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Chapitre I Le Val d’Orléans

3. Inversions de courant dans le Val d’Orléans

3. Inversions de courant dans le Val d’Orléans

Les conditions hydrologiques du Val d’Orléans évoluent en fonction des précipitations tombant sur son bassin versant. Cette fonction de précipitation a par conséquent un rôle majeur dans le comportement des hydrosystèmes de la zone d’étude, c’est-à-dire les différents cours d’eaux, les eaux souterraines, les pertes de cours d’eaux et les émergences d’eaux souterraines. Dans le Val d’Orléans, certaines émergences peuvent, sous certaines conditions hydrologiques, se transformer en pertes de cours d’eau, alternant un fonctionnement absorbant et un fonctionnement émissif de la cavité.

a) Observation des inversions de courant dans le Val

A partir de 1997, l’inversion de fonctionnement de la Source du Bouillon a été observée (Albéric, 2001). Ces inversions peuvent durer de quelques heures à plusieurs jours, et sont provoquées par l’arrivée des eaux du Dhuy (en temps normal un affluent du Loiret) dans la partie amont du Loiret (Fig. 9).

35 Figure 9 : Inversion du courant du Loiret suite à la contribution des eaux du Dhuy

Les eaux très turbides du Dhuy vont alors s’infiltrer dans les Sources de l’Abîme et du Bouillon (Fig. 10), celles-ci ne fonctionnant plus en émergence et devenant alors des pertes. L’inversion de courant en elle-même est appelée également « backflooding ». On peut également parler d’inversac pour décrire la cavité karstique alternativement émissive ou absorbante, en s’appuyant sur les travaux de Gèse en 1987 qui décrivent une source languedocienne ayant un comportement temporairement absorbant. Le fonctionnement inverse des Sources représente une menace pour la qualité des eaux souterraines : les eaux du Dhuy étant assez turbides et chargées en polluants (voir Chapitre IV), la contamination de l’aquifère à cet endroit est à craindre. De plus, la proximité de 3 captages AEP (Fig. 9) alimentant une partie de la ville d’Orléans et son agglomération ajoutent une dimension sanitaire et économique à ce problème environnemental.

36 Figure 10 : Intrusion des eaux turbides du Dhuy dans la Source du Bouillon, qui devient alors perte

L’apparition d’un fonctionnement en inversac des Sources du Bouillon et de l’Abîme n’est pas formellement datée; cependant, des analyses de carottes de sédiments prélevées à l’entrée du conduit principal de la Source du Bouillon révèlent la

présence de lits de feuilles d’arbres intercalés dans le sédiment. A l’aide du 14

C, deux lits de feuilles ont été datés à 1540 et 1610 ans BP, posant l’hypothèse que la Source du Bouillon fonctionnait déjà en perte à cette époque (Albéric, 2008). De plus, des descriptions faites sur l’ancienne Source du Gouffre (cf paragraphe § 2) et son fonctionnement émissif ou absorbant (Dufrénoy, 1847 ; Marboutin, 1902a ; Blanchard, 1903) viennent démontrer que les Sources du Loiret fonctionneraient en inversac depuis bien avant 1997.

b) Modèle d’inversion avec les hauteurs d’eau

L’inversion de courant provoquant le fonctionnement en perte des Sources de l’Abîme et du Bouillon est fonction de la hauteur des cours d’eau : le Dhuy, le Loiret et par conséquent la Loire.

37 Les inversions ne peuvent se produire que lorsque la Loire est à l’étiage, et que par conséquent les Sources de l’Abîme et du Bouillon n’émettent que très peu d’eau provenant du karst. Le niveau du Loiret est alors à son minimum. Au niveau de la confluence entre le Loiret et le Dhuy, si la hauteur de celui-ci est très élevée, les eaux du Dhuy vont alors remonter le long du Loiret et s’infiltrer dans les Sources du Bouillon et de l’Abîme.

Une telle différence dans l’évolution des hauteurs entre le Dhuy et le Loiret ou la Loire s’explique par les aléas climatiques au-dessus du Val d’Orléans et du bassin versant de la Loire. Les précipitations tombant sur le Val proviennent le plus souvent

des dépressions qui se forment au-dessus de l’Atlantique Nord, et qui traversent la

France d’ouest en est. Lorsque ces précipitations arrivent sur le Val, du fait de la petite taille de son bassin versant, le Dhuy est immédiatement impacté par les pluies, et son niveau va en quelques heures augmenter fortement. L’impact sur la Loire va être différent, du fait de sa taille et de la taille de son bassin versant. Les précipitations vont mettre plusieurs jours pour transiter dans son bassin versant, et son niveau augmentera donc avec un retard par rapport au Dhuy, permettant pendant ce temps de laisser le niveau du Loiret assez bas.

Afin de déterminer le point de transition entre le fonctionnement émissif ou absorbant de la Source du Bouillon, Albéric (2004) a mis en relation les hauteurs de la Loire et du Dhuy pendant 4 ans. La figure 11 représente les hauteurs moyennes journalières de la Loire et du Dhuy de 1997, début des observations d’inversions de courant, à 2001, les inversions devenant beaucoup moins nombreuses après cette année. La limite entre les deux fonctionnements est représentée par une équation de la forme :

HDhuy = 63 + exp(2+ 0.05HLoire)

avec HDhuy la hauteur moyenne journalière du Dhuy et HLoire la hauteur moyenne

38 Figure 11 : Hauteurs moyennes journalières de la Loire et du Dhuy de 1997 à 2001 et indication du comportement émissif (bleu) ou absorbant (orangé) de la Source du Bouillon

A partir de cette équation, Albéric a pu déterminer des indices d’inversion de

courant :

I = HDhuy – 63 – exp(2 + 0.05H

Loire)

Lorsque l’indice est positif, une inversion de courant est possible. De 1997 à 2001, 18 épisodes d’inversions de courant (durant une journée ou plus, chaque jour étant représenté par un point sur la figure 11) ont été observés, et pour chacun d’eux, les hauteurs du Dhuy et de la Loire étaient telles que I > 0.