4.1 Les approches cognitivo comportementales 4.1.2 La distraction interactive Dans l’étude de cas de Soumitri, Dahlquist et Burns (2013), le premier objectif était d’évaluer la faisabilité et l’efficacité de la distraction du jeu vidéo pour un enfant d’âge préscolaire (4 ans) subissant des changements de pansements de brûlure à répétition. Un deuxième objectif était d’examiner les effets différentiels des distractions passives et interactives du jeu vidéo sur la détresse comportementale de l’enfant et de sa coopération lors des changements de pansements. Cette étude est prometteuse pour identifier le type de jeux vidéo pouvant répondre au mieux aux besoins des jeunes enfants atteints de brûlures et pour la gestion de la douleur, dans une population difficile. L’enfant était une jeune fille hospitalisée dans une unité pédiatrique et de réhabilitation. Elle a reçu treize changements de pansements; 3 changements dits «d’observation initiale», cinq changements de pansements avec des distractions passives et cinq autres avec des distractions interactives. Au cours de la distraction interactive, elle a joué à un jeu vidéo «Wii» se nommant «Go Diego GO» pendant 40 minutes. Ce jeu a été spécialement conçu par Nintendo pour les 3 à 6 ans. Lors de la distraction passive, elle regardait des images du jeu vidéo préenregistrées qui avaient été précédemment jouées par quelqu’un d’autre sur le même segment utilisé dans la distraction interactive. Pour les deux distractions, le jeu vidéo a commencé au même moment pour assurer un stimulus visuel et auditif de même ampleur. Les distractions ont commencé 2 minutes avant le retrait et jusqu’à la fin du pansement. Elles ont repris après l’hydrothérapie, lors de l’application du nouveau pansement. Elle recevait une prémédication avant chaque changement de pansement (antalgiques et histaminiques). Une caméra filmait l’enfant pendant les changements de pansements pour faciliter l’observation de la détresse comportementale et l’engagement pendant les différentes distractions. Les chercheurs ont employé l’échelle de détresse comportementale (OSBD). Ils ont eu recours également à l’EVA (graduée 0 à 100) pour l’évaluation de la douleur de l’enfant par les parents et les infirmières. Les tests de randomisation ont révélé des scores OSBD significativement plus faibles au cours de la distraction interactive en comparaison avec la distraction passive (p < 0,05). Les déclarations des parents et des infirmières sur la douleur de l’enfant au cours de la distraction interactive étaient significativement plus faibles que lors de la distraction passive (p < 0,05). De plus, les parents et les infirmières ont signalé des niveaux plus élevés de la coopération au cours de la distraction interactive (p = 0,1). L’enfant a été plus longtemps distrait par le divertissement interactif que passif (p = 0,01). Le temps moyen, (min.), nécessaire pour la procédure, était significativement en baisse pendant la distraction interactive et que pendant la distraction passive (p < 0,5). L’enfant, les parents et les infirmières ont rapporté que l’utilisation du jeu vidéo était très utile. L’enfant a nettement ressenti plus de plaisir à jouer au jeu vidéo que de le regarder. La distraction interactive n’a pas interféré dans la pratique des infirmières lors des soins. En conclusion, le temps de la procédure a été réduit de 20 à 48 % avec la distraction interactive, en comparaison à la procédure normale. Cette réduction permet au personnel soignant d’être plus efficace, de traiter plus de patients et de réduire les coûts. De plus, l’accessibilité et le faible coût de la «Wii» sont des avantages. Dans leur étude de 2013, Nilsson et al. ont testé si les jeux interactifs et les sucettes avaient une influence sur la douleur, la détresse comportementale et l’anxiété des enfants lors de soins de plaies. Soixante enfants âgés de 5 à 12 ans ont été recrutés dans une unité de soins ambulatoire pédiatrique. Les blessures des enfants différaient par leur taille et leur emplacement, mais le pansement était standardisé et protocolaire. Les blessures étaient dues à des traumatismes mineurs tels que brûlures, morsures de chien, chute à vélo, etc. Les enfants ont été randomisés en 3 groupes: jeu interactif, sucettes et contrôle. Le groupe jeu interactif a utilisé un équipement facile d’utilisation et peu coûteux: une Wiimote et un laptop. Le jeu se nommait «Tux Racer». L’objectif du jeu était de contrôler un pingouin glissant sur une pente de slalom, en collectant le plus de poissons possible. L’appareil était sans fil, ce qui permettait à l’enfant de se positionner adéquatement. De plus, il est possible d’utiliser l’appareil à une main. Les enfants ont commencé à jouer 3 à 5 minutes avant le début de la séance de soins de plaies et ont continué à jouer tout au long de cette dernière. Il en était de même pour le groupe utilisant les sucettes. Les participants du groupe contrôle ont reçu des soins standard sans aucune technique de distraction ajoutée. L’infirmière informait les enfants de chaque groupe sur ce qui les attendait durant le soin. Les enfants se sont servis du CAS (échelle visuelle analogique colorée) pour évaluer l’intensité de la douleur (0 à 10). Celle-ci a été enregistrée à trois reprises: à l’arrivée des enfants, pendant la procédure et après le pansement. L’échelle affective du visage FAS a été employée pour évaluer le niveau de détresse comportemental en cochant l’un des neuf visages présentés sur une séquence du moins au plus angoissé. La détresse a été enregistrée en même temps que l’intensité de la douleur. Les enfants ont rempli le formulaire court du STAI (State-Trait Anxiety Inventory) conjointement avec leur première et dernière auto-évaluation avec le CAS et le FAS. La forme courte du STAI est un instrument avec 6 items sur les émotions positives et négatives. La définition théorique de la distraction suggère que son efficacité dépend de sa faculté à exploiter les capacités cognitives. Sur la base de cette définition, la distraction peut être divisée en deux catégories: active et passive. Dans les jeux interactifs faisant partie des distractions actives, les enfants doivent résoudre des problèmes, ce qui signifie qu’ils sont stimulés à être actifs et à utiliser leurs réflexes. La sucette est une technique de distraction passive, utilisée pour créer le bien-être et réduire la douleur, la détresse et l’anxiété lors des interventions douloureuses. Dans l’étude de Nilsson et al. (2013), un chercheur a observé les enfants à l’aide de l’échelle FLACC (visage, jambes, activité, cris, consolables) et a mesuré les scores avant, pendant et après la procédure. Il y avait plus d’enfants qui souffraient de brûlures dans les groupes de jeux interactifs et sucettes que dans le groupe contrôle. L’un des résultats principaux est que l’intensité de la douleur autoévaluée (CAS) ne différait pas entre les groupes d’étude. Les scores d’observation de la douleur (FLACC) étaient plus faibles chez les participants impliqués dans le jeu interactif que dans les deux autres groupes d’étude. En effet, avant et pendant la procédure, entre le groupe du jeu interactif et contrôle, le p était égal à 0.002 et entre le jeu interactif et les sucettes, le p était égal à 0.004. De plus, avant et après la procédure, entre le groupe interactif et contrôle, le p était égal à 0.004 et entre le groupe jeu interactif et les sucettes, le p était égal à 0.008. Le niveau de détresse comportemental (FAS) a été plus faible chez les enfants qui ont été impliqués dans le jeu interactif que chez les enfants qui léchaient une sucette (p=0.022), mais pas par rapport au groupe contrôle (p=0.307). L’intensité de la douleur individuelle (CAS et FLACC) a augmenté de manière significative depuis l’avant jusqu’à pendant la procédure, et a diminué pendant et après la procédure. Le même résultat a été trouvé pour les scores de détresse (FAS) dans les trois groupes d’étude. Les enfants qui ont utilisé le jeu interactif ou léchaient la sucette ont reporté une anxiété significativement plus faible (STAI) après avoir subi le pansement, par rapport aux enfants du groupe contrôle. En conclusion, le jeu interactif réduit le comportement de la douleur des enfants, mais ne change pas leur niveau d’auto-évaluation de la douleur. Les scores du comportement de la douleur démontrent vraisemblablement une autre dimension de la douleur, comme la tolérance à la douleur. Les sucettes ne semblent pas changer le comportement ou la perception de la douleur de l’enfant. Cette étude faisait partie d’une recherche plus vaste (Nilsson et al., 2011) où les données qualitatives ont été analysées. Le but de cette étude était d’identifier les expériences de la douleur procédurale des enfants qui ont subi une séance de soins plaies post-traumatique. 39 enfants ont été choisis pour cette étude, dont 25 avaient participé à l’étude quantitative. 12 enfants ont utilisé les sucettes, 13 des jeux interactifs et 14 participants n’ont reçu aucune stratégie de distraction spécifique. Des interviews ont été réalisées à la suite de la procédure achevée. La conception de l’étude comportait des questions semi-structurées pour décrire l’expérience des enfants lorsqu’ils subissaient une session de soins de plaie. Ce guide était constitué de quatre concepts holistiques: physique, psycho spirituelle, environnement et socio culturelle. Le questionneur était une infirmière de gestion de la douleur avec une longue expérience dans les soins infirmiers pédiatriques. Quatre thèmes ont été identifiés à partir des entretiens: la compétence clinique, la distraction, la participation et la sécurité. Les résultats ont démontré que les enfants pensaient que la compétence clinique des infirmières était importante pour obtenir un soulagement de la douleur. De plus, les entrevues ont révélé que les enfants préféraient participer et contrôler leur technique de distraction. Une technique de distraction qui devient une stratégie d’adaptation donne à l’enfant un sentiment de contrôle dans la situation désagréable. Les enfants qui ont utilisé le jeu interactif ont signalé avoir déplacé à plusieurs reprises leur centre d’attention entre le jeu interactif et le pansement de plaies, ce qui leur a donné un sentiment de contrôle du pansement. Lorsque les enfants avaient un sentiment de contrôle de leur douleur, ils étaient prêts à participer aux prises de décision et ressentaient une plus grande sécurité. En résumé, la distraction interactive réduit le comportement de la douleur de l’enfant. Cependant, le niveau de douleur autoévalué par l’enfant ne change pas. Soumitri et al. (2013) a observé une augmentation de la coopération de l’enfant au cours de la distraction interactive et une diminution du temps nécessaire aux soins avec le jeu «Wii». Dans l’étude qualitative de Nilsson et al. (2011), les enfants pensent que la compétence clinique des infirmières est importante pour soulager leur douleur. Dans le document Interventions infirmières non pharmacologiques permettant de gérer la douleur et l'anxiété engendrées par les procédures de soins de plaie chez les enfants atteints de brûlure (Page 48-52)