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1.2 L'histoire de la microélectronique

1.2.1 La naissance du transistor et du circuit intégré

Au lecteur passionné je conseille l'ouverture de l'ouvrage de John D. Cressler "Silicon Earth" et spéciquement la lecture du chapitre 4 dédié à l'histoire de la microélectro-nique. On y trouve une description assez précise des inventions liées aux télécommuni-cations électroniques depuis les travaux d'Alessandro Volta sur les batteries en 1774. Mais je vous propose ici de ne retenir que quelques dates clés.

Quelques découvertes isolées

Remontons tout de même à la découverte des deux matériaux semi-conducteurs les plus connus aujourd'hui, le silicium actuellement le plus utilisé, et un des éléments les plus abondants sur terre puisqu'il constitue plus de 74% de la croûte terrestre [13, p.22], et le germanium qu'il ne faut pas oublier car c'est celui qui a servi à la réalisation du tout premier transistor. Le silicium aurait [47, p.12] été isolé et identié en 1823 [17, p.2], le germanium en 1886 (voir introduction générale). Les premières découvertes des phénomènes des semi-conducteurs ont été réalisées de manières indépendantes sans qu'on ne sache qu'ils étaient liés, avec la variation de la conductivité du sulfure d'ar-gent en fonction de la température par Michael Faraday en 1833, la photoconductivité par Willoughby en 1873 et le redressement électrique par Braun en 1874 [47, p.13]. En 1883, Edison fait circuler un courant électrique entre un lament et une anode métal-lique dans un tube à vide et en 1903 John Fleming utilise cette découverte pour la réalisation de la première diode tube à vide, qui sera complétée par Lee de Forest en 1906 par une troisième électrode pour réaliser un amplicateur électrique. Ceci ouvre la voie au domaine de l'électronique. Notez qu'un brevet pour un eet de champ dans les semi-conducteur est déposé en 1926 par Julius Edgar Lilienfeld. Retenez une date sup-plémentaire, l'invention du téléphone par Graham Bell (ou Berliner suivant les écoles [33, p.29]) en 1876 [13, p.29], car c'est ce qui va pousser les laboratoires Bell à faire les recherches qui vont mener au transistor...

L'eort de guerre

Malheureusement, il est bien connu que de nombreuses avancées majeures en sciences et techniques ont été réalisées dans le cadre de l'eort de guerre, pensez notamment au domaine nucléaire. Entre les deux guerres mondiales, la physique théorique progresse considérablement notamment à travers la physique du solide et la physique quantique. La seconde guerre mondiale va relancer l'intérêt des scientiques pour l'électronique dans les matériaux solides notamment à cause du radar [13, p.79]. En eet, les radars utilisent des ondes électromagnétiques à susamment hautes fréquences pour que les diodes tubes à vide ne soient plus capables de suivre. On revient alors sur la découverte de Braun, le redressement électrique grâce à un cristal de semi-conducteur, la galène [47, p.32]. C'est ce qui va déclencher des recherches intensives sur la croissance de cristaux de qualités, notamment à l'université de Purdue dans l'Indiana sous la demande de l'armée américaine [47, p.33], université qui fournira le cristal de germanium à l'origine du premier transistor.

Coup de pouce du radar et la motivation du téléphone

C'est nalement le téléphone qui va pousser la recherche sur l'électronique des ma-tériaux solides. Aux Etats-Unis, Mervin J. Kelly, directeur de recherche au laboratoire Bell en 1936 décide de construire une équipe de recherche pour l'étude du contrôle de l'électricité dans des matériaux solides dans l'objectif de remplacer les tubes à vide, trop gros et surtout très peu ables. Cette équipe sera temporairement dissoute pendant la seconde guerre mondiale pendant laquelle certains de ces membres seront mobilisés par des laboratoires de recherche militaire dans des projets portant sur... l'électronique des matériaux solides pour les radars [56] ! Cette équipe est à nouveau réunie en janvier 1946 [8] pour reprendre les travaux.

Côté français, la CFS, la Compagnie française des Freins et Signaux, signe un contrat avec le CNET, Centre National d'Etudes des Télécommunication, en 1947 pour le rem-placement des tubes à vide des récepteurs des câbles sous-marins, par un dispositif électronique à l'état solide. Travaillant sur les semi-conducteurs depuis 1946, la CFS engage deux physiciens Allemands qui ont travaillé dans les laboratoires militaires pen-dant la guerre,(sur les programmes de recherche et développement du radar allemand !), Herbert Mataré et Heinrich Welker qui avait déjà un brevet à son actif déposé en 1945 sur l'eet de champ dans les matériaux semi-conducteurs [33, p.30].

La naissance du transistor

La course au transistor est alors lancée aux Etats-Unis mais aussi en France ! Le lecteur pourra lire les articles de la conférence IEEE [56] et [8] pour une narration plus technique de la naissance du transistor côté américain et l'article [45] pour le côté français, avec une partie en Allemagne pendant la guerre. Les chercheurs allemands et américains tentent le même été 1945 la réalisation d'un premier dispositif qui échouent pour les mêmes raisons d'état de surface des cristaux de semi-conducteurs utilisés. Les deux équipes sont au coude à coude puisque leurs projets respectifs, qui font suite aux progrès réalisés pendant la guerre, démarrent en 1946 aux laboratoires Bell aux Etats-Unis et 1947 à la CSF en France. L'ouvrage [33, p.16] fait remonter l'information selon laquelle Shockley et Bardeen auraient eectué un voyage en France l'été 1947 et se seraient entretenus avec le CNET qui nance alors le projet de la CFS. Le 23 décembre 1947, les deux chercheurs des laboratoires Bell, Walter Brattain et John Bardeen ob-servent l'eet transistor. Oui, deux chercheurs seulement, bien que trois soient célèbres. En eet, le prix Nobel 1956 qui récompensait alors l'invention du transistor a été dé-cerné à trois chercheurs, les deux énoncés précédemment ainsi que William Shockley qui dirigeait l'équipe à cette époque. Simple annecdote me direz-vous ? Peut-être, mais riche de conséquences, nous le verrons par la suite. Les ouvrages que j'ai consultés font tous référence à un conit qui a opposé William Shockley à ses deux confrères concer-nant sa contribution à cette découverte. Les ouvrages ne sont pas d'accord sur l'issue du conit mais il est assez facile de trouver sur internet une photographie de la première page du brevet américain pour le transistor à contact ponctuel et de noter que le nom de William Shockley y est absent [2]. Côté français, nos deux chercheurs observent un premier eet de champ début de l'année 1948 mais c'est avec six mois de retard, en

juin 1948 qu'ils obtiennent un véritable eet transistor. La france accélère puis se retire de la course

Etrangement, les Américains ne vont pas beaucoup avancer dans les quelques années qui suivent la découverte de l'eet transistor alors que côté français on produit et on utilise les transistors. En 1949, la CFS produit un millier de transistors et 20000 diodes par mois [33, p.39]. Lorsque William Shockley et John Bardeen visitent le laboratoire du transistor français, on leur présente un réseau téléphonique équipé de transistors. Des transistors sont réalisés en 1949 pour la liaison téléphonique Paris Limoges [45]. Mais la France pense que ce domaine n'est pas un domaine d'avenir et les nancements disparaissent aux prots du nucléaire ; nos deux chercheurs allemands regagnent alors leur pays natal [45].

Les Silicon-Valleys et le circuit intégré

Rappelez-vous lorsque j'ai dit que le conit opposant Shockley à ses confrères allait être riche de conséquences. Frustré de ne pas avoir été reconnu pour ses contributions à la réalisation du premier transistor à pointe, ce physicien va réaliser à l'insu de ses collègues de laboratoire un nouveau transistor beaucoup plus performant et prometteur, le transistor bipolaire [13, p.45]. Le dépôt du brevet en juin 1948 de ce nouveau transistor ne sera déposé qu'à l'unique nom de Shockley et avant même l'annonce publique de la réalisation du transistor à pointe. Mais il ne s'arrêtera pas là. En 1955, il quitte les laboratoires Bell pour monter sa propre entreprise à Palo Alto, ce qui lancera la très célèbre Silicon Valley. Petite anecdote au passage, il rassemble un groupe de jeunes ingénieurs fraichement sortis de l'école dont un certain Gordon Moore et un certain Robert Noyce, fondateurs d'une entreprise connue sous le nom d'Intel, numéro 1 du tableau que nous avons reporté plus haut dans le paragraphe sur les principaux acteurs du marché des semi-conducteurs... Une autre invention majeure vient alors s'ajouter, le circuit intégré, inventé en 1958, à la fois par Jack Kilby, prix Nobel 2000, chez Texas Instrument et indépendamment par Robert Noyce chez Fairchild en 1959 [13, p.92].

Notez que j'ai volontairement mis le titre de ce paragraphe au pluriel, ce qui est peut-être un peu exagéré. Mais côté français que se passe-t-il ? Dans l'ouvrage [33, p.13], deux vallées du silicium sont citées, celles des Etats-Unis, et Grenoble pour la France ! En eet, si le gouvernement français a arrêté d'investir de manière majeure dans la microélectronique début des années 1950, l'industrie va tout de même se développer notamment dans la région grenobloise (mais pas seulement). En 1955, le centre Emile Girardeau est inauguré à Saint-Egrève près de Grenoble [10, p.53]. Il est le laboratoire de la société française de radio SFR qui fabriquait préalablement des tubes à vide et qui va suivre la révolution technologique du transistor avec une première production en juin 1956. En même temps, les laboratoires du CEA (commissariat à l'énergie ato-mique) sont créés en 1945 pour les recherches nucléaires, mais le service électronique du Centre d'Etude Nucléaire de Grenoble (CENG ancêtre du CEA) créé en 1957 pour faire fonctionner les systèmes nucléaires prendra le train de la microélectronique en marche

dans les années 1960 [35], pour devenir le LETI, laboratoire de l'électronique et des technologies de l'information en 1967. Aux Etats-Unis, l'industrie du semi-conducteur bénécie du marché oert par la défense américaine [10, p.53] et celui créé indirecte-ment par le président Kennedy qui souhaitait envoyer un homme sur la lune [13, p.94]. En France, malgré les nancements du plan calcul (1966-1970) et du plan composant (1976), SFR n'arrive pas à suivre et cherche des alliances [10, p.53]. Le président Valery Giscard d'Estaing ouvre un marché en France avec le plan de redressement du téléphone français [24, p.14]. Une des sociétés du CENG fusionnera avec la SFR en 1978 pour don-ner naissance à Thomson semi-conducteur qui fusiondon-nera avec la société italienne SGS pour donner naissance à STMicroelectronics 8ème du marché du semi-conducteur en 2013.