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La loi de Leibniz et l’identité des indiscernables

Identité et discernabilité

3.2 La loi de Leibniz et l’identité des indiscernables

s et les s Une fonction entre un ensemble et un ensemble (

F G

X Y f :X ) estbijectivessi (i) elle est injective : à des éléments distincts de correspondent des éléments distincts de et (ii) elle est surjective : tout élément de provient, par , d’au moins un élément de . Une fonction bijective établit une correspondance ‘une-une’ entre deux ensembles.2

Frege voyait(HP)comme introduisant et justifiant la cohérence de la notion de ‘nombre naturel’. Il défendait cette thèse par analogie à l’introduction de la notion de ‘direction’ pour des lignes droites par :

(Dir) Si et sont des droites : la direction de

Y

X Y

Y f X

x y x=la direction dey⇔ et sont

paral-lèles.

3.2 La loi de Leibniz et l’identité des indiscernables

Par “la loi de Leibniz” nous désignons le principe suivant d’indiscernabilité des identiques:3 (LL)

x y

∀x, y∃F((F x∧ ¬F y)→x6=y

Si deux choses sont discernables, elle ne sont pas identiques ; ou, par conversion, deux choses iden-tiques sont indiscernables.4Ce principe semble incontestablement vrai, au moins pour certains prédi-cats “

)

”. Avec la prémisse supplémentaire que les prédications en question tombent sous la portée du quantificateur dans(LL), la loi de Leibniz a été utilisée pour argumenter

1. pour la nécessité de l’identité et la différence (cf. ci-dessous, p. 20); 2. pour une distinction entre

-à-F x

a t1eta-à-t2(fürt16=t ) (cf. sct. 12.2);

3. pour une distinction entre la statue et le bloc de marbre qui la constitue (cf. sct. 12.1).

Est-ce que nous pouvons utiliser(LL) (ou

2

∀x, y∀F ((F x∧x= y)→ F y ) pourdéfinirle prédicat d’identité?5Ceci dépend de l’expressibilité de notre langue. Pour une langue très simple, ne contenant que quatre prédicats (“

)

”,à une place,“ ” et “ ,à deux places, et “ ”,à trois places), nous pourrions définir un prédicat à deux places comme suit (cf. Quine 1970: 63):

(ID)

A B C D

x=y

⇐⇒

(Ax

Ay)

∧ ∀

z(Bzx

Bzy)

∧ ∀

z(Bxz

Byz)

∧ ∀

z(Czx

Czy)

∧ ∀

z(Cxz

Cyz)

∧ ∀

z, w(Dzwx

Dzwy)

∧ ∀

z, w(Dzxw

Dzyw)

z, w(Dxzw

Dyzw

2Plus formellement, on dit qu’une fonction

)

f:IJest injective si tout élément def(I)est l’image d’un seul élément de . Autrement dit, est injective si et seulement si :

I f f(x) =f(y)x= . L’injectivité d’une fonction se traduit également par le fait que tout élément de admet au plus un antécédent par dans . On dit qu’une fonction

y

J f I f:IJest surjective si

f(I) =J, autrement dit si tout élément deJest l’image parfd’au moins un élément de . On dit qu’une fonctionI f:I est bijective si elle est à la fois injective et surjective.

3“Loi de Leibniz” est parfois utilisé pour le principe de l’identité d’indiscernables(II), discuté ci-dessous, parfois pour la conjonction de(LL)et(II).

4Nous appelons “conversion” le principe que

J

pq` ¬q→ ¬.

5Il faudrait de toute manière aussi ajouter un axiome qui le contraint à être réflexif : p

x(x=x).

3.2 La loi de Leibniz et l’identité des indiscernables 19 Il semble clair, cependant, qu’une telle “définition” ne serait pas adéquate : rien ne nous empêche d’ajouter d’autres prédicats à notre langage très simple et distinguer des choses qui étaient auparavent pris pour ‘identiques’.

(LL)se heurte aux phrases ouvertes obtenues à partir d’un contexte opaque (dans lequel la variable a une occurrence qui n’est pas référentiellement transparente). Même si la phrase suivante est vraie (PG) Philipp croit que Tegucigalpa est au Nicaragua.

il est bien possible que la suivante soit fausse

(PG) Philipp croit que la capitale du Honduras est au Nicaragua.

La phrase ouverte “

0

est tel que Philipp croit de qu’il est au Nicaragua” semble donc distinguer Tegucigalpa de la capitale du Honduras, même si Tegucigalpa estla capitale du Honduras. Quine (1943) en a conclut que “Philipp croit que.. .” introduit un contexte opaque à l’intérieur duquel les termes singuliers n’ont pas utilisés pour parler d’objets.

Malgré ces problèmes, il est généralement admis que(LL) est vraie sans restrictions pour toute in-vestigation ontologique. Cependant, la restriction aux contextes transparents est plus problématique qu’il n’y paraît. Il semble qu’elle présuppose déjà des considérations ontologiques.6 Pour voir ceci, considérons un fameux exemple de Quine (1953c):7

(GG) Giorgone est appelé ainsi (‘so-called’) à cause de sa taille.

Même si Giorgone est Barbarelli, il semble faux de dire que (BB) Barbarelli est appelé ainsi à cause de sa taille.

parce que Barbarelli/Giorgone a reçu seulement un nom à cause de sa taille. Une réponse plausible à ce problème consiste à restreindre les prédications en(LL) à celles qui attribuent des propriétés ou à celles qui peuvent être modelés par des ensembles :

(LL1)

Heureusement, nous avons aussi une version méta-linguistique de Williamson (2002) qui est aussi générale que(LL)mais résoud le problème de Giorgone :

(LL3)

Soit une intérpretration qui assigne un objet à une constante “ ”,

x y

phrase est vraie relativement à mais n’est pas vraie relativement à

a

s I I, alorso6=o .

Comme nous n’avons qu’une seule occurrence de “

” dans cette version du principe, nous ne sommes pas contraint de dire que Giorgone et Barbarelli sont deux personnes différentes : il n’y a pas d’autre objet à assigner au terme singulier que Giorgone/Barbarelli et nous n’obtenons donc pas deux intér-prétations différentes.

6L’opacité d’un contexte n’est pas toujours évident : la non-substituabilité de “Clark Kent” et “Superman” et de “Phosphorus”

et “Hesperus” nous motive par exemple de considérer “

a

est préféré par Lois Lane à Clark Kent” et “Il est informatif d’affirmer que est identique à Hesperus” comme opaques, même s’ils nous informent sur ce qui est le cas.

7Dans ce qui suit et dans ce qui précède, je suis l’excellente discussion de Hawthorne (2003).

x x

20 3. Identité et discernabilité Nous appelons la converse de(LL)le principe d’identité des indiscernables:

(II) ∀x, y∃F(x6=y→(F x∧ ¬F y

Si deux choses ne sont pas identiques, alors elle sont discernables ; ou, par conversion : si deux choses sont indiscernables, alors elles sont identiques. Pour montrer que(II)n’est pas une vérité nécessaire, Max Black (1952) nous demande de considérer un monde ne contenant que deux sphères qui sont qualitativement identiques mais se trouvent à une distance de 2 km :

“Isn’t it logically possible that the universe should have contained nothing but two exactly similar spheres ? We might suppose that each was made of chemically pure iron, had a diameter of one mile, that they had the same temperature, colour, and so on, and that nothing else existed. Then every quality and relational caracteristic of the one would also be a property of the other. Now if what I am describing is logically possible, it is not impossible for two things to have all their properties in common.” (Black 1952: 156)

Est-ce qu’un tel monde est possible ? Une raison possible de nier sa possibilité serait la suivante : de quel droit parlons-nous dedeuxsphères si nous arrivons pas à les distinguer ? Est-ce que nous ne les distinguons pas déjà en parlant de deux sphères et en leur donnant des noms différents ?

Comme l’a montré van Fraassen (1991), tout ce qui est requis pour nommer les sphères est l’existence d’une bijection entre elles et deux noms :“sphère

))

” et “sphère ” sont deux noms distincts et discernables et tout ce qui est requis pour nommer les deux sphères est d’établir une correlation (une bijection) entre eux et ces deux noms. Pour distinguer les deux bijections possibles, il suffit que les sphères soient numériquement différents (une différence qualitative, une différence dans leurs propriétés, n’est pas requise).

Quelqu’un qui pense que (II)n’est pas nécessaire ou, au moins, qu’il n’est pas évident que (II)est nécessaire, nie l’existence de propriétés individualisantes (comme est identique à ), souvant appelés des “haeccéités”.8

Appelons deux choses “absolument discernable” s’il existe une prédicat à une place (une phrase ouverte qui contient une seule variable libre) dans notre langage qui est vraie de l’un mais est fausse de l’autre ; appelons-les “relativement discernable” s’il existe un prédicat à deux places dont la prédication donne une phrase fausse si un seul des objets est assigné comme valeur aux deux variables, mais donne une phrase vraie si les deux objets sont assignés comme valeurs (cf. Quine 1960: 230). Les deux sphères ne sont pas absolument discernables, mais elles sont relativement discernables, par exemple par le prédicat “ se trouve à une distance de 2 km de ”. Mais il s’agit d’une simple conséquence du fait que nous avons stipulé l’existence dedeuxsphères, et ne relève pas d’incohérence dans notre stipulation.

(LL) figure dans l’argument pour la nécessité de l’identité:9

est identique avec . prémisse

(1)

est nécessairement identique avec . prémisse (2)

Il est vrai de qu’il est nécessairement identique avec . de(2) (3)

Il est vrai de qu’il est nécessairement identique avec . de(3)et(1)avec(LL) (4)

est nécessairement identique avec . de(4) (5)

8Nous reviendrons,à la page 28 et dans la sct. 6.3, aux haeccéités, les définissant comme des propriétés qui distinguent

A B toute autre chose, même d’une une contre-partie exactement similiaire à .

9Plus ou moins cet argument se trouve dans Kripke (1980) et dans Wiggins (2001).

a a