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Les facteurs génétiques et démographiques peuvent interagir et ainsi s'auto-entretenir. Ce constat a été mis en évidence dans le cas des populations en déclin par Gilpin et Soulé (1986), qui dénissent le concept de vortex d'extinction pour la première fois. Ce concept implique qu'une population dont l'eectif est passé sous un certain seuil ne peut que se diriger vers l'extinction. En eet, la petite taille de la population induit une augmentation de la consanguinité et une diminution de la diversité génétique, ces deux facteurs diminuant les capacités de survie, de repro-duction et d'adaptabilité des individus. Ainsi la taille de la population diminue, ce qui la rend plus sensible à la stochasticité démographique et environnementale, le cycle continue alors jusqu'à l'extinction complète de la population (gure 3.3).

Cependant Lande (1988) remet en question l'importance des facteurs génétiques dans l'extinction d'une population. Il avance l'idée que l'inuence de la diversité génétique ou même l'augmentation de la consanguinité et les conséquences qu'on lui connaît, ne peuvent agir sur les échelles de temps aussi courtes que celles de l'extinc-tion des populal'extinc-tions menacées. Il émet donc l'hypothèse que seuls les paramètres démographiques sont d'intérêt pour la survie de ces populations, puisqu'ils agissent à des échelles de temps compatibles avec le phénomène d'extinction. Cette

Fig. 4: Représentation schématique du vortex d'extinction déni par Gilpin et Soulé (1986). Une petite population dans ce cas ne peut que diminuer par le biais de facteurs génétiques associés à une plus grande sensibilité à la stochasticité démographique et environnementale.

tion est remise en question par de nombreuses études notamment celle de Spielman et al. (2004), qui montre une nette réduction de l'hétérozygotie chez les taxons men-acées en comparaison à celle des taxons similaires non menmen-acées (35% plus faible en moyenne). Ils en déduisent que cette diérence notable d'hétérozygotie reète de manière certaine que les facteurs génétiques ont le temps de s'exprimer lors du processus d'extinction. De plus la dépression de consanguinité semble nettement aug-menter les probabilités d'extinction des populations (Byers et Waller 1999, Brook et al. 2002, Reed et al. 2003). Il est donc nécessaire d'intégrer les facteurs géné-tiques et démographiques dans une approche commune, en considérant toutes les interactions possibles entre les diérents niveaux d'action dans un cadre théorique bien déni (With 1997). Ce cadre n'a été apporté que récemment par Coulson et al. (2006), qui identie clairement le besoin de "cartographier" les liens qu'il existe en-tre les diérents compartiments de la dynamique des populations et d'identier à quel niveau d'organisation ils opèrent (gure 3.3).

La biologie de la conservation est donc une science pluridisciplinaire intégrant de nombreux domaines comme l'écologie, la physiologie, la génétique des populations,

INTRODUCTION

Fig. 5: Représentation schématique de diérents compartiments de la démographie et comment ils peuvent interagir avec les facteurs génétiques. Eg et Et représentent respectivement l'eet de l'en-vironnement sur l'expression des gènes et l'expression de ces traits en paramètres démographiques. Cette gure est extraite de Coulson et al. (2006).

la génomique ou la démographie mais dont le contour est encore assez mal déni (Soulé 1985, With 1997). Ce domaine de la science ne doit plus être une "science de l'urgence", ne s'intéressant aux causes d'extinction uniquement lorsque les popula-tions sont déjà en déclin. En eet, les causes réelles d'extinction peuvent être très diérentes de celles observées et il est alors dicile de savoir lequel des facteurs a engendré l'autre. Cela a pu conduire Lande (1988) à mettre en avant les facteurs démographiques ou Spielman et al. (2004) à insister sur l'eet des facteurs géné-tiques. Les mécanismes mis en jeu peuvent également diérer selon qu'ils opèrent dans des populations de grande ou petite taille comme cela a été montré pour l'eet de la dépression de consanguinité par exemple (Brook et al. 2002, Reed et al. 2003). Il est donc important d'étudier des populations stables démographiquement pour comprendre leur dynamique et ne pas se focaliser uniquement sur les populations menacées. Par exemple les stochasticités démographiques ou environnementales ne peuvent être correctement estimées que sur un grand nombre d'individus ou de générations, ce qui rend leur estimation dicile dans le cas des petites populations en voie d'extinction (Lande et al. 2002; 2006, un exemple pour l'estimation de la densité dépendance). La calibration des modèles complexes de biologie de la con-servation doit donc se faire sur des populations non menacées à court terme an de comprendre les relations qui existent entre les diérents compartiments de sa dy-namique (génétique vs. démographique). De plus, les espèces pérennes et les arbres en particulier présentent des caractéristiques particulières renforçant l'importance de la variabilité spatio-temporelle lors de cette calibration.

INTRODUCTION

4 Les arbres : un modèle biologique particulier

4.1 Extinction et recolonisation : Le paradoxe de la diversité

génétique

Les forêts constituent un écosystème clef dont la biomasse représente 90% de la biomasse totale et qui couvrent près de 27% de la surface des terres émergées (Petit et Hampe 2006). Les arbres ont pourtant connu de fortes contractions de leurs aires de répartition lors de la dernière période glaciaire (Papageorgiou et al. 2008, Tollefsrud et al. 2008, Liepelt et al. 2009). Leur aire actuelle de répartition, la taille supposée des refuges ainsi que les données paléo-palynologiques, indiquent des vitesses de colonisation de l'ordre de 100 à 1000m par an, ce qui dépasse largement les capacités supposées de dispersion des graines (McLachlan et al. 2005, Sagnard et al. 2007). Ainsi seuls des événements rares de dispersion de graines à longue distance peuvent expliquer une telle vitesse d'expansion des populations (Petit et al. 1997, Clark et al. 2001; 2003). Cependant une colonisation de ce type implique deux phénomènes :

 Une production de graines susamment importante (ou un grand nombre d'épisodes de reproduction) pour que les événements rares de dispersion à longue distance se produisent.

 Des eets de fondation forts qui devraient engendrer une baisse de la diversité génétique.

Or nous observons une diversité génétique extrêmement élevée dans la majorité des populations d'arbres (Petit et Hampe 2006). De plus la production de graines est très variable entre les années et les individus (Herrera et al. 1998, Kelly et Sork 2002, voir gure 6). Pourtant la dispersion à longue distance semble être le seul scénario crédible sauf dans certains cas où l'on a pu démontrer la présence de refuges cryptiques (McLachlan et al. 2005).

Ainsi deux questions se posent :

 Dans quelle mesure varie la production de graines ?  Comment est conservée la diversité génétique ?

Fig. 6: Tableau récapitulant les principaux avantages et inconvénients des caractéristiques des arbres. Tiré de Petit et Hampe (2006).

INTRODUCTION

Les réponses à ces questions vont nous permettre de comprendre l'histoire passée des populations d'arbres mais vont également pouvoir nous informer sur les capacités de migration des populations actuelles face au changement climatique (IPCC 2007, Morin et al. 2008).

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