Cette section est organis´ee comme suit. En Section A.1.2.1, nous ´enon¸cons la loi d’Eyring-Kramers. En Section A.1.2.2, nous montrons comment elle peut s’obtenir rigoureusement dans un cas unidimensionnel.
A.1.2.1 Enonc´e de la loi d’Eyring-Kramers
La loi d’Eyring-Kramers, en r´ef´erence `a Henry Eyring et Hendrik Anthony Kramers, donne la d´ependance du temps moyen pour passer d’un ´etat `a un autre (temps de r´eaction) en la temp´erature h (cf. par exemple [33]). Consid´erons un syst`eme dont l’´evolution est r´egie par le processus de Langevin suramorti (1). Supposons que le syst`eme est initialement dans un ´etat stable, not´e 1 et rep´er´e dans l’espace des phases par le bassin d’attraction du minimum local x1 ∈Rd de l’´energie potentielle f pour la dynamique de gradient
d
dtx(t) =−∇f(x(t)). (A.2)
Consid´erons ensuite un autre ´etat stable, not´e 2, voisin de l’´etat 1 et rep´er´e dans l’espace des phases par le bassin d’attraction du minimum local x2 ∈Rdde l’´energie potentielle f pour la dynamique (A.2). Soit la r´eaction ou changement d’´etat du syst`eme
1→2 (A.3)
Remarque A.4. Afin de pr´esenter la formule d’Eyring-Kramers, nous nous pla¸cons dans le cas simple o`u il n’y a qu’un seul point selle (iciz1,2) qui s´epare les ´etats 1 et 2.
Dans cette th`ese, nous traiterons le cas des syst`emes poss´edant plusieurs ´etats s´epar´es par plusieurs points selles certains pouvant ˆetre au mˆeme niveau d’´energie.
La r´eaction (A.3) n´ecessite un apport d’´energie minimal ∆1→2f > 0 pour se r´ealiser, cette quantit´e d’´energie est appel´ee ´energie d’activation de la r´eaction (A.3). Supposons d´esormais qu’il existe un unique point sellez1,2 ∈Rddont l’´energie correspond `a l’´energie minimale `a traverser pour aller de l’´etat 1 `a l’´etat 2, i.e.
n
z∈Rd, f(z) = inf
γ∈P(x1,x2) sup
t∈[0,1]
f(γ(t))o
={z1,2},
o`uP(x1, x2) est l’ensemble des courbesγ ∈C0([0,1],Rd) telles queγ(0) =x1 etγ(1) = x2. Dans ce cas, l’´energie d’activation est d´efinie par
∆1→2f =f(z1,2)−f(x1).
Sur la Figure A.2 est repr´esent´e le graphe d’un potentielf en dimension 2 correspondant
`
a cette situation.
z1,2
x1 x2
∆1→2f
Figure A.2: Repr´esentation sch´ematique en dimension 2 du potentielf. Le syst`eme est initialement dans l’´etat 1 (bassin d’attraction de x1 pour la dynamique(A.2)).
NotonsT1→2le temps moyen `a la temp´eraturehpour que la r´eaction (A.3) se r´ealise.
La formule d’Eyring-Kramers pour le temps moyen de r´eactionT1→2 est:
T1→2∼h→0 A1,2e2h(f(z1,2)−f(x1)), (A.4) o`u A1,2 est un pr´efacteur d´ependant de la dynamique consid´er´ee, ici (1), et de la g´eom´etrie locale du potentiel f en x1 et z1,2. L’obtention d’un ´equivalent de T1→2 dans la limite d’une petite temp´erature est l’objet de la th´eorie de l’´etat de transition.
Sous l’hypoth`ese que les matrices hessiennes de f en x1 et en z1,2 sont inversibles (cf.
par exemple [55, 71]):
A1,2 = 2π
|λ(z1,2)|
p|det Hessf(z1,2)|
pdet Hessf(x1) , (A.5)
o`u λ(z1,2) < 0 est l’unique valeur propre n´egative de la matrice hessienne de f en z1,2. L’expression (A.5) obtenue pour A1,2 indique qu’au premier ordre, il suffit de ne prendre en compte que la g´eom´etrie locale du potentiel f aux points z1,2 et x1. Il traduit la facilit´e ou la difficult´e avec laquelle le processus (1) arrive `a sortir du puits de potentiel en x1 et `a passer le col z1,2 pour arriver enx2. Pour une revue compl`ete sur l’obtention de la formule d’Eyring-Kramers et la th´eorie de l’´etat de transition (ainsi que sa g´en´eralisation `a l’´equation de Langevin (A.1)), le lecteur peut se r´ef´erer `a [33].
Remarque A.5. La trajectoire emprunt´ee par le syst`eme lors d’une r´eaction (passage d’un ´etat `a un autre) est appel´ee trajectoire r´eactive. A temp´erature nulle, c’est la trajectoire qui minimise l’´energie sur toutes les trajectoires qui vont de l’´etat initial `a l’´etat final en temps arbitraire. Elle permet de comprendre les ´etats interm´ediaires (le m´ecanisme de r´eaction) par lequel passe le syst`eme pendant la r´eaction.
A.1.2.2 Un calcul en dimension un pour obtenir la formule d’Eyring-Kramers Le but de cette section est de montrer comment obtenir rigoureusement la formule d’Eyring-Kramers en dimension un dans un cadre g´eom´etrique extrˆemement simple.
Consid´erons un syst`eme dont l’´evolution est mod´elis´ee par le processus de Langevin suramorti (1) en dimension un et dont le potentiel f :R →R est celui dont le graphe est repr´esent´e sur la Figure A.3. Dans cet exemple, f est une fonction C∞, paire, lim±∞f = +∞ etf a cinq points critiques. Les points x1 = 0,x2 <0, x3 =−x2 >0 sont les trois minima locaux de f et les points z1,2 <0, z1,3 =−z1,2 >0 sont les deux maxima locaux (ce sont deux points selles). Le syst`eme consid´er´e a donc trois ´etats:
l’´etat 1 rep´er´e dans l’espace des phases par le domaine Ω1 = (z1,2, z1,3), l’´etat 2 rep´er´e par le domaine Ω2 = (−∞, z1,2) et l’´etat 3 rep´er´e par le domaine Ω3= (z1,3,+∞). Dans la suite, (Xt)t≥0 d´esigne le processus de Langevin suramorti (1) en dimension un pour le potentiel f de la figure A.3.
z1,2 z1,3
x3
x2 x1
Ω2 Ω1 Ω3
Figure A.3: Graphe du potentielf du syst`eme consid´er´e pour un calcul en dimension un.
Comme en Section A.1.2.1, T1→2 d´esigne le temps moyen de la r´eaction 1 → 2 et T1→2∪3 le temps moyen de la r´eaction 1 → 2∪3. Soit τΩx
1 le premier moment o`u le processus (Xt)t≥0 d´emarrant en x quitte le domaine Ω1= (z1,2, z1,3):
τΩx1 = inf{t≥0, Xt∈/Ω1 whenX0 =x}.
Les temps moyens T1→2∪3 etEx τΩ1
sont li´es par la relation T1→2∪3= 2Ex
τΩ1 ,
o`u la notation Ex d´esigne l’esp´erance sachant X0 = x. En effet, quand X0 = x ∈Ω1, le processus (Xt)t≥0 quitte Ω1 en z1,2 ou z1,3 (car XτΩ1 ∈ {z1,2, z1,3}, les trajectoires
du processus (1) ´etant continues) et il a ensuite une chance sur deux, dans la limite
De plus, les temps moyensT1→2∪3 etT1→2 sont li´es par la relation T1→2∪3= 1
2T1→2, par sym´etrie (le potentielf est pair). Ainsi, nous avons:
T1→2 = 4Ex τΩ1
. (A.7)
Nous allons donc maintenant chercher un ´equivalent pr´ecis de Ex τΩ1
dans la limite d’une petite temp´erature.
A l’aide de la formule de Dynkin [48, Th´eor`eme 11.2], l’unique solution du probl`eme elliptique Dynkin appliqu´ee `a la fonction v pour le processus (1) et pour le temps d’arrˆet τΩ1 s’´ecrit pourx∈Ω1 Ainsi, puisque v est solution du probl`eme (A.8), il vient:
v(x) =Ex
Puisquev(z1,2) = 0, nous en d´eduisons queC1= 0 et puisquev(z1,3) = 0, nous obtenons Supposons maintenant que les pointsx1,z1,2 et z1,3 sont des points critiques def non d´eg´en´er´es: c’est-`a-dire que f00(y) 6= 0 pour tout y ∈ {x1, z1,2, z1,3}. Puisque les deux
De plus, comme le maximum de la fonction (t, y)∈
(z1,2, z1,3)×[z1,2, z1,3]
∩ {t≤y} 7→f(y)−f(t)
est atteint uniquement en t=x1 et y=z1,3, une m´ethode de Laplace implique quand h→0:
c’est-`a-dire qu’il existe une constante C > 0 telle que supx∈[a,b]|O(h)| ≤ Ch. En con-clusion, en utilisant (A.13) et (A.7), nous obtenons quandh→0:
T1→2= 2π
pf00(x1)|f00(z1,2)|eh2(f(z1,2)−f(x1)) 1 +O(h) .
Cette relation est la formule d’Eyring-Kramers (A.4) pour la r´eaction 1 → 2 dans cet exemple unidimensionnel pour le potentielf repr´esent´e sur la figure A.3.