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1.1 L’interaction sol-plante du processus à la modélisation

1.1.3 La modélisation des cultures avec le modèle STICS

Le prélèvement d’eau par les plantes ainsi que la production de biomasse qui y est liée est la somme de nombreux processus qui ne peuvent être étudiés que par la modélisation. Les modèles de culture capitalisent les connaissances acquises sur les interactions sol-plante-atmosphère et permettent donc de simuler l’impact du stress hydrique sur les cultures.

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Il existe une grande variété de modèles de culture comme APSIM (McCown et al., 1996), STICS (Brisson et al., 2002, 1998) ou encore CROPSYST (Donatelli et al., 1996). Ces différents modèles ont un formalisme qui est en général centré sur la simulation de la culture et de la prise en compte de l’itinéraire technique et donc une représentation simplifiée des autres facteurs environnementaux, notamment le sol. Les modèles de culture ont généralement un pas de temps journalier et considèrent une surface homogène (modèles 1D) (Bassu et al., 2014; Rötter et al., 2012). Chaque modèle a toutefois différentes spécificités qui justifient leur utilisation dans des contextes particuliers ou pour certains objectifs.

Le modèle STICS a été choisi comme outil de travail pour cette thèse en raison de sa robustesse et de sa généricité ainsi que pour la multitude des processus qu’il est capable de simuler.

En effet sa généricité et sa robustesse sont permises par une calibration et une validation sur de nombreuses situations contrastées (Coucheney et al. 2015; Brisson et al. 1998; Brisson et al. 2002) mais aussi par un formalisme modulaire qui permet de choisir le formalisme ou d’activer ou non certains modules spécifiques.

1.1.3.1 Présentation générale du modèle

Le modèle de culture STICS a été créé en 1996 pour simuler le développement des cultures en lien avec le bilan d’eau, de carbone, et d’azote à un pas de temps journalier (Brisson et al., 2008).

Il permet de simuler un cycle cultural à une rotation entière.

Figure 17 : Schéma simplifié des entrées (gauche) et sorties du modèle STICS (droite)

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Le modèle nécessite d’être renseigné sur le climat à la journée (Températures min, max, Rg, ETP, pression atmosphérique et précipitations), sur les propriétés de sol notamment la capacité au champ, le point de flétrissement et la densité apparente mais aussi sur l’itinéraire technique, le travail du sol, la fertilisation et les date de semis (Figure 17). Enfin l’initialisation des stocks d’eau et d’azote est nécessaire. Le modèle permet d’avoir accès à de nombreuses variables sur le phénomène de cavitation, l’effet d’hystérèse à un stress hydrique dans la croissance de la plante et les corrélations entre stress ne sont pas pris compte par le modèle (Tableau 1). Dans le premier cas il s’agit d’un phénomène a priori marginal dans une région tempérée et qui concerne les climats plutôt arides. L’interaction entre stress ainsi que effet hystérèse à l’échelle journalière sont difficiles à appréhender et réputés d’importance secondaire ; par conséquent ce sont des phénomènes qui sont négligés dans les modèles de cultures. Avec le modèle STICS, seul le stress le plus important est pris en compte. Enfin, l’impact des exsudats racinaires sur la fonction de prélèvement en eau n’est pas pris en compte. Cependant le calage de la sensibilité de la culture au stress hydrique du modèle intègre implicitement cet effet.

Tableau 1 : Processus impactant le développement de la plante liés au stress hydrique et leur prise en compte par le modèle STICS.

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L’architecture racinaire est indirectement définie par variété via les paramètres des vitesses de croissance des racines et par une densité du front d’élongation racinaire calée par culture. La répartition de la biomasse dans les organes et le coût énergétique du stress sont simulés de manière empirique par une croissance potentielle par organe et ajusté avec les indices de stress.

1.1.3.2 La phénologie

Dans le modèle STICS, les cultures les plus courantes sont décrites par 8 stades (Figure 18).

Après la date de semis (IPLT), la germination (IGER) est déterminée par une somme de degrés jours et par rapport à un seuil d’humidité dans le lit de semence. Après la germination, la croissance aérienne et racinaire est activée et le stade de levée (ILEV) est dépassé dès que l’élongation de l’hypocotyle est supérieure à la profondeur de semis. Le stade IAMF correspond au maximum d’accélération de la croissance foliaire. Le début de l’élaboration du rendement commence au stade ILAT suivi par le stade ILAX correspondant au maximum de surface foliaire de la culture. Le remplissage des grains commence au stade IDRP et se poursuit jusqu’au stade IDEBDES, phase de dessèchement des grains. La date récolte est estimée ou imposée au stade IREC.

Figure 18 : Les stades du blé dans STICS. Tiré de Brisson et al. (2011).

1.1.3.3 La croissance aérienne

La croissance aérienne est pilotée par l’indice foliaire (LAI) de la culture et par l’interception de l’énergie lumineuse (Figure 19). La croissance du LAI de la culture est fonction du stade et est calculée sur la base d’une croissance calée sur les degrés jours et ajustée par les stress hydriques et azotés, la compétition inter-plants (densité de plants) et la photopériode. Dans un premier temps, la croissance de la surface foliaire permet d’estimer l’interception de l’énergie solaire. Une efficience de conversion de l’énergie lumineuse dépendante du stade (ILEV-AMF, IAMF-IDRP, IDRP-IMAT) sert à calculer la biomasse totale aérienne. La production de biomasse est ajustée en fonction d’indices de stress hydrique et azoté. La partition de cette biomasse aérienne est ensuite calculée grâce à des coefficients allométriques.

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Figure 19 : Schéma des étapes de calcul de la croissance végétative dans STICS. La croissance foliaire est calculée dans un premier temps puis la croissance en biomasse est estimée d’après les efficiences de conversion de l’énergie lumineuse par stade.

1.1.3.4 La croissance racinaire

Le calcul de la croissance des racines sert au modèle à calculer le prélèvement d’eau et d’azote mais aussi à estimer la rhizodéposition et ses conséquences sur la minéralisation des résidus du sol. Cette croissance est calculée, dans un premier temps par une élongation du front racinaire, et ensuite par le calcul d’une évolution de densité racinaire par couche de sol (Figure 20). La progression du front racinaire DELTAZ(I) va dépendre d’un potentiel de croissance lié à la température à l’apex DELTAT(I) et d’un facteur de stress DELTAZstress(I). DELTAZstress(I) va dépendre du stress le plus important entre la contrainte physique à l’enracinement (DA), le stress hydrique (humidité au front d’élongation) et l’anoxie à l’apex.

Le calcul de la densité racinaire, exprimée en longueur de racines par volume de sol, peut être effectué selon deux choix de formalisme différents pour la simulation. Dans le cas du calcul par profil type, le profil de densité est estimé de manière empirique par une fonction calée sur la profondeur d’enracinement et deux paramètres : un point d’inflexion de la courbe de densité et la profondeur de labour (paramètres culturaux). Dans le cas du mode de calcul densité vraie, utilisé le plus couramment pour simuler les grandes cultures (blé/mais/tournesol), la densité racinaire peut être calculée de trois manières :

- En lien avec la production de biomasse aérienne (formalisme TROPHIC-LINK)

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- Un développement indépendant du reste de la plante (formalisme SELF-GOVERNING) - Un mélange des deux approches

Dans le cas du formalisme TROPHIC-LINK la production de densité racinaire est directement fonction de la production de biomasse aérienne par un coefficient qui est calculé en fonction du stade. Dans le cas du formalisme SELF-GOVERNING le calcul de densité racinaire est très proche au calcul du LAI : le potentiel de développement est fonction de la température du sol (degrés jours) et ajustée en fonction des mêmes stress que pour le LAI (+ effet anoxie). Une troisième possibilité est de calculer une densité racinaire sur la base du formalisme SELF-GOVERNING mais ne pouvant pas dépasser la densité produite par le formalisme TROPHIC-LINK. Dans les trois cas, la densité de racines produite est ensuite répartie sur le profil de sol en fonction des racines déjà présentes et des contraintes à l’enracinement. Pour l’absorption de l’eau et de l’azote, la densité de racines optimale et donc non limitante à la nutrition de la plante a été fixée à 0.5 cm/cm3 dans le modèle. Ceci est en accord avec les travaux de Bonachela (1996, Figure 1).

A la suite de la thèse les formalismes SELF-GOVERNING et densité vraie, ont servi aux simulations. Il s’agit du paramétrage par défaut proposé par le modèle STICS et qui semblait le plus pertinent pour la simulation de la croissance racinaire compte tenu des processus simulés mais aussi du calage des paramètres plus poussé sur ces modules pour les cultures simulées dans le cadre de la thèse.

Figure 20 : les formalismes simulant la croissance racinaire de STICS : le calcul selon un profil type et une « vraie » densité racinaire. D’abord l’élongation racinaire et ensuite la densité racinaire est estimée par le modèle et répartie sur le profil de sol selon différentes contraintes.

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Par ailleurs, dans le modèle STICS et avec le mode de calcul densité vraie activé, si la DA est comprise entre 0.7 et 1.45 il n'y a pas d'effet du tassement du sol sur la croissance racinaire (Figure 21). En revanche, si la DA s’éloigne de ces bornes, la croissance racinaire est ralentie, voire stoppée, si la densité apparente est supérieure à 2.

Figure 21 : les seuils de sensibilités à la DA de STICS pour l’effet de limitation lié au tassement du sol sur la croissance racinaire. La partie en rouge montre la gamme du test de sensibilité soumise au stress lié à la compaction et en bleu la gamme de densité pour laquelle la croissance racinaire n’est pas perturbée. DACOHES et DASEUILBAS correspondent aux seuils optimums pour le développement racinaire (pas de limitation) DASEUILHAUT est la valeur seuil après laquelle les racines sont limitées au maximum dans leur croissance par le tassement. Enfin CONTRDAMAX est la valeur maximale de limitation à l’enracinement lié au tassement du sol.

1.1.3.5 Le sol

Dans le modèle STICS il y a trois possibilités pour représenter le stock d’eau du sol : - un stock uniquement basé sur la microporosité,

- un stock composé de 2 types de compartiments : microporosité + macroporosité,

- un stock composé de 3 compartiments : microporosité + macroporosité + fentes de retrait Dans ces différents formalismes, le sol est représenté par compartiments pour simuler les transferts d’eau et d’azote (Figure 22). Les couches de sol aux propriétés homogènes, au nombre de 5, sont souvent elles-mêmes discrétisées en couches d’1 cm. C’est toutefois un paramètre qui peut être ajusté pour mieux simuler la distribution de l’eau et la dispersion d’azote dans le sol. Pour chacune de ces couches il est nécessaire de définir en entrée la capacité au champ (HCC), le point de flétrissement permanent (HMINF) ainsi que la densité apparente qui sont considérés constants. Dans le cas de la présence de cailloux, le modèle doit être renseigné sur leurs propriétés de rétention en eau et leur proportion dans le sol. Dès lors que le module simulant une macroporosité est activé, les vitesses d’infiltration maximales à la base de chaque couche de sol doivent être paramétrées pour les échanges d’eau dans la microporosité (traits horizontaux en gras Figure 22).

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Figure 22 : Schéma simplifié de la représentation du sol et de ces compartiments dans le modèle STICS. HCC est la capacité au champ, HMINF l’humidité au point de flétrissement permanent et Hsat l’humidité à saturation. D’après Brisson et al.

(2011)

Pour le cas des sols à propriétés vertiques, le modèle STICS permet la simulation du changement de porosité dans le sol et de prendre en compte ou non l’ouverture et la fermeture des fentes de retrait. L’estimation de la macroporosité du sol par le modèle diffère suivant l’activation ou non des fentes de retrait. Les deux manières de calculer la macroporosité suivant l’activation du formalisme simulant la présence de fentes de retrait sont présentées dans l’équation 2.

CODEFENTE=0 correspond au cas où le module fente de retrait est désactivé et CODEFENTE=1 le cas contraire. MACROPOR correspondant à la macroporosité exprimée en mm, DA(H) à la densité apparente de la terre fine en g cm-3 par couche de sol homogène, EPC(H) l’épaisseur de la couche de sol et HCC et HMIN respectivement la capacité au champ et le point de flétrissement exprimé en % volumique.

Eq. 2

Dans le cas où le module fente de retrait est activé (CODEFENTE=1) la macroporosité correspond à 50% de la microporosité accessible à la culture. Sinon le volume de la macroporosité est exprimé en fonction du degré de compaction du sol représentée par la densité apparente. Cette macroporosité est attribuée arbitrairement à chaque couche de sol aux propriétés homogènes

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(Figure 22). En parallèle du calcul de cette porosité, des vitesses d’infiltrations maximales à la base des couches de sol homogènes doivent être renseignées pour calculer la limitation de la percolation en eau entre les réservoirs d’eau. Quand le module simulant la présence de fentes de retrait est activé, un réservoir supplémentaire est ajouté correspondant au sol entier. Ce réservoir permet de connecter les réservoirs et permet donc un remplissage des horizons les plus profonds dès lors que les fentes de retrait sont ouvertes et que la macroporosité est remplie.

L’ouverture des fentes de retrait est quant à elle dépendante de deux facteurs : une macroporosité vide et une prospection racinaire plus profonde que la couche de sol considérée. La fermeture des fentes de retrait n’intervient quant à elle que dans le cas où de l’eau entre dans le compartiment « fente de retrait ». L’alimentation de ce compartiment ne se fait uniquement dans le cas où la macroporosité par couche de sol homogène est pleine. Dans le cas de ruissellement (simulé comme une perte d’eau) et dès lors que les fentes de retrait sont ouvertes, l’eau de ruissellement est interceptée par les fentes de retrait.

STICS permet de simuler un grand nombre de processus permettant de simuler l’interaction sol-plante. Il s’agit également du seul modèle de culture permettant de prendre en compte une connectivité des horizons lors des simulations avec des sols à propriétés vertiques comme ceux rencontrés dans le Gers. Il convient toutefois de s’interroger sur la pertinence du formalisme simulant les fentes de retrait compte tenu des nombreuses simplifications du phénomène de gonflement-retrait des argiles.

1.2 La représentation des hétérogénéités des cultures : des causes aux méthodes de