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1.1. Généralités

Lřorigine de la notion de gouvernance semble opposer deux points de vue. En effet, en fonction de lřappartenance à la discipline des politiques et juridiques ou des sciences des or- ganisations, la conception de lřorigine de la notion diffère. Dans le domaine politique et juri- dique, lřorigine de la notion est attribuée aux organisations internationales de développement avec un sens relatif à lřefficacité gouvernementale. Dans cette perspective Michael Bratton et Donald Rothchild rappellent lřhistorique du concept en ces termes: « Le concept de gouver-

nance s’est récemment frayé un chemin dans le lexique de la politique comparée en emprun- tant un itinéraire inattendu. Ce sont les praticiens des organisations de développement inter- national qui l’ont adopté les premiers ; ils lui donnaient au début le sens limité de fonction- nement efficace d’un gouvernement. Après l’indépendance politique, les dirigeants africains se sont tournés vers les organisations d’aide et de prêt, afin d’obtenir quelque assistance pour la création d’organismes de gouvernement et pour la formation de fonctionnaires habili- tés à faire appliquer les décisions politiques. A l’époque, dans les années 1960, ce mode d’activité d’aide portait de préférence le nom de création des institutions - on ne parlait pas encore de gouvernance, nom qui finit par disparaître du vocabulaire de l’aide, à mesure que les pays récipiendaires commençaient à se suffire à eux-mêmes et que leur personnel qualifié devenait opérationnel. Dans les années 1980, cependant, en particulier par rapport à l’Afrique, « governance » connut un regain de faveur sous l’autorité morale de la Banque

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mondiale, en tant qu’initiative de « développement » institutionnel « des capacités », sous le nom de « governance for development »26 »27. Les économistes du développement et les théo- riciens des organisations quant à eux semblent trouver lřorigine de la notion de gouvernance dans le milieu économique. La notion de gouvernance serait née en France au XII siècle et renvoyait à la direction des bailliages (Defarges, 2003). Au XIII siècle la notion de gouver- nance équivalait aux concepts de « gouvernement, juridiction, puissance en général » (Diou- bate, 2008, p148). Le sens étymologique de la notion est identique à celle du concept de gou- vernement, autrement dit gouvernance vient du verbe grec Kubernân qui signifie « diriger ou piloter le navire ». Cřest au XIV siècle que la notion serait passée dans la littérature anglaise par la notion de « governance » qui signifie lřaction ou la manière de gouverner. Le concept de « governance » émergera dans la littérature anglo-saxonne au travers des travaux dřéconomistes américains parmi lesquels Coase R. (1937) qui publia un article intitulé « The

nature of the firme » dans lequel il évoque les modes de coordination et les coûts de transac-

tions dans le fonctionnement des firmes. Drucker Peter (1957, 1973) affirmait que « la gou-

vernance d’entreprise consiste à mettre au point et à respecter des règles qui guident et limi- tent la conduite de ceux qui agissent au nom de l’entreprise »28

. Enrichie par dřautres éco- nomistes comme North (1991), Ménard (1995), Williamson (1996), la notion sera définie comme « l’ensemble des dispositifs mis en œuvre la firme pour mener des coordinations effi-

caces qui relèvent de deux registres : protocoles internes lorsque la firme est intégrée (hié- rarchie) ou contrats, partenariats, usage de normes lorsqu’elle s’ouvre à des sous traitant »

(Dioubate B., op cite p.143).

Bien dřautres auteurs, aussi bien dans le domaine économique que politique, à travers leurs ou- vrages, pour la plupart collectifs, développent le débat théorique au sein des milieux intellectuels et universitaires. Nous pouvons citer, à ce propos, lřouvrage de référence Governance Without Govern-

ment: Order and Change in World Politics codirigé par James Rosenau et Ernest Czempiel en 1992,

Modern Governance sous la direction de Jan Kooiman (1993), Democratic Governance publié par

James March et Johan Olsen (1995), Le gouvernement de l'entreprise : Corporate Governance, Théo- ries et faits de Charreaux G. et al., (1997). Plus récemment, gouverner les organisations coordonné

26Banque Mondiale, Pouvoir au service du développement » - Banque mondiale, 1989, p. 60

27Bratton M. et Rothchild D. « Bases institutionnelles de la gouvernance en Afrique », in Goran, Hyden & Brat-

ton, Michael, Gouverner l’Afrique, Nouveaux Horizons, 1992.

28 Drucker P. La pratique de la direction des entreprises, Editions dřorganisation, Paris, 1957 et Management

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par Hervé Dumez (2004), Gouvernance et Privatisation de Pesqueux Y. (2007), la liste ne saurait être exhaustive.

Ainsi plusieurs propositions de définitions de la notion ont été proposées. Nous présentons ici quelques unes avant dřaborder la notion centrale de notre recherche.

1.2. Quelques définitions de la gouvernance

Lřorigine de la notion de gouvernance remonte selon la littérature économique au XIII siècle. Les origines françaises de la notion de gouvernance seraient justifiées par les premiers usages de la notion en 1478, où la elle désignait les « Territoires du Nord de la France dotés dřun statut administratif particulier ». Le concept serait passé dans la littérature anglaise cou- rant XIV siècle sous le vocable de Governance traduisant « la manière de gouverner » (Diou- bate 2008). Selon lui, la notion de gouvernance sera redécouverte au XX siècle et largement diffusée dans la littérature anglo-saxonne. Ainsi, la notion de gouvernance émerge avec la théorie des coûts de transaction Coase R. (1937), reprise par dřautres théoriciens parmi les- quels North (1991), Ménard(1995) et surtout Williamson (1996). La gouvernance sera conçue dans cette théorie comme : « l’ensemble des dispositifs mis en œuvre la firme pour mener des

coordinations efficaces qui relèvent de deux registres : protocoles internes lorsque la firme est intégrée (hiérarchie) ou contrats, partenariats, usage de normes lorsqu’elle s’ouvre à des sous traitant ».

Dans lřintroduction de lřouvrage intitulé : Governance Without Government: Order and

Change in World Politics, Rosenau (1992) définit la gouvernance comme « un ensemble de mécanismes de régulation dans une sphère d’activité, qui fonctionnent même s’ils n’émanent pas d’une autorité officielle »29

. Cette définition semble réduire le champ de contrôle des gouvernements, qui devrait impliquer aussi dřautres parties prenantes30

. La gouvernance ne

29 Rosenau J. et Czempiel E.-O., Governance without Government : Order and Change in World Politics, Cam-

bridge, Cambridge University Press, 1992, p. 5. Cité par Marie-Claude Smouts « Du bon usage de la gouver- nance en relations internationales », Revue internationale de sciences sociales - RISS -, n° 155, LA Gouver-

nance, mars 1998, p. 85.

30 Donaldson T. & Preston L. E. [1995] : « les parties prenantes sont définies par leur intérêt légitime dans

l’organisation, ce qui implique que les ayants droits sont des groupes et personnes ayant des intérêts légitimes ; ils sont connus et identifiés et que les intérêts de tous les groupes de parties prenantes ont une valeur intrin- sèque » cité par Pesqueux Y. in « Pour une évaluation critique de la théorie des parties prenantes Théorie des parties prenantes en sciences des organisations et managérialisme : une théorie aisément idéologisable » (2011)

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serait donc pas simplement réduite au gouvernement. Et cřest que semble clarifier Rosenau J. lorsquřil affirme que la « gouvernance n’est pas synonyme de gouvernement. Les deux notions

se réfèrent à des comportements exprimant une volonté, à des activités guidées par un but, à des systèmes de règles. Mais l’idée de gouvernement implique une autorité officielle, dotée de capacités de police garantissant la bonne exécution de la politique adoptée. La gouvernance, elle, couvre des activités sous-tendues par des objectifs communs ; ces objectifs peuvent s’inscrire ou non dans des mécanismes légaux ou formels de responsabilité, ils ne requièrent pas nécessairement des pouvoirs de police pour surmonter les méfiances et obtenir l’application de la norme. En d’autres mots, la gouvernance est un phénomène plus large que le gouvernement. Elle inclut les mécanismes gouvernementaux, dans le sens strict du terme, mais elle s’étend à des dispositifs informels, non gouvernementaux, par lesquels, au sein de ce cadre, individus et organisations poursuivent leurs propres intérêts. La gouvernance est donc un système de règles reposant tant sur le jeu des relations interpersonnelles que sur des lois et des sanctions explicites... »31.

Dans le même sens, Charreaux G. parlera plutôt de gouvernement d’entreprises quřil définit comme « l’ensemble des mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter

les pouvoir et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui gouvernent leur espace discrétionnaire » (Charreaux G. et al. 1997). La même conception sera partagée par

nombres dřauteurs et parfois scindée comme suit « 1-la gouvernance désigne un mode ou une

manière de gouverner alors que le gouvernement renvoie aux institutions et aux dirigeants ; 2- la gouvernance est synonyme de réformes profondes de l’Etat voire de sa «remise en cause ». Elle traite de la redéfinition des rapports en l’Etat, le secteur privé et la société ci- vile et semble constituer une troisième voie de coordination entre ces trois acteurs » Dioubate

(2008).

Outre les définitions théoriques ci-dessus citées, les organisations de développement ont également leur conception de la gouvernance. Ainsi, à titre illustratif, la Banque mondiale définit la gouvernance dans une dimension politique. Elle désigne plutôt « la manière par

laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays au service du développement » (Banque Mondiale, 1992, p.3)

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Aussi bien dans sa conception que dans sa mise en œuvre, la gouvernance a connu une évolution au plan international. Ainsi, dans le domaine de la coopération et du développe- ment, la notion de gouvernance a fini par laisser la place à celle de la « bonne gouvernance » autrement dit, la dimension politique de la gouvernance impose sa suprématie dans la con- duite des affaires publiques. Dans les pages suivantes, nous étudions cette notion qui constitue le fondement même de notre recherche.

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