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Chapitre II Impact du changement climatique sur le Val d’Orléans

3. La désagrégation d’échelle et les types de temps

Nous avons rapporté plus haut (cf paragraphe § 1) les conclusions des modèles climatiques globaux (GCM) sur l’évolution du climat mondial. Ces études ne peuvent cependant pas nous renseigner sur le devenir climatique d’une zone d’étude aussi restreinte que le Val d’Orléans ou le bassin de la Loire. Les régimes de temps qui contrôlent le climat de la zone Atlantique Nord – Europe, définis paragraphe § 2, sont également assez peu précis lorsqu’on s’intéresse à une zone aussi ciblée. Il convient de savoir qu’à une échelle spatiale très fine, le climat peut beaucoup varier, en fonction des caractéristiques physiographiques de la zone d’étude (Boé, 2007). De

plus, les échelles de temps et d’espace caractéristiques des processus de fine

échelle diffèrent fortement de celles auxquelles s’appliquent les GCM, dont la résolution est insuffisante et entraîne parfois des biais importants (Quintana Segui et al., 2010). Supprimer l’écart entre la résolution des GCM et les processus d’échelle locale ou régionale représente un problème considérable pour l’estimation de

50 l’impact du changement climatique, incluant l’application des scénarios de changement climatique aux modèles hydrologiques (Fowler, 2007). Des efforts considérables dans la communauté scientifique du climat ont permis le développement de techniques pour franchir cet obstacle : la désagrégation de ces GCM, qui consiste à utiliser l’information climatique contenue dans les scénarios globaux à basse résolution pour dériver des scénarios régionaux à plus haute résolution. Les modèles régionaux obtiennent le plus souvent des résultats meilleurs, par exemple pour la simulation des précipitations, comportement qui est en partie

expliqué par une meilleure prise en compte de l’orographie réelle et des circulations

associées (Habets et al., 2005). Deux approches fondamentales existent pour la

désagrégation des sorties de GCM : la désagrégation dynamique et la désagrégation statistique (Mearns et al., 1999).

La désagrégation dynamique repose sur la simulation d’une région d’intérêt à haute résolution, et plus souvent d’un modèle climatique régional (RCM). Les conditions aux limites de ce RCM ont besoin d’être spécifiées à partir des sorties d’un GCM, cette méthode étant équivalente à une désagrégation de l’information donnée par le modèle global. Le forçage de ce RCM est alors spécifié à travers ces conditions aux limites, mais aussi à travers les concentrations en gaz à effet de serre et aérosols prescrites, cohérentes avec celles du GCM (Planton et al., 2008). Cependant, la compétence du RCM dépend fortement des biais hérités du GCM utilisé et de la présence et de l’intensité des forçages à l’échelle régionale, comme l’orographie ou la couverture végétale. La contribution des différentes sources d’incertitudes varie en fonction du domaine spatial, de la région et de la saison, mais la plus grande incertitude est introduite par le forçage aux limites, c’est-à-dire le choix du GCM. De plus, les désagrégations dynamiques sont informatiquement très onéreuses, en temps et en espace (Tisseuil et al., 2010 ; Fowler, 2007).

La seconde méthode de désagrégation est appelée désagrégation statistique, et part de l’hypothèse que le climat régional est dépendant de deux facteurs : l’état climatique de grande échelle et les propriétés physiographiques locales telles que la topographie, l’usage des sols, etc… (Boé, 2007). Cette désagrégation dépend donc des relations statistiques entre des variables prédictives de grande échelle (à partir des GCM) et des variables prédites à l’échelle régionale ou locale. Le principe consiste à établir un lien entre la grande échelle simulée et l’échelle plus fine, en

51 utilisant un ou plusieurs modèles statistiques calibrés sur des séries de données observées (Planton et al., 2008). Les relations entre ces deux types de variables peuvent être utilisées pour estimer les changements de débits des rivières, ou autre mesure hydrologique locale, comme les précipitations (Tisseuil et al., 2010).

Parmi les techniques de désagrégation statistique, il en existe une basée sur l’utilisation du concept de type de temps, développée par le CERFACS (Boé et al., 2006 ; Boé et Terray, 2008 ; Pagé et al., 2008 ; Pagé et al., 2010). L’hypothèse principale est la suivante : chaque régime de temps (représenté par une variable de circulation atmosphérique de grande échelle appelé prédicteur, ici la pression moyenne à la surface de la mer PSL) est associé à une distribution spécifique des variables climatiques locales ( = le prédictant : ici les précipitations locales sur la France). Cette association est représentée par une fonction de transfert qui est construite statistiquement à partir des observations et ré-analyses disponibles.

La méthodologie s’appuie sur des séries d’observations homogénéisées et de réanalyse : les données de PSL proviennent d’une réanalyse NCEP (Kistler et al., 2001) et pour les précipitations, la base de données d’observation a été générée par Météo-France et elle est nommée SAFRAN (Quintana-Seguí et al., 2008). Celle-ci couvre la France sur une période allant de 1970 à 2005 à une résolution spatiale de 8 km sur une grille régulière en projection Lambert-II étendue. Elle comporte 7 paramètres : les précipitations solide et liquide, la température à 2 m, le module du vent à 10 m, la radiation infra-rouge et visible incidente en surface, l’humidité spécifique à 2 m. A partir de ces données, il est possible de dériver des types de temps en utilisant un algorithme de classification (Michelangeli et al., 1995). Sans détailler la méthode, on obtient une série de 38 types de temps spécifiques pour la France. Neuf types sont définis pour la saison hiver (notés DJF0 à DJF8), 10 pour la saison printemps (MAM0 à MAM9), 10 pour l’été (JJA0 à JJA9) et 9 pour l’automne (SON0 à SON8). Sur les figures 15 et 16, on voit deux exemples de types de temps avec pour chacun une carte d’anomalies de pression moyenne au niveau de la mer et une carte d’anomalies de précipitations sur la France correspondante. Les anomalies de précipitations sont calculées en fonction de la moyenne saisonnière globale de précipitations. Ces anomalies sont très informatives : elles nous montrent que pour chaque type de temps (anomalie de PSL) à l’intérieur d’une saison

52 particulière, il y a une réponse différente en termes de distribution de précipitations sur la France.

Figure 15 : Type de temps n°3 de la période Mars-Avril-Mai, noté MAM3 : Anomalies de PSL (hPa) et précipitations associées (%) (d’après Pagé et al., 2010).

Figure 16 : Type de temps n°4 de la période Septembre-Octobre-Novembre, noté SON4 : Anomalies de PSL (hPa) et précipitations associées (%) (d’après Pagé et al., 2010).

53 Les résultats de la méthode des types de temps seront utilisés dans le paragraphe § 5 qui correspond à un texte d’article reliant le changement climatique et le fonctionnement des sources du Loiret (Val d’Orléans). Auparavant, nous nous intéresserons à d’autres études menées sur le changement climatique en France, reposant la plupart du temps sur des RCM.

4. Evolution du climat pour la France et prévisions :