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LA LEARNING LIBRARY : APPRENDRE À APPRENDRE

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UN CHANGEMENT DE PARADIGME

L’atelier porta sur les résultats de la recherche en sciences de l’éducation. Chacun apprenant différemment, l’enseignement doit être le plus person- nalisé possible pour être efficace. La forme traditionnelle du cours, avec un formateur transmettant de manière uniforme son savoir à un public, n’est pas appropriée à la recherche documentaire ; les étudiants ont des besoins différents selon leur niveau d’études et l’offre documentaire est en perpétuel changement. La teaching library se transforma alors en une learning library. Ce nouveau concept repose sur un changement de para- digme : il ne s’agit plus d’apporter des contenus, qui se périment très rapidement et ne sont pas forcément utiles au moment où on les enseigne, mais de faire naître une attitude positive à l’égard de la documentation.

QUELLES COMPÉTENCES POUR LES ÉTUDIANTS ?

Le but des formations n’est plus de maîtriser les arcanes de la recherche documentaire. Ce qui compte, c’est le comportement des étudiants qui doit être un mélange de curiosité et de doute. L’important est d’adopter la démarche suivante : « j’ai besoin de documentation, je vais à la biblio- thèque, je peux faire des recherches moi-même ou demander des conseils aux bibliothécaires ». Savoir ce qu’est un OPAC n’a que peu d’intérêt, il sera peut-être remplacé par une nouvelle technologie dans quelques années et l’étudiant qui aura appris à l’utiliser risque de se trouver désemparé au moment où il aura le plus besoin d’information. Au lieu d’accumuler des

connaissances, vite oubliées faute d’être pratiquées, les étudiants doivent apprendre à apprendre. L’objectif est qu’ils se sentent à l’aise dans la bibliothèque, qu’ils s’y comportent de manière autonome, avec curiosité et en ayant confiance en eux.

Afin de susciter ce changement d’attitude avant même l’entrée à l’univer- sité, la bibliothèque a développé, à l’intention des lycéens, le projet « Affamé

de savoir61», en partenariat avec la bibliothèque municipale de Cassel.

DÉROULEMENT DES COURS

Chaque bibliothèque thématique élabore une offre d’exercices adaptée aux besoins des différents cursus. Ils sont obligatoires dans certaines filières de Licence ou de Master. Ils peuvent commencer au premier semes- tre de la Licence ou seulement en Master. Certaines bibliothèques théma- tiques proposent trois niveaux de formation en fonction des diplômes : découverte de la bibliothèque, recherche documentaire simple, recherche spécialisée. Le contenu est préparé par les professionnels. À la biblio- thèque Murhard, les participants doivent pendant une séance rechercher une monographie et un périodique, se rendre dans la salle de lecture et dans le département spécialisé sur la Hesse.

La bibliothèque collabore avec les professeurs : chaque enseignant s’en- gage à venir au moins une fois avec ses étudiants durant une heure de cours. La séance de recherche documentaire ne s’ajoute pas à leur emploi du temps. Les groupes sont ainsi homogènes, les participants se connais- sent, travaillent sur le même thème, avec les mêmes objectifs et les mêmes contraintes. Le travail en commun entre étudiants, bibliothécaires et ensei- gnants est de ce fait facilité. Pour toucher les enseignants, la bibliothèque s’appuie sur les contacts existants entre les bibliothèques thématiques et les disciplines desservies, et elle présente son concept de learning library

61. En allemand : Wissenshungrig. Ce projet s’inspire des Idea Stores de Londres, qui regroupent une bibliothèque publique et un centre de formation pour le grand public et dont le travail repose sur une coopération étroite entre plusieurs partenaires. Après un stage à Londres en 2003, Susanne Rockenbach s’est inspirée de ce concept pour mettre en place le partenariat avec la bibliothèque municipale de Cassel. Une initiation à la recherche documentaire est dispensée aux lycéens à la bibliothèque munici- pale en appliquant les mêmes principes pédagogiques qu’à la bibliothèque universitaire.

lors du séminaire annuel d’accueil des nouveaux professeurs à la confé- rence des doyens de l’université.

Chaque séance dure quatre-vingt-dix minutes et comprend deux parties. Le bibliothécaire accueille les étudiants (jusqu’à 80 par séance), leur explique le déroulement de l’exercice et constitue des groupes de trois ou quatre personnes. Chaque groupe reçoit une liste d’exercices à effectuer en quarante-cinq minutes. Ils se mettent immédiatement au travail, s’or- ganisent et travaillent en totale autonomie. Ensuite, chaque petit groupe présente aux autres le résultat de ses recherches ; la discussion et les questions s’organisent entre eux, ils interpellent rarement le bibliothé- caire.

LE BIBLIOTHÉCAIRE MODÉRATEUR PLUTÔT QUE FORMATEUR

Ce changement de paradigme a permis de résoudre le problème du manque de personnel et de surcharge de travail des équipes de la bibliothèque. Cette méthode nécessite moins d’investissement de la part des profes- sionnels et permet même de proposer plus de cours. Le bibliothécaire n’enseigne plus, ne prépare pas d’exposé ; il explique simplement le dérou- lement de la séance. Il place d’emblée la réussite de l’exercice entre les mains des participants, il ne donne pas de « bonne » méthode mais laisse chacun trouver et utiliser la sienne. Lors de la restitution, il n’est pas dans la position du dépositaire d’un savoir à transmettre à un public censé ne pas savoir, il est le modérateur. Son rôle se limite à répartir les temps de parole, repérer les étudiants un peu « perdus », répondre aux ques- tions nécessitant une réponse professionnelle et intervenir en cas d’er- reur. La méthode demande un temps de préparation très court et aucune formation particulière. Le bibliothécaire est libéré de l’obligation illusoire de faire un cours exhaustif.

Les étudiants sont ravis de ne pas suivre un enseignement classique, d’être actifs dès le début, de s’organiser et de se déplacer dans la bibliothèque à leur guise. Ils apprécient surtout qu’on leur fasse confiance. Ces exercices servent à provoquer un déclic. L’aide à la recherche concrète et précise a lieu dans un second temps ; l’étudiant pourra bénéficier d’une aide person- nalisée au moment où il en aura besoin, par exemple lors de la rédaction

du mémoire de fin d’études. Il lui suffira de prendre rendez-vous avec un bibliothécaire.