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3. Le système nerveux central et la barrière hémato-encéphalique

3.3 La migration des cellules immunitaires au SNC

Le passage des leucocytes à travers l’endothélium a lieu lors de processus physiologiques comme l’immuno-surveillance et à une plus grande échelle lors d’inflammation où le microenvironnement est modifié. Lors du processus inflammatoire, les cytokines pro-inflammatoires présentes dans le SNC induisent l’expression de molécules d’adhérence, d’intégrines, de chimiokines, et de cytokines par les cellules endothéliales facilitant le passage des cellules immunitaire. La migration s’effectue en 4 étapes (Springer, 1994) telle qu’illustrée à la figure 9.

Figure 9: La migration transendothéliales des leucocytes.

Les cellules immunitaires suivent un processus en quatre étapes menant à leur migration à travers la BHE : (A) en premier lieu, les leucocytes roulent le long de l’endothélium via les protéines de la famille des sélectines. Suite au roulement, les cellules endothéliales sécrètent des chimiokines induisant l’activation des intégrines telles que LFA-1 et VLA-4, qui se lient aux molécules d’adhérence sur la BHE telles qu’ICAM-1, VCAM-1 et ALCAM. (B) Cette liaison entraîne l’arrêt des cellules immunitaires et la formation de « coupe de migration » menant à la migration des cellules par voie transcellulaire ou paracellulaire.

La première étape de la migration leucocytaire implique un contact initial entre le leucocyte et la cellule endothéliale médié par des sélectines et leur ligand. Ce premier contact permet aux cellules de ralentir et de rouler le long de la paroi endothéliale sous les forces du flux sanguin. La famille des sélectines comprend trois membres : L-sélectine (L pour leucocyte), P-sélectine (P pour plaquettes) et E-sélectine (E pour endothéliale). L-sélectine est exprimée uniquement sur les leucocytes alors que les deux autres types, E et P, sont exprimés par les cellules endothéliales (Kubes and Ward, 2000). L-sélectine peut se lier à GLYCAM-1 (glycosylation-dependent cell adhesion molecule 1), CD34 et MAdCAM-1 (mucosal vascular addressin cell adhesion molecule 1) à la surface des cellules endothéliales, alors que le ligand principal de P-sélectine est PSGL-1 (P-Selectin Glycosylated Ligand 1) et celui d’E-sélectine est ESL-1 (E-Selectin Ligand 1) (McEver and Zhu, 2010).

Ce contact entre les cellules endothéliales et les cellules immunitaires induit la sécrétion de chimiokines par les cellules endothéliales. La liaison des chimiokines à leur récepteur va permettre activation des cellules immunitaires qui vont augmenter leur expression d’intégrines permettant l’adhesion ferme des cellules à l’endothélium. MCP-1 (monocyte chemoattractant protein 1; CCL2), l’IL-8 (CXCL8) (Biernacki et al., 2001; Kebir et al., 2007), MIP-1α (macrophage inflammatory protein 1α; CCL4), IP-10 (Interferon gamma-induced protein 10) et RANTES (regulated upon activation, normal T- cell expressed, and secreted; CCL5) sont toutes des chimiokines importantes pour le recrutements des lymphocytes Th1 et Th17, ainsi que pour celui des monocytes (Engelhardt and Ransohoff, 2005; Mahad et al., 2006; Ransohoff, 2002).

La troisième étape consiste en l’adhésion ferme et l’arrêt des cellules immunitaires les préparant à leur extravasation. Cette étape s’effectue via la liaison entre les intégrines exprimées par les leucocytes et les molécules d’adhérence exprimées par les cellules endothéliales. Les intégrines sont des protéines hétérodimériques formées par l’association d’une chaîne α et d’une chaîne β. Les intégrines α4β1 (VLA-4, Very Late Antigen 4), αLβ2 (LFA-1, Lymphocyte Function associated Antigen 1) et α4β7 sont les intégrines les plus

impliquées dans les interactions leucocytes-cellules endothéliales. Leurs ligands appartiennent à la superfamille des immunoglobulines, comme ICAM-1 (Intercellular Cell Adhesion Molecule 1) et VCAM-1 (Vascular Cell Adhesion Molecule 1) (Biernacki et al., 2001; Greenwood et al., 1995; Prat et al., 2002; Wong et al., 1999). Plus récemment, ALCAM (Activated Leukocyte Cell Adhesion Molecule) a été identifiée comme étant une nouvelle molécule d’adhérence pouvant se lier de manière homotypique sur les monocytes et lymphocytes B ou hétérotypique avec CD6 exprimé sur les lymphocytes T (Cayrol et al., 2008).

La diapédèse des leucocytes à travers la BHE peut s’effectuer de manière paracellulaire ou transcellulaire. Avant de traverser la BHE, suite à l’adhésion ferme, les cellules immunitaires vont ramper le long de l’endothélium afin de trouver le lieu préférentiel pour migrer (Phillipson et al., 2006; Schenkel et al., 2004). Cette étape est médiée par l’interaction des intégrines avec les molécules d’adhérence, et va donner lieu à la formation d’une structure en forme de coupe par les cellules endothéliales nommée « coupe de migration ». Il s’agit de projections membranaires des cellules endothéliales riches en molécules d’adhérence et en molécules du cytosquelette présentes pour guider la diapédèse (Carman and Springer, 2004; Carman and Springer, 2008; Cayrol et al., 2008). Les différentes JAMs interagissent avec les intégrines telles que LFA-1 et VLA-4 tandis PECAM-1 (Platelet endothelial cell adhesion molecule 1) et CD99 interagissent de manière homotypique menant à un relâchement des JS, ce qui aura pour conséquence l’ouverture de la BHE (Ley et al., 2007; Muller et al., 1993; Nourshargh et al., 2006). Le mode de passage paracellulaire semblerait être le plus utilisé par les cellules immunitaires avec un dénombrement variant entre 60 et 80% des migrations observées (Carman, 2009). Parvenus dans le parenchyme, les cellules immunitaires suivent les gradients de chimiokines secrétées par les cellules immunitaires déjà présentes, les cellules nerveuses lésées et les cellules gliales.

En EAE et en SEP, les cellules endothéliales de la BHE surexpriment les molécules d’adhérence et l’inhibition de cette liaison avec les intégrines leucocytaires a rapidement

été ciblée pour contrer l’entrée des cellules immunitaires dans le SNC. L’injection d’anticorps monoclonaux dirigés contre les molécules d’adhérence ICAM-1 (Archelos et al., 1993), VCAM-1 (Engelhardt et al., 1998), ALCAM (Cayrol et al., 2008) ou leurs ligands, LFA-1 (Gordon et al., 1995) et VLA-4 (Yednock et al., 1992) ont démontré des effets bénéfiques en EAE en diminuant l’infiltration cellulaire et par conséquent, l’inflammation. D’ailleurs, suite aux études sur les souris, l’anti-VLA-4 a été testé chez les humains où des effets d’une étonnante efficacité ont pu être observés (Miller et al., 2003). Aujourd’hui, l’anti-VLA-4 fait partie d’une des cinq médications acceptées en SEP pour la forme RR-MS. Cependant, en raison de son extrême efficacité à bloquer le passage de toutes les cellules immunitaires dans le SNC, plusieurs patients ont été incapables de combattre une infection virale spécifique du SNC, soit le John Cunningham (JC) Virus, responsable de la leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), maladie démyélinisante sévère du SNC (Kleinschmidt-DeMasters and Tyler, 2005; Langer-Gould et al., 2005). Cet aspect sera traité avec plus de détails dans la prochaine section où il sera question des thérapies en SEP. Néanmoins, l’extrême efficacité à diminuer l’inflammation cérébrale par l’inhibition de la liaison des molécules d’adhérence aux intégrines laissent entrevoir la possibilité d’exploiter cette interaction dans le but de traiter la SEP.

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