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Le fonctionnement de l’écosystème pélagique en Méditerranée nord-occidentale présente une importante variabilité spatiale et temporelle, en grande partie due aux processus hydrodynamiques. Cette variabilité ne permet pas la compréhension du fonctionnement biogéochimique de cette zone par la seule approche expérimentale, et mène naturellement au développement et à l’utilisation de modèles numériques couplés hydrodynamique-biogéochimie.

Les modèles biogéochimiques, dont l’essor date de trois décennies, fonctionnent généralement sur la base d’un écosystème divisé en divers compartiments plus ou moins nombreux selon le degré de sophistication des modèles (phytoplancton, zoo- plancton, bactéries, détritus, matière organique dissoute, nutriments, etc...). Les in- teractions entre ces compartiments (les processus : prédation, excrétion, mortalité, etc...) sont représentées par des formulations mathématiques, la plupart du temps empiriques mais aussi parfois mécanistiques, qui permettent de calculer l’évolution temporelle de l’écosystème.

Les premiers modèles, "NPZD", comportaient quatre compartiments [Evans and Parslow , 1985; Fasham et al., 1990] : nutriments (N), phytoplancton (P), zooplanc- ton (Z) et détritus (D). Dans ces modèles, les variables d’état sont exprimées en azote, considéré alors comme l’élément le plus limitant de la production primaire [Eppley and Peterson, 1979]. Les résultats expérimentaux obtenus depuis 10 ans ont amené au traitement explicite de plusieurs autres cycles d’éléments (phosphore, sili- cium, fer...) et au développement de modèles avec de plus nombreux compartiments. Les modèles biogéochimiques sont dits "0D", dans la mesure où ils ne permettent pas, seuls, de représenter l’évolution spatiale de l’écosystème. En revanche, coupler ces modèles à des modèles hydrodynamiques permet de prendre en compte cette évolution spatiale.

3.3.1

Les modèles couplés unidimensionnels

Les premières études de modélisation couplée hydrodynamique-biogéochimie ap- pliquée à la Méditerranée occidentale se sont d’abord fondées sur des modèles couplés unidimensionnels, c’est-à-dire décrivant la dynamique de la colonne d’eau. Le choix d’un modèle unidimensionnel plutôt que tridimensionnel était en partie lié à un souci de simplification et à des contraintes techniques, mais aussi à l’existence de nombreuses données prélevées au point DYFAMED, situé au large de Nice. Les obser- vations réalisées en ce point concernent notamment la dynamique et la distribution des nutriments [Marty et al., 2002], du carbone organique dissous [Copin-Montégut and Avril , 1993; Avril , 2002; Pujo-Pay and Conan, 2003], du phytoplancton [Vidussi et al., 2000; Marty et al., 2002; Marty and Chiavérini, 2002], des bactéries [Tanaka and Rassoulzadegan, 2002] et du zooplancton [Andersen et al., 2001b,a; Tanaka and Rassoulzadegan, 2002]. Andersen and Prieur [2000] ont montré que l’advection hori- zontale est faible à ce site, justifiant qu’on y applique des modèles unidimensionnels. Il est alors possible de valider et améliorer ces modèles et d’en déterminer les points faibles en comparant leurs résultats avec les données disponibles. Les modèles biogéo- chimiques ainsi validés sur la verticale peuvent ensuite être utilisés dans un contexte

3.3 La modélisation des écosystèmes planctoniques en Méditerranée nord-occidentale

tridimensionnel.

Les études de modélisation unidimensionnelle appliquées à la Méditerranée occi- dentale et dont nous rappelons brièvement les résultats se sont donc presque toutes consacrées à l’étude du point DYFAMED, à l’exception de celle de Allen et al. [2002]. Décrivant l’écosystème en fonction de la concentration des compartiments en car- bone, azote et silicium, Tusseau et al. [1997] ont montré l’importance de la produc- tion régénérée en période stratifiée, donc la nécessité de prendre en compte la boucle microbienne (bactéries, microzooplancton). Les auteurs suivants ont tous utilisés un modèle unidimensionnel fondé uniquement sur le cycle de l’azote. Lévy et al. [1998a] ont utilisé un modèle incluant un compartiment bactérien pour représenter la pro- duction primaire en Mer Ligure. Leurs résultats ont mis en évidence la nécessité d’inclure plusieurs groupes phytoplanctoniques et de prendre en compte l’influence de la profondeur de la couche de mélange sur le développement phytoplanctonique, la dépendance à la lumière du rapport entre la concentration en carbone et celle en chlorophylle et le processus de nitrification. Lacroix and Nival [1998] et Lacroix and Grégoire [2002] (ces derniers incluant explicitement les bactéries) ont montré l’influence de la variabilité météorologique saisonnière et interannuelle sur la produc- tion primaire en Mer Ligure, et ont aussi insisté sur la nécessité d’inclure la boucle microbienne dans les modèles appliqués à la Méditerranée. Chifflet et al. [2001] ont montré que le phosphore et l’azote sont certainement des éléments co-limitants de la production primaire en Méditerranée nord-occidentale, et qu’il est donc important de prendre en compte ces deux éléments dans les modèles biogéochimiques. Ces au- teurs ont également souligné la nécessité d’inclure plusieurs types de zooplancton. Mémery et al. [2002] ont évalué l’impact de la fréquence du forçage atmosphérique utilisé pour forcer le modèle hydrodynamique sur l’estimation des flux biogéochi- miques, montrant qu’il était nécessaire que ce forçage ait une résolution temporelle inférieure à quelques jours.

3.3.2

Vers des modèles multi-compartiments et multi-nutriments

Les études de modélisation unidimensionnelle ainsi que les observations ont mon- tré la nécessité de prendre en compte dans les modèles biogéochimiques un nombre suffisant de compartiments de l’écosystème pélagique et d’éléments chimiques suscep- tibles de contrôler le développement planctonique. Il apparaît notamment essentiel de représenter explicitement la boucle microbienne, d’augmenter le nombre de types de phyto- et zooplancton, et d’inclure le phosphore, mais aussi le silicium nécessaire aux diatomées, en particulier pendant l’efflorescence printanière. Les modélisateurs s’orientent par conséquent de plus en plus vers des modèles de type multi-nutriments et multi-groupes fonctionnels, prenant en compte plusieurs nutriments potentielle- ment limitants et un nombre croissant de groupes planctoniques ayant une "fonction" particulière dans la dynamique de l’écosystème [Le Quéré et al., 2005; Vichi et al., 2007]. Par ailleurs, les modélisateurs privilégient les formulations mécanistiques des processus, qui permettent une réelle représentation du mécanisme à l’origine du pro- cessus, par rapport aux formulations empiriques classiques [Baklouti et al., 2006]. De tels codes biogéochimiques permettent en principe de disposer d’un modèle très adaptable, applicable à des régions océaniques ayant des statuts trophiques variés. Allen et al. [2002] ont ainsi appliqué à plusieurs points de la Méditerranée un modèle

unidimensionnel prenant en compte le carbone, l’azote, le phosphore et le silicium, plusieurs tailles de phyto- et zooplancton et la boucle microbienne, pour comparer le fonctionnement de l’écosystème planctonique entre Méditerranée orientale et occi- dentale. Raick et al. [2005] ont utilisé en Mer Ligure un modèle fondé sur le carbone et l’azote, prenant en compte plusieurs tailles de zooplancton et phytoplancton, et incluant une représentation explicite de la boucle microbienne. Leur modèle repro- duit correctement les caractéristiques de l’écosystème pélagique planctonique dans cette région.

3.3.3

Les modèles couplés tridimensionnels

Les modèles couplés hydrodynamique-biogéochimique ayant été développés, va- lidés et améliorés dans leur version unidimensionnelle, leur utilisation dans un cadre tridimensionnel est alors possible. Quelques modèles couplé tridimensionnels ont ainsi été appliqués à l’étude de l’écosystème pélagique planctonique en Méditerra- née nord-occidentale.

Pinazo et al. [1996] ont implémenté un modèle couplé tridimensionnel, fondé sur les cycles du carbone et de l’azote, dans le golfe du Lion et ont montré l’influence de la circulation induite par le vent sur la production primaire, en particulier lors des épisodes de remontée d’eau profonde. Crise et al. [1998] ont examiné l’influence de la circulation générale sur l’écosystème planctonique en Méditerranée au moyen d’un modèle tridimensionnel fondé sur l’azote, un groupe phytoplanctonique et un compartiment de matière organique particulaire. Ceci leur a permis de mettre en évidence la variabilité spatiale et temporelle du cycle de production primaire, et d’émettre l’hypothèse que la distribution spatiale des nutriments était principale- ment gouvernée par la circulation océanique. Tusseau-Vuillemin et al. [1998] ont appliqué une version tridimensionnelle du modèle utilisé par Tusseau et al. [1997] pour quantifier les échanges entre le plateau du golfe du Lion et le large. Leurs ré- sultats montrent que les apports en nutriments dus au Rhône, aux sédiments et à l’advection jouent un rôle essentiel dans l’évolution de l’écosystème. Par ailleurs, le plateau semble jouer la plupart du temps un rôle de puits pour le nitrate, sauf en hiver, où le nitrate est exporté du plateau vers le large, notamment par le cascading (voir paragraphe 2.2.2). Lévy et al. [1998b, 1999a,b, 2000, 2001] ont couplé un modèle biogéochimique NPZD (adapté de Lévy et al. [1998a]) à un modèle hydrodynamique tridimensionnel pour effectuer des simulations académiques en Méditerranée nord- occidentale. Leurs résultats ont montré que la variabilité de l’écosystème n’était pas seulement temporelle mais aussi spatiale, et largement liée à la variabilité de la cir- culation océanique. Ces résultats ont notamment mis en évidence le rôle essentiel des processus de méso-échelle dans le fonctionnement des écosystèmes, tant sur la production que sur l’exportation vers les zones profondes, et ont remis en question la validité des modèles biogéochimiques forcés par des modèles hydrodynamiques de grande échelle, dont la résolution ne permet pas de représenter ces processus de méso-échelle. Crispi et al. [2002] ont examiné la variabilité spatiale de l’écosys- tème planctonique en Méditerranée au moyen d’un modèle tridimensionnel fondé sur l’azote et le phosphore et incluant une boucle microbienne, reproduisant correcte- ment le gradient trophique entre Méditerranée occidentale et orientale, dû en partie à la circulation générale.

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