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5. Présentation des résultats

5.4. La différenciation des apprentissages

Cette partie s’intéresse à mettre en relief les pratiques de différenciation évoquées par les six enseignants interviewés. Une première partie descriptive synthétise les propos rassemblés lors des entretiens (voir annexe n°4), puis une analyse plus fine est proposée.

5.4.1. Présentation des résultats

Le tableau 10 apporte une première représentation des types de différenciation privilégiés par les professionnels. Les cinq catégories retenues sont issues principalement des apports présentés par Gillig (2001), Hume (2009) et Perrenoud (2010).

Types de différenciation

privilégiés D 1 D 2 D 3 D 4

Total 5/6 3/6 3/6 0/6

Tableau 10 : Types de différenciation privilégiés par les six professionnels

Ainsi, cinq professionnels signalent effectuer de la différenciation successive (D1), en adaptant par exemple les outils ou les situations d’apprentissage, alors que trois enseignants avancent également la possibilité d’adapter les objectifs et les contenus (D2). De plus, le même nombre d’interviewés déclarent favoriser l’entraide entre pairs (D3), consistant par exemple à placer l’élève en intégration avec un élève plus fort ou plus rapide. Aucun enseignant, par contre, n’indique avoir recours à l’apprentissage par projet (D4).

5.4.2. Analyse des résultats

Les données récoltées lors des six entretiens mettent plus particulièrement en lumière une différenciation de type successive (Meirieu, 1985, cité par Gillig, 2001, p. 59). Pour rappel, si ce type d’adaptation pédagogique privilégie des contenus et des objectifs semblables pour tous les apprenants, l’attention est plus particulièrement portée sur l’adaptation des outils et des situations d’apprentissage. En effet, cinq professionnels mentionnent la possibilité de varier les voies d’accès menant à un objectif d’apprentissage commun pour toute la classe

(D1), en réponse à des difficultés observées chez certains élèves, dont notamment le stagiaire. Les paragraphes suivants vont s’attacher à analyser plus précisément les pratiques déclarées, en présentant notamment certaines similitudes et différences significatives qui ont pu être mises en évidence.

Isabelle, pour commencer, insiste sur l’importance de soutenir un élève en difficulté, que ce soit le stagiaire ou un autre apprenant, tout en se questionnant également sur les moyens dont elle dispose pour le faire. Tel que cela a été mentionné dans la partie précédente, l’enseignante signale notamment avoir eu recours au coach pédagogique rattaché à l’établissement, dans le but de mieux appréhender l’hétérogénéité des classes des niveaux VG. Alors que la professionnelle mentionne parfois demander la même chose à tous ses élèves, en variant les outils mis à la disposition de certains (D1), une adaptation des objectifs reste possible pour le stagiaire (D2). La professionnelle précise que ces ajustements sont parfois négociés et décidés en équipe, tout en signalant la possibilité de travailler par niveaux pour certaines disciplines.

En effet et comme le mettent également en exergue Noa et François, si une différenciation successive est généralement privilégiée par les professionnels interviewés, une adaptation partielle des objectifs d’apprentissage paraît quelquefois nécessaire. Cette gestion des apprentissages, qui passe par une différenciation simultanée (Meirieu, 1985, cité par Gillig, 2001, p. 59), se caractérise par une adéquation plus individuelle des objectifs d’apprentissage, compte tenu du rythme de progression évalué. Pour étayer leurs propos, ces deux enseignants signalent le décalage qu’il peut exister entre ce qui a été vu par le stagiaire dans la classe spécialisée et ce que les autres apprenants ont travaillé. Aussi bien Noa que François précisent cela en pointant la question de l’évaluation : pour eux, il s’agit de faire la différence entre ce qui peut être évalué ou non durant la période du stage.

Dans la mesure du possible, aussi bien Noa, Murielle, François, que Patrick, insistent sur l’importance d’uniformiser les attentes envers le stagiaire et les autres membres de la classe. Les sujets interviewés avancent deux arguments pour expliquer ce choix : alors que Noa et Murielle pointent le risque de stigmatiser l’élève en abaissant trop les exigences, François et Patrick rappellent que l’objectif du stage est d’évaluer la capacité de l’apprenant à s’adapter au rythme et à atteindre les objectifs généraux fixés. En se référant plus précisément à son expérience, François porte l’attention sur le fait que la mise en place d’une différenciation trop poussée peut signifier que l’élève n’est pas prêt à réintégrer le système ordinaire.

Isabelle, pour terminer, corrobore en partie ces propos en précisant que les exigences du certificat rendent plus difficile une différenciation pointue des objectifs d’apprentissage. Ainsi, les propos recueillis permettent de mettre en évidence une nuance intéressante : alors que la littérature présente la différenciation comme un outil central pour lutter contre l’échec scolaire (Perrenoud, 2010), les pratiques des enseignants interviewés tendent en partie à privilégier un enseignement et des situations d’apprentissage relativement similaires pour tous les élèves, du moins en ce qui concerne les objectifs visés. Bien que cela puisse paraître surprenant, au premier abord, la prise en compte du contexte de la recherche précise en partie cette constatation.

Alors que dans les classes primaires et spécialisées, où les élèves sont parfois mélangés indépendamment de leur niveau scolaire, la différenciation paraît nécessaire pour permettre à chacun d’avancer à son rythme, il semblerait que dans les classes secondaires ordinaires la marge de manœuvre y est moindre. En effet, outre la multiplication des intervenants dans chaque classe, les exigences du certificat en fin de scolarité, mais également l’uniformisation des programmes et de la planification par voie d’enseignement, expliquent en partie ce décalage.

La recherche s’intéresse également à mettre en lumière deux autres types de différenciation, à savoir l’entraide entre pairs (D3) et la mise en projet (D4). Alors que trois professionnels indiquent favoriser parfois le travail par duos ou par groupes, la seconde modalité de travail n’est mentionnée par aucun sujet interviewé.

Plus précisément, Isabelle, Murielle et François évoquent la formation de groupes d’élèves, ou de duos, pour favoriser la progression scolaire du stagiaire.

Si la première enseignante se réfère en partie au tutorat spontané ou ouvert (Gillig, 2001, p. 86), en favorisant la mise en place de groupes homogènes, Murielle et François, de leur côté, se rapprochent davantage du tutorat fermé ou structuré (p. 86), en privilégiant notamment des groupes ou des duos hétérogènes. Si, dans le premier cas, l’adaptation des contenus et des exigences adaptés à tous semble plus aisée pour les professionnels, placer un élève plus fort avec un camarade rencontrant plus de difficultés, tel que le signale notamment Murielle, vise plus particulièrement « à combler des lacunes » (p. 86) et à soutenir la progression du second.