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Chapitre 4 : Les pratiques professionnelles des enquêteurs dans le cadre d’enquêtes

1. Les pratiques professionnelles 75 

1.2 La démarche d’enquête

L’objectif général de cette recherche est d’étudier la démarche d’enquête concernant des dossiers de plaintes d’agression sexuelle non fondées et impliquant des plaignantes adultes. Nous souhaitions au préalable, présenter de manière explicite la démarche d’enquête et les pratiques mises en œuvre lorsque de fausses allégations d’agression sexuelle sont suspectées. Or, nous avons constaté que la démarche d’enquête demeure sensiblement la même qu’il s’agisse de dossiers jugés véridiques ou sans fondement. Les enquêteurs des différents corps policiers, nous ont expliqué de façon plus générale, les diverses procédures et étapes d’une enquête criminelle. Certaines démarches peuvent évidemment différer selon la nature du crime rapporté, les faits allégués, les preuves disponibles et la présence ou non de victimes ou de témoins. Il existe une cohérence entre les pratiques d’enquête et les spécificités du crime dénoncé aux instances policières. En fait, les enquêteurs identifient à l’unanimité une seule étape cruciale à toute enquête criminelle ; la corroboration des faits allégués par le ou la plaignant(e) et/ou par les témoins de l’événement. La corroboration des faits se fait via la recherche de preuves et l’analyse des éléments factuels.

1.2.1 La preuve et les éléments factuels

La résolution d’une enquête impliquant une fausse dénonciation se fonde principalement sur la recherche de preuves tangibles et sur l’identification d’éléments factuels qui contredisent les allégations de la plaignante. On souligne notamment, les versions de témoins qui démentent les dires de la victime ou l’analyse de la scène de crime qui ne corrobore pas les propos de la plaignante. La preuve et l’analyse des faits demeurent à ce jour, le meilleur indicateur :

Quand on arrive dans le factuel c’est souvent là que ça transparaît. Faut que tout d’abord, on soit capable de se faire expliquer une scène qui soit possible physiquement. Souvent, les victimes de fausses allégations, c’est difficile de construire un mensonge. Le meilleur flag, de toute façon la meilleure chose pour les confronter après, c’est les faits. Tu as ben beau dire, moi je pense et j’ai perçu que, mais quand on est capable de dire ben ça c’est impossible parce que je l’ai vérifié ou parce que physiquement c’est impossible d’avoir cette position-là et bien on est beaucoup plus armé. Le meilleur flag, c’est les faits factuels (policière, Sûreté municipale, 4 ½ ans d’expérience d’enquête).

Cependant, la majorité des dossiers sont caractérisés par l’absence de preuves tangibles pouvant permettre de statuer avec certitude qu’il s’agit de fausses allégations. Cet état de fait, fait subsister un doute quant à la véracité des allégations et accroît le risque d’envisager que les allégations soient non fondées alors que l’agression à réellement eu lieu. En l’absence de preuve ou d’éléments corroboratifs, les risques de commettre une erreur quant au statut d’une dénonciation d’agression sexuelle sont bien réels et cela peut s’avérer hautement préjudiciable pour une victime :

Le plus gros défi, c’est de vraiment tomber sur une fausse allégation. Si ce n’est pas une fausse allégation au bout de la ligne et que tu t’en vas accuser la personne, ben ça marche plus là, ce n’est pas notre travail. Moi je suis là pour recueillir la preuve, mais le défi c’est de passer à côté. Le plus gros défi quant à moi, c’est de ne pas perdre une vraie victime (policier, Sûreté municipale C, 4 ans d’expérience d’enquête).

Malgré tout, l’incapacité à corroborer les dires de la plaignante et/ou la présence d’éléments factuels qui contredisent sa version demeurent à ce jour, l’indicateur le plus fiable d’une

fausse allégation. Les répondants ont à l’unanimité souligné que la corroboration des faits est « la » pratique essentielle à la résolution de toutes enquêtes criminelles. Cette démarche peut permettre de se positionner à l’égard de la véracité des dires des victimes et des suspects en plus, d’orienter l’enquête en soulignant diverses pistes d’investigation possibles.

Nous avons vu que les enquêteurs estiment fondamental de pouvoir corroborer des déclarations par des preuves et des faits tangibles. Différentes pratiques sont utilisées. On fait allusion notamment, à l’analyse de la déclaration de la plaignant(e), au recueillement de preuves matérielles ou physiques, à l’analyse de la scène de crime et aux entretiens avec le suspect, les témoins ou les proches de la victime. Ces pratiques courantes en matière d’enquête ne sont pas spécifiques aux plaintes dans lesquelles on suspecte de fausses allégations, et ce, puisque l’authentification des faits dénoncés demeure la prémisse de base de toutes enquêtes criminelles. Cependant, c’est par l’entremise de ces démarches que les enquêteurs seront à même de statuer du non fondement d’une plainte, en l’absence d’éléments corroboratifs ou en raison de la présence de faits qui démentent les dires de la plaignante. Cet extrait, qui reflète les propos de l’ensemble des répondants, fait état de l’uniformité et de la multiplicité des démarches de corroboration au sein des divers corps policiers :

Il faut gratter plus large, pour trouver des points de corroboration, pas nécessairement sur les faits allégués dans les 10 minutes que ça se passe, mais entourant tout ça, pour arriver à établir une crédibilité des témoignages, de la victime ou de l'accusé. C'est d'additionner tous les facteurs: les rencontres avec le voisinage, l'enquête de faits, la version de l'individu aussi, parce qu'on vérifie certaines choses avec lui qui sont corroborées (ce qui s'est passé dans la pièce, qui il a vu en sortant de là), tout ça est corroboré (policier, Sûreté municipale B, 20 ans d’expérience d’enquête).

Outre la corroboration des faits allégués, les enquêteurs disposent d’une variété de méthodes d’enquête et bénéficient d’une multitude de ressources pouvant contribuer au dénouement d’une enquête. Certaines d’entre elles peuvent être utilisées lorsque l’on remet en doute la véracité des dires d’une plaignantes ou s’appliquer à toute enquête qui exige des expertises

plus poussées. Les particularités de la démarche d’enquête dans les cas de soupçons de fausses allégations d’agression sexuelle se situent donc principalement dans l’utilisation de certains méthodes d’enquête et dans la mise à profit de stratégies et de ressources diverses. Nous aborderons en détails ce thème au cours de cette section.