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PARTIE 1: PROBLEMATIQUE ET CONTEXTE

3 CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE ET SOCIO-HISTORIQUE DE L’OASIS DE FIGUIG

3.2 C ONTEXTE SOCIO HISTORIQUE

3.2.1 La formation des ksour

Telle qu’elle se présente aujourd’hui, Figuig peut donner l’impression trompeuse d’une communauté d’une grande homogénéité physique et organisationnelle, parvenue à une certaine stabilisation, traduisant une un type d’évolution historique presque achevée (Bencherifa et Popp, 1992).

Actuellement, l’oasis est constituée de sept ksour16 bâtis en terre avec leurs palmeraies respectives. Il s’agit, d’ouest en est, de six ksour dont le bâti est situé sur le plateau : Laabidat et Loudaghir, Ouled Slimane, El Maiz, Hammam Tahtani, et Hammam Foukani, et d’un septième ksar plus étendu, situé dans la plaine : Zenaga. Il existe des quartiers plus récents : au centre le quartier, administratif ; au nord et à l’est, de nouveaux quartiers d’habitation (carte 4).

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Carte 4 : Organisation des implantations humaines de l’oasis de Figuig

(Sources : Google Earth 2009. Traitement : ArcGis 10©. Réalisation : G. Janty, 2014 ; UMR Ladyss, Université Paris Diderot)

Dans chacun des ksour, la réalité sociale est différente, et infiniment moins uniforme qu’elle n’y paraît de prime abord (Bencherifa et Popp, 1992).

Plus encore qu’un territoire, les ksour désignent les communautés humaines qui leur sont spécifiques. Ces sont des communautés distinctes les unes des autres, longtemps organisées de manière indépendante, voire même rivales. On se réfère ici à la description faite par Gautier (1917, p.3) : « Un homme né à Ouled-Sliman connaîtra dans les moindres recoins la partie de la palmeraie qui appartient à Ouled-Sliman, mais tout le reste, même les jardins immédiatement voisins, il aura passé toute sa vie sans y mettre les pieds. Notez qu'il aura dû s'en abstenir sous peine de mort [...]. Ce sont des territoires plus qu'étrangers : ennemis. Entre ces territoires, la frontière est un mur continu, sans porte, sans fenêtre, parfaitement aveugle. Ces murs aveugles sont flanqués de hautes tours et, du haut de ces tours, à travers les siècles, les ksour voisins ont toujours réglé leurs différends à coups de fusil. Ces tours

51 sont, dans le paysage de la palmeraie, un trait qui frappe tout de suite : elles manifestent l'indépendance mutuelle des différents ksour». Ces tours, quoique parfois écroulées, sont encore observables aujourd’hui (photographie 2).

Photographie 2 : Traces de tours dans la palmeraie (Janty, 2010)

Outre ses habitations, chaque ksar possède sa palmeraie, ses sources et des réseaux d’irrigation qui lui sont propres. Les ksour sont ainsi indépendants d’un point de vue hydraulique, chacun gérant et contrôlant ses sources et ses réseaux d’irrigation.

La distribution géographique des sources et leur maîtrise ont conditionné les logiques d’implantation humaine de l’oasis17 (carte 5).

Les ksour Hammam Foukani, Hammam Tahtani, El Maiz et Ouled Slimane sont les premiers à s’être installés, avant le IXème siècle (Madani, 2006). Ce sont des populations berbères Zénètes arrivées avant l’islam (El Hachimi, 1907). Ils se sont implantés à l'est de l'oasis, en fonction des ressources en eau situées sur le plateau. Ils présentent tous les quatre la même organisation spatiale, selon la topographie : la partie bâtie du ksar est située au nord sur le plateau, sa zone de palmeraie s'étageant du nord vers le sud, du plateau vers la plaine. La caractéristique commune à ces quatre ksour est la disposition de l’habitat au-dessus des sources qui irriguent leur palmeraie. Cette situation assure à chaque ksar la bonne maîtrise et le contrôle de ses sources, du moins en surface.

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L’étude de l’implantation des ksour est issue de : JANTY, G., DEL, A, 2010. Apports d'un S.I.G. pour l'analyse des relations dynamiques du réseau d'irrigation et du patrimoine bâti : le cas de l’oasis de Figuig, Maroc. International colloquium on

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Carte 5 : Localisation des ksour et des sources.

(Source : Bencherifa et Popp, 1992. Traitement : ArcGis 10©. Réalisation : G. Janty, 2010 ; UMR Ladyss, Université Paris Diderot)

À partir du Xème siècle, trois autres ksour s'installent à l'ouest de l'oasis : Loudaghir, Laabidat et Zenaga (Madani, 2006). Les ksour Laabidat et Loudaghir vont s’installer sur le plateau. La tribu des Loudaghir n’est pas d’origine Zénète, il s’agit d’une population constituée autour d’un chérif Idrisside18 qui a fui Fès après la chute de la dynastie (Hilali, 1981). Ils seront suivis plus tard par la tribu des Sanhaja qui formera le ksar Zenaga (Zaid, 1992). Les habitants de ce ksar s'installeront dans la plaine en contrebas des sources. L’arrivée de la tribu du ksar Zenaga a été décisive pour le partage de l’espace entre la plaine et le plateau. En effet, ses installations diffèrent des premières : les habitations des ksour ne sont plus situées sur les sources qui alimentent les réseaux de leur palmeraie, cet emplacement du bâti ne permet donc pas une bonne maîtrise et un contrôle des sources.

Vers le milieu du XIIIème siècle, une tribu arabe, les Jouabeurs, arrive à Figuig pour y représenter le pouvoir central de la dynastie Almohade (1147-1269). Forte de cette autorité, elle installe son ksar au-dessus de la source la plus importante de Figuig : Tzaddert.

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53 Mais les Jouabeurs ne représentent pas longtemps le pouvoir central, ils perdent ce rôle à la chute de la dynastie en 1269 (Zaid, 1992).

Puis, d’autres peuples arriveront à Figuig : les Chorfas Idrisside, les Mrabtines, les Harratines, les Saadiens, les Turcs, les Juifs ; mosaïque de peuples qui se mêleront aux ksour attirés par la prospérité de cette terre d’asile, autonome et libre de toute domination et attachée à le rester (cf. 3.2.3) (Abbou et Boilève, 2009).

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