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Jusqu'à maintenant, nous avons traité de l'« être » des personnages en analysant la manière dont ceux-ci sont mis en scène sous différents points de vue dans les œuvres de Dickner. Puis, nous nous sommes intéressée à leur « agir » en observant de quelle façon ils évoluaient dans le roman et quelles étaient les répercussions de leurs actions sur les autres personnages, notamment sur les narrateurs. Une étude des relations entre les protagonistes et les personnages secondaires a également aidé à démontrer qu'il existe un personnage féminin type, possédant des caractéristiques particulières, qui se retrouve dans chacune des trois œuvres de Dickner. Sans toutefois représenter le même personnage, les trois protagonistes féminines partagent une parenté ontologique qui leur confère un être et un agir similaires. En effet, malgré les rapprochements indéniables entre les trois personnages féminins, il n'en demeure pas moins que les trois œuvres se développent de façon très différente, proposent des histoires uniques et traitent de thèmes hétéroclites.

Donc, si les personnages féminins sont centraux dans les trois œuvres et que chaque protagoniste présente un être et un agir très similaires, comment se fait-il que les trois œuvres soient si singulières les unes par rapport aux autres? Nous avons déjà constaté que le personnage est influencé par ses relations avec les autres personnages qui l'entourent, par le narrateur et son mode de narration, ainsi que par les péripéties qui lui arrivent. Notre hypothèse est que, au-delà de ces influences, le personnage s'imprègne également de la forme du texte et de son environnement fictionnel, c'est-à-dire du découpage narratif de l'œuvre, ainsi que des lieux où il évolue, des thématiques présentes et des objets qui l'accompagnent. En effet, d'une œuvre à l'autre, nous remarquons des compositions différentes de la diégèse : L'encyclopédie du petit cercle est un recueil de nouvelles,

Nikolski est un roman fractionné et Tarmac ressemble plus à un roman traditionnel. Ces

formes génériques semblent avoir une incidence sur les personnages principaux des œuvres. De plus, il apparaît que les lieux dans lesquels sont présentés les personnages sont plutôt disparates. En effet, nous remarquons une variété d'inscriptions géographiques du personnage où un passage du rural vers l'urbain prédomine. Nous verrons toutefois que ces passages sont traités de diverses manières, notamment grâce aux thématiques et aux objets.

Nous souhaitons ainsi démontrer que, mobilisant un certain type de personnage préalablement défini, chaque œuvre, chaque univers fictionnel, se développe de façon singulière. Chacune expose de cette façon les multiples possibilités des caractéristiques types des personnages féminins de Dickner et impose l'unicité de chaque protagoniste. Pour ce faire, nous observerons les différentes stratégies narratives mises en place dans les œuvres, ainsi que l'influence du personnage sur celles-ci.

Comme nous l'avons mentionné, les personnages féminins de Dickner sont liés à l'univers fictionnel qui les entoure et, notamment, à la trame narrative, ainsi qu'à l'espace fictionnel. Nous souhaitons nous intéresser dans un premier temps au rapport particulier qui unit les protagonistes de L'encyclopédie du petit cercle et de Nikolski à la structure de leur texte : Karyne parce qu'elle est illustrée par les définitions placées en exergue des textes et Joyce parce que la composition de son parcours rappelle l'assemblage du Livre à trois têtes, objet central de Nikolski. Cette analyse nous permettra de proposer des pistes interprétatives et de mieux comprendre de quelle manière la forme d'un texte peut orienter l'appréhension d'un personnage.

Dans un second temps, nous analyserons l'influence réciproque du caractère des personnages et des lieux servant de décors, de même que la façon par laquelle les personnages deviennent les porteurs des thématiques des œuvres. Nous verrons que Hope s'incarne jusque dans les choses et les lieux décrits dans Tarmac, développant ainsi la thématique de la fin du monde qui lui est liée. Nous observerons ensuite comment Joyce contribue à la présence transversale des déchets dans Nikolski. Ceci nous permettra de démontrer que les trois protagonistes, chacune à leur manière, marquent profondément les œuvres auxquelles elles appartiennent et qu'elles contribuent à porter le message et les interprétations possibles du texte.

Partie 1 : Les effets de la trame narrative sur les personnages féminins

Dans son article « Le personnage et ses qualités49 », Isabelle Daunais soulève d'entrée de

jeu une question très pertinente à propos du personnage de roman. On pourrait considérer un personnage comme étant romanesque dès que celui-ci fait partie d'un ouvrage décrit comme un roman, « mais [ajoute-t-elle,] on peut tout aussi bien inverser l'équation et

proposer que ce sont les personnages qui “font” le roman, que celui-ci n'est pas tant le lieu qui accueille les créatures inventées par le romancier que le lieu que viennent à définir ces créatures. » (Daunais, 2005 : 9) En effet, il est intéressant de se demander si c'est le roman qui crée le personnage ou plutôt le personnage qui donne lieu au roman (ou, dans le cas de

L'encyclopédie du petit cercle, au recueil de nouvelles). Nous croyons que la deuxième

option s'applique plus adéquatement aux œuvres de Dickner, sans pour autant s'y accoler parfaitement. En effet, les œuvres de Dickner sont parfois difficiles à classer : elles repoussent les limites génériques et ne permettent pas d'affirmer de façon définitive que la forme engendre le personnage ou que le personnage produit la forme. Nous émettons plutôt l'hypothèse d'une influence réciproque, c'est-à-dire que la forme marque évidemment les personnages, mais que les caractéristiques propres à ces derniers arrivent aussi à infléchir la structure de l'œuvre et à la rendre à leur image. Cette affirmation nous semble soutenue par la morphologie des structures narratives des ouvrages et par leurs effets sur les protagonistes.

Plus précisément, nous pensons parvenir à démontrer que le caractère problématique et fragmenté de Karyne dans L'encyclopédie du petit cercle est décrit, au-delà du personnage, dans l'organisation même de l'œuvre. Nous verrons que cette division structurelle du texte est d'ailleurs présente à un degré plus subtil dans Nikolski, où les personnages en quête d'eux-mêmes et de leurs origines forment un texte composite qui les représente. De cette façon, nous serons en mesure de bien comprendre de quelle manière, pour reprendre les mots d'Isabelle Daunais, les personnages de Dickner « font » l'œuvre à laquelle ils appartiennent ou plutôt s'illustrent dans celle-ci, que ce soit un roman ou un recueil de nouvelles.

1.1 : Diffraction textuelle dans L'encyclopédie du petit cercle

Nous avons démontré lors du premier chapitre que le personnage de Karyne était à l'image de son support : fragmenté, comme le recueil de nouvelles. Nous croyons maintenant pouvoir considérer le recueil d'un nouveau point de vue : comme étant à l'image du personnage. En effet, nous pensons que la personnalité et les caractéristiques de Karyne s'étendent jusqu'au paratexte. Notre hypothèse est qu'il y aurait un rapport étroit entre le personnage et la structure du texte, ce qui brouillerait l'appartenance générique de l'œuvre.

La diffraction du texte, c'est-à-dire son éclatement et sa fragmentation, peut sembler banale dans un recueil de nouvelles, puisqu'il s'agit, par définition, du rassemblement de différents textes qui ne possèdent pas nécessairement de liens entre eux. Toutefois, cette stratégie littéraire se présente à différents niveaux dans L'encyclopédie du petit cercle. En effet, chaque nouvelle est précédée d'une épigraphe qui prend la forme d'une définition (farfelue) tirée de l'encyclopédie dénichée par le narrateur de l'« Avant-propos ». La représentation de l'encyclopédie fictive dont il est question et de laquelle proviennent les définitions est donc elle aussi éclatée. La diffraction ne se limite plus à la structuration du recueil, mais atteint ainsi le niveau fictionnel des nouvelles. Ce choix de disposition n'est pas sans conséquence. Dans son article « Le je incertain : fragmentations et dédoublements50 », Pierre L'Hérault

montre d'ailleurs à travers l'analyse de L'odeur du café de Dany Laferrière que l'on peut illustrer l'ambiguïté et l'incertitude d'un narrateur/personnage à travers le paratexte, l'abondance de sous-titres (ou, dans le cas qui nous intéresse, d'épigraphes), l'inadéquation d'un texte liminaire et d'un texte final ou le changement d'une narration au je vers une narration au elle. Ayant déjà analysé l'effet du passage de la narration de la troisième à la première personne et l'importance du texte liminaire dans le premier chapitre, nous nous attarderons maintenant au jeu sur le paratexte qui se retrouve dans L'encyclopédie du petit

cercle et qui a également pour effet de souligner une incertitude du personnage, une

ambigüité identitaire.

En général, une épigraphe influence grandement le regard du lecteur porté sur le texte qu'elle précède. Accompagnée du titre, elle offre une première piste d'interprétation ou une clé de lecture au texte qui le suit. Dans leur ouvrage à propos des épigraphes, Elsa Jonquet et Patrick Mosconi51 écrivent d'ailleurs que :

Choisie par un auteur, l'épigraphe révèle la première impression qu'il désire donner de son texte; en cela elle est fondamentale. Laissée seule sur la belle page, nue, elle pourrait même le contenir. Les épigraphes sont souvent des bribes de romans, des aphorismes, des miettes de chansons… Cette mise en relief leur confère une valeur singulière et annonce un univers, qu'il soit romanesque, poétique, philosophique, politique ou autre… (Jonquet et Mosconi, 2011 : 9)

Dans le cas de L'encyclopédie du petit cercle, les définitions tenant lieu d'épigraphes aux nouvelles représentent souvent des noms de maladie et traduisent généralement un malaise que l'on retrouve dans la nouvelle. Toutefois, plusieurs d'entre elles possèdent un ton

50 Pierre L'Hérault, « Le je incertain : fragmentations et dédoublements », dans Voix et images, vol. XXIII,

no 69 (1998), p. 501-514.

humoristique qui fait en sorte que les épigraphes n'alourdissent pas inutilement le propos des nouvelles.

Avant de lire la nouvelle « Le fantôme d'Howard Carter », le lecteur peut ainsi découvrir la définition d'un « Cul-de-sac épidermique », c'est-à-dire une « paralysie affective transmise par la piqûre de certains insectes africains, et particulièrement par la microscopique mouche égyptophile (musca sarcophagus). » (EPC – 33) Ce mal au nom loufoque semble complètement farfelu. Pourtant, à la lecture de la nouvelle, le lecteur comprend qu'il définit en fait l'interaction entre Karyne et Orville qui, après six mois de séparation, sont incapables de trouver un lieu où laisser aller leur affection, car il est dégouté par la momie que Karyne a rapportée d'Égypte et elle a peur des insectes morts que Orville conserve dans des boîtes au salon. Karyne se montre d'abord entreprenante, alors que Orville demeure passif, puis le mal se transmet à elle et les amoureux doivent se contenter de l'escalier de secours comme nid d'amour. Dans ce cas-ci, ce n'est pas tant l'épigraphe qui sert de clé de lecture, mais plutôt la nouvelle qui donne son sens à la définition en l'explicitant. Dans son essai Brève poétique de la délégation, Nicolas Dickner écrit que « [l]es épigraphes présentent une nette relation sémantique avec les nouvelles qu'elles introduisent, que ce soit dans le sens d'un cryptage ou d'un décryptage. » (Dickner, 1996 : 112) Une référence directe à l'épigraphe se retrouve d'ailleurs dans le texte : « Les voilà empêtrés dans un cul- de-sac : impossible de rester chez lui, impossible de retourner chez elle – et pas question de louer une impersonnelle chambre d'hôtel. » (EPC – 38) Le lien entre l'épigraphe et les personnages devient alors beaucoup plus significatif. Ainsi, l'épigraphe révèle la psychologie des personnages qui n'était pas détaillée dans la nouvelle, mais qui se voit représentée de façon très éloquente par ce « Cul-de-sac épidermique ».

Un phénomène très semblable se produit dans la nouvelle suivante, « À la dérive », qui est précédée de la définition de l'« Arctique affectif » :

Les cartographes, créatures peu ferrées en géographie de l'âme, ne distinguent généralement sur leurs ouvrages que les nords magnétique, cartographique et géographique. Tout navigateur peut cependant percevoir un nord affectif dès que ces autres formes de nord s'estompent et que s'installe le désespoir : lorsque la boussole s'emballe, que les cartes marines deviennent illisibles et qu'un plafond nuageux cache les étoiles. Responsable de plusieurs grandes découvertes et de quelques naufrages. (EPC – 39)

Nous remarquons dès la première lecture que l'épigraphe n'est pas aussi loufoque que la précédente; celle-ci est plus philosophique, plus profonde. La nouvelle « À la dérive »

illustre bien ce que veut dire l'Arctique affectif : alors que Karyne doit surveiller la position d'un navire sur une boussole, une panne de courant la force à monter sur le pont du bateau (contrevenant ainsi aux règlements) et à se fier à l'étoile Polaire. Elle développe ensuite une passion pour l'astronomie et elle quitte le navire en parachute, se laissant emporter par le vent vers l'inconnu et vers les étoiles. Encore une fois, il est difficile d'identifier quel texte, entre l'épigraphe et la nouvelle, éclaire l'autre. En fait, l'épigraphe décrit certes le changement psychologique subi par cette Karyne navigatrice et aventurière, mais elle décrit également une progression que l'on retrouve dans plusieurs autres nouvelles. Cette observation nous paraît très intéressante, puisque cela porte à croire que la personnalité du personnage s'étend au paratexte.

Dans la nouvelle « Le temps perdu », nous retrouvons une remise en question chez la protagoniste qui rappelle encore l'Arctique affectif. Alors que Karyne hésite à partir en voilier pour faire le tour du monde, ses cartes marines ne lui parlent plus, elle a l'impression de les avoir tellement étudiées qu'elle a déjà accompli son voyage. De plus, souvenons-nous que, dans la nouvelle « Reconquista », la jeune Karyne refuse de se fier aux cartes des atlas. Elle préfère croire que Madagascar se trouve en face de chez elle :

je peste contre l'engeance des cartographes qui s'entêtent à me signifier, en invoquant quelques poignées de tristes chiffres, que Madagascar ma Belle est une tout autre île. Quel genre d'image cette bande d'empêcheurs de rêver en rond prétendent-ils donner de la planète? Projection conique, projection de Mercator, projection stéréographique méridienne : les cartographes ne cessent de projeter le monde à gauche et à droite comme s'ils en étaient abstraits. J'y suis, moi, dans le monde et n'en veux surtout pas sortir. (EPC – 83-84)

La jeune Karyne, comme les deux autres personnages féminins des nouvelles précédentes, se sent étouffée par les cartes. Lorsque les atlas ne suffisent plus à son imaginaire, elle fait appel à son propre nord affectif, qui la mène, fidèle à sa définition, vers des découvertes et des naufrages personnels. Ainsi, nous voyons que les épigraphes de L'encyclopédie du petit

cercle ne s'avèrent pas aussi farfelues que nous pouvions le croire. Une lecture attentive fait

émerger une cohérence entre elles (toutes sont des extraits de L'encyclopédie mystérieuse) et révèle leur complémentarité. Elles n'ont d'ailleurs pas uniquement pour fonction de résumer les nouvelles ou de les éclaircir; elles portent une partie du personnage fractionné qu'est Karyne. Elles développent une psychologie du personnage et illustrent ce qui est commun entre ces Karyne, c'est-à-dire le caractère aventurier, l'intérêt pour la navigation, le voyage et les cartes de toutes sortes. Notons que cette parenté entre les épigraphes et le

personnage n'est pas aussi forte chez les personnages masculins. Dans leur cas, les définitions traduisent plutôt un sentiment lié à la nouvelle en général, sans toutefois se rapporter spécifiquement au protagoniste masculin. Le « cul-de-sac épidermique », entre autres, représente un bon exemple, puisque la définition s'apparente au problème d'Orville sans toutefois décrire sa personnalité. Il en va de même pour les définitions de l'« Attrape- papillon » (p. 15) et de la « Chadouferie » (p. 21) qui précèdent des nouvelles ne mettant pas en scène un personnage prénommé Karyne. Ces définitions d'objets sont reliées aux nouvelles qui les suivent. Par contre, elles ne laissent pas percevoir de lien étroit entre elles et les personnages de ces histoires.

D'autres définitions révèlent également des caractères communs aux Karyne. Les « Chenilles gastriques », dont la définition précède la nouvelle « Printemps », par exemple, sont une :

Forme larvaire d'un parasite commun chez l'homme. Les colonies de chenilles gastriques s'installent dans l'estomac où elles provoquent une accumulation nocive de fils de soie. L'hôte pourra ressentir divers symptômes, dont les plus fréquents sont une paralysie des bras, un intense découragement et une tendance à raconter n'importe quoi. Différentes méthodes peuvent être mises à profit pour se débarrasser de ces importuns insectes, la plus fréquente étant de les refiler à quelqu'un d'autre. (EPC – 57)

Notons que la nouvelle « Printemps » n'implique aucun personnage prénommé Karyne. Pourtant, les chenilles gastriques semblent être un mal qui afflige le personnage féminin dans plusieurs nouvelles, alors qu'elles n'affectent les personnages masculins que dans cette nouvelle. En effet, les symptômes énumérés (une paralysie des bras, un intense découragement et une tendance à raconter n'importe quoi) se retrouvent à divers endroits dans le recueil. La paralysie des bras survient dans la nouvelle « Le temps perdu », quand Karyne aperçoit Cybèle, le voilier de ses rêves. Le profond découragement, lui, est ressenti également dans « Le temps perdu » alors que Karyne hésite à partir en voyage, mais aussi dans « À la dérive » le soir de la panne de courant, ainsi que dans « Reconquista », quand Aïsha s'en va et que Karyne veut aller la retrouver. La tendance à raconter n'importe quoi, elle, se retrouve dans le premier et le dernier texte du recueil, c'est-à-dire dans l'« Avant- propos » et dans « Reconquista ». Souvenons-nous que le narrateur de l'« Avant-propos », placé comme l'auteur des nouvelles, qualifiait Karyne de « sacrée palabreuse » et affirmait qu'elle racontait des histoires invraisemblables et « en mettait plus que moins et se contredisait sans cesse, rétorquant à [son] scepticisme qu'elle se préoccupait fort peu de

mener une vie vraisemblable ». (EPC – 11) Dans « Reconquista », c'est la jeune Karyne, alors narratrice autodiégétique, qui affirme haut et fort son désir de ne pas se conformer à la réalité en réinventant la ville avec son amie Aïcha. Les symptômes sont donc représentatifs de presque toutes les versions ou du moins des versions les plus étoffées de Karyne. Ceci alimente d'autant plus l'effet narratif du recueil, c'est-à-dire que la concordance entre le personnage récurrent qu'est Karyne et le paratexte encourage de plus en plus le lecteur à cerner une continuité d'une nouvelle à l'autre et à y voir une histoire linéaire.

Nicolas Dickner fait d'ailleurs référence à cette fonction des épigraphes dans son essai

Brève poétique de la délégation :

L'appareil épigraphique de L'encyclopédie rempli[t] effectivement une fonction de récit-cadre à défaut de constituer un récit-cadre, la forme encyclopédique n'étant résolument pas narrative. L'épigraphie encyclopédique fait en effet office d'interface entre deux diégèses : d'une part la diégèse des nouvelles et d'autre part la diégèse référentielle de l'encyclopédie, univers englobant dont le lecteur prend connaissance par des bribes d'informations (parfois infimes) disséminées dans les définitions: notes étymologiques, exemples, personnages, titres et citations d'ouvrages, écoles de pensée, etc. (Dickner, 1996 : 117-118)

Le paratexte parvient ainsi à lier de façon structurale le recueil et les nouvelles en régularisant la forme des textes. Il rapproche également les personnages entre eux et donne lieu à un autre niveau de fiction, cette fois-ci plus intuitif, plus subjectif, en laissant des

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