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La modélisation du comportement des combustibles

Dans le document Combustibles nucléaires (Page 30-32)

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ous les phénomènes intervenant en réacteur et décrits ci-dessus font l’objet d’une modélisation, et l’ensemble de ces modèles est regroupé dans un code de comportement du combustible capable de calculer toutes les grandeurs phy- siques aussi bien localement (températures, contraintes, déformations, répartition des gaz de fission, etc) que globale- ment (variations dimensionnelles, relâchement des gaz de fis- sion, etc.). Cette modélisation est en effet indispensable : • Pour comprendre et interpréter les mesures effectuées en

réacteur et les observations lors des examens post-irradia- toires (les phénomènes interagissant étroitement les uns avec les autres) ;

• pour prédire le comportement de crayons standards ou expé- rimentaux soumis à des conditions de fonctionnement parti- culières ;

• pour orienter les recherches visant à améliorer les perfor- mances du combustible ;

• pour étayer les dossiers de sûreté démontrant le bon com- portement des combustibles dans toutes les situations de fonctionnement.

Le travail de modélisation du comportement des combustibles REP, commencé au CEA et dans le monde il y a plusieurs décennies, était au départ assez empirique, s’appuyant prin- cipalement sur des lois simples issues des résultats expéri- mentaux. Progressivement, les codes ont ensuite essayé de traduire au plus près la physique sous-jacente à chacun des phénomènes décrits, et l’effort se poursuit aujourd’hui dans cette direction.

Dans les années 90 a été développé au CEA le code MÉTÉOR [1], qui est toujours largement utilisé. Ce code est dit 1 D 1/2, c’est-à-dire qu’il effectue le calcul d’un crayon découpé en n tranches ; chaque tranche découpée en p cou- ronnes est calculée en axisymétrie, mais les interactions d’une tranche avec ses voisines sont prises en compte.

Sont ainsi notamment modélisées :

• La thermique en tous points du crayon : le profil radial de puissance, la conductivité thermique du combustible en chaque point, sa dégradation sous irradiation et l’influence de toutes les grandeurs (porosité, O/M, fissures, etc.), le

transfert de chaleur dans le jeu oxyde gaine et dans la gaine, la corrosion externe de la gaine ;

• la mécanique : les contraintes et déformation en chaque point sont calculées par un modèle aux éléments finis qui prend en compte la présence de nombreuses fissures dans les pastilles combustibles, la densification puis le gonflement du combustible, la croissance des gaines, et tous les phéno- mènes de visco-plasticité dans l’oxyde et dans la gaine ; • le comportement des gaz de fission : le gonflement et le relâ-

chement en conditions nominales et lors de transitoires opé- rationnels, avec prise en compte des modifications de struc- ture (formation du RIM).

Le code traite l’UO2et le combustible avec poison* consom- mable (UO2+ Gd2O3) ; un effort particulier a porté sur le déve- loppement de modèles capables de traiter le MOX élaboré avec le procédé MIMAS tout en prenant en compte l’hétérogé- néité de répartition de la matière fissile. Il est validé par la com- paraison des résultats des calculs et des mesures sur un grand nombre de grandeurs issues d’un grand nombre (> 300) de crayons standards et expérimentaux : grandeurs intégrales telles que allongements des crayons et des colonnes fissiles, pression interne, volume libre, fraction relâchée des gaz de fission, grandeurs plus locales telles que profil axial de défor- mations diamétrales et d’épaisseurs de corrosion des gaines, densité des pastilles, diamètres de précipitation des bulles de gaz ou épaisseurs de RIM, ou grandeurs mesurées in situ notamment températures mesurées en réacteur par un ther- mocouple à cœur des pastilles.

Au CEA, la R&D sur la modélisation se poursuit dans deux directions :

1. Une modélisation de plus en plus physique : ainsi, le modèle MARGARET [2, 3, 4] modélise le comportement des gaz de fission en prenant en compte l’ensemble des phénomènes physiques connus, depuis le comportement des bulles de gaz intragranulaires de taille nanométrique (germination, crois- sance, remise en solution des atomes de gaz par les pointes de fission, coalescence, migration des atomes de gaz, des lacunes et des bulles) jusqu’à celui des bulles intergranulaires de taille micrométrique, avant et après interconnexion de ces bulles et relâchement par percolation du gaz qu’elles contien- nent. La validation de modèles aussi fins doit s’appuyer bien sûr toujours sur des grandeurs intégrales telles que le relâ-

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chement des gaz de fission, mais surtout sur des observations quantifiées à une échelle microscopique et sub-microsco- pique, en particulier les variations en fonction du rayon des densités et tailles de bulles telles que mesurées au MEB avec analyse d’images, et les quantités de xénon observables à la microsonde et au SIMS*.

Cette modélisation explore les confins de la connaissance actuelle aussi bien théorique que expérimentale. Elle utilise des moyens de caractérisation à l’échelle nanométrique, en particulier, le microscope électronique à transmission. Elle s’appuie sur le retour d’expérience de l’ensemble des pro- grammes expérimentaux réalisés en partenariat CEA-EDF- AREVA, mais utilise également les avancées récentes de la recherche de base sur les matériaux, telles que les caractéri- sations au synchrotron ou les calculs ab initio (voir chapitre suivant).

2. Le développement de plate-forme informatique capable d’in- tégrer dans une même architecture, l’ensemble des modèles physiques développés sur les différents types de combustible. Ainsi, la plate-forme PLÉIADES [5] (codéveloppé par CEA et EDF) est capable de traiter les combustibles de réacteurs à eau, mais également les autres combustibles (réacteurs à neutrons rapides à caloporteur sodium ou gaz, particules pour réacteurs à haute température, ou plaques de combustible pour réacteurs expérimentaux). De plus cette architecture ther- momécanique aux éléments finis peut, selon les besoins, effectuer les calculs en 1 D, en 2 D, ou en 3 D. Cette dernière caractéristique est nécessaire notamment pour calculer cor- rectement les champs de contraintes et déformations en cas d’interaction pastille-gaine (IPG*) lors d’une rampe de puis- sance, car la mise en diabolo des pastilles induit des concen- trations de contraintes au droit des interpastilles et des fissures radiales (voir chapitre « L’interaction pastille-gaine », p. 41).

Enfin une telle plate-forme a une structure informatique adap- tée pour faciliter le couplage avec d’autres plate-formes de simulation, en particulier celles traitant de la thermohydrau- lique ou de la neutronique des cœurs. De tels couplages vont notamment permettre des avancées dans la prédiction du comportement des combustibles lors de situations acciden- telles telles que l’Accident par Perte de Réfrigérant Primaire (voir chapitre « Le combustible en situation accidentelle »).

Références

[1] C. STRUZIK, M. MOYNE, J.-P. PIRON, High Burnup Modelling of UO2 and MOX fuel with MÉTÉOR/TRANSURANUS version 1.5, International Meeting on LWR Fuel Performance, Portland (1997). [2] L. NOIROT, C. STRUZIK, P. GARCIA, A mechanistic fission gas beha- viour model for UO2and MOX fuels. International Seminar on Fission Gas Behaviour in Water Reactor Fuels, Cadarache (2000). [3] J. NOIROT, L. NOIROT, L. DESGRANGES, J. LAMONTAGNE, TH. BLAY, B. PASQUET, E. MULLER, Fission Gas Inventory in PWR High Burnup Fuel: Experimental Characterization and Modelling, International Meeting on LWR Fuel Performance, Orlando, Floride (2004). [4] L. NOIROT, MARGARET: an advanced model on fuels, Journal of Nuclear Science and Technology, v1.43 n°9, p. 1149 (2006). [5] D. PLANCQ, J.-M. RICAUD, G. THOUVENIN, C. STRUZIK, T. HELFER, F. BENTEJAC, P. THÉVENIN, R. MASSON, PLÉIADES: A unified environment for multi-dimensional fuel performance modelling, International Meeting on LWR Fuel Performance, Orlando, Floride (2004).

Yannick GUÉRIN,

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