère scientifique, dotée de la personnalité morale105. Ce statut juridique est le plus indépendant car permettant l’exercice le plus libre des experts qui se sont mis à son service afin d’apporter une réponse efficace à la nécessité de sécurisation des prises en charge des patients.

La création de la Haute Autorité de santé s’inscrit dans un mouvement global de création d’autorités indépendantes qui a permis à l’État d’opérer une décentralisation fonctionnelle. Ces autorités publiques sont autant de satellites de l’État qui contribuent à l’amplification du phénomène des modes de gestion publique alternatifs. Mais à ce titre, elles ont aussi un pouvoir de décision, et non un simple pouvoir de gestion. Elles disposent même, pour certaines d’entre elles, d’un pouvoir réglementaire. Malgré leur fonction effective de contrôle et de répression, ces autorités publiques sont administratives et non pas juridictionnelles. Du fait de leur statut indépendant, les autorités administratives occupent une place particulière au sein de l’Administration, et échappent aux mécanismes de contrôle classiques ; ce qui amène à s’interroger sur la compatibilité d’un tel statut avec l’article 20 de la Constitution106. Les autorités indépendantes s’illustrent dans un mouvement de démembrement du pouvoir central de l’État, jusqu’à en devenir un problème. C’est ce que rapporte l’exposé des motifs de la réforme des autorités indépendantes : « Le nombre et le fonctionnement de ces autorités sont devenus un

104 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, JORF, n° 0190, 17 août 2004, p.

14598.

105 Art. L. 161-37 CSS créé par l’art. 35 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance

maladie, loc. cit. ; La mention « dotée de la personnalité morale » est supprimée par la loi n° 2017- 55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (1), JORF, n° 0018, 21 janvier 2017, texte n° 2, en raison de la redéfinition du statut des autorités publiques indépendantes.

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réel problème institutionnel, d’autant plus que certaines d’entre elles sont détentrices d’un pouvoir considérable dans des secteurs clefs de la vie de la Nation. (…) À ce jour [en mars 2016], une quarantaine d’autorités sont ainsi identifiées : elles fonctionnent sans corpus juridique et déontologique commun et sans parfois avoir été même qualifiées comme telles au niveau législatif. On a le sentiment d’un processus continu de délitement de l’État, engagé par lui-même, puisque le Gouvernement est dans la quasi-totalité des cas à l’origine de leur création, le Parlement ayant entériné cette dérive par un consentement systématique qu’il convient de regretter. Au final, il n’existe aucune liste officielle de ces autorités »107. Le 20 janvier 2017108, les autorités indépendantes ont fait l’objet d’une réforme visant à définir un statut général (Section 1.).

La Haute Autorité de santé est une autorité publique indépendante créée pour s’ancrer dans un domaine de compétences techniques et scientifiques. Elle dispose à ce titre du « caractère scientifique »109. Ce statut juridique permet de fournir un niveau d’expertise indispensable à l’exercice de ses missions. L’expertise est assurée par des collaborateurs qui sont choisis pour leurs compétences techniques et scientifiques au sein de la société civile. Ces experts détiennent les compétences permettant de venir au soutien des patients pour la sécurisation des bonnes pratiques des acteurs du système de santé (Section 2.).

107 Exposé des motifs de la proposition de loi portant statut général des autorités administratives

indépendantes et des autorités publiques indépendantes, n° 3611, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2016.

108 Loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes

et autorités publiques indépendantes, JORF, n° 0018, 21 janvier 2017, texte n° 1 ; Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, loc. cit.

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Section 1. La Haute Autorité de santé inscrite dans le mouvement