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La grammaire du français :

Dans le document La communication mediee par ordmateur (Page 96-106)

B- Les morphogrammes :

3- La grammaire du français :

Le Dictionnaire Larousse en ligne la définit comme étant « L’ensemble des

règles qui président à la correction, à la norme de la langue écrite ou parlée. » (www. larousse.fr/dictionnaires /français /grammaire /37802)

Cet art d’écrire et de parler d’une façon correcte n’est qu’un ensemble de règles (variables suivant les époques) établies conventionnellement pour déterminer un usage correct de la langue parlée et de la langue écrite. Il est alors important de signaler que « La notion de grammaire évoque l’exercice

d’une langue et est associée à celle de normes caractérisant diverses manières de parler et d’écrire. » (www.cnrtl.fr/definition/grammaire.)

Ceci induit que la grammaire représente l’ensemble des règles qui commandent la langue parlée et la langue écrite, du moment qu’elle représente « un art qui enseigne à écrire et à parler correctement. » (Idem) Dès sa genèse, la grammaire tend à codifier et à éditer « […] l’ensemble des

règles faisant autorité dans un parler donné en vertu d’une norme établie par les théoriciens ou acceptée par l’usage. » (P. Guiraud, 1967 :5).

Ce principe dégage un certain art d’écrire basé essentiellement sur ce que nous appelons « la grammaire normative ». Certes, le terme de

Première partie chapitre3 : L’écriture entre norme et créativité

« grammaire » a traditionnellement existé dans les manuels scolaires et dans les programmes universitaires ; mais selon P. Guiraud (1967), il serait d’une meilleur terminologie de parler de « linguistique » ou celui de « sciences du

langage » définie comme étant « l’étude systématique des éléments constitutifs de la langue : sons, formes, mots, constructions […] » (1967:6)

Cependant, on ne saurait parler de grammaire sans évoquer la « grammaire

classique » de Port-Royal (1660). Les grammairiens de cette école se fixaient

comme objectif l’explication claire et simplifiée des usages particuliers afin de distinguer entre les formes correctes et celles qui ne le sont pas. En d’autres termes, c’est la théorie de la représentation et de la signification qui exprime la pensée humaine. Cette perspective domina jusqu’à la fin du 18ème

siècle.

Mais l’avènement d’une nouvelle théorie saussurienne (au vingtième siècle) a donné un coup de pousse à plusieurs courants en Europe et en Amérique qui ont essayé d’établir des lois et des méthodes pour analyser le langage des sujets parlants. Les recherches ont abouti à ce que nous appelons « la

syntaxe » conçue comme étant l’étude des« […] règles de combinaison des unités linguistiques »(D. Maingueneau,1996 :9). Cette grammaire focalise

essentiellement sur l’étude de la phrase surtout écrite car « […] La norme du

français est établie sur le modèle de l’écrit. L’oral est critiqué par la norme prescriptive » (M. Riegel, J-C. Pellat&R. Rioul,1994 :55) ; ceci veut dire que

traditionnellement, la grammaire focalise implicitement sur la langue écrite conçue comme objet privilégié d’étude au détriment de la langue orale.

Certes, le français écrit et le français parlé partagent beaucoup de structures communes, mais « Le rapport de l’oral et de l’écrit change avec le temps ;

alors que l’oral continue d’évoluer régulièrement, l’écrit tend à se fixer » (M.

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plus en plus à l’étude de la syntaxe de l’oral pour compléter toute description dite grammaticale de la langue française. C’est le cas, par exemple de M. Riegel, J-C. Pellat et R. Rioul qui proposent dès 1994 une analyse comparative du discours oral par opposition à l’écrit ; et ce pour mettre en relief certaines caractéristiques grammaticales, voire syntaxiques qui identifient les points communs et les différences entre les deux. Cette tentative témoigne de l’importance accordée de nos jours à l’oral (surtout français) parce qu’il représente l’une des marques identitaires des sujets parlants appartenant à une communauté linguistique donnée. En plus, la distinction entre l’oral et l’écrit est actuellement remise en question avec l’avènement des nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication qui font introduire « […] de l’oral dans l’écrit » (M. Riegel, J-C. Pellat&R. Rioul,1994 : 53).

En fait, la communication électronique instantanée (tchat) s’éloigne de la conception normative de l’écrit standard, puisqu’elle présente un déroulement discontinu : elle englobe des reprises, des inachèvements, des autocorrections, des déconnexions, des ratés et énormément de fautes orthographiques. Quant à l’échange, il se déroule harmonieusement car les « tours de paroles » (J. Anis, 1999 :76) sont successifs et équilibrés : chacun des participants transcrit son message, l’envoie et donne le temps à son destinataire pour qu’il réponde à son tours. Ce dernier donne souvent des réponses d’ordre elliptique car il ne produit que les éléments demandés par son interlocuteur. Jacques Anis rejoint cette idée et confirme que « Dans les systèmes de conversation à deux, c’est

en général la règle de l’alternance qui s’applique » (J. Anis, 1999 :76).

Revenons, maintenant, à la syntaxe de l’oral (M. Riegel, J-C. Pellat &R. Rioul,1994 :63-66) où l’on dégage les caractéristiques suivantes :

3-1-Caractéristiques syntaxique de l’oral/l’écrit :

Première partie chapitre3 : L’écriture entre norme et créativité

3-1-1-Usage fréquent des deux premières personnes du singulier :

A l’oral, il est très fréquent d’utiliser le « je » (remplacé souvent par le « on ») et le « tu » impliquant directement son interlocuteur.

3-1-2-Simplifications de l’oral :

Le discours oral englobe une omission régulière de « ne » négatif et la formation de l’interrogation à base d’intonation marquée par le point d’interrogation « ? » ou par l’expression « est-ce que ».

3-1-3-Juxtaposition et subordination :

Dans le discours oral, les locuteurs ont tendance à employer la juxtaposition et évitent toute sorte de juxtaposition.

3-1-4-Formes du discours rapporté :

A l’oral, la majorité des sujets parlants évitent le discours rapporté et font usage du discours direct.

3-1-5-Procédés fréquents de mise en relief :

Le discours oral comporte des structures emphatiques pour donner plus d’expressivité au message. Il est même fréquent d’utiliser des phrases nominales ou simplement des adjectifs isolés pour des besoins d’économie.

3-1-6-Connecteurs :

Les locuteurs font usage des marqueurs de structuration ;tels que alors, voilà, quoi,…etc. Comme ils emploient des termes qui attirent et maintiennent l’attention de leurs interlocuteurs : bon ! N’est-ce pas ?

3-1-7-Répétitions de termes ou de structures :

A l’oral, nous observons une tendance à répéter les mots pour plusieurs raisons : des ratés, des reprises, des procédés stylistiques,…etc.

3-1-8-Importance des déictiques :

L’oral est marqué par la fréquence d’emploi des déictiques tels que le « ça » qui peut avoir plusieurs fonctions :

-« ça »utilisé dans une phrase emphatique (faire du sport, ça fatigue)

-« ça »qui s’emploie dans une forme particulière de phrase impersonnelle (ça bouchonne sur l’autoroute)

3-1-9-Importance des présentatifs :

Le discours oral comporte beaucoup plus de présentatifs que l’écrit ; tels que l’usage excessif du « c’est ».

3-1-10-Emploi de termes expressifs :

De nombreux termes sont utilisés à l’oral en vue d’exprimer ses émotions ; comme les interjections dont la valeur dépend de la situation de communication ou alors les onomatopées ayant souvent une valeur expressive.

Etant un genre hybride, le discours électronique regroupe un nombre important de caractéristiques repérables dans le discours oral ; telles que l’omission du « ne » de négation, l’usitée des deux premières personnes du singulier, la formation particulière de l’interrogative, l’usage des termes expressifs ;…. Dans notre analyse du corpus, nous nous baserons sur certains ce ces traits distinctifs pour compléter notre grille d’analyse adaptée.

Par la suite, notre corpus témoigne d’une large créativité propre à chacun des tchateurs participant à une conversation en ligne ; raison pour laquelle nous traitons la notion de créativité qui touche l’écriture du français en tchat :

4-La créativité lexicale :

La langue conçue comme système assure la communication entre les différentes générations de sujets parlants d’une communauté donnée ; raison pour laquelle, la notion de « la continuité de langue » persiste en dépit de tout changement lié à son histoire.

Certains historiens de la langue se demandaient si cette continuité ne se baserait pas sur « la chronologie différenciée de l’évolution des différentes

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Ces spécialistes de la langue focalisent sur le changement en étudiant les transformations des constructions et du lexique dont la totalité représente l’évolution de la langue en question, dans une période par rapport à celle qui la précède. Or, l’étude du changement linguistique doit prendre en compte l’activité créatrice du sujet en rapport avec l’usage et la norme qui le gouverne. ; citons en particulier Hjelmslev qui traite cette relation étroite affirmant que :

« Norme, usage et acte sont intimement liés et se ramènent naturellement à

ne constituer qu’un seul objet véritable, l’usage, par rapport auquel la norme est une abstraction et l’acte une concrétisation. C’est l’usage seul qui fait l’objet de la théorie de l’exécution ; la norme n’est en réalité qu’une construction artificielle,et l’acte d’autre part n’est qu’un document passager » (L. Hjelmslev, 1971 :87-88)

Cette constatation fait que la notion d’ « usage » soit considérée comme étant synonyme du concept de « créativité » qui rejoint « l’activité du langage » traitée par les théories linguistiques principales. Par ailleurs, Hjelmslev affirme que la structure de la langue la rend ouverte à la création lexicale pour des raisons d’enrichissement ; c’est-à-dire que la communauté linguistique possède le pouvoir d’introduire de nouveaux termes ou bien d’écarter ceux qui ne sont plus en usage ; répondant ainsi aux besoins linguistiques des individus « La communauté peut recourir à ce que Hjelmslev nomme

néologisme ;c’est-à-dire la formation ces signes complètement nouveaux à partir des règles relatives à la formation des syllabes » (L. Guilbert ,1975)

Revisitons également la théorie saussurienne,où toute créativité linguistique résulte du rapport dit « dialectique » (idem :21) entre la langue et la parole. En effet, F. de Saussure propose une conception sociale de la créativité

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un «[… ]ensemble des habitudes linguistiques qui permettent à un sujet de

comprendre et de se faire comprendre » (1916 :112) et « […] un système grammatical existant virtuellement dans chaque cerveau,ou plus exactement les cerveaux d’un ensemble d’individus ;car la langue n’est complète dans aucun,elle n’existe parfaitement que dans la masse. » (1916 :30)

La parole, quant à elle, est « un acte individuel de volonté et

d’intelligence,dans lequel il convient de distinguer :1° les combinaisons par lesquelles le sujet parlant utilise le code de la langue en vue d’exprimer sa pensée personnelle ;2° le mécanisme psycho-physique qui lui permet d’extérioriser ces combinaisons. » (F. de Saussure, 1916 : 30)

Ceci implique que la langue (selon L. Guilbert) n’est qu’un code traduit par une création d’énoncé (en tant qu’acte linguistique) dépendant de la masse parlante qui décide du changement et de l’évolution de toute langue ; et ce, en fonction du temps. En fait, même un signe linguistique, conçu comme la combinaison d’un signifié et d’un signifiant, ne pourra échapper à l’action du temps « en raison même de sa constitution et de sa nature arbitraire » (F. de Saussure :23).

Chomsky propose une distinction entre la notion de « compétence » et celle de « performance » qui s’apparente à la différenciation langue/parole de Saussure ;tout en focalisant sur l’idéalisation du locuteur-auditeur qui s’éloigne à son tours de l’aspect social de l’usage. Notons que la norme sociale, écartée par N.Chomsky,e st remplacée par le concept de « règles

syntaxiques » définies comme étant « […] les règles qui caractérisent les séquences bien formées d’unités syntaxiques minimales qui assignent une information structurale de nature diverse à ces séquences aussi bien qu’aux séquences qui s’écartent en quelque façon de la bonne formation. » (1975

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N. Chomsky considère le changement comme infraction ; mais du moment qu’il parle d’ « infractions aux règles comme procédés stylistiques »,elles peuvent être source de création et deviennent par la suite permanentes :

« Il semble donc qu’on puisse délimiter le concept de changement chez

Chomsky en le situant d’une par dans le domaine de la performance et,d’autre part,dans le champ des formants lexicaux de la phrase. » (L.

Guilbert,1975 :24-25)

En somme, ces principales théories linguistiques traitent soigneusement l’acte linguistique et la créativité qui n’est que l’activité de langage ;tout en excluant le concept de « norme » qui contrait l’activité créatrice chez l’individu.

Il nous importe de signaler que le changement linguistique se produit d’abord au niveau de l’oral où paraissent des transformations phonétiques telle que la variation des accents suivant les régions et le niveau social. Par opposition aux mutations orales,les modifications graphiques :

« […]se caractérisent par le décalage avec l’évolution phonique,le

désordre des formes de transcription du son défiant toute loi,et par la subordination étroite à des règles édictées en fonction de l’usage. De là, naît la revendication de la simplification de l’orthographe par une transcription plus directe de la prononciation. Ce qui est écrit,en effet,faisant l’objet d’un enseignement,résiste aux changements,parce que le message,dès lors,est étroitement codifié selon des règles dont l’observance constitue une norme sociale. » (L. Guilbert,1975:27)

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Cependant, le système grammatical des langues reste plus stable et plus résistant aux changements puisqu’il constitue la base de chacune de leur structure linguistique.

En fait, l’ensemble des règles qui constituent ce système se basent essentiellement sur la structure logique des énoncés ancrée dans le cerveau de l’individu, dès son jeune âge. Ce qui explique la rareté et la lenteur de toute mutation grammaticale en comparaison avec la mutation phonétique (considérée comme un peu plus rapide que la grammaticale). Rappelons dès lors que tout changement grammatical (qui ne touche qu’à la structure de surface) n’est autorisé que par des lois académiques et non par de simples sujets parlants.

Etudions, e n c e m o m e n t , le lexique qui (en vertu de sa dualité : signifié/ signifiant) se caractérise par sa mobilité « en raison de sa fonction

référentielle » (L. Guilbert,1975:28). En fait, les unités qui forment les phrases

subissent des transformations rapides et contribuent à l’enrichissement de la langue et à son évolution ; ce changement se produit par «[…] une

modification quantitative, par une addition à la masse lexicale,où les règles de la grammaire n’interviennent pas,si l’on assimile les règles de grammaire à la seule syntaxe. » (L. Guilbert,1975:30)

Dans notre travail de recherche, nous focalisons sur une créativité graphique qui s’écarte délibérément de la norme orthographique. J. Anis parle de « néographie », et affirme que « Ce caractère délibéré se manifeste par la

saillance de procédés tels que l’abréviation, la simplification phonétisante, la transcription de prononciation s’écartant du français soutenu,…etc ; il atteint son paroxysme avec le verlan. » ( 1999 [1998]:86)

Première partie chapitre3 : L’écriture entre norme et créativité

Toutefois, l’utilisation de la néographie peut entraîner des perturbations au niveau des routines d’écriture et celles de lecture, par conséquent «[…] les

néographies doivent toucher des mots fréquents ou des familles entières pour devenir elles-mêmes routinières et ne pas ralentir la scription et éventuellement se banaliser dans le groupe » (J. Anis,1999[1998] : 86).

Conclusion partielle :

Dans la partie pratique, nous reprenons la notion de « néographie » (dans la grille d’analyse adaptée) qui regroupe un certain nombre de traits applicables sur les tchats (pris comme objet d’étude) signés par de jeunes internautes algériens s’exprimant en français. En fait, la notion de « néographie » reprise et définie par J. Anis, regroupe toutes les graphies qui s’éloignent du système orthographique étudié soigneusement dans ce chapitre théorique, donnant naissance à une créativité originale touchant au lexique, à la morphologie et à la syntaxe du français.

Cette technique vise le raccourcissement des messages échangés en un laps de temps via Internet, et tend à s’appliquer dans d’autres formes de l’écrit ; raison pour laquelle, nous tenterons d’élaborer une grille d’analyse adéquate (regroupant les néographies et les traits syntaxiques) pour mener à bien une analyse aussi complète que possible de nos tchats.

Dans le document La communication mediee par ordmateur (Page 96-106)

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